jeudi 1 septembre 2016

Saint-Gervais 30 200, origine du nom.

Saint-Gervais (F-30 200) : 

origine du nom.

Antoine Schülé, historien

Le nom de «Gervais » nous a été transmis par la langue latine sous une forme reconnue et souvent attestée de «Gervasius». Par contre pour identifier l’origine de ce mot latin, les spécialistes sont d’avis partagés.
Pour les uns, «Gervasius » possède une origine germanique ou celtique, pour d’autres elle serait latine et grecque. Il convient de connaître les origines proposées et de les confronter à la connaissance actuelle de l’évolution des langues sans oublier toutefois ce que la mémoire d’une autre époque a cru identifier en ce nom.

Gervais (ou sa variante rare Gervaise) connaît une autre graphie dans le Limousin : Gervex. Il existe une variante « Gervois ». Avec la même étymologie, vous avez Gervasi, Gervasy ou Gervazy (Puy-de-Dôme). Comme dérivés, il existe encore Gervaiseau ou Gervot comme noms de famille.
Vingt communes de France possèdent aussi le nom de Saint-Gervais, soit seul, soit composé : Aveyron, Charente, Drôme, Gironde, Haute-Savoie, Hérault, Isère, Loir-et-Cher, Orne (2 fois), Puy-de-Dôme (2 fois), Saône-et-Loire (2 fois), Sarthe (2 fois), Val d’Oise, Vendée, Vienne.


Jacques de Voragine (natif de Varraze, en Italie du Nord) a écrit vers 1261-1266 un célèbre recueil de vies de saints que l’on appelle encore de nos jours «La Légende Dorée ». Ce mot de «légende » ne doit pas être pris au sens moderne de «récit fabuleux » mais dans son acceptation latine et médiévale signifiant «texte à lire ». Il s’agit de biographies très courtes destinées aux offices du jour. Elles offrent des exemples de vie de saints aux fidèles. Son ouvrage a connu un immense succès dans toute l’Europe. Il nous intéresse dans la mesure où une partie du savoir de son temps nous est ainsi accessible.
Selon Jacques de Voragine, «Gervasius » serait formé de mots latins ou grecs : soit «gerar » signifiant «sacré » et «vas » signifiant «vase », soit de «gena » pour «étranger » et «syor » pour «petit ». Et il ne cherche pas à privilégier une étymologie plutôt qu’une autre. Au vu de la vie de saint Gervais[1], son explication veut rassembler tous les sens possibles et il en parle ainsi : « Comme si l’on voulait dire qu’il fut sacré par le mérite de sa vie, vase parce qu’il contint toutes les vertus, étranger parce qu’il méprisa le monde et petit parce qu’il se méprisa lui-même. »[2]. « Mépriser » est à prendre au sens ancien du XIIIe siècle de «considérer comme indigne d’intérêt ». Pour un terroir de vignobles comme Saint-Gervais et dans le pays de "La Coupo Santo", que ce nom puisse signifier le « saint vase sacré », voilà une étymologie qui pourrait plaire !

A propos des partisans de l’origine grecque comme latine du nom, il faut souligner que leurs points de départ ne sont pas vraisemblables car les évolutions phonétiques normales de ces mots n’auraient jamais donné le nom de «Gervais », selon d’autres étymologies dûment attestées.
Le frère jumeau de saint Gervais s’appelait Protasius et il a aussi subi le martyr. Or ce nom de Protais est formé sur un terme grec incontestable signifiant « premier ». C’est la raison principale pour laquelle les spécialistes ont voulu donner, à n’importe quel prix, une étymologie grecque à Gervais.
Cependant, c’est oublier qu’aux premiers siècles de l’ère chrétienne, il y avait une certaine interpénétration des populations (par conquêtes comme par assimilation mutuelle) dans toute l’Europe, le Moyen-Orient et le Nord de l’Afrique et surtout en Italie. Des dénominations encore en usage dans notre vie quotidienne attestent cette diversité des origines. Il ne serait pas surprenant que les parents de Gervais et Protais (Vital et Valérie), habitants Milan, aient choisi deux noms provenant de deux cultures différentes qui leur étaient proches par l’histoire comme par la géographie.

L’origine germanique du nom « Gervasius » reste la donnée la plus sûre et la plus vraisemblable comme la mieux attestée. Les prénoms comme « Gérald », « Géraldine » et « Gérard » ou « Girard » nous donnent un début de réponse. Du haut germanique, provient le « ger- » qui possède trois sens : « lance », « vaillant », « combattant ». Associé au mot germanique «wald» signifiant le « chef » (waldan : gouverner), vous avez « Gérald ». Avec le mot « hard » signifiant « fort » ou « endurant », vous avez « Gérard » ou « Girard ». De plus, la forme « Gervas » est attestée comme ancien nom celtique (fréquent encore au IXe siècle). Cette forme ger- se retrouve dans d’autres langues transformée en ker-, gar- comme dans Garibaldi.
Ainsi « Gervasius » serait une latinisation d’un «ger-wisa » : « ger » pour «combattant » et «weise » pour «sage », «avisé », «expérimenté ».

                                                                               Antoine Schülé

P.S. : J’invite les plagiaires habitudinaires à mentionner cette source avec mon nom. Si en plus, ils ont la courtoisie de m’aviser de l’emploi de mon travail, je les remercie par avance. Que celles et ceux qui n’ont pas eu besoin de cet avis pour respecter la recherche d’autrui soient félicités !

La Tourette, le 15 août 2000







[1] Je ne la mentionne pas car elle est connue.
[2] Jacques de Voragine : La légende dorée. GF-Flammarion. 132 et 133. Paris. 1967. 2 vol. T. 1, p. 398.

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