jeudi 1 septembre 2016

Saint-Gervais 30 200 : nos lieux-dits.

Les lieux-dits de Saint-Gervais
par Antoine Schülé de Villalba,
Historien.

Plusieurs personnes désiraient posséder les recherches étymologiques sur les lieux-dits de notre commune. Ces quelques lignes vous permettront un petit voyage à travers les noms d’un terroir.
Sans utiliser le jargon scientifique propre au linguiste et sans pouvoir être exhaustif, je me contenterai de vous faire percevoir ce que ces noms de lieu signifient car il est regrettable que les personnes qui les entendent de nos jours en aient perdu le sens. Pour celui qui désirerait approfondir l’évolution phonétique de ces noms dans le temps, il peut me rencontrer : en procédant vite, chaque mot nécessitera dix minutes d’explications ! 
Cette étude intéressera d’autres communes dans la mesure où plusieurs de ces noms se retrouvent dans le Gard Rhodanien. Ce sujet intrigue toujours le curieux, au sens positif du terme : le curieux est celui qui aime la recherche car il veut comprendre. Un « sachant » n’est rien d’autre qu’un curieux qui a de la mémoire…

Introduction

Cette brève étude, ne suivra pas l’ordre alphabétique. Elle offre un regroupement par thèmes. Ainsi, différents centres d’intérêt seront abordés. J’ai retenu les noms qui sont liés à la nature du sol, du relief, à la végétation, à la sylviculture, aux vestiges de lieux historiquement établis et surtout à des moments du passé pour lesquels le seul témoignage qui nous reste est le nom de lieu. La toponymie est véritablement une mémoire orale, insuffisamment exploitée par les historiens : il faut bien l’avouer. Connaître un terroir passe par la connaissance de ses lieux-dits. La signification première d’un lieu est une source d’informations que nos anciens (c’est-à-dire trois générations avant nous) n’ignoraient pas car un nom pouvait leur laisser augurer la nature du sol, de son exposition, de son passé agricole.
Pour quelques noms, sur lesquels je ne m’attarderai pas (même s’ils m’obsèdent d’une certaine façon car il y la volonté de leur trouver sens), il me faut reconnaître qu’il n’est pas possible à chaque fois de leur trouver une origine certaine, à 100%. Le chercheur se doit de rester modeste : parfois, il doit se contenter de poser des questions, sans avoir les réponses ou être dans l’impossibilité de choisir entre différentes réponses plausibles et possibles. Ceci ne doit pas l’empêcher d’émettre des hypothèses, qui, peut-être, permettront de trouver cette vérité qui aime se faire attendre. D’ailleurs, je vous confie que cette attente est source de plaisir car l’esprit se plaît à chercher. Lorsque tout est dit, une curiosité légitime est satisfaite mais le plaisir n’est plus de la même espèce.

Un nom peut avoir divers sens. Il est parfois assez difficile de privilégier un sens plutôt qu’un autre. Dans le temps, il y a eu des glissements sémantiques : le sens donné à un mot a évolué en faveur d’acceptations éloignées des origines. D’autres fois, la connaissance de l’histoire communale peut aider à trancher entre deux variantes possibles. Vous constaterez aussi qu’il y a eu des confusions de sens ou des corrections chargées de bonnes intentions mais complètement erronées !

Quelques repères de datation pour les noms

Les préceltiques

Notre région possède des noms préceltiques, cela signifie qu’ils ont entre 4500 et 7000 ans d’existence !
Arles est un exemple : le AR du nom Arles signifie « hauteur de pierre », ce AR a évolué phonétiquement en EYR que nous retrouvons dans le nom Eyrieux.
Le BAR de Barjac signifie « hauteur ». Il vaut la peine de s’attarder sur ce Barjac, car cette hauteur montagneuse est devenue nom de famille gauloise BARGUIS qui a été latinisé en BARJACUS. Ainsi, on distingue dans ce nom trois couches temporelles : préceltique, gauloise et latine.

D’un temps aussi reculé sont les noms :
·       d’Avignon dont le AV signifie « eau », en désignant le liquide sans plus de nuance ;
·       du Rhône dont le ROD signifie aussi « eau » mais la masse liquide en mouvement ;
·       du Gard qui provient d’un VARDO qui désigne tout « passage à gué » et dans la période gallo-romaine, ce VARDO a donné deux noms Var et Gard.
·       d’Aubenas qui est issu d’un ALBENATE et dont le albe provient d’un ALPA (qui se retrouve dans le mot Alpe) et qui signifie « pâturage ». Les anciens, contrairement aux Anglais du 19e siècle, ne s’intéressaient pas aux montagnes, milieux hostiles à la présence humaine. Par contre, ils s’intéressaient aux pâturages se trouvant aux pieds des montagnes pour faire paître leurs troupeaux.

Le mot « Clap », signifiant tout à la fois « pierre » et « rocher » est un mot aussi prégaulois.
Et pour clore cette étape, il convient de s’arrêter sur le plus célèbre d’entre eux : GARRIC qui a donné « garrigue ». Ce mot désigne un lieu planté de chênes kermès. Son histoire est la suivante : la racine de ce nom est un KAR, qui est devenu ensuite GAR, et désigne le « rocher ». L’évolution du sens a fait que ce mot désigne finalement la végétation maigre et chétive qui a poussé dans le rocher. Dans le sens commun actuel, le « garric » désigne le petit chêne dit à feuille de houx, l’arbre principal ayant réussi à coloniser les rochers.

Les celtiques

Les noms gaulois ou celtes sont moins anciens mais leur âge est vénérable : ils peuvent dater du VIIIe siècle avant Jésus-Christ et, très certainement, du 5e siècle au 1er siècle avant Jésus-Christ !
De découvrir ces noms toujours vivants à notre époque dans nos toponymes exerce inévitablement une certaine fascination. Ils ont trait à l’élevage du bétail, à la culture des céréales ou encore aux travaux d’artisans. C’est véritablement la langue des ruraux et non des villes. Ces Gaulois sont originaires du centre de l’Europe. Ils ont essaimé de la Scandinavie jusqu’au Nord de l’Espagne. Ils se sont très vite intégrés aux agriculteurs, parmi les populations préexistantes. Ils ont cohabité et leurs mots sont restés dans la langue : c’est le symbole même de l’intégration. La Combe au sens de « vallée », est un nom gaulois. Nîmes provient d’un NEMETUM gaulois désignant un lieu sacré portant ce nom. Lutèce qui désignait la ville de Paris provient d’un LUTA gaulois qui signifie « boue » : les rives boueuses de la Seine sont à l’origine de ce nom.

Les romains

Les noms romains n’ont pu s’implanter pour les premiers d’entre eux que vers 50 avant Jésus-Christ. Très souvent des noms gaulois se sont romanisés et plus d’un chercheur a oublié de remonter le temps… et offre par conséquent une étymologie incomplète.

Les chrétiens

Les noms d’origine chrétienne s’implantent du IVe siècle jusqu’à la fin du Moyen Age. Plus d’un village ou d’une portion de territoire communal porte le nom d’un saint. Par cette voie, des noms d’origine italienne, grecque ou hébraïque sont arrivés jusqu’ici.

Les germains

Entre 400 et 500 après Jésus-Christ, les noms d’origine germanique ou d’un des dialectes germaniques apparaissent dans la région. Il faut se souvenir des Grandes Invasions. Il y a des mots qui ont été adoptés en Gaule. Un nom germanique ne signifie pas que le porteur du nom ou le nom qu’il désigne soient germains ! Aujourd’hui des prénoms et des noms sont américains car à la mode mais leurs porteurs ou ce qu’il désigne ne sont pas américains ! N’oublions pas que Clovis, le roi des Francs, ne parlait pas le francique mais l’allemand. Les Rois français ont véritablement parlé le français que vers le Xe siècle. Ces noms se retrouvent surtout dans les patronymes qui ont résisté au temps car leurs noms ont servi à désigner les domaines qu’ils avaient en leur possession.

Les Moyenâgeux

De nombreux noms de métiers ou de pratiques artisanales deviennent toponymes ou patronymes.

Par ces quelques exemples, vous constatez qu’il n’y a pas eu des cloisonnements dans le temps ou l’espace ; ces noms mettent en évidence une interpénétration culturelle très forte. L’Europe n’a pas attendu la fin du XXe siècle pour se faire ! Les mélanges lexicaux se sont produits jusqu’au VIIe siècle après Jésus-Christ pour recommencer au Moyen Age et se poursuivre de façon moins soutenue et plus occasionnelle par la suite (le français a d’abord influencé l’anglais avant que le phénomène inverse se produise !). En étymologie, ces mélanges rendent la tâche tout à la fois difficile et passionnante.

Après cette petite introduction, passons au vif du sujet en restant sur la commune de Saint-Gervais. Quelques étymologies qui sont proposées ici sont inédites. Je discute volontiers avec toute personne désireuse d’en connaître les raisons[1]. Il existe une bibliographie abondante sur le sujet et pas moins de trente ouvrages ont été consultés : pour ne pas surcharger cet article, je me dispense de vous les citer mais c’est très volontiers que je les mets à disposition du lecteur.
Les recherches en étymologie ne cessent pas de progresser de nos jours. Des ouvrages anciens peuvent être revus en fonction de nouvelles recherches.
Au moment de publier cet article, j’ai découvert un excellent ouvrage de référence. C’est sans doute le plus récent et le plus précis à ce jour : Dictionnaire des noms de famille et noms de lieux du Midi de la France de Jacques Astor, 1293 p., éditions du Beffroi, Millau, 2002. Certains noms de Saint-Gervais n’y figurent pas et je n’ai pas eu le temps de comparer tous ceux que je traite ici mais que le passionné s’attelle à la tâche, il sera abondamment pourvu en informations !
Un autre ouvrage, plus ancien, mérite d’être signalé, car il rend toujours de précieux services : Henri Bonnard, Synopsis de phonétique historique, 2e éd., 47 p., Ed. SEDES, Paris, 1979. Avec cet ouvrage, il est possible de dater avec le plus de précision possible les évolutions phonétiques d’un mot et d’établir des règles quant à ces évolutions.
Il m’arrive de traiter de noms en périphérie de la commune de St. Gervais, sur St. Michel ou Bagnols ou St. Alexandre.

La terre

·       Le relief

Caylard
En terre occitane, ce terme désigne le « rocher abrupt ». C’est un nom d’origine latine : CASTELLUM, désignant à l’origine une hauteur habitée, qui a donné « castel » et « castelar » en occitan. L’évolution phonétique est classique : CASTELAR, CASTLAR, CAYLAR. Le rocher de Haut-Castel est connu de tous et justifie ce qui précède.

Clapas
De façon générale, ce nom désigne un terrain pierreux et difficile à travailler. Clap est initialement un « rocher » et ensuite « éclat de roche ». Un clapas à Saint-Gervais est souvent un amas de pierraille débitée par le gel ou encore un amoncellement de pierres au bord d’un champ.

Combe
C’est généralement une vallée sèche aux versants en berceau.

Puech
La forme occitane de Puy désigne une « hauteur », une « butte ». Il est souvent complété par un autre nom. Puech Saint Marie dans la commune.

Serre
Nous en avons sur le nord du territoire communal. Ce mot provient de l’espagnol, bien connu SIERRA désignant une « hauteur allongée ».

Valat
Il s’agit d’un ravin de raccordement entre deux vallées sèches.

·       L’eau

Bedosse
Nom d’origine gauloise : BEDU signifiant « canal ». Il se rapporte soit à un « petit ruisseau » étroit, soit à un « canal d’irrigation ».

Foncirgues
C’est un mot composé de deux noms : FONT et CIRGUES. FONT désigne « la source » et CIRGUES est un prénom du Moyen Age : il provient d’un CYRICUS. Il a donné Cyr et chacun connaît les écoles de Saint Cyr. En Corrèze et en Ardèche, il est devenu CIERGUE pour se transformer en CIRGUES.

Gour
Ce mot occitan est d’origine latine : GURGES signifiant « gouffre » en latin. Le sens a évolué et il désigne un trou d’eau dans le lit d’une rivière, ayant la particularité de persister même lorsque celle-ci est à sec la plus grande partie de l’année.

L’Ilse
Il s’agit généralement d’un terrain entouré d’eau de façon naturelle. Le nom latin qui en est à l’origine : INSULA.

Rieu
Il provient du latin RIVUS, le « ruisseau », ayant évolué en un RIUS, RIWU, RIW (oui, le Rif), RIU et enfin RIO ! Très courant, il est devenu nom de famille.

·       Les terres et leur nature

L’Argelas
En provençal, l’argelasserio est donné pour une lande ou un lieu planté de joncs. Argile, Argelière, Arzille ou encore Argillier sont des noms de même origine.
Généralement, c’est une terre lourde et compacte, gardant longtemps l’humidité et difficile à labourer (surtout du temps où le tracteur n’existait pas). Cette terre occasionnait un travail ardu qui nécessitait l’emploi des bœufs et des chevaux.

Les Boudettes
Cas typique de deux origines possibles.
L’origine la plus récente : ce mot vient de l’ancien français et désigne les « troncs », les « rondins » qui étaient placés en des endroits humides pour permettre le passage des charrettes. La configuration des lieux, vers Puech Sainte Marie peut autoriser cette interprétation.
Mais il est possible de remonter aux noms de famille encore fréquents dans la région BOUDART, BOUDIN. Cela nous fait remonter au germanique BODA qui désigne le « messager » qui se transforme en un BOUDE avec le diminutif tardif – et, féminisé en – ette. Et cette hypothèse est probable car elle est accréditée par un autre nom BOUTARY que nous verrons par la suite.

Le Coudouloux
Il provient d’un mot latin COS, COTIS qui signifie « pierre ». Ce nom bien provençal est attribué à une terre caillouteuse, difficile autrefois à travailler car résistante à la pioche.

Ferrare
Immédiatement, le mot latin FERRARIA, « mine de fer », nous vient à l’esprit mais, à ma connaissance, il n’y a jamais exploitation du fer sur la commune. Plus tardivement, ce nom a pu désigner un lieu réputé pour ses forges. Mais je n’ai trouvé aucun élément pouvant attester cette origine.

Par contre, au vu des activités agricoles fortement attestées depuis les temps les plus anciens, nous pouvons privilégier comme origine à ce nom FERAX, FERACIS qui désigne une terre fertile, ne nécessitant pas de jachère. Je ne serais pas surpris qu’une graphie antérieure ait été FERRACE. Notre sol renferme de nombreux vestiges romains. Des villae importantes dorment sous la terre.

Ce nom surprendra quelques uns d’entre vous. Il est probable que ce soit le nom de la commune avant qu’elle soit dénommée Saint Gervais. Au fort de Salses, une carte mentionne ce toponyme en lieu et place de Saint Gervais alors que les autres communes y figurent avec exactitude. Je remercie toute personne qui pourrait me fournir des éléments utiles à cette recherche.

Pour un nom plus ancien de notre commune que celui propre à la période romaine, voir Loup.

L’homme et la nature

·       Les patronymes
Je mentionne uniquement ceux qui sont devenus des toponymes. La terre porte souvent le nom de son propriétaire ou de celui qui la travaille.

Les Abels
Nom d’origine biblique Abel désigne les fils d’Adam.

L’Aube
Exemple caractéristique de sens qui se perd au profit d’une autre signification, tout différente du sens originel. A la lecture de ce nom, chacun pense à un magnifique lever de soleil comme on en connaît ici mais cela n’est pas le cas.
En fait, au Moyen Age, on disait L’Aubé (forme que l’on retrouve dans le compoix communal au 17e siècle, encore) pour L’Aubert, nom de famille, d’ailleurs encore attesté de nos jours. Il s’agit d’un nom germanique Adalbert qui est devenu dans la période franque Aubert. ADAL signifie « noble », dans le sens de notable, et BHERT signifie « célèbre ».

Boutary
Nom de famille germanique. BOD signifie « messager » et HARD signifie « fort ». Le mot germanique BODHARD a donné le nom de famille BODARD, BOUDAR(D). Dans le Midi, on trouve aussi Boutaric ou Boutery.

Gervais
D’un double nom germanique : GER signifiant « combattant » et WISA signifiant « sage », « avisé ». Ce nom a été latinisé en GERVASIUS pour donner en français GERVAIS.
Il y a querelles d’experts à ce sujet. Certains le font provenir d’un mot grec GEROREN ayant le sens d’ « honorable » mais cette origine me paraît impossible selon l’évolution phonétique ‘’normale’’.

Guise
Nom d’origine germanique : d’un WISO, « sage » qui a donné GUIZO, GUIZE et finalement GUISE.

L’Hiver
Le temps déforme le nom, la graphie change et plus le temps passe, plus l’origine s’oublie : IVAR du mot germanique, attesté IV-, signifiant « If ». Le nom YVER en est issu. Cette grange sur Bagnols mais se trouvant en zone limitrophe de la commune de Saint-Gervais a appartenu à une famille LHIVER.

Les Malins
Au Moyen Age, une famille MALHINS y habitait. L’origine de ce nom est difficile à cerner.
Il pourrait provenir d’un META latin, dans le sens d’ « objet conique » (comme une borne, peut-être un menhir mais là c’est pure supposition). Dans un sens plus tardif, des textes attestent le sens de « meules de foin ».
Il n’y a rien d’absolu et vous pouvez choisir pour l’instant jusqu’à découverte d’une autre preuve indiscutable, la version qui vous convient.

Masson
Il faut remonter à un THOMAS, devenu ensuite THOMASSON et qui s’est transformé en MASSON. Ce nom provient de l’araméen TOMA et signifie jumeau.

Rigaude
Nom germanique RIC : « puissant » et WALD, « gouverner ».

Vidal
Forme occitane de VITAL, provenant du latin VITALIS, nom adopté par une dizaine de martyrs chrétiens, et signifiant « ce qui est essentiel à la vie ».

·       Caractérisation des terres

La Moute
Ou encore Motte désigne une « terre riche et fertile ». Dans le sens préroman, MUTT est employé pour signaler une « petit élévation ». Certains spécialistes font provenir le mot d’un MONASTERIUM, comme pour Moustier ou Moûtiers : cela est possible.
Il est probable que nous ayons un croisement de sens : cette terre a pu appartenir aux Chartreux et le moulin, dit Charavel, se trouvait juste en dessous et leur appartenait à l’origine. Les terres sont aussi fertiles à cet endroit. Il ne s’oublie pas que se trouvait, dans le creux du vallon, un lac artificiel pour alimenter en eau le moulin à blé, en saison sèche.

Le Soleilhan
Sous cette graphie, c’est bien le mot provençal le SOULEIANT, désignant une terre bien exposée au soleil, tout simplement.

Loup
La crête. Voir les animaux.

·       Plantations

Les Canabories
Lieu où l’on cultive le « chanvre » pour fabriquer les cordes et les toiles. Il s’agit d’une toile grise, très solide que l’on retrouve encore dans les armoires des anciennes familles.

Cèze
Mot provençal CESE, « le pois chiche ».

Bayne
Bago, selon Jacques Lacroix (Les noms d’origine gauloise, éd. errance, auteur à connaître), est le mot gaulois pour le hêtre arrivé jusqu’à nous par un bagina qui a donné : Beine, Bayne(s).
Il est possible que cette origine gauloise ait été oubliée sémantiquement à Saint-Gervais au profit d’un Bayne que vous trouverez plus bas dans ce texte.

Les Espais
Pour ma part, je remonte à un SPALTUS latin, signifiant « épeautre » : la nature du terrain en rend ce sens évident. En terre occitane, l’ESPES désigne plutôt des « fourrés ».

Maruel
Dilemme du chercheur : au départ, j’ai pensé à un MARROUN, provençal, pour « gros blé barbu » mais l’évolution phonétique usuelle subissait des entorses.
Pour finir, il s’agit d’un mot gaulois, deux mots : MARO, « grand » et IALO, « clairière ».

Nabories
Champ planté de « petits navets ».


Nast
Cela provient d’un mot gaulois NASIARE, signifiant « néser », mot qui nous est peu familier et qu’on remplace par « rouir » (faire macérer dans l’eau le chanvre pour isoler les fibres textiles en détruisant la matière gommeuse qui les unit). Il s’y trouve souvent une mare ou un étang (c’est bien le cas). Et ce n’est pas un hasard si les Canabories (voir ce mot) jouxtent la terre portant ce nom ! Tout s’explique pour celui qui « entend » les mots dans leurs sens originels.

Princemelle
Nom composé de deux mots : PRINCE, mot du latin dans le sens de « principal » et du mot fréquent en vieux français MELLE pour « jaune », la mention de cette couleur désignait généralement le « champ de millet ».
Mais le MELLE peut provenir d’un mot préceltique MAL, devenu MELLO signifiant « montagne ». Il est probable que ce soit le sens d’origine et qu’ensuite ce nom ait été entendu selon ce qui précède.

·       Viticulture et arboriculture

Le Plant
En vieux français, ce nom désigne un endroit planté de vignes. Peut-être le lieu où furent plantées les première vignes.

La Ramade
A l’origine, il s’agit du lieu où l’on ramassait des branchages avec des feuilles pour nourrir les animaux. Plus tard, le nom est resté pour les jardins où l’on soutenait les plantes grimpantes avec des « rames » (les pois par exemple).

·       La forêt

Mijoulan
MI signifie « milieu » et JOU est un mot gaulois pour le « bois », la « forêt ».
Ce terme désignait le milieu de la forêt.

Rouveiran
En Lozère, le rouverand ou encore rouvier désigne l’habitant de la rouvière qui est un endroit planté de chênes. Le mot latin ROBUR a donné en vieux français le mot rouvre qui signifie « chêne ».

·       Les animaux

Loup
Les habitants de Saint-Gervais, les saints-gervaisiens, ont eu pour sobriquet les « mange - loups ». Nous avons deux Fonts du Loup (Nord de la commune, juste au-delà de la frontière communale, et à l’est, frontière avec Bagnols et qui s’écoule sous le Pont de Castel) qui signifient « Sources du loup ». Mais arrêtons-nous un instant sur ce Loup qui n’est pas aussi simple qu’il pourrait le paraître au premier abord.
LUP est un nom d’origine préceltique qui signifie « crête ». Or, depuis Bagnols ou Sabran, Saint-Gervais est une magnifique crête ! Le village actuel, ‘’ récent’’, est en dessous alors que les attestations de vie les plus anciennes (Coste Rigaude) se trouvent sur les crêtes ! Il y a une probabilité assez forte pour que ce nom ait été celui du territoire actuel dénommé Saint-Gervais, antérieur encore à celui de Ferrare (période romaine) que j’ai développé précédemment.

La Soudarde
Ce nom est issu d’un mot provençal SOUDADO qui désigne le lieu où l’on réunissait les porcs. Il fallait un lieu qui ne puisse pas polluer les sources ou les puits et qui ne soit pas trop éloigné du village.
Le gardien du troupeau de porcs était nommé par les consuls (les deux personnes qui représentaient l’autorité communale avant la Révolution). Son travail faisait l’objet d’un contrat et le troupeau de porcs était conduit de rouvraie en rouvraie (pour leur faire manger les glands, cela leur donnait une chair ferme et goûteuse).


La vie sociale et économique

Gourbeson
Sans grande certitude, une supposition : à rapprocher d’un GOURBIN, « manne d’osier ou de roseau » pour fabriquer des paniers et des hottes.

La Jasse
Du provençal : JASSO. C’est la place où se couchaient les moutons ; de façon générale le lieu où les bergers les réunissaient avant de les conduire dans les pâturages, généralement à l’écart des fermes et des hameaux.

Lavadou
Nom provençal pour le lavoir mais vous me direz que le chemin du Lavadou conduit à la Cèze. Oui, avant que le lavoir soit construit sous l’impulsion du baron de Louis de Guasc de Saint-Gervais, au XVIIIe siècle, les dames portaient les grandes pièces de lessive (draps, gros tissus) sur les bords de Cèze pour les laver. Des feux étaient allumés, la cendre était utilisée, les draps séchaient sur l’herbe…

·       Les chemins

L’Androune
Nom provençal pour une « ruelle », impraticable pour les voitures ou les charrettes autrefois. Il faut remonter à un mot grec ANDROS, signifiant « homme illustre » qui a donné d’ailleurs le prénom ou le nom ANDRE. Pour ma part, ce mot désigne certainement un passage qui est de la largeur d’un homme et de ce fait accessible que par un piéton.

Le Devès
Il s’agit d’un chemin rudimentaire servant à conduire les troupeaux aux pâturages ou le terrain éloigné auquel on accède par ce chemin.
Au Moyen Age, le sens est encore plus précis : c’est un terrain réservé aux bêtes à cornes et interdit aux ovins transhumants. Plus tardivement, c’est resté un pâturage.
Il faut retenir que Saint-Gervais a été jusqu’au début du XXe siècle connu pour ses élevages de bœufs.

Draille
Chemin de transhumance pour les ovins.

·       Bâtiments et constructions

La Calade
Du provençal CALADA, « paver ». Il s’agit d’une rue pavée. Actuellement, c’est du béton. Seul le nom rappelle son ancienne configuration.

Casel
Ou encore : Chazelle. Une cabane de pierres sèches. Lieu où s’allumait le feu de la Saint Jean.

Les Célettes
Voici un bel exemple de transformation dans le temps. Le sens originel a été perdu.
Pour le comprendre, il faut remonter à SALETTE qui se trouve sur d’anciens plans communaux. Ce nom désignait une « salle de réception » d’une maison rurale. Cette grande pièce avec une cheminée, un évier de pierre et le support pour l’eau existe encore.
La présence des Chartreux de la Valbonne (pour l’exploitation des bois) au hameau des Célettes a fait croire à certains qu’il fallait penser à un CELLA qui a donné « Celles », pour désigner un « ermitage ». C’est ainsi que le nom a été inutilement corrigé.


Peyron
Ce nom provient de PEYRE, forme occitane de « pierre ». Il y a une autre possibilité mais je n’ai pas d’information à ce sujet : en cas de présence d’un ancien puits, cela pourrait alors provenir d’un PEY signifiant le « puits ».

Le Pontet
C’est déjà sur la commune de Saint-Alexandre mais la construction est si proche du hameau des Célettes que je l’incorpore à cette étude. Ce mot d’origine latine se rapporte à « une maison près d’un pont ». Mais là, il n’y a pas de pont ! Par contre depuis le point le plus élevé, il y a possibilité d’apercevoir le pont de Pont-Saint-Esprit. De plus, le chemin qui jouxte la terre permet de rejoindre l’ancienne route qui se dénommait d’ailleurs « route de Pont-Saint-Esprit ». 

Reisset
Du latin RESECARE, pour « séparer », « scier ». En général, cela désignait une scierie actionnée par une roue à aubes.

Rocauquier
Provient d’un ROCALQUIER, c’est en fait le ROC AUQUIER.
ROC pour « rocher » est une évidence.
AUQUIER a deux origines qui se recoupent par le caractère sacré :
La plus récente, et celle qui a été comprise dans le Midi, est un AUCO pour l’ « oie ».
La plus ancienne est d’origine germanique ALQUIER. Deux mots en fait : ALH et HARI : « temple » et « armée ». Ce nom se retrouve à Lyon sous la forme ALCHER.
Le prénom AUCOIN fréquent dans le Midi, provient d’un ALH et WIN : « temple » et « ami ». Pensez au fameux Alcuin qui a instruit Charlemagne et qui a créé les écoles et favorisé les Arts en France.
AUCO, « oie », ne contredit pas le sens germanique de « temple » car, pour les Gaulois, l’oie était un animal sacré qui ne pouvait d’ailleurs pas se consommer. Il avait la même valeur sacrée que le cygne dans d’autres civilisations. C’est un oiseau de lumière. Il était considéré comme le messager de l’Autre Monde.
Lorsque vous traverserez ce lieu, vous ne pourrez que vous sentir envahir par une certaine émotion…

Souteyran
« Placé en contrebas » en opposition à SOUBEYRAN, « placé en haut ».

De quelques autres noms

Bayne
Dès le XIe siècle, la Terre Sainte a suscité des noms pieux : ainsi, BAYNE qui provient d’un BAIGNE, issu d’un BETHANIE qui a passé par une forme attestée BITHAINE.
Dans la mesure où un membre de la famille Bonnet, propriétaire au Moyen Age, du domaine actuel de Bayne, a séjourné en Terre Sainte lors des croisades, cette origine garde toute sa valeur. Le Talmud donne une signification pour Béthanie : « la maison des dattiers ». Dans les Evangiles, il existe deux Béthanie : un site près du Jourdain où baptisait Jean-Baptiste et l’autre près de Jérusalem où vivait Lazare.
Jacques Lacroix propose une autre origine : gauloise pour hêtre.

La Coquillonne
Pour la « coquille », nom d’origine grecque, ce qui est rare dans la commune. Ce toponyme est souvent utilisé pour désigner une terre soit à l’abri du vent, soit favorable aux escargots.
Parfois, il indique que le propriétaire du terrain a effectué le pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle et qu’il en est revenu avec la coquille.

Rajol
Origine qui reste pour moi incertaine. En Normandie, le RAGOL désigne le « sanglier ».
RAGO est un ancien nom de famille germanique signifiant « conseil ».
En occitan, RAJAR a pour sens « sourdre », « jaillir ». Y a-t-il une source à cet endroit ? ou l’eau peut-être s’écoule-t-elle du dessus d’une nappe d’argile ? Dans cette éventualité, la dernière solution serait la bonne !

La Ricoune
Il est entendu selon le mot provençal RICHOUN : le « petit rire ». Mais, en fait, il faut remonter à un RIC et WULF, « puissant » et « loup » (et oui, encore le loup) : ce double nom se retrouve dans les noms de famille RICHON, RICON et RICOUNE (féminisation du nom).

Cet inventaire pourrait continuer car cette étude n’épuise pas la toponymie propre au territoire des mange-loups. Celles et ceux qui désirent une recherche sur un nom de lieu non traité dans ce texte peuvent me contacter, je leur donnerai une réponse si elle existe et aussitôt que j’en ai le temps et la possibilité.

                                                           Antoine Schülé de Villalba

P.S. : J’invite les plagiaires habitudinaires à mentionner cette source avec mon nom. Si, en plus, ils ont la courtoisie de m’aviser de l’emploi de mon travail, je les remercie par avance.
Que celles et ceux qui n’ont pas eu besoin de cet avis pour respecter la recherche d’autrui soient félicités et remerciés !

La Tourette, le 15 août 2000





[1] Mon adresse : Antoine Schülé, La Tourette, F-30 200 St. Gervais 
Les droits d’auteur sur ce texte sont réservés. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire