Quel Dieu ? Quelle Église ?
à l’écoute de Maurice Zundel.
Antoine Schülé
La Tourette, mars 2012
Plan
de cette présentation :
Intention
Brève
biographie de Maurice Zundel
Quel
Dieu ?
Quelle
Église ?
Conséquences
et « conclusion » !
Intention
De
pouvoir partager avec vous les réflexions de Maurice Zundel sur des
questions fondamentales de la Foi est pour moi une double joie :
faire connaître la pensée d’un théologien, premièrement, et de
celui qui a été et demeure mon compagnon spirituel, deuxièmement.
Lors
d’autres présentations, j’avais souligné l’importance
qu’accorde Zundel au fait de découvrir la présence de Dieu à
l’intérieur de nous-même et des autres : chacune et chacun
devant devenir un vivant reflet de Dieu, être non pas un verre
opaque mais tel un vitrail qui laisse filtrer la lumière de Dieu,
avec toutes les nuances et diversités propres aux couleurs du
vitrail !
Deux
questions sont étroitement liées : Quel Dieu ? Quelle
Église ? Ce titre peut paraître provocateur mais finalement
une vision fausse de Dieu conduit à une perception erronée de
l’Eglise, de même qu’une connaissance imparfaite de l’Eglise
provoque un rejet de Dieu. Ces deux questions intéressent aussi bien
les croyants que les non croyants : car, et cela vous surprendra
peut-être, des croyants, de bonne foi, peuvent diffuser de fausses
images de Dieu qui expliquent, du moins partiellement parfois, le
refus de Dieu des non croyants (dans la mesure où ils ont eu des
témoignages de « croyants »). Il est donc nécessaire de
se donner un temps de réflexion sur ces deux questions, tout
particulièrement en cette période de mise en doute de la Foi. Je ne
donnerai que quelques considérations pouvant éveiller en vous des
réflexions diverses, voire des questions plus développées, et je
ne prétends pas épuiser le sujet en quelques minutes.
Mes
propos seront le plus simple possible et ne nécessitent pas de
grandes notions théologiques. Le plus souvent, je me contenterai de
donner la parole à Maurice Zundel. Parfois, je vous signalerai le
fait que je vous propose une lecture qui m’est plus personnelle :
ceci par honnêteté intellectuelle.
Zundel
aime nourrir la réflexion de son auditeur ou lecteur, non pour
donner des réponses péremptoires, mais pour que chacune et chacun
puisse se former, en toute liberté, sa propre opinion en confrontant
ce que disent les uns et les autres : la seule référence qui
prédomine étant les Évangiles. Cela passe, bien souvent, par cette
étape décisive qui est celle de se poser les bonnes questions,
chacun devant trouver ses réponses, à la lumière du Nouveau
Testament, des Évangiles principalement.
Maurice
Zundel (1897-1975) : brève biographie
Il
est né au monde le 21 janvier 1897 et sa naissance à Dieu s’est
accomplie le 10 août 1975.
Maurice
Zundel est un prêtre suisse, original et plus connu après sa mort
que de son vivant. Sa culture littéraire est grande : il aime
citer des auteurs anglais, français et allemands qui se sont
interrogés sur la dignité humaine (valeur qu’aimait à souligner
Jean XXIII dans ses écrits) et sur le sens à donner à une vie
pleinement humaine.
Il
est aussi un philosophe comme le démontre sa profonde connaissance
de tous les courants de pensée qui ont influencé son temps :
Camus, Sartre, Nietzsche entre autres. Il ne partage pas leurs
conclusions, bien sûr, mais il comprend les démarches
intellectuelles qui les conduisent dans des impasses, vers le Néant,
voire encore vers une déshumanisation de l’humanité. Oui,
comprendre ne signifie pas à approuver !
Il
est un théologien et sa particularité est de récuser le thomisme,
enseigné froidement comme une sorte de machine doctrinale,
mais il est un admirateur des écrits de saint Thomas d’Aquin.
Il
est surtout un mystique réaliste et non sous une forme éthérée et
absconse. Pour Zundel, l’Eglise est le Corps mystique du Christ
dont chacun(e) de ses membres, selon les dons reçus, devrait
laisser transparaître Dieu comme un vitrail, la lumière.
Il
a commencé à être connu du grand public à partir du moment où il
fut invité par le pape Paul VI, en 1972 (soit 3 ans avant sa
naissance à Dieu) à prêcher la retraite au Vatican, publiée dans
le livre ayant pour titre : « Quel homme et quel Dieu
? ». Sa pensée est construite, vécue selon sa lecture des
Évangiles et des Pères de l’Eglise.
Qu’elle
est sa particularité ? Zundel développe une
théologie de l’incarnation s’inspirant de la
pensée des Pères de l’Église : « La gloire de Dieu,
c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est la vie de
Dieu » (saint Irénée). Alliant une relation vivante avec
Dieu et une connaissance de l’art, de la science et de la société,
la pensée théologique de Zundel propose une réflexion sur la
vocation de l’homme qui prend conscience de sa liberté intérieure
et de l’emploi que l’homme fait de cette liberté.
L’homme
ne peut exister que dans la mesure où il ne reste pas enfermé dans
des déterminismes, pouvant être culturels, sociaux, familiaux,
etc., et que dans la mesure où il consent à s’accomplir à
l’écoute de cette Voix intérieure qui rend possible sa relation à
Dieu, au cœur de son activité humaine. Ainsi, Zundel donne une
définition mystique de l’homme à partir du Nouveau Testament :
grâce à la Parole de Dieu qui libère à partir du moment où
l’homme, sur les pas du Christ, ne colle plus à soi mais se donne
aux autres.
La
lecture de Zundel permet de relire avec profit le Nouveau Testament
(et l’Ancien Testament en fonction de ce que révèle le Nouveau
Testament, et non l’inverse1).
Il traite de tous les grands problèmes de la Foi. Pour des personnes
voulant redécouvrir leur Baptême ou pour le catéchisme des
adultes, il est un précieux compagnon spirituel sur le chemin de la
Foi.
Son
art réside dans sa façon subtile à faire que chacun(e) trouve les
réponses au regard de la Foi chrétienne, par lui-même, en se
mettant à l’écoute de la Parole de Dieu dans le silence de son
cœur et en restant capable d’émerveillement devant les créations
de Dieu. L’homme est une création de Dieu appelée à retourner à
Dieu lors de cette naissance qu’est la mort qui n’est pas une fin
mais un commencement : notre résurrection commence dès que
nous vivons notre Foi, c’est ainsi que commence l’éternité dans
l’Amour de Dieu. Voilà déjà tout un programme de vivant !
L’enfer
existe : c’est le refus de l’Amour de Dieu, de sa
Miséricorde qui est offerte à tout homme à partir du moment qu’il
se convertit, c’est-à-dire qu’il se tourne vers Dieu. Pensez au
bon larron, pensez à la femme adultère ou à l’enfant prodigue.
L’enfer, c’est le refus d’aimer son prochain, de s’engager
pour la dignité de l’homme, c’est le refus d’un Dieu qui peut
s’incarner dans l’homme dans la mesure où cet homme y
consent car grande est la liberté de la Foi et
grande, aussi, la responsabilité de La transmettre afin que tout
homme puisse faire véritablement son choix !
L’enfer,
nous l’avons tous connu en un moment ou l’autre de notre vie soit
en le subissant, soit - malheureusement - en le faisant subir à
d’autres, nos prochains : jalousie, envie, convoitise, orgueil,
fausses certitudes pénalisantes et tout cela se résume à un refus
d’amour de son prochain ! Il convient de discerner le vrai pour
défendre la vérité dans et hors l’Église : un exigence qui
autorise ni lâcheté, ni silence. Les martyrs de la Foi l’on
démontré.
Zundel
en confession n’aimait pas l’étalage des fautes : il
gardait le silence face à ce qui était une prise de conscience de
la personne qui exprimait par des mots sa demande de réconciliation
avec Dieu. Je vous livre un témoignage vécu où il m’invitait à
me présenter devant le Tabernacle pour suivre son conseil :
« Fais le silence en toi ; ouvre ton cœur et écoute-Le
et fais ce qu’Il te dit de faire. ». De cette pratique,
il survient des changements dans une vie : c’est une façon
d’enterrer le vieil homme pour devenir cet homme neuf. Cette
formule -enterrer le vieil homme - peut choquer mais il y a une
grande vérité : chaque jour, nous mourrons un peu de l’homme
ancien. Nous avons tous été un bébé, un enfant, un adolescent,
une personne d’âge mûre pour devenir ce que la vie a fait de
nous et, quant à quelques-uns, pour ce qu’il voulait faire de leur
vie ! Chaque renoncement est un peu la mort de quelque chose
pour faire naître autre chose. Pour que cela s’accomplisse,
laissons parler les Évangiles en soi. Il faut le silence, être à
l’écoute : Dieu demande à nous rencontrer à tout instant et
il suffit de le vouloir et de le reconnaître pour qu’Il
demeure en nous ! Notre cœur devient ainsi son tabernacle !
Quelle exigence, quelle mission : il faut bien une vie pour y
arriver.
Quel
Dieu ?
Actuellement,
l’Europe vit une grave crise spirituelle, en plus des diverses
crises financières, économiques, sociales et politiques. Nous
vivons des temps, et ce propos n’engage que moi, où toute
révolution est possible, même dans nos pays dit démocratiques.
Ceci nous conduirait vers des réflexions géopolitiques où trop
souvent la spiritualité est occultée : cette force qui a
pourtant permis, par exemple et entre autre autres, aux peuples
soumis à la dictature soviétique de conserver leur force morale et
de survivre à bien des persécutions que nos mémoires occidentales
ont une tendance bien troublante à oublier. Je m’arrête donc là.
Pourquoi
vivons-nous une crise spirituelle ?
Dieu
est devenu pour une grande majorité de personnes, dans les pays
occidentaux, un mythe, une légende à reléguer au musée des
Antiquités. Pourquoi ce refus de Dieu ? Pourquoi cet athéisme
moderne ? Cette question sera envisagée sous deux aspects,
celui du croyant et celui se déclarant athée. Je souligne le fait
que l’athéisme est aussi une croyance !
Dieu
vu à travers les croyants
Sans
vouloir culpabiliser qui que ce soit, Zundel établit un constat qui
doit nous laisser réfléchir, je le cite :
« Dès
qu’on parle de Dieu, sans Le vivre, on Le trahit, on en fait une
idole, un mythe absurde et abjecte, on en fait une limite et une
menace, et on devient athée ! »2.
Des
Pères de l’Eglise ont souvent écrit : plutôt que de parler
de Dieu, gardons le silence. Oui, Dieu est indicible et il faut le
silence pour découvrir sa Présence, en soi et dans les autres. Je
devrais donc m’arrêter de parler et vous laisser dans un grand
silence ! Cependant, je ne le ferai pas car votre silence
risquerait d’être envahi par ces faux bruits sur Dieu qui
circulent. Il convient de les identifier pour laisser parler Dieu en
soi dans ce silence qui révèle sa Présence et non pour être une
caisse de résonance passive de messages mal compris.
Dans
les années 60, Zundel écrivait ce qui est encore vrai en notre
temps :
« Le
plus grand danger aujourd’hui, c’est l’absence de vie mystique,
l’absence d’union avec Dieu, l’absence d’une expérience
authentique de Dieu, chez ceux qui en parlent.»3.
Pour
se faire connaître, Dieu a besoin du libre consentement de chacune
et chacun d’entre nous et c’est dans ce sens là que l’Eglise
prend tout son sens :
« Aujourd’hui
plus que jamais Dieu peut être le rassemblement de tous les hommes,
la guérison de toutes leurs blessures et l’unité de toutes leurs
différences. Et, il s’agit de Le révéler en nous et par nous
car, si on ne Le voit pas, s’Il n’est pas une Présence sensible,
alors l’homme restera seul avec ses angoisses, ses égoïsmes, avec
sa biologie individuelle ou collective, seul avec tous ses fanatismes
qui tuent l’autre et soi-même.»4.
Ainsi,
nous avons, nous croyants, à nous interroger sur l’image que nous
donnons de Dieu dans notre vie de tous les jours : à nous-même
pour commencer (ce qui nous conduit à un examen de conscience
honnête et normalement comme en toute logique à nous purifier de
nos péchés par
la conversion du cœur),
avec notre famille (comment exercer l’autorité parentale, par
exemple ?), nos proches (qui seront les premiers à percevoir si
nos actes correspondent à nos propos5),
dans notre vie professionnelle (quelle conscience mettons-nous dans
l’accomplissement de nos tâches ? Simplement pour un salaire
ou pour être au service des autres, cela de la fonction la plus
humble à la fonction la plus haute), associative (respectons-nous le
travail bénévole des autres sans se laisser aller à l’orgueil
d’exercer une fonction6 ?
Ou, pire, en croyant l’exercer alors que cela n’est pas le cas….)
et avec toutes les personnes qui sont amenées à croiser notre
chemin de vie (a-t-on encore cette capacité de s’émerveiller du
simple fait d’avoir rencontré à un moment précis de notre vie,
telle ou telle personne ? d’avoir été écouté par quelqu’un
ou d’avoir pu lui parler utilement, selon ce que disait le cœur et
avec les mots justes en des circonstances pouvant avoir de graves
conséquences ?…).
Se
mettre à l’écoute de Zundel nous met au contact des réalités de
notre pâte humaine et nous sommes bien loin de doctrines éthérées !
Zundel
a scandalisé certains de ses contemporains lorsqu’il soulignait
cette liberté accordée par Dieu à l’homme, écoutez plutôt :
« Dieu
a fait de nous les arbitres de sa Présence au monde. Il ne peut se
manifester comme liberté qu’à travers notre liberté. Chacun de
nos actes conscients Le concerne et peut Lui
ouvrir ou Lui fermer
la porte de notre histoire. »7.
Ainsi
Dieu s’offre à nous : cela a choqué celles et ceux qui
voyaient un Dieu despotique. En effet, Zundel démontre que, je
cite :
Oui,
Dieu a parlé au peuple d’Israël par les Prophètes, dans l’Ancien
Testament, Dieu a parlé à toutes les Nations et à chaque homme,
dans le Nouveau Testament. Jésus Christ démontre un Dieu qui
s’incarne en chacun d’entre nous dans la mesure où nous y
consentons, dans la mesure où nous nous laissons convertir à Lui.
Souvenez-vous de ce qui vous est dit lors de l’imposition des
Cendres : Convertissez-vous et croyez en la Bonne Nouvelle.
Notre réponse devrait être : Parle, ton serviteur écoute
et, ensuite, à agir en notre âme et conscience selon les dons
reçus. Découvrir Dieu c’est Le rencontrer !
Se
convertir ? Que cela signifie-t-il pour nous qui avons été
baptisés ? Recevoir le baptême, faire sa communion, voire sa
confirmation, faire bénir son mariage et se rendre à la messe en
quelques circonstances exceptionnelles pour réjouir des parents ou
se faire voir !! Non, cela n’est pas se convertir totalement :
c’est un vernis de surface. Il faut encore la conversion du cœur
qui, chaque jour, se doit de devenir comme un tabernacle de Dieu !
La Foi n’est pas un habit qui nous enveloppe mais doit être chaque
jour cette flamme intérieure qui rayonne l’Amour de Dieu, en
brûlant les scories de nos refus de Dieu, pour réchauffer les
autres comme soi-même.
Se
convertir est un travail quotidien : le mot travail, vient du
latin tripalium signifiant tourment, supplice donné à
l’aide de trois pieux. Ce travail n’est donc pas de tout repos :
c’est le grand problème du choix. Notre liberté est totale pour
choisir le chemin que nous voulons suivre, celui de nos seuls
instincts, pas si faciles à dompter, ou celui de Dieu, exigeant mais
libérateur. C’est d’ailleurs ce choix qui donne toute notre
dignité d’homme, cet homme qui est à se créer chaque jour
qui nous est donné de vivre. Se convertir exige des efforts, de la
vérité, des remises en question, des renoncements selon une volonté
libre d’agir ou de ne pas agir selon ce Dieu qui parle en nos
cœurs. Voulons-nous entendre Sa voix et Le suivre afin de connaître
les joies de l’Amour de Dieu ou refusons-nous pour nous replier sur
notre moi, égoïste et possessif afin de satisfaire des pulsions ou
des ambitions humaines ?
Dieu
vu par les athées
De
façon constante et à de nombreuses reprises, Zundel s’est
interrogé sur les motivations de ce refus de Dieu par une grande
part des intellectuels de son temps. Il reconnaît leurs talents
d’écrivain et de penseur et démontre leurs erreurs d’analyse.
N’oublions que cet athéisme du XXe siècle a existé,
en grande partie, en raison des horreurs de deux Guerres mondiales,
de l’avènement de dictatures : Hitler et Staline, sans
oublier Mao et tous les massacres dus à cette idéologie communiste
qui a trouvé des défenseurs au sein même parfois de l’Eglise…
Il y a eu aussi deux bombes Hiroshima et Nagasaki, lancées par un
pays, les États-Unis, dit phare de la civilisation occidentale
et symbolisant les vertus de la liberté et de la
démocratie, alors
que les Indiens ont subi de véritables génocides au XIXe
s. déjà, par ce pays qui a proclamé, sans rougir, le droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes ! Les faits historiques
démontrent que les discours sont peut-être beaux à entendre mais
les pratiques sont odieuses à constater. Il y a les paroles, il y a
les actes !
Cela
vaut la peine de s’y intéresser dans la mesure où inévitablement,
dans des conversations se voulant sérieuses sur Dieu, les arguments
reviennent à chaque fois les mêmes : Pourquoi Dieu a-t-il
permis cela ? Et au lieu de considérer ce mal produit par
l’homme, certains se défaussent pour l’attribuer à Dieu. C’est
un vrai scandale ! N’attribuons pas à Dieu le mal provenant
du mauvais usage que nous, les hommes, faisons de cette liberté
qu’Il nous a donnée ! Je le cite en ouverture de ce deuxième
aspect que je soumets à votre attention :
« Tout
l’athéisme moderne refuse Dieu ! Tous ces grands talents,
Marx, Sartre, Camus9
refusent Dieu !
Parce
qu’ils Le voient sous l’image de Pharaon, comme une limite à
l’homme, comme un interdit, une défense, une barrière !
Ainsi que l’écrit Sartre dans ce raccourci terrifiant : « Si
Dieu existe, l’homme est néant. ».
Ils ont tous le sentiment très fort que, si l’homme doit se tenir
debout, s’il veut être un créateur et courir une aventure qui en
vaille la peine, il ne doit plus que compter que sur soi et ne plus
faire appel à ce Dieu qui nous dispense de tout travail et effort
créateur puisqu’Il a tout fait, puisque le sort en est jeté,
puisque notre destin est éternellement prédestiné ! Et c’est
au nom de l’activité humaine qu’ils revendiquent leur athéisme,
c’est pour que l’homme soit pleinement lui-même, pour qu’il
atteigne à toute sa grandeur, et pour qu’il soit vraiment un
créateur ! »10.
Cet
athéisme se comprend car il est construit sur une fausse image de
Dieu, issue d’une mauvaise lecture de l’Ancien Testament, trop
souvent accréditée autrefois et durant de longs moments, au sein
même de l’Eglise. C’est pourquoi Zundel dit à tous les athées,
je cite :
« Nous
sommes absolument d’accord avec ce monde moderne qui ne peut plus
penser à Dieu en Le voyant sous cet aspect de grand pharaon ;
nous ne pouvons plus admettre que Dieu soit un Narcisse à une
échelle infinie ! Et, si déjà chez un homme, l’adoration de
lui-même nous répugne et nous semble être une condamnation, à
plus forte raison ne pourrons-nous pas imaginer la perfection divine
comme une gravitation autour de Lui. Si Dieu était – comme le
pensait Nietzsche dans sa révolte – une puissance dont nous
dépendons radicalement et qui nous impose sa volonté sans être
engagée d’aucune manière avec nous, si Dieu était un être
solitaire, qui se repaissait éternellement de Lui-même, si Dieu
n’avait que soi et rapportait tout à soi , on ne comprendrait pas
pourquoi n’ayant pas de différence qualitative avec nous puisque
fixé comme nous dans un moi qui se repaît de lui-même, on ne
comprendrait pas pourquoi il serait Dieu plutôt que nous-même ! »11.
Se
référant aux Évangiles et à saint Jean plus particulièrement,
Zundel dit et redit que Dieu est Amour comme le proclamait déjà
saint François d’Assise. Mais encore faut-il dire ce que cela
signifie. Je cite :
« Il
faut que nous réformions complètement nos idées sur Dieu…: Dieu
est Amour et rien qu’Amour, Dieu se donne et il ne peut rien faire
d’autre que se donner.
Être
Dieu ne signifie plus dominer et avoir le pouvoir d’écraser les
autres, être Dieu signifie se donner sans mesure, se dépouiller
éternellement….C’est parce que Dieu ne garde rien, parce qu’Il
est tout Amour, parce que la respiration de son être est la
générosité, que la Création surgit et qu’elle constitue à la
fois un secret inépuisable et un appel infini à l’amour. »12.
Lorsque
nous disons dans le Credo « Je crois en Dieu tout
puissant », ce n’est donc pas la puissance d’un
despote, d’un Jupiter jetant des sorts sur les hommes depuis
l’Olympe : non, c’est un Dieu tout puissant d’Amour.
Retrouvons cette source essentielle : la Miséricorde divine qui
nous est offerte à tous les instants et que nous avons la liberté
de recevoir ou de refuser. Chaque fois nous pouvons dire dans notre
cœur « Je crois en Dieu tout puissant d’Amour,
… » : pensons au Christ au lavement des pieds ! La
plus belle démonstration qui ait été faite - par le Fils de Dieu -
de la dignité de l’homme et même de ceux qui auront peur, qui
renieront… Belle preuve de la confiance que Dieu nous accorde !
Sachons en rester digne.
Ainsi,
pour révéler la Présence de Dieu en soi, il faut se dépouiller de
soi-même pour se donner à l’autre : une mère au foyer
renonce à des activités, voire à une vie professionnelle
gratifiante, pour se donner à sa famille dans les tâches les plus
quotidiennes, les plus humbles. Un père de famille se donne à son
travail non pour lui mais pour les siens et pour faire de son
activité un don à la société. Un responsable se donne à sa
fonction non en autocrate, bouffi d’orgueil, mais au service des
autres pour une mission reçue pour tous et non pour soi ou un culte
personnel.
Ainsi,
chacun d’entre nous peut révéler la Présence de Dieu en soi :
« A
la racine de l’être on doit être donné pour être soi et on ne
peut être soi que par cette offrande de soi, de même que Dieu n’est
Lui-même qu’en et par sa parfaite offrande dans l’éternelle
Trinité.»13.
Trinité :
voilà un mot qui a perdu son sens chez trop de Chrétiens
occidentaux. Parmi eux, il y a déjà ceux qui ne croient plus en la
Résurrection - je l’ai constaté avec stupeur lors de
l’accompagnement de famille en deuil - mais la Trinité leur paraît
une chose étrange dont il vaut mieux ne pas parler. Aussi,
parlons-en ! Car c’est essentiel pour celui qui se signe de la
croix mais qui ne sait parfois plus du tout ce qu’est la Trinité.
La
Trinité passe pour certains comme quelque chose d’incompréhensible
et d’autres, comme les Musulmans, disent que cela est tout
simplement du polythéisme ! A travers deux citations de Zundel,
que je relirai deux fois, première lecture pour vous laisser
surprendre par les propos, deuxième lecture pour peser ce qui est
dit, je cite :
« La
Trinité, cela veut dire que Dieu n’est pas quelqu’un qui se
regarde et tourne autour de soi, qui se gargarise de Lui-même, mais
au contraire Quelqu’un qui se donne. Cela veut dire que Dieu n’est
pas solitaire, qu’Il ne fait pas face à un visage avec lequel Il
se répéterait dans un épouvantable narcissisme. »14.
« Dans
la Trinité le Père fait face au Fils, le Fils au Père dans le
baiser de l’Esprit Saint. Cela veut dire que Dieu est une
communion, une respiration d’amour, un dépouillement, une enfance
éternelle, une naissance inépuisable, une nouveauté qui jaillit
sans cesse, enfin une Pauvreté indépassable comme François l’a
si bien deviné. »15.
Relisons
ce texte en prenant en compte que nous sommes tous appelés à être
fils de Dieu par le baptême et par ce que nous célébrons lors de
la plus belle fête pour les Chrétiens après Noël : la
Pentecôte. C’est cela qui fait que nous sommes sœurs et frères
dans la Foi et que nous formons en l’Eglise le corps mystique du
Christ. Cet Amour de Dieu doit nous unir, nous Chrétiens, plus que
ne peuvent le faire les liens du sang : et cela vaut pour tous
les hommes, pour toutes les Nations. Il n’y a plus un peuple élu,
chacun est élu par Dieu qui se laisse accepter ou refuser car
il a le respect de notre liberté de conscience : c’est le total
don de Dieu à cet homme qu’Il veut libre.
Je
terminerai cette partie qui n’épuise pas la question posée :
Quel Dieu ? par cet extrait des propos de Zundel :
« Tout
devient lumière à partir de la Trinité.
Tout
s’explique dans cette confidence unique que nous fait Jésus-Christ
et qui nous délivre de ce Dieu Cause première de tout, de ce Dieu
dominateur et écrasant, de ce Dieu maître et propriétaire qui
laisse tomber pour nous quelques miettes de Sa table, et qui nous
punit du moindre pas fait en avant. Ce Dieu-là est un faux dieu !
C’est une idole !
Et
désormais, enfin, nous pouvons respirer parce que Dieu, le seul vrai
Dieu, ne vient pas à nous autrement que comme l’Amour, l’Amour
qui ne nous touche que par son Amour, Amour si grand et infini que
nous ne pouvons L’atteindre nous-mêmes que par notre amour. »16.
Dieu
ne veut pas le mal : il est le premier à souffrir du mal comme
une mère souffre devant son enfant qui a mal.
« Comment
peut-on penser que l’amour de Dieu soit moins maternel que l’amour
d’une mère, alors que tout l’amour de toutes les mères, y
compris celui de la Sainte Vierge elle-même, n’est qu’une goutte
dans cet océan de la tendresse maternelle de Dieu. »17
« Dieu
ne veut pas le Mal. Il en est la première victime ! Et s’il y
a du mal, c’est dans la mesure où Son amour n’est pas reçu, où
Son amour est méconnu et refusé, car le monde – dans son harmonie
et sa beauté – ne peut se constituer que dans ce dialogue d’amour
où Dieu s’échange avec nous, et nous avec Lui. »18
Dieu
nous invite à naître chaque jour un peu plus à Son Amour afin
que notre dernier instant terrestre soit celui de la naissance
complète à Dieu : c’est cela l’éternelle jeunesse ! Je me
souviens d’avoir rencontré des religieux et des religieuses comme
des pratiquantes âgée dans de hautes vallées de montagne :
elles et ils avaient une jeunesse de cœur qui effaçait les rides de
l’âge ; ils avaient cette flamme intérieure qui se percevait
dès qu’on les rencontrait. Tout simplement, on sentait la Présence
de Dieu en elles et en eux et comme cela est bon de l’avoir
reconnu ! En les rencontrant, nous percevons la divine Présence en
eux ; cela se communique. En ce sens-là, ils sont des saints !
Quelle
Église ?
Depuis
les origines de l’homme jusqu’à nos jours pour toutes les
civilisations, aussi bien à travers l’Ancien Testament comme les
Évangiles et l’histoire de la Chrétienté, la grande question est
ce rapport existant entre l’individu, la personne, avec les
diverses collectivités que sont la famille, l’école, la
cité, la nation, la profession et, bien entendu, la religion.
Tout
homme se situe par rapport aux autres :
« L’homme
est à ce point un être social […] qu’il ne cesse se référer à
l’image que les autres se font spontanément de lui ou à celle
qu’il ambitionne de leur imposer. »19.
L’homme
agit dans son quotidien en fonction de valeurs généralement
reconnues par les autres et dans l’espoir du crédit qu’il en
retirera auprès d’eux. Le conformisme est un phénomène
frappant de notre temps : un certain non conformisme
étant aussi un conformisme très prisé, « très classe »
comme diraient certains. Parfois cependant, des passions ou des
pulsions trop fortes lui font rejeter ses valeurs : à notre
époque, il y a toujours des experts et des « spécialistes »
pour justifier l’injustifiable, le plus souvent en
déresponsabilisant l’homme et pour culpabiliser l’autre, la
société par exemple, la culture ou encore la religion quand ce
n’est pas Dieu tout simplement ! Que c’est pratique ! Cela
ressemble à ces propos de cour de récréation scolaire lorsqu’un
enfant fait une bêtise : « Ce n’est pas moi !
C’est l’autre ! ». Et vous avez des gens, dit
sérieux, qui ne font pas mieux à l’âge adulte !
Nous
vivons à travers le regard des autres trop souvent : cela peut
nous empêcher d’être vraiment homme et de laisser parler notre
cœur. La peur du jugement d’autrui, la peur de se voir rejeter
pour oser une pensée différente de ce temps, même dûment motivée
selon sa conscience ou pour agir contre les forces du mal. Nous
vivons dans une société de timorés préférant se laisser
aller au gré des opinions prédominantes du moment, sans se soucier
de vérité et de ces valeurs qui rendent l’homme vraiment
humain et non à être une simple machine à produire !
Certains
s’émancipent de leur famille pour retrouver une bande ou des
amis ; d’autres se réfugient dans leur vie professionnelle et
ne connaissent rien d’autre que leur travail qui seul compte ;
d’autres se réfugient dans des paradis artificiels quand ils en
ont les moyens et il y a encore des solutions plus extrêmes. Il y a
différentes formes de fuite mais toutes traduisent une fuite de
soi-même. C’est là où nous devons nous interroger sur ces
passions individuelles.
L’histoire
offre des cas plus tragiques encore lorsque l’individu est enchaîné
dans ces grandes passions collectives : pensez à l’URSS,
à la Chine et à certains États sud américains qui ont fait des
ravages et en font encore, dans une certaine indifférence de
l’Europe et pour ma part, avec ce que je considère comme sa
complicité tacite : ce qui me heurte et me choque.
Pensons
à toutes les révolutions qui ont marqué les peuples du monde et
comment elles ont été vécues :
« Une
révolution peut mordre encore plus profondément sur la conscience
que l’individu prend de soi. Dès qu’elle triomphe, […] tout
est retourné : les juges sont jugés, les condamnés
condamnent, les subordonnés commandent. Les valeurs de la veille
sont imputées au crime et l’idéologie du jour s’impose comme
l’unique critère de légitimité. La moindre «déviation »
peut rendre suspect et mobiliser l’opinion contre les « fauteurs
de complots », tandis que l’on arrache à ceux-ci des aveux,
qui attestent la vérité absolue de la « ligne » imposée
par les hommes au pouvoir. »20
Ceci
vaut pour toute révolution qu’elle soit légitime ou non, de type
stalinien ou de type hitlérien : peu importe. Ce qui nous
intéresse est le conditionnement social de cet homme qui se croit
libre mais ne l’est pas. La société dispose de sa vie (le
soldat envoyé au front sans que l’on demande son avis), de ses
biens (avec les impôts plus ou moins justes ou même encore
l’absence totale de propriété). La société impose des opinions
ou des choix, sans respecter notre liberté de conscience. Cas
pratique : les impôts - que chacun paye d’une façon ou d’une
autre- financent parfois des actes, des projets que nous refusons en
notre âme et conscience.
Quelle
liberté avons-nous donc ? Nos résistances légitimes
sont ignorées de façon délibérée et le simple fait de penser
différemment déchaîne des passions hostiles, de la part bien
souvent de celles et de ceux qui proclament la liberté de parole
mais qu’ils accordent seulement quand cette parole leur donne
raison ! Notre autonomie se voit réduite et nous devenons de plus en
plus un simple rouage d’un organisme collectif qui nous dépasse !
N’y a-t-il pas de quoi s’inquiéter ?
Dans
ce contexte réaliste que souligne Zundel avec force dans ses écrits,
propre à son temps, nous remarquons que ses propos sont d’actualité.
Je dirai même que cela a empiré, il convient de s’interroger sur
la mission de l’Eglise.
L’Église
a une longue histoire et qui n’a pas toujours été exemplaire
lorsqu’elle s’est éloignée du message de l’Evangile. Mais là,
de nouveau, ne confondons pas l’Eglise du Christ et les
défaillances d’hommes d’Église. Que les défaillances de
quelques-uns ne fassent pas oublier les merveilleux et multiples
bienfaits que l’Eglise a pu, peut et pourra assurer dans le monde
entier et dans la longue durée.
Face
à l’histoire de l’Eglise, il convient de rester objectif et de
refuser un certain « culpabilisme », de bon ton dans les
milieux mondains, en se déclarant Chrétien ou Catholique. Certains
ont des motivations idéologiques pour ne voir que le négatif dans
la vie de l’Eglise : c’est leur choix ! Ne tombons pas
dans ce travers. De même ne croyons pas que tout a été ou est
parfait : cela serait tout aussi idiot ! Pour ma part, en
tant qu’historien, sur le plan personnel bien sûr et pour avoir
accompagné des familles en difficulté(s), j’ai souvent constaté
tout ce que leur a apporté la Foi de façon bénéfique
La
naissance du christianisme a révélé des femmes et des hommes qui
ont choisi la Parole de Dieu en toute liberté et
souvent en subissant des persécutions ou des rejets. Par contre, le
christianisme a été parfois récupéré, comme de nombreuses autres
religions, par les détenteurs du pouvoir de l’État. Cette
situation officielle a compromis parfois son image mais a aussi
souvent permis d’humaniser certaines institutions : prenez le
cas de la naissance du christianisme en France et de sa conversion
qui a permis une magnifique Moyen Age et une contribution précieuses
aux Renaissances européennes (qui doivent tant aux universités
médiévales car culture et foi n’ont pas été opposées en ce
temps-là et contrairement à ce qui est instillé dans les esprits
de nos jours pour des raisons évidentes en vue d’une
déchristianisation). Quelques responsables de l’Eglise se sont
refusés, en certaines circonstances, à un engagement personnel et
mystique pour préférer être des fonctionnaires au service du
pouvoir civil21 :
cela a troublé l’image de l’Eglise mais personne ne peut La
considérer à travers ceux-ci uniquement. La séparation des
pouvoirs civils et religieux a mis du temps à se pratiquer. De même
que maintenant, il est toujours aussi difficile de séparer les
divers pouvoirs d’un État et du parti politique responsable du
gouvernement en fonction qui ne devrait pas influencer les
nominations de la magistrature, des haut fonctionnaires, des
administrateurs de sociétés… et j’en passe !
Aussi
n’oublions pas des Athanase22
ou des Chrysostome23
qui ont su s’opposer aux puissants en place ! Le christianisme
a été, au minimum, au cours de son histoire, une tutelle morale
capable de protéger l’individu contre lui-même en endiguant ses
instincts : ce n’est déjà pas si mal. Plus d’une loi est
un des fruits du christianisme ; la Déclaration
des droits de l’homme
est un des fruits du christianisme, en
détournant d’ailleurs
une
partie essentielle de son message.
Pourquoi ne pas le dire ? Les guerres, dites de religion, ont
révélé les mauvais usages que les hommes ont pu faire de la
religion : cela ne discrédite pas le message du Christ, cela
démontre tout au plus la surdité de l’homme à la Parole de Dieu.
Ce qui n’est pas la même chose ! Oui, demain encore, certains
utiliseront la religion pour leur idéologie et leur soif de pouvoir.
Aux Chrétiens, d’être vigilants à ce que cela ne se reproduise
pas ! Je pense à la façon dont les États-Unis utilisent si
facilement Dieu dans des causes où ce n’est que d’étendre un
pouvoir, une zone d’influence, une puissance économique qui
motivent réellement leurs actions. Dieu, démocratie, liberté
deviennent des mots pouvant couvrir les maux !
Par
contre dans toute la vie de l’Eglise, nous avons régulièrement,
même aux heures les plus sombres, des hommes de Dieu qui révèlent
Sa Présence dans nos vies : je pense à tous les saints connus
auxquels il faut ajouter ceux qui nous sont restés inconnus, qui ont
agi dans la discrétion, dans l’humilité sans rechercher la
reconnaissance ou les honneurs. Oui, il y en a eu et il y en aura
encore. Dieu soit loué ! Ajoutons la masse des Chrétiens qui
n’ont pas cessé de mettre leur vie dans le pas du Christ,
avec des chutes parfois, mais combien de belles semences de Foi ils
ont distribué !
En
quoi cette Foi que défendent les dogmes24
de l’Eglise libère-t-Elle l’homme ? Elle ne met aucune
frontière entre les hommes. Elle s’adresse non à un peuple élu
mais à toutes les Nations. Elle nous ouvre à cet amour illimité de
Dieu. Elle nous affranchit de toutes les servitudes des conditions
sociales : la Foi parle au riche, au pauvre, au maître, au
serviteur, au savant, au simple. Cette Foi ne nous réduit plus à
être
un objet,
un statut, évacue notre moi-possessif
pour devenir un moi-oblatif :
mon individualité est au service de l’Autre, « en
revêtant le Christ » comme dit Saint Paul.
Le
Christ nous apprend à nous décoller de soi pour retrouver notre
vraie nature d’homme qui s’exprime par la générosité, le don
de soi, en s’arrachant de nos convoitises, de nos besoins de
possession, de ces biens qui sont terrestres. Pensons au Christ au
lavement des pieds : les apôtres présents ne comprennent pas
sur le moment la force de cet acte. Le plus merveilleux dans cette
scène que nous devons graver dans notre cœur est cette joie
du don de soi qui est le bonheur de Dieu.
« Qui
ne décolle pas de soi au contact de Jésus ne peut prétendre
L’avoir rencontré et se trompe sur l’essence même du témoignage
apostolique qui porte sur une personne à vivre »26
et non sur une conception de l’univers à commenter, une doctrine
philosophique parmi d’autres...
Être
avec Dieu, c’est une rencontre avec Lui dans nos vies et cela peu
importe ce que nous faisons professionnellement, peu importe notre
statut social, notre rang : c’est ainsi que nous formons
le corps mystique du Christ, appelé Église. Ainsi devenir
chrétien, c’est se faire Église, se faire universel : c’est
le sens même du mot catholique ! Nous nous devons de refuser
les particularismes qui veulent diviser le Christ comme saint Paul le
souligne dans sa lettre aux Corinthiens.
« L’Église,
par sa structure même, pourrait montrer le chemin si elle recouvrait
en chacun de nous son vrai visage, si nous renoncions à être des
parasites27
pour devenir des créateurs, si nous croyions vraiment que le Royaume
de Dieu est, en chacun, l’espace de générosité – qu’il faut
préserver à tout prix - où passe l’axe de l’univers dont nous
avons la charge et d’où sourd l’hymne la joie. »28
Ainsi
l’économie serait au service de l’humain ; la liberté ne
serait pas dans une liberté sexuelle avilissante, seule liberté qui
paraît essentielle de nos jours, mais dans cette chance de se
libérer de soi au profit de tous ; la société permettrait à
chacun de se faire vrai homme dans une solitude, indispensable mais
ouverte à l’autre, oblative et inviolable tout à la fois,
permettant une communion universelle. Ce serait retrouver le lien
véritable entre l’individu dans le respect de son intériorité et
la société qui deviendrait comme la respiration d’une communauté
appelée Église.
Église
sacrement communautaire : le Christ ne cesse pas de parler
d’amour à l’Eglise, son corps mystique. Chacun des sacrements
nous le révèle : ces sacrements sont gestes et paroles.
Au
baptême, Christ nous donne la vie, désaltère notre soif et
nous lave de nos péchés. A la confirmation, Christ nous assure de
sa Présence permanente et nous donne cette audace à
proclamer notre Foi. Je souligne que nous Chrétiens manquons
trop souvent d’audace dans l’affirmation de notre Foi. Dans
l’Eucharistie, Il nous dit « Voici mon corps livré pour
vous. ». Il est nourriture pour notre
âme et Il s’offre au plus profond de notre être, cet être
intérieur et pas seulement un paraître. Avec le sacrement de
réconciliation, Christ nous témoigne de la Miséricorde
de Dieu. La tendresse de Dieu apparaît dans le sacrement
du mariage exprimant la tendresse des époux qui ne veulent pas
posséder l’autre mais s’offrir l’un à l’autre, sans mesure
et sans limite. Le sacrement de l’Ordre, Dieu se donne encore à
travers ses ministres quand ils se mettent véritablement au
service des hommes. Dans le sacrement des malades, Christ nous
accompagne dans nos souffrances, mieux encore, Il souffre avec
nous, à travers nous. Comment notre cœur ne pourrait-il pas être
touché devant tant d’amour ?
Il
faudrait avoir un cœur de pierre dure pour ne pas percevoir sa
Présence et soyons joyeux de vivre dans l’amour de Dieu qui a
vaincu la mort. Réjouissons-nous d’avancer chaque jour vers cette
éternité qui nous est promise et qui, au final, est de se fondre en
Dieu : notre véritable et définitive naissance à Dieu qui se
prépare à chaque instant de notre vie.
Conséquences
Les
conséquences de cette pensée de Zundel sont grandes et il ne
m’appartient pas de vous les formuler : Zundel ne se le serait
lui-même pas permis. Par contre, chacun(e) d’entre vous a la
possibilité d’y penser dans le secret de sa chambre et de tirer les conséquences en son cœur. Les Évangiles
parlent… Mettons-nous à l’écoute… Réfléchissons et,
surtout, agissons selon la Parole ! Portons du fruit...
Conclusion
Ce
mot est excessif pour ce que je vous propose car ma conclusion ne
clôt rien mais voudrait plutôt ouvrir une discussion, une
réflexion.
Faites
silence ! Écoutez ce Dieu qui est à l’intérieur de votre
cœur et qui nous parle par les Évangiles ! Ensuite, c’est
simple : faites ce qu’Il vous dit ! Soyons ce que
nous sommes appelés à être en laissant enfanter en nous le
Christ ! Sachons témoigner de notre Foi en laissant
transparaître la lumière Dieu.
Je
suis à votre disposition pour des questions ou tout simplement une
discussion.
Antoine
Schülé
La
Tourette
Tél. :
09 53 14 25 86
1
Source de bien des confusions et de fausses images de Dieu.
2
Maurice Zundel : Un autre regard sur l’homme.
Paroles choisies par Paul Debains. Sarment éd. du Jubilé.
2005. 380 p., p. 39, ci-après cité AH D.
3
ARHD p. 42
4
ARHD p. 41
5
Une image illustre ce type de personne : le poteau indicateur
qui, en effet, montre le chemin mais ne le suit pas !
6Fonction
civile ou cléricale : l’orgueil de certains membres du
clergé les aveugle à un tel point que ceux-ci ne réalisent pas
tous les dommages qu’ils commettent !
7
ARH D p. 46
8
ARH D p. 48
9
Zundel a correspondu avec Camus et porte un regard chrétien sur son
œuvre : Dieu ne crée pas le mal ou la souffrance, Dieu
souffre avec celui qui souffre et de celui qui fait le mal, la
crucifixion renouvelée de Dieu.
10
ARH D, p. 67
11
ARH D, p. 68
12
ARH D, p. 73
13
ARH D, p. 74
14
ARH D, p. 76
15ARH
D, p. 76
16
ARH D, p. 79
17
ARH D, p. 238
18
ARH D, p. 239
19
Maurice Zundel : Hymne à la joie. Ed. Anne Sigier. 1992. 156
p. Ci-après cité HJ. P.117
20
HJ p. 119.
21Oreiller
de paresse et profit assuré...
22
Au concile de Nicée en 325, qui a déclaré le Père consubstantiel
au Fils (c’est-à-dire le Père de même nature que le Fils),
Athanase s’est opposé à Constantin (détenteur du pouvoir
politique) qui a voulu suivre les Chrétiens orientaux qui
affirmaient le Père au-dessus du Fils car le Père est inengendré
alors que le Fils est engendré. Pour cette raison Athanase a été
proscrit par le pouvoir temporel !
23
Il s’agit de Jean et non de Dion, bien sûr : en 405, refusé
par le pouvoir civil et religieux, il a été déporté, est mort
dans un fossé pour être réhabilité plus tard. Il y en a eu
d’autres…
24
Zundel offre des réflexions très utiles sur les dogmes.
25
HJ, p. 125
26
HJ, p. 125
27
Sous-entendu de la Parole de Dieu.
28
HJ, p. 131