Henri Lombard (1925-1950) :
un historien à redécouvrir
Antoine Schülé de Villalba
conférence donnée en mai 2004,
texte revu en mars 2017.
Introduction
Un
jeune historien local, que les circonstances de la vie ont fait qu’il a été et
restera toujours un jeune historien, mériterait une reconnaissance dans son
village d’adoption, Saint-Gervais. Aucune rue, aucune place, aucun espace ne
porte son nom. Et pourtant, s’il y avait et il y a une personne à honorer,
c’est bien Henri Lombard.
Il
est vrai que dans une de ses notes intimes, il avait écrit : « L’homme
n’est homme qu’autant qu’il est recherche et recherche de la vérité. ».
J’admire sa réflexion critique en notre temps encore, où devant la vérité, une
certaine lâcheté ambiante privilégie la politique de l’autruche, le refus de
voir les faits pour ne pas devoir prendre le risque de prendre une opinion ou,
pis encore, une décision.
La
« recherche » en histoire est un mot exigeant car cela
implique bien des contraintes intellectuelles et vous obligent à découvrir les
vérités oubliées ou cachées et à reconsidérer les faits avec objectivité. Se
lever le matin et accepter les faits de la vie passée comme présente avec un
regard neuf : cela n’a rien à voir avec la routine, avec l’acquiescement
niais des « On dit que …»,
politiquement correct ! Mais sans ce travail de « recherche » qui est le travail même
de l’historien, il est impossible de construire l’avenir.
D’ailleurs,
ce travail d’historien n’est pas réservé aux seuls spécialistes reconnus :
chacun d’entre vous construit sa vie sur ses propres expériences, ce passé qui
est particulier à chacun d’entre vous : c’est votre histoire que vous
construisez au quotidien. Dans la vie publique, il faut aussi de la mémoire
historique : un bon politique est celui qui sait tirer les leçons de son
expérience, vécue à un poste où décider est un devoir, et du passé d’une
communauté. Toutefois celui, qui veut l’ignorer et désire rester dans un
aveuglement volontaire et béat, est certain de répéter, avec une nonchalance
qu’il fera passer pour de la prudence, les erreurs quand il n’en créera pas tout
simplement de nouvelles.
Le
silence, qui entoure ces oubliés de l’histoire de Saint-Gervais, le sera moins
car nous aurons et, lecteurs, vous aurez aussi à cœur de
les faire connaître ou reconnaître : c’est cela défendre véritablement le
patrimoine, non pour se servir mais
pour servir.
Biographie
Henri
Lombard est né à Alès le 4 décembre 1925.
Son
arrière-grand-père est un Soulèze.
A son initiative, il a implanté un vignoble de type héraultais
à Saint-Gervais, ce qui lui a valu d’abord de l’inimitié (proposer une
nouveauté n’est pas toujours aimé, de
plus en n’étant même pas un natif du lieu, « C’est un comble ! »,
n’est-il pas vrai ?). Durant ces années 1880, il est le représentant de cette révolution
agronomique dans la vallée de la Cèze que plus d’un adoptera au vu des
résultats obtenus.
Son
père, Auguste Lombard, avait accompli un doctorat en droit. Il est
décédé à Alès le 3 avril 1955, à l’âge de 69 ans. Madame Henry Cadilhac
de Madières est née Marie Augustine Elisabeth Cécile Soulèze. Elle
est retournée à Dieu, le 13 août 1952, dans sa 87e année. Inhumée le
jour de l’Assomption à Puisserguier. Marie – Joseph – Paulin - Jean Cadilhac
de Madières est retourné à Dieu le 30 mai 1907, à l’âge de 13 ans.
Notre
jeune Lombard vivait à Alès et passait ses vacances à Bayne, domaine viticole, à l'ouest du village de Saint-Gervais. Très attaché à cette commune, il a aimé cette communauté jusqu’à
vouloir étudier l’histoire rurale de la vallée de la Cèze, avec passion et pour
l’obtention d’un doctorat en droit.
Il
était membre du Spéléo-club de Montpellier et de la Société Spéléologique de
France. Il est décédé aux Matelles dans l’Hérault le 8 octobre 1950. Il
a reçu la médaille d’or de l’éducation physique et des sports, à titre posthume
le 30 mai 1951, dans le cabinet du Préfet de l’Hérault.
Quelques
mots sur le domaine de Bayne :
A
l’origine ce domaine des Templiers est devenu, au Moyen Age, un mas appartenant
à l’ordre de Saint Jean de Jérusalem. Suite à la condamnation des Templiers en
1314, plusieurs de leurs membres avaient repris de nombreux biens templiers. Les Templiers
n’avaient pas mérité cette condamnation mais leur richesse avait suscité aussi
bien l’inquiétude que la convoitise du Roi. Leur art de vivre, tout à la fois
militaire et monastique, faisait peur : en fait, les Templiers ont
préfiguré les engagements militaro-humanitaires que nous connaissons
actuellement (avec des déviances parfois par rapport à l’intention initiale qui était la volonté de protéger les pèlerins a été forte) mais cela est un autre
sujet. Revenons à Bayne.
En
1333, Béatrice de Bonnet, veuve de Bertrand de Guiraud, en avait l’usage
exclusif sa vie durant : en contrepartie, elle devait remettre le 25 % de
la production à l’ordre de Saint Jean de Jérusalem. Plus tard, cela resta un
bien noble avec un de Bagnols qui en devint le possesseur[1].
Avec le temps, cela fut la ferme du
château de la famille de Guasc, constituée d’une grange et d’un local pour le
fermier et les ouvriers. Cela le demeura pendant plusieurs siècles.
Ensuite,
au XIXe siècle, Elsa Cotton en fut propriétaire et en a donné
l’allure actuelle. Gustave Rouvière[2],
lieutenant-colonel, officier de carrière en a fait l’acquisition. Lors de la
conquête du Sahara, il a subi une maladie qui allait l’emporter. Il a fait don
de ce domaine à son ami Auguste Soulèze et ses filles. C’est ainsi que le
domaine de Bayne est parvenu à la famille Lombard.
Un
parcours de vie
La grotte du Lirou
Vue depuis la grotte du Lirou
Revenons
à Henri Lombard qui ne pratiquait pas la spéléologie uniquement pour son seul
plaisir. Dans une région qui manquait d’eau en raison de la pauvreté et de
l’irrégularité des eaux de ruissellement, il était nécessaire de reconnaître
les veines d’eau souterraines. Il a décidé de mettre sa passion de la spéléologie
au service des autres. Il effectuait des reconnaissances dans ce but. Une
exploration spéléologique dans la rivière souterraine du Lirou lui a été
fatale.
Une
stèle commémorative est élevée à son honneur à Matelles, près de la
grotte du Lirou où il a trouvé la mort. Tout s’est passé dans le siphon
terminal qu’il avait pourtant déjà franchi pour la première fois le 22 août
1950.
Portrait
moral
Jaques
de Cailar, le président du Spéléo-club Alpin languedocien a dit de lui :
« Camarade joyeux, sympathique,
dévoué, franc, avec de grandes capacités physiques, volontaire,
faisant de grandes choses dans la simplicité ». Maurice Laurès
a dit aussi de lui : « Son sourire
cachait, sous une fausse apparence de fantaisie ou d’indifférence, une âme
passionnée de Beau et de Bien. Le parfait sang-froid qu’il savait
garder en toutes circonstances l’empêchait d’extérioriser son enthousiasme
juvénile pour les grandes causes et les grands problèmes. ».
Son
travail d’historien
Son
activité physique, à la recherche de l’eau, s’accompagnait d’une soif
intellectuelle, à la recherche de la vérité. Il mérite d’être honoré pour la
qualité de son écrit majeur qu’est sa thèse : Monoculture de la vigne
et évolution rurale dans la vallée de la Cèze. Le sous-titre en est : Contribution
à l’histoire agraire du Languedoc Rhodanien.
C’est
véritablement un enfant de la Cèze et il a écrit modestement une œuvre
d’historien mais la modestie ne paye pas plus en son temps qu’à la
nôtre : que des autorités politiques locales choisissent de l’ignorer,
parfois avec une superbe déconcertante,
cela reste choquant.
Il
a dédié sa thèse à Madame et à Monsieur Robert de Nesmes - Desmarets, un ancien
professeur à la faculté de Droit de Montpellier qui l’avait encouragé dans sa
recherche. C’était un ami de son père car ils avaient étudié ensemble le
droit. Son directeur de thèse a été le professeur Comby. Son ouvrage a été
composé pour obtenir le grade de docteur en droit devant la faculté de
Montpellier (jury : Professeurs Comby, Milhaud, Tisset). Il obtiendra ce
titre mais à titre posthume, le 30 novembre 1950.
Que
cela soit une thèse de droit ne doit pas dissuader le lecteur à la lire ! Il
s’agit plus d’une étude de sociologie juridique. Son travail embrasse
l’économie rurale, la géographie humaine et la démographie qualitative. Pour
son temps, il apporte une approche nouvelle de l’analyse historique ; il
sort des sentiers battus. Il a fait véritablement œuvre d’originalité. Il
s’intéresse à l’homme de la terre, confronté à cette nature qui peut se montrer
tour à tour généreuse et ingrate.
Sa
thèse de 125 pages a nécessité deux ans d’études et d’enquêtes. Il ne s’est pas
contenté de piocher, dans des livres existants, ses connaissances. Non, il s’est
confronté aux sources. Son oeuvre sent l’homme de terrain qui a parcouru les
garrigues, les champs de la vallée de la Cèze comme les archives. On y perçoit
ses discussions avec les gens de la terre qu’il honore par son écrit de
qualité.
Nous
avons d’ailleurs failli ne pas avoir un historien de la Cèze car pendant plus
d’un an, il s’était préparé à une thèse sur les aspects financiers et fiscaux
du football méridional. Et il a eu le courage de renoncer à cette étude car les
documents qu’il désirait obtenir pour la rédaction de sa thèse ne lui ont pas
été fournis par ceux qui les lui avaient pourtant promis ! Le sport et la
finance, déjà en 1947, ont, par moments, eu des relations qui préféraient
l’opacité : cela n’a pas changé quand on pense aux sommes qui se brassent
pour voir évoluer un ballon rond !
Il
n’est pas verbeux mais il est sincère. Il reconstitue document après document
la réalité d’un terroir sur trois siècles. Son étude s’appuie sur une méthode
scientifique, il offre des interprétations originales avec prudence. On y
perçoit de l’humour, de la bonté sans mot inutile.
Les
dernières pages du livre se portent sur la vie religieuse et politique mais ce
sont des écrits qu’il n’a pas eu le temps de peaufiner car le destin en a voulu
autrement.
Son
regard se porte surtout sur les années 1850 à 1880. Il souligne l’établissement
d’un nouveau vignoble et les étapes qui ont conduit le monde agricole
saint-gervaisien vers la monoculture. Il analyse :
· les causes du morcellement des terres,
· le régime de l’exploitation,
· les mouvements de la main d’oeuvre,
· les phénomènes d’inadaptation.
Il
insiste sur le fait que le travail du vigneron est une lutte incessante car, en
1950, le vignoble écrase ses possesseurs.
Parcourons
rapidement les données historiques qu’il nous livre sur Saint-Gervais. Les
vignerons et amis du vin y trouveront bien des informations mais les autres
auront une occasion de découvrir une communauté rurale en vallée de Cèze.
Page de couverture
Extraits de sa thèse
Parfois,
j’y ajoute des compléments ou remarques pour le lecteur de nos jours. J’en
respecte l’approche chronologique avec mention des pages où vous pourrez
compléter votre lecture.
Thèse Henri Lombard,
Dépouillement Antoine Schülé, mai 2004. Données
saint-gervaisiennes uniquement retenues
1 avril 1693 Arrêt
pour « faction d’un nouveau compois terrier
dudit St.
Gervais »[3]
Travail confié
à Jean Simon, arpenteur de Connaux,
suite à une
adjudication faite par enchères. p.14
28 août 1693 Me Chinier,
notaire royal de Bagnols et greffier de St. Gervais signe le contrat de bail.
1694 Compoix St. Gervais p.13
Présage
de Saint-Gervais
p.25,
30
Saint-Gervais
rural du XVIIe siècle
Cultures : blé, seigle, touselle, olive, fourrage,
courge, olivier p.18
Elevage : chèvres, moutons, porcs, poules, lapins, miel
Bêtes de trait : chevaux, mulets, ânes, bœufs (plus
rares)
Toutes les terres n’étaient pas cultivées.
Anciennes mesures p.14
Utilisation des sols p.15
1725 arrêt du conseil :
interdiction de garder des chèvres
1ere
fois, contrevenant subit amende de 100 livres,
jarrets des
chèvres coupés ;
2e
récidive, 200 livres d’amende, bête confisquée.
10 décembre 1728 ordonnance : se défaire
des chèvres dans le mois
« Comme bien des circulaires administratives de nos
jours, il semble bien qu’elle n’ai eu qu’une existence écrite. »
Remarque fine et avec ironie de notre jeune Lombard. p. 16
27 mars 1725 arrêt du Parlement de Toulouse
système
de la compascuité (vaine pâture : autorisation de la dépaissance dans
la proportion des biens que l’on possédait dans
toutes les terres des communautés, à l’exception des vignes,
oliveraies et lieux clos. P. 16
21 juin 1766 payement
d’un droit par bête,nombre de
bêtes est proportionné aux terres possédées.
6 octobre 1752 gratification
de 25 livres pour 100 mûriers plantés p.
17
1754 – 1763 : 7
propriétaires plantent 3868 mûriers
1er Empire 1440
hl de pomme de terre
autonomie
en grains
plus
de seigle que de blé
terres
pauvres pour les labours
1807 fortes gelées des oliviers
peu
de châtaigniers : sol trop calcaire
1814 Chusclan
fournit le meilleur vin dans la région ;
St.
Gervais, vin moins estimé sur le marché mais considéré de même qualité que
celui de Codolet
Cheptel saint-gervaisien en :
1809 10 chevaux
28 ânes
42 mulets
514
moutons
697
brebis
447
agneaux p.
19
1806 toison
des moutons : 2 kg de suint, à 2 francs le kg par mouton
p.
20
1827 Cadastre,
renseignements :
1206
ha de cultures
489 ha de terres labourables
5 ha de prés
19 ha de terres plantées
272 ha de bois communaux
147 ha de forêt royale
cocons vers à soie 18 000
kg par an soit 72 000. - de revenus
Grange de Bayne, propriété du seigneur de Guasc de St.
Gervais ;
Grange de l’Isle, propriété du seigneur de St. Auban.
Grands propriétaires en 1694 :
Cotton, de St. Auban, François Larnac, Jean Pradier, Antoine
Rafin (le maire)
et le reste du foncier non communal se partage en 143
propriétaires ;
Oliviers et mûriers sont plantés en bordure des terres ou au
milieu des vignes p. 32
Population :
Sous la Révolution
Classe
nombreuse est celle des petits propriétaires
Deux
subdivisions :
1)
paysans avec assez de biens pour vivre de leurs revenus
2)
paysans obligés de travailler soit dans de grands domaines, soit comme
piocheurs pour la garance dans le Vaucluse
Peu
de manouvriers agricoles
Rareté
des artisans
Petits
artisans sont en même temps agriculteurs
Revenus
de l’artisanat pour agrandir les terres
Faits frappants : importance
des petits paysans exploitant eux-mêmes leurs terres ;
faible
importance numérique tant des gros propriétaires que des manouvriers. p. 36
Propriétaires exploitants se faisaient rémunérer leur
travail pour autrui.
Moyen privilégié : fermage à prix d’argent.
De Guasc louait une partie de ses
terres : 4 à 5 terres, 1 moulin ; il gérait lui-même la plus grande
part de ses biens avec des ouvriers agricoles et des petits propriétaires du
village. La main d’œuvre était engagée selon les besoins. L’ouvrier permanent
était rare.
Les baux sont de 6 à 9 ans.
Paiement en argent à deux termes. Parfois quelques redevances minimes :
fruits, œufs, volailles.
Le fermier du moulin qui
appartenait à de Guasc devait moudre gratuitement le blé de de Guasc à sa
demande.
Prix des locations :
Terre labourables, 120 à 150.- l’ha, parfois 200.- pour les
terres de première qualité.
Terres de faible rendement : 60.- l’ha.
Principe général des grands propriétaires :
Ils afferment quelques terres à prix d’argent mais jamais
tout le domaine.
Prix des terres dans 1ere moitié du XIXe
siècle p.
37
1850 Rendements :
froment,
8 à 16 hl/ha
seigle, 6 à 16 hl/ha
orge, 6 à 16 hl/ha
vigne, 20 (généralement) à 40 ha (rarement)/ha
fourrages,
30 à 40 quintaux/ha
* Les charrues sont rares
« Le travail se fait à la main : beaucoup de
sueur, peu de résultats. » p.
37
* La vigne se travaille au huchet ; en 1850, le
sécateur fait son apparition, remplace la serpe pour la taille !
Engrais chimiques n’existent pas ; Fumier de bergeries,
seules fumures.
*Vigne fournit essentiellement un vin de bouche. Vin pour la
vente : objet d’autres soins.
Céréales et moutons : modestes revenus.
* Exploitation du sous-sol : carrières, source d’un modeste
revenu communal.
Salaires 1850 :
Domestique de ferme : homme,
217.-/an
femme,
95.-/an
journalier
agricole, 1.50/jour si pris à l’année
, 2.-, si pas pris
à l’année
Pays pauvre, isolé, mange peu de viande (à l’exception du
porc, de la chasse),
Replié sur lui-même, communications difficiles.
Vers 1840 la
« route » Avignon - Barjac était bonne jusqu’à Bagnols,
ensuite
une fondrière ;
40
Km Bagnols - Barjac seront rendus carrossables. p. 38
1800-1850 extensions
maximales des cultures p. 41
1836 pyramide des âges idéale :
large à la base
45/711
habitants ont plus de 60 ans.
342
entre 20 et 60 ans et dont 211 entre 20 et 40.
Garçons cherchent femmes dans les communes voisines.
Mortalité infantile est très forte. 1 enfant sur 2 ou 3
meurt avant d’avoir atteint l’âge de 3 ans.
1830-1840 faible
quantité de mariages, une émigration régulière se produit.
1806 à 1851 le nombre d’habitants passe de
564 à 753.
1856 vignes,
perte totale de la récolte : oïdium
Vin :
une consommation interne
Pas
de vin produit : les paysans se passent de vin.
Oïdium : maladie causée à la vigne par un champignon
microscopique parasite qui développe un mycélium externe sur les feuilles, les
grappes, les rameaux, et contre lequel on lutte par pulvérisation de sulfate de
cuivre.
1859 vers
à soie : baisse, la pébrine fait des ravages.
1866- 1875 : vigne :
ravage du phylloxera, (Pujaut est le premier site atteint en Europe).
1874 120
ha de vignoble disparaissent en raison du phylloxera
Phylloxéra : puceron causant de gros dégâts dans les
vignes. Les femelles aspirent la substance des racines, qui pourrissent
ensuite. Le phylloxéra provoque également la galle du dessous des feuilles de
la plante sur laquelle il se trouve.
1880 Vigne avait disparu quasiment des paysages de la vallée de la
Cèze. Traitement trop onéreux et succès incertain. D’où une augmentation
des terres incultes p. 52
La vigne devient une culture des
coteaux.
Bonnes terres aptes à toutes les
productions sont des terrasses, à l’abri du vent.
Cela se fait au détriment de la
terre fertile. Terre arable peu profonde tend à disparaître lors de fortes
précipitations, de désherbages : les éléments fertiles du sol
disparaissent.
Terres plus caillouteuses sont
exploitées : épierrage intense, création de murailles sèches (juste avant 1914).
Vigne résiste mieux chez les
petits propriétaires qui désirent conserver leur production particulière, pour
usage personnel.
Accroissement des terres
incultes, paysage change.
Progression des pacages
Emigration plus fréquente ;
existence d’un droit d’aînesse tacite ; parfois seul l’aîné se mariait,
les autres vivaient au foyer et restaient célibataires.
1890 à 1900 : vente de
petites vignes alors qu’il y a reprise viticole. P.54
Perte de confiance dans
l’agriculture
Attraction d’emplois dans les
villes : Bagnols, Avignon, Bollène, Pont.
Désir de travailler sans souci
comme ouvrier agricole
Agriculture après
les crises
Début XIXe s., froment
seigle sont cultivés à égalité ;
Mi XIXe s., le froment
occupe une place plus importante que le seigle.
Vers 1900, le seigle disparaît
comme depuis 1850, le sarrasin et le méteil.
blé noir n.m.
(Fagopyrum esculentum) Egalement appelé "sarrasin", largement
utilisée comme alimentation du bétail, cette graine triangulaire est
également consommée en tant que gruau. Ce blé noir pousse sur les sols
pauvres des landes et dans les vallées montagneuses, comme au Népal par
exemple. Famille des polygonacées.
Méteil Bas
latin : mistilium, mélange.
Mélange de seigle et de froment (ou de blé) semé en même temps dans le même
champ. Passe méteil : mélange de
deux tiers de froment et d’un tiers de seigle ; petits méteils : sol pauvre, plus de blé que de seigle ; gros méteils : blé domine. Mariage
d’espèces pour moissonner en même temps.
L’avoine occupe une place modeste
mais se maintient. Faible rendement.
Vignes atteintes par le
phylloxéra : certains propriétaires y plantent le millet à balai.
1900, 650.- / hectare, soit équivalent de 40 hl de vin /ha P. 55
mil à balai épuise les
terres ; nécessite un important apport d’engrais. Marché limité pour le
grain et pour la paille. Ressource d’appoint mais pas revenu sûr.
Elevage
Dès la première moitié du XIX e
siècle : nette décadence.
Mairie de St. Gervais (sources):
1863, taxe communale de 0.30 par
bête admise dans les pâturages.
1863-1869 : 400 bêtes sur
800 bêtes dans la commune.
Taxes pour :
1872, 476
1874, 640
1875, 715
Nouvelle habitude
alimentaire : production de brebis et d’agneaux, usage de consommer de la
viande.
1875 : production maximale.
Depuis 1878, chute régulière et
sûre.
Lien avec la reprise de la vigne.
Dès la guerre de 1914 : le déclin
est sérieux, bêtes résiduelles de quelques particuliers.
Fin d’une forme de polyculture,
début du renouveau viticole 1880-1881,
M. Soulèze croit en la
possibilité de produire du vin de qualité dans cette région. Il tente les
premières replantations.
Le domaine de Bayne est un
terrain d’expérimentation :
Plants
greffés sur porte-greffes américains
Plans directs
américains
Plans directs
français
Résultat : abandon des
plants américains directs, le jacquez qui était en faveur pourtant. Plants
greffés sur américains (Riparia Gloire et Jacquez) l’emportèrent. p. 59
On greffe des alicantes bouschets
petits
bouschets
carignans
terrets
bourrets p.
60
Les cépages traditionnels comme
cinsault et grenache sont délaissés.
Les prix élevés du vin, un exemple
vu et le succès démontré, une nouveauté :
1885-1900 : une replantation
de la vigne à St. Gervais et dans les communes environnantes.
Soulèze a révolutionné les
manières de faire sur cette commune :
·
Plantation : avant, on plantait large avec
arbres fruitiers et oliviers entre les rangées de vigne, conséquence :
mûrissement insuffisant ; mélange de cépages ; alignements
fantaisistes des ceps ;
· Taille : il a fait venir des tailleurs de
l’Hérault (taille en gobelet); les tailleurs d’ici chargeaient la vigne de
trop de bois (taille Guyot)
· Procédés de culture : équipes de laboureurs
remplacent les piocheurs ; développement du travail (labours d’automne,
d’hiver et de printemps). Piocheurs n’apparaissent plus qu’en été aux pieds des
souches ; mildiou : nécessité de sulfatage
Mildiou : Nom de maladies cryptogamiques qui
attaquent diverses plantes et qui se manifestent par des taches duveteuses à la
face inférieure des feuilles. Ces maladies sont en fait dues au parasitisme des
plantes par des champignons, tel le Plasmopara viticola pour la vigne.
·
Termes de travail
·
Coutumes de vente (il ne payait pas le courtier)
La vigne des coteaux descend vers
la plaine : elle s’étale jusque vers la Cèze.
Grosse charrues défoncent le sol
jusqu’à 40 ou 50 cm de profondeur.
Rangées s’alignent droites et
parallèles
Vignes plantées en carré à 1m.50.
Sur 450 ha de terres cultivées,
il y a 300 ha de vignes.
Les gros propriétaires sont les
premiers à replanter ; Vigne est la culture principale : elle exige
tous les soins. p.61
Trois
raisons :
Nature du sol et du climat
Extension du vignoble sur rive
gauche de la Cèze ; abri du rideau de collines, gelées moins fréquentes,
vignes en terrasses mûrissent mieux, les terres alluviale s’étendent plus sur
la rive gauche (contrepartie des inondations)
Situation sociale
Grands domaines appartiennent à
d’anciens notaires, négociants qui disposent de capitaux importants. Régies
directes pour le gros du domaine, peu d’affermages à St. Gervais (petite part).
A Sabran : fortunes
importantes mais terres affermées en totalité. Investissement pour la
replantation par propriétaires, sans retirer le bénéfice !
La charge d’un grand domaine en
vigne ne peut être assurée que par un propriétaire : toute l’année ouvrage
lourd à poursuivre ; métayer n’est pas habitué à cette époque aux
contraintes de ce genre.
Terres ne rapportent plus,
nécessité de trouver un nouveau débouché ;
travail pour la population :
trois grands propriétaires emploient 65 ouvriers, tous du village ;
revenu des plantations, salaires
attractifs pour tous p.63
fixation de la population sur
village.
Situation économique
Peu de grands propriétaires, 25 à
50 ha.
Très nombreux petits
propriétaires :
Frais de plantation mais espoir
de bénéfices.
Domaines moyens : avantage, la
replantation ne nécessite pas une grande mise de fonds.
Petits propriétaires imitent et
peuvent se faire de l’argent en louant leur personne et leur cheval ou en
effectuant les travaux des grands domaines. Pas des salariés mais compléments
de revenu utiles.
Vente des vins
Le Rhône a été longtemps la seule
voie fluviale commerciale active.
Le reste se faisait par muids
tirés sur des charrois.
1881, gare Bagnols :
Le train a joué un rôle essentiel pour distribuer les vins sur Lyon comme sur Béziers.
Par contre, il y a un contrecoup sur les céréales : les blés à meilleurs
prix arrivent par train, fin de la culture du blé dans la région.
Revenu
1880 : 20.- / hl et
60 hl/ ha : vigne rapporte 1200.- brut à l’hectare.
Au démarrage, il faut une grande
mise de fonds.
Une vigne coûte à cultiver
jusqu’à la troisième année environ 2’000.- ; la dépense annuelle se porte
ensuite à 500.-. Le bénéfice net était de 700.- environ.
1880-85-90 : les cours du
vin montent, 30.- à 34.- / hl.
La motivation pour planter était
évidente. P.
64
La vigne emploie toutes les
forces : une autre culture perturbe le suivi du travail de la vigne. Une culture
intensive dès lors s’impose.
1914 : en dehors de
la vigne, restent 150 ha de terres labourables dont 75 ha de terres de qualité
inférieure : Domaine de L’Isle et le plateau des Célettes restent en
labours.
Il y a 304 ha de vignes dont 209
ha sont des terres de premières catégories.
Rappel en 1825 : 117 ha dont
60 ha dans des catégories basses.
De 1912 à 1914, pour 300 ha de vignes, récolte oscillant entre 22’000 hl à 39’000 hl.
Rendement de 73 à 130 hl à l’ha.
Grande mutation par rapport au
début du XIXe siècle :
Difficulté d’approvisionnement
d’une population nombreuse et pauvre. Les communes n’arrivaient pas à assurer
leur nourriture propre.
Importer du blé, charge lourde. L’argent
était rare.
Avant 1914, l’argent abonde grâce
à la vigne. P.69
Cependant, il y a des années de
crise.
La culture uniquement à bras
disparaît : Paysans doivent avoir : chevaux ou mulets, matériel pour
travailler la vigne, vaisselle vinaire. Cela a un coût.
L’argent est investi :
plantation, construction, aménagement de caves, réfection de chemins, … La
vie reste rustique pour les habitants.
C’est à ce moment que de grands
domaines se constituent par regroupement de terres.
Au début du XXe
siècle, il y a eu une forte baisse du prix de vente du vin.
Emigration est stoppée cependant.
Un exemple qui parle de lui-même : en 1876, le recensement répertorie 5
habitants pour Bayne et 7 pour Naste ; en 1906, ils ont respectivement 12
habitants et 31 !
En 1876, 156 habitants exercent
une profession déterminée : 108 sont propriétaires cultivateurs. Il y a 4
bergers et 3 domestiques. L’essentiel est constitué de petits propriétaires qui
ont pu exister grâce à l’exploitation de la vigne. En 1906, 316 habitants à
profession répertoriée ; 220 œuvrent exclusivement à l’agriculture dont
123 petits propriétaires travaillant uniquement pour eux-mêmes.
En 1906, apparaissent les
ouvriers agricoles : 75. 48 de St. Gervais, 18 des villages voisins, 9
gavots (Ardéchois) et 2 étrangers (plus rarement Espagne, surtout Italie,
bûcherons). 3 gros propriétaires en dirigent 65, l’un d’eux (Naste) en a 35 à
lui seul !
Le plus recherché est le
conducteur d’attelage qui est capable de soigner les chevaux.
Population
De 1850 à 1870, baisse générale
de la population. Pour les villages connaissant la replantation des vignobles,
reprise d’une augmentation de population dès 1890. St. Gervais et St. Michel se
maintiendront alors qu’il y aura ailleurs vite une stagnation, voire une
nouvelle régression. Cependant de 1906 à 1911, 46 hommes quittent St. Gervais.
Exemple : Goudargues avait
en 1850 : 1350 habitants, à la veille de 1914 : 800
habitants.
Un fait à signaler : le taux de mortalité infantile. Jusque vers 1900, près de la moitié des enfants nés mouraient avant d’avoir atteint l’âge de 4 ans.
Entre deux guerres :
14-18 et 39-45
Décadence des cultures autres que
la vigne. La sériciculture disparaît. Les troupeaux fondent : manque de
bergers, réduction des pâturages, paille trop rare (le blé ayant disparu),
emploi d’engrais chimique en lieu et place de l’engrais animal ; les
chèvres résistent mieux[4],
il y a 1 chèvre pour 8 à 10 habitants. Les céréales s’effacent :
spécialement dès 1937. Les plantes fourragères diminuent.
La vigne devient une monoculture
avec encore cependant deux grandes exceptions : les arbres fruitiers (les
oliviers résistent mais les mûriers sont arrachés ; les cerisiers viennent
en force avec ensuite les pommiers et les poiriers) et les jardins.
La vigne
Extension du négoce des vins à
Bagnols 2 mio d’hl : cela a des répercussions sur la vallée de la Cèze.
L’emploi de camions citerne est
une nette avancée : pour Bagnols, 700 hl sont transportés par ce moyen.
La vigne est prospère : la
superficie de vigne a doublé dans les dix communes viticoles de la vallée de la
Cèze : 2080 h en 1913, 4245 ha en 1937.
La vigne occupe les terres
basses, terres alluviales. Les rendements sont importants mais subissent de
grandes variations selon les années. 50 à 100 hl par hectare ; l’Aramon
est le cépage dominant ; suivent le Carignan et l’Alicante.
Sur les terrasses plus anciennes,
on s’approche de la garrigue. Teneur alcoolique est élevée : en 1945, St.
Gervais a un degré moyen de 11°8 et, en 1949, de 12° à 12°5.
Vin de bonne qualité ; les
cépages nobles sont plantés ; les raisins sont récoltés seulement à
maturité complète.
19 novembre 1937 : les
communes de la rive gauche de la Cèze jusqu’à St. Michel se sont vu confirmer
leur droit à l’appellation de « Côtes
du Rhône ». p.91
1939-1945
Quelques céréales, comme maïs et
orge, apparaissent timidement. La production se concentre surtout sur la pomme
de terre et la betterave.
La betterave pousse mal en raison
de la sécheresse (sa grosseur est de la taille d’une pomme de terre). Le
tournesol a sans eau la taille d’un plant d’asperge. Les légumes en gros ne
donnent guère : manque d’eau.
La graine de chènevis acquiert un
bon succès. Graine de chanvre qu’on donne à manger aux petits oiseaux de nos
jours. On en extrait aussi une huile de couleur verte, utilisée dans la
fabrication de savons mous verts et appelée aussi huile de chanvre. Du fait de
sa rareté, le prix offert était fort intéressant mais ceci n’était pas une
nourriture pour les hommes.
Reprise du sorgho à balais aussi.
Certaines années, cela rapporta plus que la vigne. La paille de mil était très
demandée. Mais en 1947, il y en avait eu trop de planté et la chute de prix en
a fait disparaître la production.
Les oliviers sont replantés car
il y avait des primes à la replantation. Lombard discerne, non sans une douce
et plaisante ironie, une différence notable entre les oliviers déclarés
replantés et la réalité : Ainsi de vieilles souches, qui ne rapportaient
plus d’olives depuis les grands-parents, sont redevenues officiellement des
oliviers productifs !
Les arbres fruitiers jouissent
d’un regain de soins attentifs : ce qui n’était pas arrivé depuis
longtemps. Les troupeaux ovins démarrent peu pendant la guerre par manque de
berger qualifié. Par contre, un net succès : les cochons, un par famille,
et les animaux de basse-cour : canards, poules. Une douzaine de chaque par
famille. Les lapins ?
Influence de la guerre :
diminution des chevaux, augmentation des mulets : frugal, résistant,
d’entretien économique.
St. Gervais garde cependant sa
vocation viticole.
Propriétés rurales
des années 30
La surface moyenne des propriétés
à St. Gervais : 7 ha 2 en 1820, 3 ha en 1937 !
1931 : St. Gervais, 203
propriétaires :
148 possèdent
moins de 3 ha.
40 de 3 à 10
ha.
16 grands
propriétaires possèdent 400 ha.
Petits propriétaires ;
commerçants, retraités, petits artisans locaux, gens de l’extérieur qui font
travailler leurs terres par un fermier ou un métayer.
Petits propriétaires vivant que
de la terre : ils sont en plus fermiers ou ouvriers agricoles à côté de l’exploitation
de leurs terres.
Pas de grandes exploitations
viticoles : la plus grande est de 30 ha de vignes.
Les exploitations sont très morcelées.
Le fermage tend à diminuer. Progrès de la vigne
incompatibles avec ce système. Fermage à prix fixe : peu de résultat.
Système est maintenu pour les terres à céréales.
Le métayage est en grand progrès. Propriétaire
investit : augmentation de la production, valorisation de son revenu. Le
métayer est intéressé à la production. Principal obstacle : partage des produits.
Vin : quantité facile à
mesurer ; déclarations de récolte faites ouvertement. Tickets des comptes
d’arrivage à la Cave coopérative.
Mi
fruit : la récolte est partagée
par moitié entre le propriétaire et le métayer. Propriétaire à la charge de la
moitié des frais d’exploitation : engrais, produits anticryptogamiques,
nourriture du cheptel.
La main
d’œuvre est au frais du métayer.
Système
avantageux pour le métayer qui n’a pas de charges financières trop importantes
à assurer.
Le
propriétaire doit être attentif aux dépenses.
Tiers de
fruit : le propriétaire
dispose du tiers de la récolte mais aucun frais d’exploitation (sauf frais de
plantations).
Cette solution
convient aux propriétaires extérieurs de la commune et à ceux qui ne peuvent
pas investir dans les terres.
Un grand nombre d’exploitations
produisent entre 150 à 500 hl de vin.
Grand propriétaire,
caractéristiques : 1000 hl de vin. Cave particulière, cheptel suffisant,
matériel de qualité ; achat de tracteurs : économie de personnel. Fonds
disponibles pour constituer un domaine avec des terres plus regroupées. Terres
très bien entretenues. Connaissances techniques de pointe.
Gros producteur : production
de plus de 1500 hl. Souvent biens issus de mariages, reçus par héritage mais
souvent des terres dispersées. Difficultés : plusieurs métayers.
Propriétaires non résidents. Incompétence de gestion des propriétaires qui
n’ont plus aucun lien et aucune connaissance de la terre. Leur vie en ville
nécessite plus d’argent : les terres sont facilement hypothéquées et
finalement mises à la vente.
Main d’oeuvre qualifiée est plus
difficile à trouver : les petits propriétaires ont réussi à se constituer
une surface de vignes suffisante pour vivre et n’offrent plus leurs services.
Ouvriers étrangers (Espagne,
Italie) sont attirés par les mines, les travaux du Rhône. Les ouvriers
ardéchois mettent de l’argent de côté et cherchent à devenir petits
propriétaires.
Les
coopératives viticoles
Création des caves
coopérative : vallée de la Cèze, démarrage 1924.
Premières : St. Gervais
(12 000 hl) et Bagnols, plus grande surface et plus d’adhérents (9 225
hl).
1925, St. Gély, (9 791 hl)
St. Laurent de Carnols (5 000 hl), St André de Roquepertuis (9 400 hl).
Pour St. Gervais, le succès est
grand : il faut agrandir en 1928 déjà. (+ 8000 hl).
Sabran suit en 1929.
Certaines communes comme St.
Michel, Cornillon, St. Nazaire ne suivent pas le mouvement alors qu’ils sont
des villages riches, bien peuplés et avec un vignoble étendu comme en bon état
de production.
St. Gervais
Cave achevée en 1924.
71 propriétaires adhérents de la
cave
Cave prévue pour loger
12 000 hl.
Coût : 511 227,
35.
Aide de l’Etat, 1/12
maximum : 41 029.- sont versés.
Crédit Agricole a accordé un
prêt, remboursable en 10 ans, de 350 000.-
Les fonds propres, avances des
adhérents propriétaires a été de 117 894.-.
Une coopérative revenait à 45.-
l’hl de cave.
Principes de fonctionnement
La direction est assurée par un
gérant appointé et intéressé aux bénéfices.
Il a un ouvrier à disposition
pour assurer la marche des travaux courants.
Aux vendanges, il engage le
personnel : des journaliers payés au tarif syndical.
6 premières années démarrent ave
force ; stabilisation après 39-45.
1950
147 adhérents, c’est l’énorme
majorité des vignerons de St. Gervais.
En 1948, 166 déclarations de
récolte ; 19 vinifient la totalité de leur récolte chez eux : deux
catégories, des grands propriétaires qui ont le matériel vinaire pour vinifier
eux-mêmes ; les petits qui ont des récoltes trop faibles pour adhérer ;
7 déclarants envoient une partie de leurs récoltes à la cave et vinifient le
reste chez eux.
Elle produit du vin contrôlé et
du vin ordinaire.
Les petits propriétaires ont subi
la crise : manque de main d’œuvre pendant la guerre, manque de produits
pour traiter la vigne : conséquences encore jusqu’en 1950.
Aspects du
vignoble en 1950
Deux tendances :
1.
Planter des cépages américains hybrides, assurer
dans les terres bases des récoltes régulières
2.
planter des cépages dits « nobles » à
rendement faible mais à bonne teneur alcoolique.
Hybrides
1880 : clintons, jacquez.
1914 : courderc, seibel.
A titre expérimental
essentiellement
Superficies très limitées
Depuis 1930, plantations
systématiques dans les terres du bord de la Cèze ou des terres trop éloignées
du centre d’exploitation ou d’un point d’eau.
Plan privilégié est le Couderc
7120 noir.
Entretien moins coûteux,
production abondante
Période 1940-45 : attaques
de mildiou et oïdium, grands dommages au vignoble.
2 mai 1945 : une gelée
détruit la récolte et cela jusque dans les coteaux.
1948 : épidémie de mildiou
sur la vallée du Rhône, moitié de la récolte est enlevée…
Hybrides ont remplacé le Viniféra
et l'Aramon
Années 50 : période
d’intense plantation, après arrachages de la guerre, vignes neuves
apparaissent.
80 à 90 ha d’hybrides :
moitié de Couderc 7120, 25 % en Seibel 7053, et, le reste, Seyve Villard.
Cependant, ces plantations se
font en petites quantités. Prudence du vigneron qui généralement privilégie des
cépages au rendement plus modeste mais dont il est sûr.
La cherté des produits
anti-cryptogamiques explique ce phénomène.
Appellation Côtes
du Rhône
Contexte historique et juridique
Avant 1914, la protection des
appellations contrôlées était faite par l’administration.
6 mai 1919, les tribunaux
possèdent le pouvoir réglementaire. Une grande demande pour cette appellation
« Côtes du Rhône ».
Plusieurs critères consacrent des
droits anciens considérés comme acquis : constance, loyauté et localité.
« On entendait
·
par droits constants, des droits répartis sur un
nombre suffisant d’années, pour jouir d’une sorte de prescription
acquisitive ;
·
par droits loyaux, des droits publics, admis ouvertement
et devant tous ;
·
par droits locaux, des droits qui n’étaient pas
réclamés par un individu seulement mais par de nombreux producteurs du lieu. » p. 116
Le Syndicat des vins des Côtes du
Rhône est très actif pour protéger l’appellation. Les tribunaux se révèlent
vite incapables d’apprécier les demandes. Des experts sont désignés.
Les experts ont à déterminer dans
quelle mesure l’appellation de « Côtes du Rhône » était une réalité.
Les critères retenus sont :
·
Géographiques : une région de 300 Km aux
vins renommés
·
Géologiques : terrais d’alluvions siliceux,
formés par les quartzites roulés et, dans le Gard, les étages du crétacé
supérieur qui produisent des vins de qualité.
·
Historiques : les Côtes du Rhône
apparaissent au XIXe siècle ; par contre la Côte du Rhône, entre
St Etienne et Roquemaure, existe depuis le Moyen Age.
·
Commerciaux : les négociants admettent
l’appellation
·
Œnologiques : vins présentent un caractère
identique et constant de finesse, bouquet, chaleur, corps et velouté.
Avec la loi du 30 juillet 1935, une
réglementation plus stricte voit le jour :
·
cépages limités
·
degré minimum
·
rendement maximum
·
réglementation des cultures
·
procédés de vinification sont définis
11 novembre 1937
Les communes de Chusclan,
Bagnols, St. Gervais, St. Nazaire et St. Michel d’Euzet ont droit à
l’appellation pour la partie de leur territoire située au-dessus des terrasses de 10 mètres.
Ce n’est donc pas la totalité du territoire !
De 1940 à 1945, la replantation
de vignes donne droit à l’appellation.
De 1947 à 1948, des cépages
nobles sont plantés.
Le cinsault vient en tête : degré élevé, chaleur de son vin. Le bourboulenc et la clairette suivent. Le carignan
arrive en dernier. St. Gervais désire que l’aramon soit retenu comme cépage noble mais la commune ne sera pas
entendue quoique l’aramon donne un vin excellent et d’un degré élevé, dépassant
les 12°.
Travail sur la vendange pour les
vins contrôlés :
Chaque cépage est récolté au
temps voulu de maturité.
En général, tout à la fin des
vendanges : on laissait mûrir à la limite du possible. Ceci explique des
degrés alcooliques élevés.
Production limitée à 40 hl par
hectare.
En 1948, environ 140 ha ont droit
à l’appellation ;
Des impôts lourds[5]
vont cependant limités la vente des vins contrôlés à l’approche des années 50.
St Gervais partage son vignoble
en trois parts égales : une part en plants français courants, l’aramon,
une deuxième en cépages nobles et un troisième en cépages hybrides. Une
caractéristique se dessine : le recul de l’aramon.
Variations de la population
à l’époque contemporaine
Période 1906-1920, la population
diminue à un rythme accéléré, comme dans la période 1850-70.
Les communes à grandes étendues
de garrigues connaissent une fort dépopulation : Goudargues, Sabran, La
Roque se vident du quart au tiers !
St. Gervais : succès et
ralentissements viticoles conditionnent les flux et reflux.
De 1921 à 1931, 34
immigrés ; 1931-1936, 27 habitants quittent le village.
Lieux d’origine des habitants nés
hors St. Gervais : 239 en 1936. 78 des communes voisines ; 64 du
Gard ; Lozerots et Ardéchois forment le reste. Parmi les étrangers, quelques
Italiens et Espagnols.
Baisse de la natalité se prononce.
Le taux de mortalité infantile baisse en même temps que diminuent les
naissances. De plus en plus, un fils unique dans chaque famille.
Les personnes âgées vivent au
sein de la descendance : elles participent activement à la vie de famille[6]
et il n’y a pas cette ségrégation de l’âge que nous vivons trop facilement à
notre époque.
Lombard
achève sa recherche sur des observations de la vie religieuse et politique.
Il
constate que le virus politique n’est pas intense dans la région jusqu’en 1950.
« Les différences dans les opinions
sont dues souvent à des questions de personnes. On était royaliste parce qu’on
avait été au service ou qu’on était l’ami du seigneur du village. Les principes
n’apparaissaient guère. » (p.131). Les désaccords internes au village
étaient liés aux terres plus qu’à la politique : la lutte entre M. Cotton,
légitimiste jusqu’en 1900, et M. de Saint-Auban, libéral, en est
l’illustration.
Une
anecdote illustre une facette que certain(e, surtout) voudrait occulter : « La République ne plaisait pas à tout le
monde comme nous l’allons voir : le jour où pour la fête du village, on
inaugure son buste, un saint-gervaisien croit avoir une idée géniale : il
promet 20 fr. à un lutteur de la foire pour renverser le buste. Le lutteur,
blessé dans ses sentiments républicains, fait un esclandre et manque de
provoquer une mêlée générale. ». L’ironie pointe quand Henri Lombard
parle des élections municipales : « La vie politique locale est émaillée de ces petites scènes. Les
tripotages municipaux sont nombreux – on s’entend à cette époque pour faire des
élections. ». De plus, il précise en note : « Nous ne croyons pas d’ailleurs que les
petits-fils aient jamais démérités de leurs grands-parents. » (p. 132)
et, en 2017, je confirme que le clientélisme s’est constaté fréquemment, à de
rares exceptions près…. Mais, là,
chut !, cela ne se dit pas : il faut bien penser selon les clans et tout
ira bien…
Les
grandes élections laissent cependant une légère avance aux candidats radicaux -
socialistes.
Conclusion
Je
la laisse au professeur Jean Morini - Comby qui nous parle de la thèse de
Lombard dans la préface qu’il a rédigée :
« La vision du passé rural et des réalités
champêtres, même sous le soleil méditerranéen et sous le mistral, n’a rien
d’idyllique. La lutte contre la misère et les crises lui apparaissait comme le
sort éternel du rural dont la victoire reste précaire et n’est bienfaisante que
dans la mesure même où elle fait corps avec ses efforts et sa volonté.
Henri Lombard a été un vrai patriote
parce qu’il a, conjuguant son métier d’étudiant et sa propre personnalité,
donné à son pays de la Cèze ce qui pouvait être écrit de son passé. Et le tout
avec la modestie dont on veut bien faire hommage aux savants… C’est la seule
mais grande consolation qu’en gardent ceux qui l’ont assez connu pour pouvoir
l’aimer. »
Le
fait d’avoir un esprit critique et constructif et de dire quelques vérités avec
le sourire, ne doit pas justifier le silence dans lequel Henri Lombard a trop
longtemps été tenu. Il y a des silences mesquins ! Sa recherche historique
mérite votre attention et, si cette présentation vous incite à lire sa thèse,
cela suffira à me récompenser de ma démarche.
Antoine Schülé
Texte présenté en 2004 et
revu en mars 2017.
Pour
ne pas être accusé de plagiat, en histoire locale cela deviendrait ici presque une
pratique courante (lire le site officiel de la Mairie, la rubrique "Histoire" où l'éditeur responsable couvre de son autorité le plagiat partiel de son adjointe... une mesquinerie de plus), merci de signaler le nom de l’auteur de cet article et, en cas
d’emploi, de l’en informer.
[1]
Lire la généalogie des de Guasc, les barons de Saint-Gervais.
[2]
Rouvière et Domaine de Bayne Lieutenant –colonel Gustave
Rouvière a légué par testament, du 2 mai 1866, le domaine de Bayne à
Auguste Soulèze, son ami, et ses filles. Une fille a épousé un Cadilhac. Et la
petite-fille a épousé un Auguste Lombard (Alès) qui est le père d’Henri
Lombard, le frère de Marie-Cécile Descous. Commandant de la subdivision de Gabès
(Tunisie). Il est mort d’une maladie contractée (se portant sur l’estomac et
les reins) lors de la conquête du Sahara le 15 mai 1866. Il est enterré
au cimetière familial de St. Quentin-la-Poterie (près d’Uzès).
M. Mignard (La Roque-sur-Cèze) s’intéresse au
capitaine Albert Rouvière. Il s’agit du frère de celui qui précède. Il
existe une plaque de marbre sur le mur de la façade sud du domaine de Bayne
mentionnant : Capitaine Albert Rouvière / né au château de St. Gervais / le
27 février 1837 / mort à l’ennemi à la bataille de Forbach / le 6 août 1870. Il
est probablement enterré dans le caveau de la famille Rouvière au cimetière de
St. Quentin. Voilà tout ce que peut dire Mme Descous en 2004, ancienne
propriétaire de ce domaine. Les deux frères étaient officiers de carrière. Ils
avaient une sœur qui était religieuse de l’Assomption à Montpellier (Marie –
Albertine - Chantal).
[3]
Etablissement d’un compoix, sorte de registre du cadastre.
[4]
La dernière au village a été au Malins, années 70 et la toute dernière aux
Célettes, années 80.
[5]
La charge fiscale a été et reste le plus sûr moyen de tuer les meilleures
entreprises !
[6]
La solidarité familiale évitait ainsi de lourdes charges à l’Etat.