Thomas
More : “L’Utopie”
par
Antoine Schülé
La
Tourette, 13 janvier 2020
En
cinq siècles, le
mot utopie
a
pris un sens totalement différent de celui voulu par Thomas More.
Pour
lui, Utopie
désigne un pays qui
n'existe pas,
occupé par un peuple imaginé
réellement
heureux car
sous
un gouvernement idéal puisque
différent de celui de l'Angleterre.
De
nos jours, l'utopie
est entendue plus
souvent négativement
pour
déterminer
un projet ou une conception irréalisable. En
même temps, certains
écrivains
et philosophes le
réhabilitent
en invoquant la force de ce rêve qui pourrait changer le monde,
quand celui-là
ne devient pas un cauchemar,
dans une dystopie,
ou une fiction extraterrestre,
dans une atopie totale.
Ce
sens
négatif nous
ferait presque
oublier que Thomas More est un pragmatique et que son réalisme frise
parfois un certain cynisme (quand il traite de la guerre par
exemple). De
plus, son
œuvre a connu des interprétations si diverses jusqu’à nos jours
qu’il est presque impossible de
lire cet ouvrage sans avoir des préjugés favorables ou
défavorables,
selon les
idéologies,
nées
postérieurement au
XVIe
s. et
qui
revendiquent
la
paternité de
More
:
une
paternité
qui,
dans la plupart des cas,
ne leur aurait
pas
été
accordée
par
l'inventeur du mot "utopie" !
En
cette
communication,
je vous propose une mise en contexte1
avec le regard de l’historien. Pour ma part, il s’agit de
comprendre Thomas More (1478–1535)
en
fonction de ses autres écrits, de sa vie familiale
et au sein
de cet
État
qu’est
l’Angleterre
:
en raison des charges, qu’il a exercées en
tant que juge
et
proche conseiller du roi Henri VIII
et en
raison des
personnalités religieuses,
philosophiques, politiques et diplomatiques de
son temps, avec qui il a discuté ou correspondu,
il est un observateur avisé du Royaume.
Une
œuvre littéraire s’inscrit dans un courant de pensée :
aussi, en plus, je porterai un éclairage rapide sur ses sources et
sur sa longue
filiation,
en sachant que parfois les disciples trahissent leurs maîtres
avec des occultations, des extrapolations, des interprétations…
En
conclusion, je répondrai à une question qui m’a taraudé pendant
toute la rédaction de cette communication :
« L’Utopie »
de Thomas More, n’est-elle pas plus
une prophétie ou
une prospective qu’une
utopie
?
Un
écrit
Cet
ouvrage2
de taille modeste (110
pages environ) a
été un évènement
littéraire européen et a marqué la pensée philosophique et
politique jusqu’à nos jours.
« Utopia »
de Thomas Morus est un livre, écrit en latin et qui est
paru
en 1516,
édité par Thiery Martens, en Flandres, à Louvain. Le sous-titre
explicite clairement la volonté de son auteur : de
optimo reipublicae statu deque nova insula Utopia3.
Il
a connu une large diffusion en Europe.
Traduit
en plusieurs langues,
cet ouvrage s’adressait
ainsi plus seulement à quelques érudits mais à un large public. Il
faut
une ou
deux heures maximum pour le lire.
En
quelques mots, en voici les idées principales qui seront affinées
par après.
Résumé
"L'Utopie"
est essentiellement une critique de la société anglaise que Thomas
More observe et face à
laquelle il oppose
un système de gouvernement cultivant des principes soit
totalement contraires,
soit envisagés d'une
autre façon, toujours
très pragmatiques,
ce qui est original dans une œuvre de fiction
où disparaît le merveilleux des récits du Moyen Age.
Les onze points
principaux, traités dans le dialogue de More et Hitlodée, les deux
personnages principaux, sont les suivants :
1,
Le travail est obligatoire.
2,
La journée d'un
travailleur est de 6
heures, le reste du temps est employé à cultiver l'esprit.
3,
Les intellectuels sont en petit nombre.
4,
La propriété privée et l'argent sont abolis.
5,
L’État est gouverné par un prince Utopus, élu selon une
démocratie semi-directe.
6, Les lois sont peu nombreuses.
7,
La vie est frugale et communautaire.
8,
Les prêtres, homme
ou femme, sont élus et le
monothéisme est privilégié avec
le respect d'autres croyances.
9,
La famille est la cellule
de base,
pour œuvrer au bien commun et non satisfaire un besoin individuel.
10,
Une
harmonie entre le corps et l'esprit exige un mélange d'ascèse et
d'épicurisme4.
11,
Le but ultime du gouvernement est que tous vivent ensemble et en paix
et ce but peut justifier une guerre juste.
Le
décor étant ainsi sommairement planté, analysons mieux les idées
émises.
Cet
écrit
se compose de deux livres très
différents par le style. Des critiques littéraires ont voulu
attribuer le premier
livre à Érasme
et le second à Thomas More. Une lecture attentive permet d’écarter
cette hypothèse.
Le
masque
littéraire
est évident : le
livre
25
insère une
œuvre de fiction6
dans un récit de voyage dialogué,
qui
commence au livre 1
qu'il s'agit de
considérer
comme
une introduction
argumentée.
Notre auteur
nous révèle lui-même la
clef
de lecture à
retenir :
il opte pour le « ductus
oblicus »,
une voie
oblique7
pour émettre ses doutes et
ses
critiques sur l’Angleterre de son temps.
Il
justifie sa méthode en se référant à l'expérience de Platon8.
More
résume ainsi la
fonction de
philosophe qu'espérait
Platon en
se mettant au service de Denys le Tyran9,
à Syracuse :
"L'humanité
sera heureuses un jour, quand les philosophes seront rois ou quand
les rois seront philosophes."
10.
Mettant
en pratique ce précepte, Platon ne
connut que des déboires
que la réplique du
marin explorateur
Hitlodée souligne
très clairement.
Volontiers,
More
ruse et use d’un humour fin en jouant sur les mots. Les noms
fictifs,
qui
démontrent
son
esprit ironique,
sont
explicites : par exemple, le personnage principal se nomme
Hitlodée
c’est-à-dire
en grec le « conteur
de sornettes »
mais il l’accompagne du prénom Raphaël,
nom de l’ange qui était
réputé à cette époque guérir
la cécité11 !
Le
fleuve principal est l'Anydre12,
c'est-à-dire sans
eau.
Etc.
et Rabelais procédera de même plus tard.
Uniquement
sur cet ouvrage
et en cinq
siècles,
il y a eu plus de 700 livres écrits,
suscitant
de
multiples controverses et bien des débats !
Il vaut donc la peine de s'y intéresser
sans pouvoir être exhaustif mais en indiquant des pistes de lecture
qui invitent,
les personnes en ayant le désir,
à de longs voyages littéraires dans le temps.
Une
intention
Thomas
More a
été
un chrétien engagé et sincère
qui a nourri sa spiritualité à la lecture des Pères de l'Eglise
comme de la Bible.
Non seulement il croit mais, en plus, il vit sa foi. Il ne se
contente pas de paroles
qui ne feraient de lui qu'un philosophe,
il veut des actes
qui font de
lui
un homme politique,
foncièrement
pragmatique.
Dès
lors,
il
convient
de le lire correctement et de ne pas lui faire dire ce qu’il ne dit
pas ou ce qui ne correspond pas à
ce que sa vie comme ses autres écrits nous manifestent nettement13.
Pour
repenser la politique, selon
lui, l’intérêt
commun doit être défendu et placé au-dessus de quelques intérêts
individuels.
L'intérêt
commun est bien
plus
que la somme de quelques intérêts individuels. Dans
ce but, il s’agit de rechercher le meilleur régime politique
possible
qui
ne peut être qu'idéal et jamais parfait car il
reste toujours de
pâte humaine.
C'est l'objet de son livre.
Une
critique directe de
la situation politique de son temps, sous
forme d’essai
par exemple, aurait
été censurée immédiatement. Une fiction lui
permet
d’ouvrir chez
son lecteur une
réflexion qui
repose sur le contexte
historique
de son temps et sur les sources
de la pensée
de Thomas More.
Ignorer
l’histoire politique et philosophique aboutit inévitablement à
des lectures qui ne correspondent en rien à la volonté de
l’auteur : ces
lectures révèlent,
tout au plus,
les intentions des
lecteurs
et non l'esprit
de
notre auteur.
Dès
le
XVIIe
siècle et
jusqu'à
nos jours,
la
pensée de More
a été
de
plus en plus laïcisée :
ainsi,
les
socialistes et communistes revendiquent
« L’Utopie »
selon
une lecture
réaliste
et
entendent planifier immédiatement
la cité selon cette fiction. Ils
ont confondu la forme fictive et le fonds réaliste de sa pensée.
Selon
une tradition
largement
antérieure
au XVIe s.14
et bien établie, les
philosophes privilégient une lecture
allégorique
pour
imaginer
la meilleure
forme de communauté politique : ce qui est bien l’intention
de Thomas More, en
lecteur
de Platon et d’Aristote
dont il reprend bien des idées.
L’allégorie entend
manifester une abstraction par des symboles.
Contexte
historique
Principalement,
il y a eu la guerre civile anglaise, terrible en nombre de morts pour
cette époque et qui a divisé le pays : la Guerre des
Deux Roses (1455-1585), la rose rouge des
Lancastre15
et la rose blanche des York. Il y a eu la Guerre de 100 ans
entre la France et l'Angleterre du XIVe au XVe
s. Depuis, l'Europe vit une paix relative où chaque État tente de
déstabiliser toute puissance émergente : l'Espagne reste la grande
puissance qui est jalousée par la France et les États germaniques16.
Il y a encore la menace de l'Empire ottoman17.
Jules II avait été un pape guerrier. Les Borgia, connus pour leur
népotisme et la simonie, ont cultivé des mœurs qui ont défiguré
momentanément la tête l'Eglise.
More
a vécu dans la sphère de ceux qui exercent un pouvoir : il est un
avocat, un juge qui ainsi considère de façon réaliste la société
de son temps; il est aussi un homme d’État qui sait comment une
décision gouvernementale se prend et comment il faut parfois ruser
pour convaincre un détenteur de pouvoir sur la justesse d'une cause;
il est un homme de lettres18
qu’Érasme19
admire et un homme de foi. Cette foi l'aidera à ne pas la renier et
à accepter de mettre sa tête sur le billot. Il a eu la tête
tranchée, sur ordre du roi Henri VIII que More a très bien servi et
sur qui, pourtant à ses débuts, More pensait qu'il ferait un grand
roi !
En
effet, Henri VIII a eu pour maître John Colet et c'est la
raison pour laquelle More plaçait sa confiance en ce roi, mis sur le
trône le 26 avril 1509. Colet est l'auteur de commentaires
sur les Épîtres de Paul : il pense qu'un retour à la vie
commune des premiers chrétiens est la base de toute élaboration
d'un système politique qui entend s'améliorer. Colet souhaitait
transformer les méthodes pédagogiques et More le suivra sur ce
point tout spécialement.
Arrivé
au pouvoir, Henri VIII entendait soutenir la culture mais, il la
manipule pour satisfaire son orgueil. Il a des réactions violentes
et cruelles, dues à ses peurs : il a peur à la moindre alerte
contre son trône ou à la moindre maladie. Il a épousé Catherine
d'Aragon pour des raisons politiques, ce qui est courant dans les
familles royales, et surtout pour sa dot de 200 000 écus d'or. Plus
il vieillit, plus sa cruauté se mêle de cynisme. La mémoire
populaire en gardé le souvenir dans le conte de Barbe Bleue, quoique
derrière ce personnage, d'autres noms soient aussi évoqués.
Intéressons-nous
à Wolsey que More observe de façon privilégiée avant de lui
succéder. Wolsey était le fils d'un marchand de bestiaux,
devenu chapelain, archevêque et Chancelier du royaume (équivalant
de la charge de Premier ministre en France actuellement). Il
avait des compétences qui lui ont permis d'accéder à de hautes
fonctions. Henri VIII l'avait proposé comme Cardinal car il
ambitionnait de devenir Pape. Ce prélat cultivait une folie des
grandeurs qui nécessitait beaucoup d'argent. Il était corruptible
et recevait des fonds aussi bien de la France que de l'Espagne. Il a
spolié, tout-à-fait légalement20,
les biens des monastères qui l'enrichiront prodigieusement et lui
permettront même de passer à la postérité pour un mécène21.
Thomas
More a eu une vie triple : une vie familiale, une vie d'homme de loi
et une vie de conseiller du roi. Il a nourri une foi profonde en
l'Eucharistie; il croit plutôt à une Église conciliaire; il refuse
des actes religieux superstitieux chez certains Chrétiens22
et il tient à la liberté de conscience. Tous les constats de More
sur son temps et son pays alimentent sa réflexion pour imaginer une
forme d'un possible gouvernement qui ferait que tout un peuple soit
heureux, à la lumière de sa foi.
Après
l'écriture de "L'Utopie", il lui fut reproché
d'avoir accepté que les livres de Luther soient brûlés et que des
hérétiques soient exécutés sur un bûcher : il est curieux que la
raison n'en soit jamais donnée. More a pressenti les massacres que
ce schisme devait produire : ce n'était pas la rigueur de
l'expression de leur foi qui l’inquiétait mais l'usage qui
pourrait en être fait pour satisfaire des intérêts particuliers de
riches bourgeois et des détenteurs du pouvoir, qu'ils soient nobles
ou non nobles.
Il
a eu certainement en mémoire les tragiques guerres hussites23
de 1419 à 1437, sur lesquels je reviendrai. Le XVIe s. a
donné entièrement raison à ses inquiétudes : Suède24,
Finlande25,
Danemark26,
Norvège27,
Islande28,
quelques États germaniques et des cantons suisses partagent ce point
commun que le luthéranisme et le calvinisme s'y sont établis par la
violence physique, politique et intellectuelle. Paradoxe : cette
liberté de conscience, tant revendiquée pour eux, n'a pas été
accordée à ceux voulant rester fidèles au Pape29
!
A
travers quelques thèmes, parcourons notre ouvrage de ce jour.
Thématiques
Thème
principal : la forme du gouvernement
La
meilleure forme de gouvernement selon More est imaginée selon sa
lecture de la "Somme théologique" de Thomas
d'Aquin, rédigée entre 1266 et 1274, qui reprend la
"Politique30"
d'Aristote31.
Retenons qu'Aristote distingue la meilleure constitution parfaite et
absolue, de la meilleure constitution possible, en fonction des
circonstances qui dépendent et de la géographie et de l'histoire.
More établit cette même distinction.
La
famille est le noyau de la cité et de l'état32
: principe essentiel de Thomas d'Aquin que développe More avec
insistance. L'homme est partie de la famille; la famille est partie
de l’État et l’État doit être la communauté parfaite. Le bien
d'un seul homme n'est pas la fin ultime; il doit être ordonné au
bien commun; le bien d'une seule famille est ordonné au bien d'une
seule cité laquelle est la communauté parfaite.
Dans
Utopia, More reprend aussi le choix des magistrats
par élection que Thomas d'Aquin préconise dans un contexte
précis : "si le peuple est vertueux, il est juste qu'il
élise lui-même ses magistrats"33.
Il dit aussi qu'il appartient au peuple de faire ses lois34.
De même la peinture de la vie politique de cette île correspond
très exactement à la description de Thomas d'Aquin : tous les
membres de la cité doivent avoir part au gouvernement afin de
maintenir le peuple en paix et de lui faire aimer et défendre sa
constitution. Écoutons encore Thomas d'Aquin : "un tel
pouvoir appartient à tous les membres de la cité, soit que tous
peuvent y être élevés, soit parce que tous élisent leurs chefs.
"35.
Toutefois
Thomas d'Aquin est prudent, comme More au début36
et à la fin de son livre, car tous deux ne s'illusionnent pas sur la
nature humaine : si la démocratie selon le
thomisme, est bonne quand elle est vraie et non dévoyée,
elle peut être aussi la pire des
tyrannies car une tyrannie divisée en
plusieurs têtes. Je vous rappelle que le tyrannicide est accepté
par Thomas d'Aquin !
Abordons
d'autres thèmes.
1.
Éducation et instruction des enfants
Notre
auteur recommande trois lectures : l’œuvre monumentale de St.
Augustin; la Bible37
de St Jérôme et le livre, le plus diffusé chez tous les fidèles,
"L'imitation de la vie de Jésus-Christ",
préconisant un art de vivre chrétien.
L'enseignement
se donne aussi bien aux garçons qu'aux filles38
: c'est exactement ce qu'il accomplit avec ses enfants. Une
de ses filles a traduit plusieurs ouvrages d’Érasme. Sa fille
adoptive est devenue médecin.
2.
Communauté des biens et travail en commun
A
l'âge de 23 ans et alors qu'il pratiquait sa fonction d'avocat, More
a vécu pendant quatre ans dans un couvent de Chartreux. Il en
connaît le mode de vie et les règles qu'il laïcise pour les
institutions d'une communauté dans l'île d'Utopia.
L'abbé
dans une Chartreuse est
désigné par élection et,
dans Utopia, nous retrouvons cette forme de démocratie semi-directe
avec l'élection du
syphogrante,
du protophilarque
et du prince39
; la qualité du chef
n'est pas de
défendre une opinion, une
idéologie dirions-nous maintenant,
mais la défense de
l'intérêt commun40;
il reprend des Chartreux le principe d'essaimage
d'une communauté lorsqu'elle
s'agrandit; en Utopia, la
création d'une nouvelle communauté
est justifiée
dès qu'un certain nombre
d'habitants est
atteint; il reprend aussi
le partage du temps
quotidien entre
travaux utiles à tous et loisirs studieux; de
même, le non payement des
biens et produits au sein du couvent; etc...
3.
Cultiver le lien avec la terre
Notre
auteur privilégie le travail de la terre41
dans l'île Utopia :
chaque famille dispose d'une
maison et d'un
jardin privé42
(droit d'usage au lieu d'un droit de propriété43);
les terres agricoles sont
sous le régime de la
communauté des biens (où
chacun a une mission à remplir);
toute personne
reçoit ce qui lui est nécessaire sans payer44.
Ainsi l'argent n'est plus nécessaire et c'est le mérite de Thomas
More d'avoir perçu les dangers du culte du
Veau d'or. La
monnaie métallique
n'est utilisée
que pour les transactions
hors d'Utopia et au nom de la cité. Les
soins
médicaux sont donnés gratuitement
dans les
hôpitaux comme c'est le
cas dans les infirmeries réputées et liées aux monastères.
Pourquoi
la vie agricole est privilégiée par More ? Il considère le triste
sort de l'ouvrier abruti par le travail dans cette industrie
naissante du textile45.
4.
Vie religieuse
Chaque
jour, More se réserve un temps de prière : il médite, il prie. La
vie spirituelle lui est primordiale tout en menant ses activités
professionnelles. Depuis 1501, il a lu Thomas d'Aquin et St Augustin
: il ne reprend pas totalement la pensée de Thomas d'Aquin et reste
plus proche de celle de St Augustin. Traiter cet aspect mériterait
des développements dans une autre étude.
La
vie monastique est rythmée dans le temps et,
en
Utopia, il en va de même46
: six
heures de travail jour (trois
heures le matin et trois
heures l'après-midi),
neuf
heures de sommeil et le reste du temps est réservé
aux loisirs et aux
repas.
Le
soir, une heure
de divertissement est consacrée
à la musique ou à
la conversation.
Il peut y avoir des jeux
mais surtout pas des jeux de hasard qui seront remplacés par des
jeux arithmétiques et du jeu des vices et des vertus47.
Les lettrés ont des cours le matin et les autres, hommes ou femmes,
peuvent participer à ces
cours.
More
défend un humanisme fondamentalement chrétien : cet
humanisme sera repris plus tard, mais en éliminant Dieu très
progressivement et, ainsi, l'humanisme laïcisé a pris naissance.
5.
Lutte contre l'hypocrisie mondaine
A
la suite de Pic de la Mirandole et d’Érasme (pensez à son "Éloge
de la folie"),
l'hypocrisie des hommes
est la cible privilégiée. Elle vit à la cour, dans les grandes
familles : sous un masque de vertu, les vices se multiplient.
Henri VIII poussera loin
ce jeu afin de satisfaire ses passions charnelles48.
Le souci de paraître et de se mettre en scène à
la Cour occasionnent de
grandes dépenses somptuaires,
pour le plus grand profit des industries de luxe.
Face à ces mondains que
More
observe avec
consternation, il
privilégie
une vie spirituelle afin de ne pas avoir une âme vide et de ne
pas demeurer esclave de
ses passions.
Rappelons-nous
qu'Érasme est le fils d'un prêtre : les circonstances de sa
naissance l'ont rendu tout spécialement apte à stigmatiser
l'hypocrisie du clergé. La personnalité d’Érasme a joué un
grand rôle dans la réflexion de More. Il convient de s'intéresser
à celle-là.
Érasme
Érasme
a reçu une éducation religieuse. La lecture de ses
correspondances nous donne l'image d'un personnage contrasté : à la
prière, il préfère l'étude; à l'austérité, le confort; à la
claustration, le voyage. Il a eu pour élève lord Montjoy qui le
financera toute sa vie. Plus d'une des ses lettres témoignent de sa
servilité, il ne cesse pas de quémander. Il brille dans les
conversations.
Il
est connu pour sa nouvelle traduction du grec des Évangiles.
Inévitablement, il y eut des réactions qui seront exploités en des
causes qu’Érasme n'aurait pas défendues. Luther a voulu
l’instrumentaliser mais Érasme l'a invité à modérer ses
violences en prenant des distances par rapport à lui.
Avec
raison, il est choqué par l'ignorance de certains moines. Pour
propager la Parole de Dieu, un minimum de connaissances est requis :
de toute évidence, certains moines ou prêtres ne l'avaient pas.
Quelques
prêtres ou moines,
infidèles à leurs
vœux,
déçoivent aussi
profondément
Thomas More. Une foi
vécue49
est, selon lui, le meilleur moyen de diffuser la foi. La cohérence
entre les paroles et les actes est primordiale. L'hypocrisie de
quelques membres du clergé est ce qu'il y
a de plus nuisible à la
diffusion d'une
foi qu'ils sont pourtant
censés défendre. Thomas
More affirme avec raison que les mauvais prêtres font plus de mal à
l'Eglise que les ennemis de l'Eglise : l'Angleterre du XVIe
s. illustre déjà
ce phénomène.
6.
Critique du capitalisme naissant
Dans
son livre 1 et alors qu'il est âgé de 37 ans, notre auteur souligne
à plusieurs reprises les méfaits de la cupidité, de l'avarice et
de ce dieu qu'est devenu l'argent. Il déplore que les gens honnêtes
soient poussés par la misère au vol. Il condamne ce matérialisme
outrancier qui se diffuse dans toute l'Europe50.
L'élevage
intensif nécessite de grandes propriétés : c'est pourquoi les
terres du clergé, saisies par l’État, sont achetée par des
familles bourgeoises. Or il y avait des pacages et des forêts,
possessions des monastères, faisant vivre de nombreuses familles :
sans être riches, elles pouvaient subsister, sans autre souci que
celui des caprices de la météorologie, et avoir un toit comme des
soins. Supprimer les monastères, c'était les réduire à la misère.
La vente de la laine à des prix trop hauts a ruiné de nombreux
petits tisserands.
More
s'insurge contre ce fait de société en opposant un autre extrême
afin de susciter une réaction du lecteur : "Partout où la
propriété est un droit individuel, où toutes choses se mesurent
par l'argent, là on ne pourra jamais organiser la justice et la
prospérité sociale51."
Il entend contester, à juste titre, le pouvoir d'une "poignée
d'individus insatiables alors que la masse est dévorée par la
misère.52".
Les partisans de la lutte contre la ploutocratie, le gouvernement par
les plus fortunés, sont ses continuateurs.
Cependant,
il ne désespère pas : il cultive un optimisme moral. Un bonheur
collectif lui paraît possible s'il est le fruit des efforts de tous
mis en commun : ainsi étaient nés les couvents, pourquoi la cité
n'y parviendrait pas un jour ! A Chelsea, More jouissait d'une maison
avec jardin et n'a jamais contester la petite propriété : les
excès des grands propriétaires le poussent à envisager des maisons
appartenant à l’État (comme les maisons attachées aux
monastères) et mis à disposition des habitants53.
En
Utopie, les soins médicaux sont assurés par l’état; tout est
gratuit; pas de propriété privée (comme le moine dans son
couvent); les parures somptuaires sont méprisées (uniformité
vestimentaire de l'habit religieux); plus de mendiant (chacun dispose
de quoi vivre quotidiennement); mener une vie joyeuse, sans souci,
sans trouble de l'existence (pour développer une vie spirituelle et
non une vie de loisirs ou de fainéantise).
7.
Une religion et une morale
La
religion porte une morale qui a une place majeure, dans l’œuvre de
More. En Utopia, les expressions de divers cultes sont libres mais
les habitants, désignés comme étant les plus sages, ne
reconnaissent qu'un seul Dieu et More souligne que le monothéisme
existait bien avant le christianisme, notamment avec le culte de
Mithra. La révélation de l'existence du Christ et de la vie commune
des premiers apôtres est bien accueillie dans l'île. Par contre, il
y a un refus de tout sectarisme qui favoriserait le rejet des autres
pour une option religieuse différente. More observe les débats
religieux de son temps et il souhaite des échanges apaisés, alliant
foi et raison, quant aux questions de doctrine plutôt que des
invectives, indices de tumultes et de guerres civiles possibles sous
prétexte religieux. Il s'agit de ne pas avoir peur des hérésies
car la vérité triomphera en même temps que les erreurs seront
repoussées par la force de la raison éclairée par la foi :
toutefois, il subira la mort sur ordre d'hérétiques qui se
prétendaient être tolérants. En prison et à la fin de sa vie, il
n'aurait sans doute pas écrit cela !
Les
prêtres, et une femme peut exercer cette mission, sont élevés par
élection à leur fonction, selon leur sainteté et non selon leurs
relations. Il y avait des abbesses à la tête des congrégations
féminines et de nombreuses saintes étaient vénérées : c'est
pourquoi une femme exerçant la prêtrise ne le gênait pas.
Trois
principes sont partagés par tous les Utopiens : 1, l'âme est
immortelle, 2, la croyance en un seul Dieu ou en une Providence et 3,
l'existence d'une vie future avec des châtiments pour les méfaits
et des récompenses pour les bienfaits.
Il
ne faut point craindre la mort et pour lui, les morts accompagnent54
les vivants. Ainsi, il est possible de mourir gaiement ou au moins
plein d'espoir. Il y a allusion à la mort de Socrate, condamné à
boire la ciguë, survenue en 499 avant Jésus-Christ et qu'il a lue
dans le Phédon de Platon.
Les
matérialistes sont non seulement méprisés mais il ne leur est
accordé aucune charge et aucune fonction : "On les méprise
comme des êtres d'une nature inerte et impuissante."55
L'homme juste pratique le bien, non par la crainte d'un Code pénal
mais par le simple désir de satisfaire le bien commun de la cité.
Il
souligne l'importance de la séparation des pouvoirs : le pouvoir
civil juge et décide en séance publique alors que le pouvoir
religieux conseille ou blâme. Lorsque Henri VIII s'attribuera la
suprématie religieuse dans son royaume, il n'y aura plus la
nécessaire séparation des pouvoirs mais un contrôle très strict
de l'Eglise par l’État56.
More n'acceptera jamais cette confusion des pouvoirs car il perçoit
tous les abus qu'elle peut entraîner chez un souverain dominé par
ses seules passions : il est pour un Pape qui décide non tout seul
mais lors de Conciles. Son refus, même discret, de cette suprématie
entraînera sa condamnation à mort.
8.
Une hygiène de vie
Le
bonheur consiste à disposer d'un habitat souriant. Le corps n'est
pas méprisé : il se maintient par des exercices afin d'en assurer
la vigueur et la souplesse.
Cultiver
le plaisir de vivre mais selon une morale qui refuse toute addiction
qui détruit la personne : pas de taverne, pas de prostitution, pas
de maison de jeux, véritables fléaux dans les villes et à la cour
royale57.
Les
plaisirs les plus grands à rechercher sont ceux de l'âme. La
spiritualité est une nécessité pour l'homme : il est possible de
donner sens à son existence autrement que dans l'accumulation des
richesses ou la satisfaction toujours plus effrénée des plaisirs
des sens.
La
vertu principale est de savoir se priver au profit des autres. Pour
More, il ne s'agit pas seulement donner de son superflu, c'est
véritablement partager concrètement un savoir manuel ou
intellectuel, des biens du quotidien ou des soins à son prochain
quel que soit son âge.
9.
L'île
More,
sans doute parce qu'il est Anglais mais aussi un lecteur de Platon
qui parle de l'île des Bienheureux, la cité idéale est isolée du
continent. Il y régnerait ni guerre (l'auteur pense à la guerre
civile récente), ni misère (en Angleterre, la misère est plus
forte durant ce qui sera appelé la Renaissance qu'au Moyen Age).
10.
Délits conséquences d'une dépravation sociale58
More,
tout spécialement dans le livre I, dénonce une oligarchie coupable
car se livrant au luxe effréné et à la dépravation des mœurs. Le
règne de Henri VIII en est une illustration qui sera encore plus
forte bien après 1535 où ce roi a mis la tête de son fidèle
chancelier sur le billot.
Trop
souvent, il est dit que More dénonce "une société féodale
décadente" : cette formule si souvent répétée est
fausse. Il dénonce la naissance du grand capitalisme et de ce
matérialisme effréné dont il perçoit tous les dangers, tel un
prophète. Il discerne que cet égoïsme prédominant et cet
individualisme seront les causes des ravages qui s'accumuleront au
détriment du bien commun.
L'industrie
textile développe une classe d'ouvriers où l'éducation est
déficiente et la conséquence en est la propagation d'une
dépravation sociale : avant le XVIe s., les enfants du
monde rural, ayant des aptitudes intellectuelles ou militaires,
pouvaient sortir de leur condition de naissance. Au Moyen Age, un
serf pouvait devenir chevalier selon ses mérites et non selon le
seul privilège d'une hérédité. De même un noble parjure pouvait
se voir retirer son titre de noblesse.
11.
Rénovation du système judiciaire59
More
souhaite un meilleur système pénitentiaire afin que la peine
imposée au condamné, selon des lois justes et avec une
défense correcte, soit utile à la communauté. Les peines
de prison doivent être conçues de façon différente.
Il
est contre la peine de mort car il veut que la peine infligée soit
utile à la cité, en application d'un principe de Platon, lu dans
Gorgias.
Encore
de nos jours, More n'a toujours pas été entendu d'un plus d'un pays
: selon lui, il faut lutter contre la surabondance des lois60.
Il
souhaite que les justiciables plaident eux-mêmes leurs causes devant
les juges sans passer par des avocats.
12.
La guerre61
Plusieurs
auteurs traitant de "L'Utopie" disent que More est
un pacifiste car il écrit que la guerre est une abomination62
mais ils oublient tout ce qui est essentiel à ce sujet. Quand il y a
un ennemi, selon lui, la guerre est possible : "Les Utopiens
ont pour principe qu'il ne faut tenir pour ennemi que celui qui se
rend coupable d'injustice et de violence."63
Pour
More, il y a cinq motifs de guerre juste quand
c'est pour le bien de l'humanité : défendre les frontières;
repousser une invasion y compris chez leurs alliés; destituer un
tyran64;
réparer une injustice65;
lutter contre les pillages.
Il
préconise une armée de milice à la façon des Suisses66
: hommes et femmes reçoivent une formation militaire67.
Des exercices communs sont prévus afin qu'ils soient tous habiles
dans le maniement des armes.
Le
blocus économique68
est suffisamment motivé si justice n'est pas rendue à l'un des
leurs. La raison économique peut justifier une guerre : "si
les négociants d'une nation amie ont subi à l'étranger des
vexations injustes"69.
Dans ce cas, une précision importante nous est donnée : Utopia peut
soutenir la guerre avec son argent mais seulement avec le
sang des autres.
Pour
préserver le sang de ses citoyens, l'achat de mercenaires étrangers70
les Zapolètes71,
est possible. La perte de ces mercenaires au combat n'est pas un
souci et constitue même un gain appréciable72.
Il suffit de les recruter avec des promesses et à les exposer aux
postes les plus dangereux : au final, la facture sera moins lourde.
En première ligne au front, nous trouvons les mercenaires, ensuite,
il y a les troupes des États que les Utopiens défendent, ensuite
les légions auxiliaires des alliés et, uniquement en dernier
recours, leurs propres citoyens. Je vous laisse penser à tous les
États qui ont appliqué cette méthode depuis le XVIe s.
!
La
corruption de l'ennemi est acceptée : la trahison chez l'adversaire
ne choque pas . Il vaut mieux vaincre l'ennemi par la force de
l'habileté et d'artifice. C'est ainsi vaincre par l'intelligence et
la raison73
: Mazarin n'aurait pas dit mieux.
Une
guerre pour agrandir le territoire en raison d'une poussée
démographique est admise. Deux citations sont explicites : "Si
les colons rencontrent un peuple qui accepte leurs instituions et
leurs mœurs, les Utopiens forment avec lui une même communauté
sociale et cette union est profitable à tous.74"
et ""Mais si les colons rencontrent une
nation qui repousse les lois de l'Utopie,
ils chassent cette nation de l'étendue du pays qu'ils
veulent coloniser, et, s'il le faut, ils emploient la
force des armes."75
Plus
tard, et More est vraiment un prophète, l'Angleterre et les
États-Unis appliqueront à la lettre cette politique qui a conduit à
la disparition des tribus dans les Indes et en Afrique comme des
Indiens d'Amérique.
Ainsi
la recherche de la paix peut nécessiter l'emploi des armes. Un
certain cynisme et un esprit de calcul ne manquent pas. Le monde a
trop souffert de cette forme d'utopie sous le couvert de la recherche
du bien de l'humanité...
13.
Le non refus de l'esclavage76
Il
y a quatre types d'esclave : celui par condition de naissance ("les
journaliers pauvres d'un autre pays"); celui qui accomplit
une peine suite à un délit; un ennemi fait prisonnier alors qu'il
tenait les armes à la main; la personne ayant commis un adultère.
Dans
Utopia et pour la punition d'un délit, More est farouchement contre
la peine de mort. Le suicide est réprouvé. Il est en accord avec
lui-même en énonçant ce principe : "La peine, même des
plus grands crimes, est l'esclavage" et "Un homme
qui travaille [...] est plus utile qu'un cadavre; et l'exemple d'un
supplice permanent inspire la terreur du crime d'une manière plus
durable qu'un massacre légal qui fait disparaître en un instant le
coupable."77
Il
est curieux ou ironique que dans le chapitre traitant des esclaves,
More nous parle du mariage !
Les
Utopiens pratiquent la confession des fautes dans le cadre de la
famille. Les châtiments corporels sont admis, y compris dans la
famille : "Les maris châtient leurs femmes; les pères et
mères leurs enfants; à moins que la gravité du délit nécessite
un châtiment public."78
Il s'agit d'une interprétation littérale d'une lettre de St Paul
dont il faut lire le texte complet pour nuancer le propos.
14.
Critiques de L'Utopia par More79
Dans
le livre I, il formule six objections80
contre la communauté des biens :
- les besoins quotidiens de consommation risquent d'être non satisfaits;
- les dangers d'un délaissement du travail personnel pour se reposer sur le travail d'autrui;
- la misère engendrée sera cause de massacres;
- l'égalitarisme enlève toute autorité; l'absence de crainte et de respect ne réfrène plus les pulsions individuelles;
- l'absence d'une loi protectrice prive la personne d'une propriété, zone de liberté.
Par
rapport au système politique d'Utopia, il reste mesuré, pas
seulement pour éviter la censure mais parce qu'en juriste, il sait
que d'un bien voulu, il peut en sortir un mal. D'où sa prudence face
aux propos d'Hitlodée et qu'il exprime ainsi : "Car, d'un
côté, je ne puis consentir à tout ce qui a été dit par cet
homme, du reste fort savant sans contredit et très habile en
affaires humaines, d'un autre côté, je confesse aisément qu'il y a
chez les Utopiens une foule de choses que je souhaite voir établies
dans nos cités.
Je
ne les souhaite plus que je ne l'espère."81
Il
souhaite toutes les mesures qui correspondent à ses valeurs
chrétiennes.
Sources
diverses
En
plus de Thomas d'Aquin, j'ai déjà mentionné précédemment Platon
et Aristote et pour rester bref, il ne m'est pas possible ici de
prolonger plus cet aspect. Rapidement considérons d'autres sources
importantes pour More.
Saint
Augustin : La Cité de Dieu
Cité
terrestre et cité céleste sont décrites par Augustin selon une
lecture christianisée de Platon.
A
la cité de Dieu et la cité des hommes d'Augustin, More oppose deux
systèmes politiques : l'un avec les défauts de l'Angleterre qu'il
identifie clairement et l'autre avec les qualités à rechercher
telles que développées dans une île imaginée pour éveiller la
réflexion du lecteur.
Augustin
s'intéresse plus à la condition humaine; More pense à un système
politique social (qualificatif à ne pas confondre avec le socialisme
tel qu'entendu de nos jours).
Augustin
préconise une communauté intérieure, car spirituelle, des
croyants, illuminés par la foi; More imagine une communauté
étatique, avec des lois strictes dans l'esprit des Évangiles.
Augustin veut une conversion intérieure de l'homme; More croit en la
vertu d'un changement de gouvernement.
Le
voyage de saint Brendan (XIIe s.)
Ce
récit évoque la navigation fantastique d'un abbé irlandais
Brendan82,
au VIe s., à la recherche du paradis terrestre. On y
trouve un croisement entre traditions chrétiennes et païennes comme
chez More quand il nous parle de religion. La finalité diffère car
elle n'est plus politique mais mystique : en ce monde, chaque homme
doit vivre une expérience mystique83
pour atteindre la plénitude de Dieu. En ceci, cette conclusion
rejoint Saint Augustin.
Bernardin
de Feltres (1484), pour lutter contre l'usure qui ruinait bien
des familles, a créé les Monts-de-Piété84.
Au XVe s., des taux excessifs de prêts avaient ruiné
des agriculteurs, des seigneurs, des petits commerçants pour
enrichir quelques familles. Cette initiative a pris naissance en
Italie et les villes marchandes, comme Pise, Padoue et Venise, se
sont vivement opposées à cette lutte. Les banquiers craignaient que
les Monts-de-Piété nuisent à leurs pratiques usuraires si
lucratives. En raison de son engagement, Bernardin subira même une
tentative d'empoisonnement.
En
Angleterre, John Wiclif (1328 - 1384), professeur à
Oxford, a critiqué la papauté. En effet, il soutient l'idée d'un
pouvoir souverain pouvant s'opposer à celui du Pape : un siècle
plus tard, Henri VIII en fera l'usage que l'on sait. La révolte
sociale avait utilisé l'agitation religieuse. A sa tête, nous
trouvons John Ball, un disciple de Wiclif qui a repris ses propos les
plus révolutionnaires, afin de soutenir la révolte des artisans de
Londres et des paysans du Kent, en 1381. Il préconisait déjà la
communauté des biens "car Adam bêchait et Eve filait sans
qu'il y ait de gentilhomme". Ces actions ont inspiré les
guerres des hussites de Prague, de 1419 à 1437 : une lutte
politique, en fait, sous couvert de religion.
More
n'oublie pas cet aspect dans son Utopie quand il mentionne les
dangers de guerres "religieuses" dont les
origines doivent plus aux passions et aux volontés de domination
qu'aux religions !
Savonarole,
le Dominicain, a aussi lutté contre ces taux d'intérêt à 33%.
Pour lui, la solution était simple : expulser les usuriers connus.
Le 23 mai 1498, Savonarole est exécuté alors que le pape Alexandre
VI, un Borgia, l'avait déjà excommunié.
Tommaso
Campanella85
: idéal commun
"La
Cité du Soleil
ou l'idée d'une république philosophique" : Il y a eu deux
versions italiennes en 1602 et 1611, antérieures à la parution du
livre de More, et deux versions latines en 1623 et 1631. Il est
curieux de voir que, dans sa version de 1623, il propose comme modèle
de cité "L'Utopie" de More.
Sa
cité du Soleil se situe aussi dans une île (Taprobana, actuelle
Ceylan). En un dialogue fictif, un amiral génois la décrit au Grand
Maître des Hospitaliers. L'agriculture est aussi considérée comme
un art noble. Il prône un retour à un christianisme naturel,
l'univers étant l'image vivante de Dieu.
Un
point commun avec More : nous n'avons pas une utopie abstraite ou
purement intellectuelle mais la projection d'une société possible
et qu'il tenta d'établir dans un État italique contre la domination
espagnole.
Il
se retrouva pour cette initiative en prison et sauva sa vie en se
faisant passer pour fou. Le Pape Urbain VIII lui confia
l'enseignement de la théologie. Accusé d'hérésie, il dut fuir en
France où il fut reçu par Louis XIII et Richelieu. Il meurt au
couvent du Faubourg Saint Honoré. Auteur prolixe, il intrigue encore
les historiens de la pensée en raison de l'étendue de ses
connaissances qui avaient suscité, bien entendu, la hargne de
quelques-uns de ses confrères.
Filiations
diverses
Cette
œuvre majeure de More a influencé d'une façon ou d'une autre plus
d'un écrivain du XVIe s. à nos jours. Nous pouvons
parler d'une filiation de pensée avec des ajouts, des
interprétations ou des retranchements. Sans être exhaustif, je vous
signale quelques titres.
Rabelais
Pantagruel
a été le premier livre édité par Rabelais en 1532, soit seize
ans après la parution de l’œuvre de More. L'île d'Utopie
surgit sous la plume de Rabelais dans son Pantagruel, déjà
au chapitre II et surtout au cours des chapitres XXII à XXXI.
L'épouse
de Gargantua, Badebec, est la fille du roi des Amaurotes (les
obscurs) en Utopie86
et décède en donnant naissance à Pantagruel (tout
altéré87,
selon une étymologie de Rabelais). Et cette île Utopie est
l'occasion pour Rabelais de traiter de la guerre : il est curieux
d'ailleurs que ce soit cet aspect qu'il met en avant pour une guerre
juste.
Le
roi des Dipsodes (assoiffés)qui se nomme Anarche et
ce nom signifie sans roi assiège la capitale des
Amaurotes. Pour structurer son récit des combats, Rabelais parodie
l'Enéide de Virgile. Pantagruel se livre à la
guerre justement dans cette île dont le nom signifie non lieu.
Rabelais mentionne toute sorte de ruses de guerre employées pour
vaincre et puise son savoir dans le traité militaire de Polyen88.
Plusieurs chapitres décrivent des actes de guerre où la
bouffonnerie tient une grande place pour fausser ou altérer des
expériences réelles de guerre : ce qu'il s'agit de ne pas oublier.
François
Hubert
Un
auteur, trop méconnu, François Hubert (1508-1561), le poète
d'Henri II, a publié en 1541 "Le temple de vertu".
Il
prône les principes d'un idéal de vie évangélique, à ne pas
confondre avec l'évangélisme américain en cours aujourd'hui.
Il
s'agit de vivre selon la lecture des Évangiles, à l'imitation de
Jésus Christ. Il tente de définir ce qu'est l'essence de la vie
chrétienne et comment rendre un vrai culte à Dieu. Il loue la
grandeur des Pères de l'Eglise mais la Bible doit prédominer. La
liturgie doit être centrée sur la Parole (Nouveau testament).
Il n'a aucune complaisance pour les délices sensuels.
Le
seul véritable amour est l'amour de Dieu : il offre une relecture du
Cantique des Cantiques et Jean de la Croix89
en offrira une encore bien plus développée, dans la deuxième
moitiés du XVIe s.. Nous retrouvons en lui les qualités d'un
Cicéron christianisé.
Francis
Bacon
Dans
son ouvrage "Nova
Atlantis", paru
en 1675, il imagine une île,
nommée Bensalem90,
en se préoccupant surtout de l'éducation et de l'instruction des
jeunes. Il veut que les sciences
et les connaissances des
phénomènes naturels
soient diffusées.
Le titre évoque l'Atlantide de Platon
évoqué dans le Timée
et le Critias.
Il s'agit de retrouver les lois de la nature91
pour les vivre
en accord avec la raison.
Siècles
suivants
Depuis
Jonathan Swift avec Les voyages de Gulliver92
et Voltaire avec Candide93,
il y a un grand champ utopique à moissonner et voici quelques
auteurs :
Morelly94
(XVIIIe s.) "Code la nature ou le véritable esprit de
ses lois de tout temps négligé ou méconnu" (1755).
Cet
ouvrage marque le commencement de nouvelles interprétations de
"L'Utopie" de More. Son postulat est que l'homme est
né naturellement bon mais a été perverti par les institutions qui
le conduisent vers le mal. Il récupère des idées de More pour
élaborer un système communautaire très hiérarchisé répondant à
un plan divin : il refuse encore tout matérialisme. Il faut
attendre Babeuf pour donner naissance à l'idée d'une théorie
du bonheur collectif sur laquelle ont été élaborés les programmes
communistes de transformation sociale.
Charles
Fourier95
"Théorie
de l'unité universelle"
Comme
More, il identifie les deux ennemis du Bien commun : l'égoïsme et
le profit personnel. Fourier veut un homme naturel alors que More
décrit un homme spirituel respectant la nature image de Dieu.
Fourier propose des théories où nous trouvons un mélange
d'analyses raisonnables sur le capitalisme industriel et d'une
philosophie très naïve, faisant abstraction des lois historiques
qui révèlent des traits permanents de l'humanité. Rousseau a émis
l'idée que l'homme est bon par nature et que la société le
corrompt : Fourier en conclut que pour retrouver l'homme naturel, il
faut bannir toute morale96
et que les seules sciences strictement utilitaires suffissent à
établir le bonheur de l'homme.
Le
phalanstère est une communauté aussi essentiellement agricole. Sa
loi fondamentale est simple : l'attraction passionnelle,
c'est-à-dire que l'accomplissement de nos désirs ne doit subir
aucune restriction arbitraire, selon lui la cause des vices et
des misères de l'humanité. En lieu et place du culte de la Raison,
il aurait souhaité un culte à la Volupté : nous sommes bien
loin de l'approche de Thomas More.
Étienne
Cabet97
: "Voyage
en Icarie" (1840)
Il
est le théoricien du socialisme utopique : il imagine une
société étatique autogestionnaire. Il a inspiré la mise en
forme d'une des doctrines communistes.
En
1846, il a publié "Le
Vrai Christianisme selon Jésus-Christ"
et il envisage une organisation sociale qui serait comme le royaume
de Dieu.
Sa
création d'une Icarie au Texas fut un échec. Dans l'Illinois, son
essai renouvelé fut encore un échec : purges, scissions,
dissidences, bannissements ont "décabétisé"
plus d'un des membres...
John
Ruskin98
Ce
critique d'art reconnu se veut être un réformateur social. En
tant que disciple de Platon, il ne raisonne pas sur une île
imaginaire, il souhaite une "République
collectiviste"
mondiale. Il a financé
une coopérative. Il veut que l'enseignement soit gratuit, que le
travail se fonde sur la joie de la création (comme les ouvriers des
cathédrales gothiques), que les vieillards bénéficient d'une
retraite, que les logements aient un meilleur confort et que des
espaces verts soient créés dans les cités.
Il
a eu un élève en Cecil
Rhodes qui cultive au
final un capitalisme
outrancier, ce qui est bien éloigné de la république imaginée par
More qui dénonce avec vigueur le culte de l'argent.
L'Afrique se devait d'être dominée par les Anglais et il ne cessa
pas s'enrichir avec les mines de diamants, avec toutes les
conséquences tragiques pour les indigènes. Cet apôtre de
l’expansionnisme colonial99
que More ne condamne pas, passe encore pour être un grand
philanthrope.
Pirandello
: "La
Nouvelle Colonie "
(1926)
Des
marins fuient
une vie misérable en
raison du contexte social
et s'établissent
dans une île déserte. Mais là, au lieu de changer de conditions
de vie, ils ne font que répéter les vices de la société qu'ils
ont quittée :
lutte pour la domination, vols, trahisons,
meurtre et folie. Les apparences
ne suffisent
pas à changer l'homme. Dans la fuite, si l'homme ne se libère pas
lui-même de ses égoïsmes, sa
fuite est inutile. De
cette façon, l'utopie du
désir de Fourier reste
une utopie irréaliste,
comme Cabet l'a démontré.
Elle devient même
une dystopie !
André
Gide : Le
voyage d'Urien (1893)
Gide
adopte le récit symbolique d'un désenchantement : ne pourrait-on
pas y voir une contre-image de l'utopie ? Des marins embarquent car
ils n'ont plus de foi en l'étude, ils sont las de la pensée. Pour
obtenir de glorieuses destinées, ils se mettent en quête d'actions.
Dans une île occupée uniquement par des femmes, ils trouvent la
peste; la mer des Sargasses est un océan d'ennui; dans la mer
boréale glaciale, le retour en arrière n'est plus possible... De
l'utopie, nous arrivons à l'atopie.
Dans
"Nouvelles nourritures"100,
Gide parle de l'utopie sur un autre ton et avec chaleur : "Combien
de jeunes velléités qui se croyaient pleines de vaillance et qu'a
dégonflées tout à coup ce seul mot d'utopie appliqué à leurs
convictions, et la crainte de passer pour chimérique aux yeux des
gens sensés. Comme si tout grand progrès de l'humanité n'était
pas dû à l'utopie réalisée ! Comme si la réalité de demain ne
devait pas être faite de l'utopie d'hier et d'aujourd'hui !"
Pour
être complet, il faudrait mentionner les Quakers, les hippies mais
il faut bien s'arrêter et je vous invite à poursuivre votre
réflexion avec quelques citations qui entendent réhabiliter
l'utopie :
Victor
Hugo101
: "L'utopie , c'est l'avenir qui s'efforce de naître. C'est
la vérité de demain".
Oscar
Wilde : "Une carte du monde qui ne comprendrait pas l'Utopie
ne serait même pas digne d'être regardée, car elle laisserait de
côté le seul pays où l'Humanité vient toujours
accoster."102;
Jules
Verne103
: "Tout ce qui s'est fait de grand dans le monde l'a
été au nom d'espérances exagérées."
Bertrand
Russel104
: " Nous ne devons pas aspirer à une utopie achevée mais à
un monde travaillé par une imagination et des espérances bien
vivantes."
Ou
encore Gustave Jung105
: "Une société sans rêve est une société sans avenir."
Les
utopies ont donné naissances aux anti-utopies appelées atopie ou
dystopie.
Aldous
Huxley106
: Dans
"Le meilleur des
mondes" la
contre-utopie est ce monde de la machine qui reçoit l'aide la
biologie
: ce qui désole Huxley
car il est convaincu que
l'homme est un corps et une âme.
George
Orwell107:
"1984".
Dans ce roman prophétique, la
dystopie est ce
mauvais lieu qui a pour
nom Océania
et dont la capitale est
Londres,
avec un chef incontesté Big
Brother. Il
souligne ce que More dénonçait déjà : une caste privilégiée
accapare les richesses dans un régime de pénurie généralisée. La
technologie n'est plus au service de l'homme : elle sert à le
contrôler. L'ennemi est fabriqué selon les besoins de l’État et
l'histoire est employée pour ce faire : "L'Histoire
est un palimpseste gratté et réécrit aussi souvent que
nécessaire".
Conclusion
More
est plus un politologue
qu'un philosophe car il a
écrit ce livre en tant que juriste
s'exprimant à travers une fiction.
En Chrétien, il
imagine la meilleure forme d'un gouvernement pour un peuple. Sa
construction d'une cité idéale est basée
sur sa spiritualité vécue et chrétienne.
Il
analyse une radiographie de l'Angleterre de son temps pour produire
une contre-image : l'Utopia. Il ne se laisse pas griser par son
imagination car il tempère en quelques phrases brèves
l’enthousiasme
éventuel du lecteur.
Il use d'un humour qui
cultive l'art de jouer avec les mots, l'ironie
et la satire. Que cela ne
nous fasse pas oublier une vision prophétique d'un monde dont More
doute lui-même qu'il puisse être parfait
car celui-là reste trop terrestre.
A
Moscou, Lénine a érigé un obélisque où le nom de Thomas More
figure à côté de Marx et Engels. Jean-Paul II l'a béatifié pour
sa vie religieuse et ses écrits exprimant un attachement profond à
la doctrine chrétienne qui était en vigueur. Ses critiques
légitimes sur certains travers de l'Eglise ne le discréditent pas
mais l'honorent.
Utopie
religieuse et utopie matérialiste
Il
y a un point commun entre l'homme religieux et les utopistes à
travers les siècles : tous deux, ils récusent le monde
institutionnel tel qu'il est (ils en voient les vices) pour espérer
un monde qui libère la personne (sauf que là la méthode diffère).
Pour le religieux, à la suite de St Augustin, la vraie liberté est
spirituelle à l'écoute de la Parole de Dieu. Pour le matérialiste,
cette liberté se limite aux besoins de l’État qui peut nier la
personne : en fait, il s'agit d'une forme outrancière du capitalisme
où l'individu est du matériel humain à rentabiliser en cultivant
la vacuité de l'âme et le culte aveugle de l’État.
Pour
More, au final, la vie spirituelle produit une utopie possible
et qui est, là, bien positive car elle donne le sens d'une
orientation transcendantale, vers une perfection à atteindre au
mieux, une perfection qui n'est pas le fruit de la seule raison mais
plutôt la conséquence d'une dynamique, fruit de l'imagination
symbolique inspirée par le divin.
Il
n'y a pas un modèle à imiter servilement comme chez les utopistes
matérialistes, se mettant des œillères pour des
solutions irréalistes, après avoir été réalistes quant aux
problèmes à résoudre.
L'utopie
chrétienne donne un sommet à atteindre : Jean de la Croix, en ce
même XVIe s., en indique un itinéraire. La vraie
révolution est celle de la personne et la société suivra; la
révolution de la société n'a jamais changé la personne...
"L'Utopie"
de More est une possibilité historique et donc n'est pas totalement
irréaliste. Sa lecture des Évangiles l'a rendue historiquement
possible. En ceci, il est un disciple de St. Augustin et c'est
pourquoi, comme lui, il encourage l'exercice des vertus morales de la
personne au sein de la famille pour le bien commun de la Cité.
Pour
ma part,
je considère
More comme un prophète
de son temps :
il a perçu les
dangers d'un capitalisme
outrancier,
de l'esclavage
industriel et là,
l'histoire lui a donné raison.
Par
contre, ses aperçus sur la guerre ont abouti non à la paix qu'il
souhaitait mais à des
excès suscitant de nouveaux conflits
: l'histoire enseigne malheureusement
l'emploi pernicieux de la notion de guerre juste
qui est devenue de nos jours
la loi du plus fort.
L'utopie
est acceptable tant qu'elle propose un possible réel dont il faut
espérer que la mise en œuvre ne vire pas au cauchemar : au nom du
bonheur, que de crimes commis !
Finalement,
il appartient à vous, lecteur ou auditeur, de porter une conclusion
: autant de lecteurs et autant de conclusions, surtout lorsque les
siècles défilent en se laissant scruter par les observateurs
attentifs et lorsque les idéologies demeurent avec leurs
aveuglements et leurs espérances... Il est toujours permis d'espérer
!
Écrits
spirituels :
Thomas
More : La Tristesse du Christ. Nouvelle Cité. 2016. 236 p.
Thomas
More : Mise en garde avant l'Enfer. Nouvelle Cité. 2017. 130
p.
Thomas
More : Traité sur la Sainte Communion. Nouvelle Cité. 2014. 48 p.
Une
biographie à conseiller :
Bernard
Cottret : Thomas More. Tallandier. Paris. 2012. 408 p.
En
plus des auteurs mentionnés dans cette communication, il y a
possibilité de poursuivre les multiples méandres du fleuve utopie
notamment avec :
L'atlas
de l'utopie. Hors série. Le Monde. 2017.
Ernst
Bloch : L'Esprit de l'utopie.
Christian
Godin : Faut-il réhabiliter l'utopie ?
Jean-Yves
Lacroix : Utopie et philosophie - Un autre monde possible ?
Antoine
Schülé
La
Tourette, le 13 janvier 2020.
Vous
souhaitez me contacter : antoine.schule@free.fr
1 Une
synthèse biographqiue de Thomas More est disponible sur ce blog
dans un autre article : vous pourrez y découvrir la spiritualité
qui l'anime.
2 Pour
cette communication, j’utilise l’édition Librio, à 2 € :
Thomas More (traduction de l’anglais par Victor Stouvenel)
: L’Utopie, collection Librio n° 317, éd.
Flammarion, Paris, 2015, 128 p.
3 Trad
. : Du meilleur régime pour une république et de la
nouvelle île Utopia. Le mot "république" dans la
bouche de More n'a pas le sens de République comme entendu en
France de nos jours. République désigne pur lui comme pour
les philosophes "la chose publique" : le bien
commun.
4 Au
sens d’Épicure, ce qui est très différent du travestissement
que le temps a donné à l'épicurisme.
5 Utopie,
p. 53.
6 Utopie
: dès la p. 50.
7 Utopie,
p. 45 et 47.
8 427-348
av. J.-C.
9 En
- 366 et - 361.
10 Utopie,
p. 37. Référence à Platon, La République, V, 473, c, d.
Idée qui sera reprise plus tard par Voltaire.
11 Raphaël
signifie en hébreu Dieu guérit.
12 Utopie,
p. 57.
13 Je
développe la spiritualité de More dans un autre article,
consultable sur ce blog.
14 Tradition
littéraire médiévale très courante depuis le « Roman de
la Rose » du XIIIe s.
15 Écrit
aussi Lancaster chez les Anglais.
16 La
ligue hanséatique.
17 Avec
qui François Ier, Roi de France, fera alliance.
18 Après
des études à Oxford où il a étudié les auteurs grecs (Platon et
Aristote), il a rédigé de nombreux poèmes.
19 Érasme
a dédicacé son "Éloge de la folie" à Thomas
More : moria en latin signifiant folie. More
est considéré comme fou par les sages alors qu'en fait il est un
sage parmi les fous !
20 C'est
la forme suprême de l'escroquerie de qualité et cette pratique est
toujours bien établie.
21
Ce
procédé
se retrouvera jusqu'au XVIIIe
s.
dans de nombreux pays européens et même au début du XXe
s. en France
avec
des expropriations qui ont enrichi quelques familles et
les
caisses de l’État
22 Révélateurs
d'un paganisme latent.
23 Intéressantes
à étudier sous l'aspect purement militaire. Lutte plus
nationaliste tchèque (contre l'emploi exclusif de l'allemand) que
religieuse !
24 Avec
Gustave Vasa (1496-1560).
25 La
protestantisme de la Finlande s'imposa plus par la ruse législative.
26 Surtout
avec Christian III qui se montra favorable au Pape pour être roi
mais en 1536, il jette le masque et s'empare des biens du clergé.
27 Christian
III y organise un pillage systématique des églises.
28 Le
luthéranisme est imposé par les armées danoises.
29 Dans
le domaine des idées, de nos jours, des défenseurs de la liberté
d'expression sont prêts à user d'une stricte censure pour réduire
au silence toute opinion qui ne leur convient pas.
30 La
politique est la science des fins les plus hautes de l'homme.
L'homme atteint son humanité dans le cadre de la cité.
31 385
- 348.
32
Thomas d'Aquin :
Somme théologique,
Ia
IIae
q. 90 a.3
34 Il
existait encore un droit coutumier très vivant et s'étant
constitué sur la longue durée. Le peuple y était très attaché.
En France, les Provinces veillaient à la primauté de ce droit
coutumier.
36 Utopie
p. 49 et p.126.
37 Comportant
des erreurs qui occasionneront bien des polémiques inutiles pour la
majorité des fidèles. Seuls les spécialistes pouvaient disserter
sur la valeur des traductions. Tout traducteur met une note
personnelle dans son travail !
38 Les
grandes familles nobles ou bourgeoises donnaient de l'instruction à
leurs filles.
39 Une
hiérarchie
40 Utopie,
p. 60.
41 Utopie,
p. 55
42 Thomas
More décrit sa maison familiale et son jardin qu'il disposait à
Chelsea.
43 Au
XIXe s. les jardins ouvriers sont favorisés par le
clergé.
44 Une
idée qui a donné naissance au principe du revenu universel.
45 Utopie,
p. 62.
46 Utopie,
p.62-63.
47 En
des pièces théâtrales le plus souvent.
48 Il
renonce à sa soumission au Pape pour s'arroger une suprématie
religieuse qui le soumet à sa seule braguette.
49 Utopie,
p. 110
50 Utopie,
p. 122.
51 Utopie
p. 47.
52 Utopie,
p. 48.
53 Je
signale qu'un projet de loi prévoit de reprendre ce système : des
habitats n'auraient plus de propriétaires et il n'y aurait que des
locataires...
54 Utopie,
p. 115.
55 Utopie,
p. 113.
56 Le
service de police politique a connu un essor fantastique déjà en
ce XVIe s. grâce à Thomas Cromwell.
57 Utopie,
p. 63.
58 Utopie,
p. 27.
59 Utopie
pp. 30-32, p. 42, p. 98.
60 Un
fléau de notre temps : les lois sont si complexes qu'il faut des
avocats spécialisés pour se retrouver dans la jungle juridique
(jungle très favorable aux grands fauves).
61 Utopie,
pp. 40-41, p. 58 et p. 101.
62 Utopie,
p. 101.
63 Utopie,
p. 100.
64 Thomas
d'Aquin autorise le tyrannicide.
65 Bon
principe mais sur quels critères déterminer ce qui est juste ou
injuste ? Pour More injuste est ce qui nuit au bien commun.
66 Idée
que Machiavel développe d'une autre façon dans son œuvre, rédigée
à la même époque.
67 Utopie,
p. 101. Les Celtes acceptaient des femmes volontaires sur le champ
de bataille.
68 Utopie,
p. 102.
69 Utopie,
p. 101.
70 Utopie,
p.73.
71 Utopie,
p. 105.
72 Utopie,
p. 106.
73 Utopie,
p. 105.
74 Utopie
p. 67.
75 Idem
76 Utopie,
p. 91.
77 Utopie
p. 96.
78 Utopie,
p. 95.
79 Utopie,
p. 49 et 126.
80 Utopie,
p. 49.
81 Utopie,
p. 126.
82 Fondateur
de monastères, grand voyageur.
83 Redécouvrir
la présence de Dieu en son cœur.
84 De
nos jours, on parle de microcrédit.
85 1568-1639.
86 Œuvres
complètes de Rabelais. Ed . Garnier, t. 1, p. 165. et le chap.
XXXIII dès p. 245.
87 Deux
sens : avoir soif ou avide de quelque chose; falsifier, fausser.
88 Auteur
militaire qui mérite d'être lu
89 Consulter
mon article sur Jean de la Croix sur ce même blog.
90 Et
non Jérusalem.
91 Hildegarde
de Bingen, une grande figure féminine du Moyen Age, préconisait
déjà une meilleure connaissance de la nature.
92 1726.
93 1759.
94 1717-1778.
95 1772-1837.
96 Il
est un adversaire farouche du christianisme.
97 1788-1856.
98 1819-1900
99 Utopie,
p. 67.
100 P.
123
101 Faits
et croyances.
102 Aphorismes.
103 Correspondances
inédites.
104 Idéaux
politiques.
105 L'Homme
à la découverte de son âme.
106 1894-1963.
107 1903-1950.