vendredi 13 mars 2020

Thomas More et "L'Utopie" : sources et filiations


Thomas More : “L’Utopie

par Antoine Schülé

La Tourette, 13 janvier 2020


En cinq siècles, le mot utopie a pris un sens totalement différent de celui voulu par Thomas More.
Pour lui, Utopie désigne un pays qui n'existe pas, occupé par un peuple imaginé réellement heureux car sous un gouvernement idéal puisque différent de celui de l'Angleterre.
De nos jours, l'utopie est entendue plus souvent négativement pour déterminer un projet ou une conception irréalisable. En même temps, certains écrivains et philosophes le réhabilitent en invoquant la force de ce rêve qui pourrait changer le monde, quand celui-là ne devient pas un cauchemar, dans une dystopie, ou une fiction extraterrestre, dans une atopie totale.

Ce sens négatif nous ferait presque oublier que Thomas More est un pragmatique et que son réalisme frise parfois un certain cynisme (quand il traite de la guerre par exemple). De plus, son œuvre a connu des interprétations si diverses jusqu’à nos jours qu’il est presque impossible de lire cet ouvrage sans avoir des préjugés favorables ou défavorables, selon les idéologies, nées postérieurement au XVIe s. et qui revendiquent la paternité de More : une paternité qui, dans la plupart des cas, ne leur aurait pas été accordée par l'inventeur du mot "utopie" !

En cette communication, je vous propose une mise en contexte1 avec le regard de l’historien. Pour ma part, il s’agit de comprendre Thomas More (1478–1535) en fonction de ses autres écrits, de sa vie familiale et au sein de cet État qu’est l’Angleterre : en raison des charges, qu’il a exercées en tant que juge et proche conseiller du roi Henri VIII et en raison des personnalités religieuses, philosophiques, politiques et diplomatiques de son temps, avec qui il a discuté ou correspondu, il est un observateur avisé du Royaume.

Une œuvre littéraire s’inscrit dans un courant de pensée : aussi, en plus, je porterai un éclairage rapide sur ses sources et sur sa longue filiation, en sachant que parfois les disciples trahissent leurs maîtres avec des occultations, des extrapolations, des interprétations

En conclusion, je répondrai à une question qui m’a taraudé pendant toute la rédaction de cette communication  : « L’Utopie » de Thomas More, n’est-elle pas plus une prophétie ou une prospective qu’une utopie ?

Un écrit
Cet ouvrage2 de taille modeste (110 pages environ) a été un évènement littéraire européen et a marqué la pensée philosophique et politique jusqu’à nos jours.
« Utopia » de Thomas Morus est un livre, écrit en latin et qui est paru en 1516, édité par Thiery Martens, en Flandres, à Louvain. Le sous-titre explicite clairement la volonté de son auteur : de optimo reipublicae statu deque nova insula Utopia3.
Il a connu une large diffusion en Europe. Traduit en plusieurs langues, cet ouvrage s’adressait ainsi plus seulement à quelques érudits mais à un large public. Il faut une ou deux heures maximum pour le lire.
En quelques mots, en voici les idées principales qui seront affinées par après.

Résumé
"L'Utopie" est essentiellement une critique de la société anglaise que Thomas More observe et face à laquelle il oppose un système de gouvernement cultivant des principes soit totalement contraires, soit envisagés d'une autre façon, toujours très pragmatiques, ce qui est original dans une œuvre de fiction où disparaît le merveilleux des récits du Moyen Age. Les onze points principaux, traités dans le dialogue de More et Hitlodée, les deux personnages principaux, sont les suivants :

1, Le travail est obligatoire.
2, La journée d'un travailleur est de 6 heures, le reste du temps est employé à cultiver l'esprit.
3, Les intellectuels sont en petit nombre.
4, La propriété privée et l'argent sont abolis.
5, L’État est gouverné par un prince Utopus, élu selon une démocratie semi-directe. 
6, Les lois sont peu nombreuses.
7, La vie est frugale et communautaire.
8, Les prêtres, homme ou femme, sont élus et le monothéisme est privilégié avec le respect d'autres croyances.
9, La famille est la cellule de base, pour œuvrer au bien commun et non satisfaire un besoin individuel.
10, Une harmonie entre le corps et l'esprit exige un mélange d'ascèse et d'épicurisme4.
11, Le but ultime du gouvernement est que tous vivent ensemble et en paix et ce but peut justifier une guerre juste.

Le décor étant ainsi sommairement planté, analysons mieux les idées émises.

Cet écrit se compose de deux livres très différents par le style. Des critiques littéraires ont voulu attribuer le premier livre à Érasme et le second à Thomas More. Une lecture attentive permet d’écarter cette hypothèse.

Le masque littéraire est évident : le livre 25 insère une œuvre de fiction6 dans un récit de voyage dialogué, qui commence au livre 1 qu'il s'agit de considérer comme une introduction argumentée. Notre auteur nous révèle lui-même la clef de lecture à retenir : il opte pour le « ductus oblicus », une voie oblique7 pour émettre ses doutes et ses critiques sur l’Angleterre de son temps.
Il justifie sa méthode en se référant à l'expérience de Platon8. More résume ainsi la fonction de philosophe qu'espérait Platon en se mettant au service de Denys le Tyran9, à Syracuse : "L'humanité sera heureuses un jour, quand les philosophes seront rois ou quand les rois seront philosophes." 10. Mettant en pratique ce précepte, Platon ne connut que des déboires que la réplique du marin explorateur Hitlodée souligne très clairement.

Volontiers, More ruse et use d’un humour fin en jouant sur les mots. Les noms fictifs, qui démontrent son esprit ironique, sont explicites : par exemple, le personnage principal se nomme Hitlodée c’est-à-dire en grec le « conteur de sornettes » mais il l’accompagne du prénom Raphaël, nom de l’ange qui était réputé à cette époque guérir la cécité11 ! Le fleuve principal est l'Anydre12, c'est-à-dire sans eau. Etc. et Rabelais procédera de même plus tard.

Uniquement sur cet ouvrage et en cinq siècles, il y a eu plus de 700 livres écrits, suscitant de multiples controverses et bien des débats ! Il vaut donc la peine de s'y intéresser sans pouvoir être exhaustif mais en indiquant des pistes de lecture qui invitent, les personnes en ayant le désir, à de longs voyages littéraires dans le temps.

Une intention
Thomas More a été un chrétien engagé et sincère qui a nourri sa spiritualité à la lecture des Pères de l'Eglise comme de la Bible. Non seulement il croit mais, en plus, il vit sa foi. Il ne se contente pas de paroles qui ne feraient de lui qu'un philosophe, il veut des actes qui font de lui un homme politique, foncièrement pragmatique. Dès lors, il convient de le lire correctement et de ne pas lui faire dire ce qu’il ne dit pas ou ce qui ne correspond pas à ce que sa vie comme ses autres écrits nous manifestent nettement13.
Pour repenser la politique, selon lui, l’intérêt commun doit être défendu et placé au-dessus de quelques intérêts individuels. L'intérêt commun est bien plus que la somme de quelques intérêts individuels. Dans ce but, il s’agit de rechercher le meilleur régime politique possible qui ne peut être qu'idéal et jamais parfait car il reste toujours de pâte humaine. C'est l'objet de son livre.

Une critique directe de la situation politique de son temps, sous forme d’essai par exemple, aurait été censurée immédiatement. Une fiction lui permet d’ouvrir chez son lecteur une réflexion qui repose sur le contexte historique de son temps et sur les sources de la pensée de Thomas More. Ignorer l’histoire politique et philosophique aboutit inévitablement à des lectures qui ne correspondent en rien à la volonté de l’auteur : ces lectures révèlent, tout au plus, les intentions des lecteurs et non l'esprit de notre auteur.
Dès le XVIIe siècle et jusqu'à nos jours, la pensée de More a été de plus en plus laïcisée : ainsi, les socialistes et communistes revendiquent « L’Utopie » selon une lecture réaliste et entendent planifier immédiatement la cité selon cette fiction. Ils ont confondu la forme fictive et le fonds réaliste de sa pensée.

Selon une tradition largement antérieure au XVIe s.14 et bien établie, les philosophes privilégient une lecture allégorique pour imaginer la meilleure forme de communauté politique : ce qui est bien l’intention de Thomas More, en lecteur de Platon et d’Aristote dont il reprend bien des idées. L’allégorie entend manifester une abstraction par des symboles.

Contexte historique
Principalement, il y a eu la guerre civile anglaise, terrible en nombre de morts pour cette époque et qui a divisé le pays : la Guerre des Deux Roses (1455-1585), la rose rouge des Lancastre15 et la rose blanche des York. Il y a eu la Guerre de 100 ans entre la France et l'Angleterre du XIVe au XVe s. Depuis, l'Europe vit une paix relative où chaque État tente de déstabiliser toute puissance émergente : l'Espagne reste la grande puissance qui est jalousée par la France et les États germaniques16. Il y a encore la menace de l'Empire ottoman17. Jules II avait été un pape guerrier. Les Borgia, connus pour leur népotisme et la simonie, ont cultivé des mœurs qui ont défiguré momentanément la tête l'Eglise.

More a vécu dans la sphère de ceux qui exercent un pouvoir : il est un avocat, un juge qui ainsi considère de façon réaliste la société de son temps; il est aussi un homme d’État qui sait comment une décision gouvernementale se prend et comment il faut parfois ruser pour convaincre un détenteur de pouvoir sur la justesse d'une cause; il est un homme de lettres18 qu’Érasme19 admire et un homme de foi. Cette foi l'aidera à ne pas la renier et à accepter de mettre sa tête sur le billot. Il a eu la tête tranchée, sur ordre du roi Henri VIII que More a très bien servi et sur qui, pourtant à ses débuts, More pensait qu'il ferait un grand roi !

En effet, Henri VIII a eu pour maître John Colet et c'est la raison pour laquelle More plaçait sa confiance en ce roi, mis sur le trône le 26 avril 1509. Colet est l'auteur de commentaires sur les Épîtres de Paul : il pense qu'un retour à la vie commune des premiers chrétiens est la base de toute élaboration d'un système politique qui entend s'améliorer. Colet souhaitait transformer les méthodes pédagogiques et More le suivra sur ce point tout spécialement.
Arrivé au pouvoir, Henri VIII entendait soutenir la culture mais, il la manipule pour satisfaire son orgueil. Il a des réactions violentes et cruelles, dues à ses peurs : il a peur à la moindre alerte contre son trône ou à la moindre maladie. Il a épousé Catherine d'Aragon pour des raisons politiques, ce qui est courant dans les familles royales, et surtout pour sa dot de 200 000 écus d'or. Plus il vieillit, plus sa cruauté se mêle de cynisme. La mémoire populaire en gardé le souvenir dans le conte de Barbe Bleue, quoique derrière ce personnage, d'autres noms soient aussi évoqués.

Intéressons-nous à Wolsey que More observe de façon privilégiée avant de lui succéder. Wolsey était le fils d'un marchand de bestiaux, devenu chapelain, archevêque et Chancelier du royaume (équivalant de la charge de Premier ministre en France actuellement). Il avait des compétences qui lui ont permis d'accéder à de hautes fonctions. Henri VIII l'avait proposé comme Cardinal car il ambitionnait de devenir Pape. Ce prélat cultivait une folie des grandeurs qui nécessitait beaucoup d'argent. Il était corruptible et recevait des fonds aussi bien de la France que de l'Espagne. Il a spolié, tout-à-fait légalement20, les biens des monastères qui l'enrichiront prodigieusement et lui permettront même de passer à la postérité pour un mécène21.

Thomas More a eu une vie triple : une vie familiale, une vie d'homme de loi et une vie de conseiller du roi. Il a nourri une foi profonde en l'Eucharistie; il croit plutôt à une Église conciliaire; il refuse des actes religieux superstitieux chez certains Chrétiens22 et il tient à la liberté de conscience. Tous les constats de More sur son temps et son pays alimentent sa réflexion pour imaginer une forme d'un possible gouvernement qui ferait que tout un peuple soit heureux, à la lumière de sa foi.

Après l'écriture de "L'Utopie", il lui fut reproché d'avoir accepté que les livres de Luther soient brûlés et que des hérétiques soient exécutés sur un bûcher : il est curieux que la raison n'en soit jamais donnée. More a pressenti les massacres que ce schisme devait produire : ce n'était pas la rigueur de l'expression de leur foi qui l’inquiétait mais l'usage qui pourrait en être fait pour satisfaire des intérêts particuliers de riches bourgeois et des détenteurs du pouvoir, qu'ils soient nobles ou non nobles.
Il a eu certainement en mémoire les tragiques guerres hussites23 de 1419 à 1437, sur lesquels je reviendrai. Le XVIe s. a donné entièrement raison à ses inquiétudes : Suède24, Finlande25, Danemark26, Norvège27, Islande28, quelques États germaniques et des cantons suisses partagent ce point commun que le luthéranisme et le calvinisme s'y sont établis par la violence physique, politique et intellectuelle. Paradoxe : cette liberté de conscience, tant revendiquée pour eux, n'a pas été accordée à ceux voulant rester fidèles au Pape29 !
A travers quelques thèmes, parcourons notre ouvrage de ce jour.

Thématiques

Thème principal : la forme du gouvernement

La meilleure forme de gouvernement selon More est imaginée selon sa lecture de la "Somme théologique" de Thomas d'Aquin, rédigée entre 1266 et 1274, qui reprend la "Politique30" d'Aristote31. Retenons qu'Aristote distingue la meilleure constitution parfaite et absolue, de la meilleure constitution possible, en fonction des circonstances qui dépendent et de la géographie et de l'histoire. More établit cette même distinction.

La famille est le noyau de la cité et de l'état32 : principe essentiel de Thomas d'Aquin que développe More avec insistance. L'homme est partie de la famille; la famille est partie de l’État et l’État doit être la communauté parfaite. Le bien d'un seul homme n'est pas la fin ultime; il doit être ordonné au bien commun; le bien d'une seule famille est ordonné au bien d'une seule cité laquelle est la communauté parfaite.

Dans Utopia, More reprend aussi le choix des magistrats par élection que Thomas d'Aquin préconise dans un contexte précis : "si le peuple est vertueux, il est juste qu'il élise lui-même ses magistrats"33. Il dit aussi qu'il appartient au peuple de faire ses lois34. De même la peinture de la vie politique de cette île correspond très exactement à la description de Thomas d'Aquin : tous les membres de la cité doivent avoir part au gouvernement afin de maintenir le peuple en paix et de lui faire aimer et défendre sa constitution. Écoutons encore Thomas d'Aquin : "un tel pouvoir appartient à tous les membres de la cité, soit que tous peuvent y être élevés, soit parce que tous élisent leurs chefs. "35.
Toutefois Thomas d'Aquin est prudent, comme More au début36 et à la fin de son livre, car tous deux ne s'illusionnent pas sur la nature humaine : si la démocratie selon le thomisme, est bonne quand elle est vraie et non dévoyée, elle peut être aussi la pire des tyrannies car une tyrannie divisée en plusieurs têtes. Je vous rappelle que le tyrannicide est accepté par Thomas d'Aquin !
Abordons d'autres thèmes.

1. Éducation et instruction des enfants
Notre auteur recommande trois lectures : l’œuvre monumentale de St. Augustin; la Bible37 de St Jérôme et le livre, le plus diffusé chez tous les fidèles, "L'imitation de la vie de Jésus-Christ", préconisant un art de vivre chrétien.
L'enseignement se donne aussi bien aux garçons qu'aux filles38 : c'est exactement ce qu'il accomplit avec ses enfants. Une de ses filles a traduit plusieurs ouvrages d’Érasme. Sa fille adoptive est devenue médecin.

2. Communauté des biens et travail en commun
A l'âge de 23 ans et alors qu'il pratiquait sa fonction d'avocat, More a vécu pendant quatre ans dans un couvent de Chartreux. Il en connaît le mode de vie et les règles qu'il laïcise pour les institutions d'une communauté dans l'île d'Utopia.

L'abbé dans une Chartreuse est désigné par élection et, dans Utopia, nous retrouvons cette forme de démocratie semi-directe avec l'élection du syphogrante, du protophilarque et du prince39 ; la qualité du chef n'est pas de défendre une opinion, une idéologie dirions-nous maintenant, mais la défense de l'intérêt commun40; il reprend des Chartreux le principe d'essaimage d'une communauté lorsqu'elle s'agrandit; en Utopia, la création d'une nouvelle communauté est justifiée dès qu'un certain nombre d'habitants est atteint; il reprend aussi le partage du temps quotidien entre travaux utiles à tous et loisirs studieux; de même, le non payement des biens et produits au sein du couvent; etc...

3. Cultiver le lien avec la terre
Notre auteur privilégie le travail de la terre41 dans l'île Utopia : chaque famille dispose d'une maison et d'un jardin privé42 (droit d'usage au lieu d'un droit de propriété43); les terres agricoles sont sous le régime de la communauté des biens (où chacun a une mission à remplir); toute personne reçoit ce qui lui est nécessaire sans payer44. Ainsi l'argent n'est plus nécessaire et c'est le mérite de Thomas More d'avoir perçu les dangers du culte du Veau d'or. La monnaie métallique n'est utilisée que pour les transactions hors d'Utopia et au nom de la cité. Les soins médicaux sont donnés gratuitement dans les hôpitaux comme c'est le cas dans les infirmeries réputées et liées aux monastères.
Pourquoi la vie agricole est privilégiée par More ? Il considère le triste sort de l'ouvrier abruti par le travail dans cette industrie naissante du textile45.

4. Vie religieuse
Chaque jour, More se réserve un temps de prière : il médite, il prie. La vie spirituelle lui est primordiale tout en menant ses activités professionnelles. Depuis 1501, il a lu Thomas d'Aquin et St Augustin : il ne reprend pas totalement la pensée de Thomas d'Aquin et reste plus proche de celle de St Augustin. Traiter cet aspect mériterait des développements dans une autre étude.

La vie monastique est rythmée dans le temps et, en Utopia, il en va de même46 : six heures de travail jour (trois heures le matin et trois heures l'après-midi), neuf heures de sommeil et le reste du temps est réservé aux loisirs et aux repas.
Le soir, une heure de divertissement est consacrée à la musique ou à la conversation. Il peut y avoir des jeux mais surtout pas des jeux de hasard qui seront remplacés par des jeux arithmétiques et du jeu des vices et des vertus47. Les lettrés ont des cours le matin et les autres, hommes ou femmes, peuvent participer à ces cours.

More défend un humanisme fondamentalement chrétien : cet humanisme sera repris plus tard, mais en éliminant Dieu très progressivement et, ainsi, l'humanisme laïcisé a pris naissance.

5. Lutte contre l'hypocrisie mondaine
A la suite de Pic de la Mirandole et d’Érasme (pensez à son "Éloge de la folie"), l'hypocrisie des hommes est la cible privilégiée. Elle vit à la cour, dans les grandes familles : sous un masque de vertu, les vices se multiplient. Henri VIII poussera loin ce jeu afin de satisfaire ses passions charnelles48. Le souci de paraître et de se mettre en scène à la Cour occasionnent de grandes dépenses somptuaires, pour le plus grand profit des industries de luxe. Face à ces mondains que More observe avec consternation, il privilégie une vie spirituelle afin de ne pas avoir une âme vide et de ne pas demeurer esclave de ses passions.

Rappelons-nous qu'Érasme est le fils d'un prêtre : les circonstances de sa naissance l'ont rendu tout spécialement apte à stigmatiser l'hypocrisie du clergé. La personnalité d’Érasme a joué un grand rôle dans la réflexion de More. Il convient de s'intéresser à celle-là.
Érasme
Érasme a reçu une éducation religieuse. La lecture de ses correspondances nous donne l'image d'un personnage contrasté : à la prière, il préfère l'étude; à l'austérité, le confort; à la claustration, le voyage. Il a eu pour élève lord Montjoy qui le financera toute sa vie. Plus d'une des ses lettres témoignent de sa servilité, il ne cesse pas de quémander. Il brille dans les conversations.

Il est connu pour sa nouvelle traduction du grec des Évangiles. Inévitablement, il y eut des réactions qui seront exploités en des causes qu’Érasme n'aurait pas défendues. Luther a voulu l’instrumentaliser mais Érasme l'a invité à modérer ses violences en prenant des distances par rapport à lui.
Avec raison, il est choqué par l'ignorance de certains moines. Pour propager la Parole de Dieu, un minimum de connaissances est requis : de toute évidence, certains moines ou prêtres ne l'avaient pas.
Quelques prêtres ou moines, infidèles à leurs vœux, déçoivent aussi profondément Thomas More. Une foi vécue49 est, selon lui, le meilleur moyen de diffuser la foi. La cohérence entre les paroles et les actes est primordiale. L'hypocrisie de quelques membres du clergé est ce qu'il y a de plus nuisible à la diffusion d'une foi qu'ils sont pourtant censés défendre. Thomas More affirme avec raison que les mauvais prêtres font plus de mal à l'Eglise que les ennemis de l'Eglise : l'Angleterre du XVIe s. illustre déjà ce phénomène.

6. Critique du capitalisme naissant
Dans son livre 1 et alors qu'il est âgé de 37 ans, notre auteur souligne à plusieurs reprises les méfaits de la cupidité, de l'avarice et de ce dieu qu'est devenu l'argent. Il déplore que les gens honnêtes soient poussés par la misère au vol. Il condamne ce matérialisme outrancier qui se diffuse dans toute l'Europe50.

L'élevage intensif nécessite de grandes propriétés : c'est pourquoi les terres du clergé, saisies par l’État, sont achetée par des familles bourgeoises. Or il y avait des pacages et des forêts, possessions des monastères, faisant vivre de nombreuses familles : sans être riches, elles pouvaient subsister, sans autre souci que celui des caprices de la météorologie, et avoir un toit comme des soins. Supprimer les monastères, c'était les réduire à la misère. La vente de la laine à des prix trop hauts a ruiné de nombreux petits tisserands.
More s'insurge contre ce fait de société en opposant un autre extrême afin de susciter une réaction du lecteur : "Partout où la propriété est un droit individuel, où toutes choses se mesurent par l'argent, là on ne pourra jamais organiser la justice et la prospérité sociale51." Il entend contester, à juste titre, le pouvoir d'une "poignée d'individus insatiables alors que la masse est dévorée par la misère.52". Les partisans de la lutte contre la ploutocratie, le gouvernement par les plus fortunés, sont ses continuateurs.

Cependant, il ne désespère pas : il cultive un optimisme moral. Un bonheur collectif lui paraît possible s'il est le fruit des efforts de tous mis en commun : ainsi étaient nés les couvents, pourquoi la cité n'y parviendrait pas un jour ! A Chelsea, More jouissait d'une maison avec jardin et n'a jamais contester la petite propriété : les excès des grands propriétaires le poussent à envisager des maisons appartenant à l’État (comme les maisons attachées aux monastères) et mis à disposition des habitants53.

En Utopie, les soins médicaux sont assurés par l’état; tout est gratuit; pas de propriété privée (comme le moine dans son couvent); les parures somptuaires sont méprisées (uniformité vestimentaire de l'habit religieux); plus de mendiant (chacun dispose de quoi vivre quotidiennement); mener une vie joyeuse, sans souci, sans trouble de l'existence (pour développer une vie spirituelle et non une vie de loisirs ou de fainéantise).

7. Une religion et une morale
La religion porte une morale qui a une place majeure, dans l’œuvre de More. En Utopia, les expressions de divers cultes sont libres mais les habitants, désignés comme étant les plus sages, ne reconnaissent qu'un seul Dieu et More souligne que le monothéisme existait bien avant le christianisme, notamment avec le culte de Mithra. La révélation de l'existence du Christ et de la vie commune des premiers apôtres est bien accueillie dans l'île. Par contre, il y a un refus de tout sectarisme qui favoriserait le rejet des autres pour une option religieuse différente. More observe les débats religieux de son temps et il souhaite des échanges apaisés, alliant foi et raison, quant aux questions de doctrine plutôt que des invectives, indices de tumultes et de guerres civiles possibles sous prétexte religieux. Il s'agit de ne pas avoir peur des hérésies car la vérité triomphera en même temps que les erreurs seront repoussées par la force de la raison éclairée par la foi : toutefois, il subira la mort sur ordre d'hérétiques qui se prétendaient être tolérants. En prison et à la fin de sa vie, il n'aurait sans doute pas écrit cela !

Les prêtres, et une femme peut exercer cette mission, sont élevés par élection à leur fonction, selon leur sainteté et non selon leurs relations. Il y avait des abbesses à la tête des congrégations féminines et de nombreuses saintes étaient vénérées : c'est pourquoi une femme exerçant la prêtrise ne le gênait pas.

Trois principes sont partagés par tous les Utopiens : 1, l'âme est immortelle, 2, la croyance en un seul Dieu ou en une Providence et 3, l'existence d'une vie future avec des châtiments pour les méfaits et des récompenses pour les bienfaits.

Il ne faut point craindre la mort et pour lui, les morts accompagnent54 les vivants. Ainsi, il est possible de mourir gaiement ou au moins plein d'espoir. Il y a allusion à la mort de Socrate, condamné à boire la ciguë, survenue en 499 avant Jésus-Christ et qu'il a lue dans le Phédon de Platon.

Les matérialistes sont non seulement méprisés mais il ne leur est accordé aucune charge et aucune fonction : "On les méprise comme des êtres d'une nature inerte et impuissante."55 L'homme juste pratique le bien, non par la crainte d'un Code pénal mais par le simple désir de satisfaire le bien commun de la cité.

Il souligne l'importance de la séparation des pouvoirs : le pouvoir civil juge et décide en séance publique alors que le pouvoir religieux conseille ou blâme. Lorsque Henri VIII s'attribuera la suprématie religieuse dans son royaume, il n'y aura plus la nécessaire séparation des pouvoirs mais un contrôle très strict de l'Eglise par l’État56. More n'acceptera jamais cette confusion des pouvoirs car il perçoit tous les abus qu'elle peut entraîner chez un souverain dominé par ses seules passions : il est pour un Pape qui décide non tout seul mais lors de Conciles. Son refus, même discret, de cette suprématie entraînera sa condamnation à mort.

8. Une hygiène de vie
Le bonheur consiste à disposer d'un habitat souriant. Le corps n'est pas méprisé : il se maintient par des exercices afin d'en assurer la vigueur et la souplesse.
Cultiver le plaisir de vivre mais selon une morale qui refuse toute addiction qui détruit la personne : pas de taverne, pas de prostitution, pas de maison de jeux, véritables fléaux dans les villes et à la cour royale57.
Les plaisirs les plus grands à rechercher sont ceux de l'âme. La spiritualité est une nécessité pour l'homme : il est possible de donner sens à son existence autrement que dans l'accumulation des richesses ou la satisfaction toujours plus effrénée des plaisirs des sens.

La vertu principale est de savoir se priver au profit des autres. Pour More, il ne s'agit pas seulement donner de son superflu, c'est véritablement partager concrètement un savoir manuel ou intellectuel, des biens du quotidien ou des soins à son prochain quel que soit son âge.

9. L'île
More, sans doute parce qu'il est Anglais mais aussi un lecteur de Platon qui parle de l'île des Bienheureux, la cité idéale est isolée du continent. Il y régnerait ni guerre (l'auteur pense à la guerre civile récente), ni misère (en Angleterre, la misère est plus forte durant ce qui sera appelé la Renaissance qu'au Moyen Age).

10. Délits conséquences d'une dépravation sociale58
More, tout spécialement dans le livre I, dénonce une oligarchie coupable car se livrant au luxe effréné et à la dépravation des mœurs. Le règne de Henri VIII en est une illustration qui sera encore plus forte bien après 1535 où ce roi a mis la tête de son fidèle chancelier sur le billot.

Trop souvent, il est dit que More dénonce "une société féodale décadente" : cette formule si souvent répétée est fausse. Il dénonce la naissance du grand capitalisme et de ce matérialisme effréné dont il perçoit tous les dangers, tel un prophète. Il discerne que cet égoïsme prédominant et cet individualisme seront les causes des ravages qui s'accumuleront au détriment du bien commun.
L'industrie textile développe une classe d'ouvriers où l'éducation est déficiente et la conséquence en est la propagation d'une dépravation sociale : avant le XVIe s., les enfants du monde rural, ayant des aptitudes intellectuelles ou militaires, pouvaient sortir de leur condition de naissance. Au Moyen Age, un serf pouvait devenir chevalier selon ses mérites et non selon le seul privilège d'une hérédité. De même un noble parjure pouvait se voir retirer son titre de noblesse.

11. Rénovation du système judiciaire59
More souhaite un meilleur système pénitentiaire afin que la peine imposée au condamné, selon des lois justes et avec une défense correcte, soit utile à la communauté. Les peines de prison doivent être conçues de façon différente.
Il est contre la peine de mort car il veut que la peine infligée soit utile à la cité, en application d'un principe de Platon, lu dans Gorgias.
Encore de nos jours, More n'a toujours pas été entendu d'un plus d'un pays : selon lui, il faut lutter contre la surabondance des lois60.
Il souhaite que les justiciables plaident eux-mêmes leurs causes devant les juges sans passer par des avocats.

12. La guerre61
Plusieurs auteurs traitant de "L'Utopie" disent que More est un pacifiste car il écrit que la guerre est une abomination62 mais ils oublient tout ce qui est essentiel à ce sujet. Quand il y a un ennemi, selon lui, la guerre est possible : "Les Utopiens ont pour principe qu'il ne faut tenir pour ennemi que celui qui se rend coupable d'injustice et de violence."63
Pour More, il y a cinq motifs de guerre juste quand c'est pour le bien de l'humanité : défendre les frontières; repousser une invasion y compris chez leurs alliés; destituer un tyran64; réparer une injustice65; lutter contre les pillages.

Il préconise une armée de milice à la façon des Suisses66 : hommes et femmes reçoivent une formation militaire67. Des exercices communs sont prévus afin qu'ils soient tous habiles dans le maniement des armes.

Le blocus économique68 est suffisamment motivé si justice n'est pas rendue à l'un des leurs. La raison économique peut justifier une guerre : "si les négociants d'une nation amie ont subi à l'étranger des vexations injustes"69. Dans ce cas, une précision importante nous est donnée : Utopia peut soutenir la guerre avec son argent mais seulement avec le sang des autres.

Pour préserver le sang de ses citoyens, l'achat de mercenaires étrangers70 les Zapolètes71, est possible. La perte de ces mercenaires au combat n'est pas un souci et constitue même un gain appréciable72. Il suffit de les recruter avec des promesses et à les exposer aux postes les plus dangereux : au final, la facture sera moins lourde. En première ligne au front, nous trouvons les mercenaires, ensuite, il y a les troupes des États que les Utopiens défendent, ensuite les légions auxiliaires des alliés et, uniquement en dernier recours, leurs propres citoyens. Je vous laisse penser à tous les États qui ont appliqué cette méthode depuis le XVIe s. !
La corruption de l'ennemi est acceptée : la trahison chez l'adversaire ne choque pas . Il vaut mieux vaincre l'ennemi par la force de l'habileté et d'artifice. C'est ainsi vaincre par l'intelligence et la raison73 : Mazarin n'aurait pas dit mieux.

Une guerre pour agrandir le territoire en raison d'une poussée démographique est admise. Deux citations sont explicites : "Si les colons rencontrent un peuple qui accepte leurs instituions et leurs mœurs, les Utopiens forment avec lui une même communauté sociale et cette union est profitable à tous.74" et ""Mais si les colons rencontrent une nation qui repousse les lois de l'Utopie, ils chassent cette nation de l'étendue du pays qu'ils veulent coloniser, et, s'il le faut, ils emploient la force des armes."75
Plus tard, et More est vraiment un prophète, l'Angleterre et les États-Unis appliqueront à la lettre cette politique qui a conduit à la disparition des tribus dans les Indes et en Afrique comme des Indiens d'Amérique.

Ainsi la recherche de la paix peut nécessiter l'emploi des armes. Un certain cynisme et un esprit de calcul ne manquent pas. Le monde a trop souffert de cette forme d'utopie sous le couvert de la recherche du bien de l'humanité...

13. Le non refus de l'esclavage76
Il y a quatre types d'esclave : celui par condition de naissance ("les journaliers pauvres d'un autre pays"); celui qui accomplit une peine suite à un délit; un ennemi fait prisonnier alors qu'il tenait les armes à la main; la personne ayant commis un adultère.

Dans Utopia et pour la punition d'un délit, More est farouchement contre la peine de mort. Le suicide est réprouvé. Il est en accord avec lui-même en énonçant ce principe : "La peine, même des plus grands crimes, est l'esclavage" et "Un homme qui travaille [...] est plus utile qu'un cadavre; et l'exemple d'un supplice permanent inspire la terreur du crime d'une manière plus durable qu'un massacre légal qui fait disparaître en un instant le coupable."77

Il est curieux ou ironique que dans le chapitre traitant des esclaves, More nous parle du mariage !
Les Utopiens pratiquent la confession des fautes dans le cadre de la famille. Les châtiments corporels sont admis, y compris dans la famille : "Les maris châtient leurs femmes; les pères et mères leurs enfants; à moins que la gravité du délit nécessite un châtiment public."78 Il s'agit d'une interprétation littérale d'une lettre de St Paul dont il faut lire le texte complet pour nuancer le propos.

14. Critiques de L'Utopia par More79

Dans le livre I, il formule six objections80 contre la communauté des biens :
  • les besoins quotidiens de consommation risquent d'être non satisfaits;
  • les dangers d'un délaissement du travail personnel pour se reposer sur le travail d'autrui;
  • la misère engendrée sera cause de massacres;
  • l'égalitarisme enlève toute autorité; l'absence de crainte et de respect ne réfrène plus les pulsions individuelles;
  • l'absence d'une loi protectrice prive la personne d'une propriété, zone de liberté.

Par rapport au système politique d'Utopia, il reste mesuré, pas seulement pour éviter la censure mais parce qu'en juriste, il sait que d'un bien voulu, il peut en sortir un mal. D'où sa prudence face aux propos d'Hitlodée et qu'il exprime ainsi : "Car, d'un côté, je ne puis consentir à tout ce qui a été dit par cet homme, du reste fort savant sans contredit et très habile en affaires humaines, d'un autre côté, je confesse aisément qu'il y a chez les Utopiens une foule de choses que je souhaite voir établies dans nos cités.
Je ne les souhaite plus que je ne l'espère."81
Il souhaite toutes les mesures qui correspondent à ses valeurs chrétiennes.

Sources diverses
En plus de Thomas d'Aquin, j'ai déjà mentionné précédemment Platon et Aristote et pour rester bref, il ne m'est pas possible ici de prolonger plus cet aspect. Rapidement considérons d'autres sources importantes pour More.

Saint Augustin : La Cité de Dieu
Cité terrestre et cité céleste sont décrites par Augustin selon une lecture christianisée de Platon.
A la cité de Dieu et la cité des hommes d'Augustin, More oppose deux systèmes politiques : l'un avec les défauts de l'Angleterre qu'il identifie clairement et l'autre avec les qualités à rechercher telles que développées dans une île imaginée pour éveiller la réflexion du lecteur.
Augustin s'intéresse plus à la condition humaine; More pense à un système politique social (qualificatif à ne pas confondre avec le socialisme tel qu'entendu de nos jours).
Augustin préconise une communauté intérieure, car spirituelle, des croyants, illuminés par la foi; More imagine une communauté étatique, avec des lois strictes dans l'esprit des Évangiles. Augustin veut une conversion intérieure de l'homme; More croit en la vertu d'un changement de gouvernement.

Le voyage de saint Brendan (XIIe s.)
Ce récit évoque la navigation fantastique d'un abbé irlandais Brendan82, au VIe s., à la recherche du paradis terrestre. On y trouve un croisement entre traditions chrétiennes et païennes comme chez More quand il nous parle de religion. La finalité diffère car elle n'est plus politique mais mystique : en ce monde, chaque homme doit vivre une expérience mystique83 pour atteindre la plénitude de Dieu. En ceci, cette conclusion rejoint Saint Augustin.

Bernardin de Feltres (1484), pour lutter contre l'usure qui ruinait bien des familles, a créé les Monts-de-Piété84. Au XVe s., des taux excessifs de prêts avaient ruiné des agriculteurs, des seigneurs, des petits commerçants pour enrichir quelques familles. Cette initiative a pris naissance en Italie et les villes marchandes, comme Pise, Padoue et Venise, se sont vivement opposées à cette lutte. Les banquiers craignaient que les Monts-de-Piété nuisent à leurs pratiques usuraires si lucratives. En raison de son engagement, Bernardin subira même une tentative d'empoisonnement.

En Angleterre, John Wiclif (1328 - 1384), professeur à Oxford, a critiqué la papauté. En effet, il soutient l'idée d'un pouvoir souverain pouvant s'opposer à celui du Pape : un siècle plus tard, Henri VIII en fera l'usage que l'on sait. La révolte sociale avait utilisé l'agitation religieuse. A sa tête, nous trouvons John Ball, un disciple de Wiclif qui a repris ses propos les plus révolutionnaires, afin de soutenir la révolte des artisans de Londres et des paysans du Kent, en 1381. Il préconisait déjà la communauté des biens "car Adam bêchait et Eve filait sans qu'il y ait de gentilhomme". Ces actions ont inspiré les guerres des hussites de Prague, de 1419 à 1437 : une lutte politique, en fait, sous couvert de religion.
More n'oublie pas cet aspect dans son Utopie quand il mentionne les dangers de guerres "religieuses" dont les origines doivent plus aux passions et aux volontés de domination qu'aux religions !

Savonarole, le Dominicain, a aussi lutté contre ces taux d'intérêt à 33%. Pour lui, la solution était simple : expulser les usuriers connus. Le 23 mai 1498, Savonarole est exécuté alors que le pape Alexandre VI, un Borgia, l'avait déjà excommunié.

Tommaso Campanella85 : idéal commun
"La Cité du Soleil ou l'idée d'une république philosophique" : Il y a eu deux versions italiennes en 1602 et 1611, antérieures à la parution du livre de More, et deux versions latines en 1623 et 1631. Il est curieux de voir que, dans sa version de 1623, il propose comme modèle de cité "L'Utopie" de More.
Sa cité du Soleil se situe aussi dans une île (Taprobana, actuelle Ceylan). En un dialogue fictif, un amiral génois la décrit au Grand Maître des Hospitaliers. L'agriculture est aussi considérée comme un art noble. Il prône un retour à un christianisme naturel, l'univers étant l'image vivante de Dieu.
Un point commun avec More : nous n'avons pas une utopie abstraite ou purement intellectuelle mais la projection d'une société possible et qu'il tenta d'établir dans un État italique contre la domination espagnole.
Il se retrouva pour cette initiative en prison et sauva sa vie en se faisant passer pour fou. Le Pape Urbain VIII lui confia l'enseignement de la théologie. Accusé d'hérésie, il dut fuir en France où il fut reçu par Louis XIII et Richelieu. Il meurt au couvent du Faubourg Saint Honoré. Auteur prolixe, il intrigue encore les historiens de la pensée en raison de l'étendue de ses connaissances qui avaient suscité, bien entendu, la hargne de quelques-uns de ses confrères.

Filiations diverses
Cette œuvre majeure de More a influencé d'une façon ou d'une autre plus d'un écrivain du XVIe s. à nos jours. Nous pouvons parler d'une filiation de pensée avec des ajouts, des interprétations ou des retranchements. Sans être exhaustif, je vous signale quelques titres.
Rabelais
Pantagruel a été le premier livre édité par Rabelais en 1532, soit seize ans après la parution de l’œuvre de More. L'île d'Utopie surgit sous la plume de Rabelais dans son Pantagruel, déjà au chapitre II et surtout au cours des chapitres XXII à XXXI.
L'épouse de Gargantua, Badebec, est la fille du roi des Amaurotes (les obscurs) en Utopie86 et décède en donnant naissance à Pantagruel (tout altéré87, selon une étymologie de Rabelais). Et cette île Utopie est l'occasion pour Rabelais de traiter de la guerre : il est curieux d'ailleurs que ce soit cet aspect qu'il met en avant pour une guerre juste.

Le roi des Dipsodes (assoiffés)qui se nomme Anarche et ce nom signifie sans roi assiège la capitale des Amaurotes. Pour structurer son récit des combats, Rabelais parodie l'Enéide de Virgile. Pantagruel se livre à la guerre justement dans cette île dont le nom signifie non lieu. Rabelais mentionne toute sorte de ruses de guerre employées pour vaincre et puise son savoir dans le traité militaire de Polyen88. Plusieurs chapitres décrivent des actes de guerre où la bouffonnerie tient une grande place pour fausser ou altérer des expériences réelles de guerre : ce qu'il s'agit de ne pas oublier.

François Hubert
Un auteur, trop méconnu, François Hubert (1508-1561), le poète d'Henri II, a publié en 1541 "Le temple de vertu".
Il prône les principes d'un idéal de vie évangélique, à ne pas confondre avec l'évangélisme américain en cours aujourd'hui.
Il s'agit de vivre selon la lecture des Évangiles, à l'imitation de Jésus Christ. Il tente de définir ce qu'est l'essence de la vie chrétienne et comment rendre un vrai culte à Dieu. Il loue la grandeur des Pères de l'Eglise mais la Bible doit prédominer. La liturgie doit être centrée sur la Parole (Nouveau testament). Il n'a aucune complaisance pour les délices sensuels.
Le seul véritable amour est l'amour de Dieu : il offre une relecture du Cantique des Cantiques et Jean de la Croix89 en offrira une encore bien plus développée, dans la deuxième moitiés du XVIe s.. Nous retrouvons en lui les qualités d'un Cicéron christianisé.

Francis Bacon
Dans son ouvrage "Nova Atlantis", paru en 1675, il imagine une île, nommée Bensalem90, en se préoccupant surtout de l'éducation et de l'instruction des jeunes. Il veut que les sciences et les connaissances des phénomènes naturels soient diffusées. Le titre évoque l'Atlantide de Platon évoqué dans le Timée et le Critias. Il s'agit de retrouver les lois de la nature91 pour les vivre en accord avec la raison.

Siècles suivants
Depuis Jonathan Swift avec Les voyages de Gulliver92 et Voltaire avec Candide93, il y a un grand champ utopique à moissonner et voici quelques auteurs :
Morelly94 (XVIIIe s.) "Code la nature ou le véritable esprit de ses lois de tout temps négligé ou méconnu" (1755).
Cet ouvrage marque le commencement de nouvelles interprétations de "L'Utopie" de More. Son postulat est que l'homme est né naturellement bon mais a été perverti par les institutions qui le conduisent vers le mal. Il récupère des idées de More pour élaborer un système communautaire très hiérarchisé répondant à un plan divin : il refuse encore tout matérialisme. Il faut attendre Babeuf pour donner naissance à l'idée d'une théorie du bonheur collectif sur laquelle ont été élaborés les programmes communistes de transformation sociale.

Charles Fourier95 "Théorie de l'unité universelle"
Comme More, il identifie les deux ennemis du Bien commun : l'égoïsme et le profit personnel. Fourier veut un homme naturel alors que More décrit un homme spirituel respectant la nature image de Dieu. Fourier propose des théories où nous trouvons un mélange d'analyses raisonnables sur le capitalisme industriel et d'une philosophie très naïve, faisant abstraction des lois historiques qui révèlent des traits permanents de l'humanité. Rousseau a émis l'idée que l'homme est bon par nature et que la société le corrompt : Fourier en conclut que pour retrouver l'homme naturel, il faut bannir toute morale96 et que les seules sciences strictement utilitaires suffissent à établir le bonheur de l'homme.
Le phalanstère est une communauté aussi essentiellement agricole. Sa loi fondamentale est simple : l'attraction passionnelle, c'est-à-dire que l'accomplissement de nos désirs ne doit subir aucune restriction arbitraire, selon lui la cause des vices et des misères de l'humanité. En lieu et place du culte de la Raison, il aurait souhaité un culte à la Volupté : nous sommes bien loin de l'approche de Thomas More.

Étienne Cabet97 : "Voyage en Icarie" (1840)
Il est le théoricien du socialisme utopique : il imagine une société étatique autogestionnaire. Il a inspiré la mise en forme d'une des doctrines communistes.

En 1846, il a publié "Le Vrai Christianisme selon Jésus-Christ" et il envisage une organisation sociale qui serait comme le royaume de Dieu.
Sa création d'une Icarie au Texas fut un échec. Dans l'Illinois, son essai renouvelé fut encore un échec : purges, scissions, dissidences, bannissements ont "décabétisé" plus d'un des membres...

John Ruskin98
Ce critique d'art reconnu se veut être un réformateur social. En tant que disciple de Platon, il ne raisonne pas sur une île imaginaire, il souhaite une "République collectiviste" mondiale. Il a financé une coopérative. Il veut que l'enseignement soit gratuit, que le travail se fonde sur la joie de la création (comme les ouvriers des cathédrales gothiques), que les vieillards bénéficient d'une retraite, que les logements aient un meilleur confort et que des espaces verts soient créés dans les cités.
Il a eu un élève en Cecil Rhodes qui cultive au final un capitalisme outrancier, ce qui est bien éloigné de la république imaginée par More qui dénonce avec vigueur le culte de l'argent. L'Afrique se devait d'être dominée par les Anglais et il ne cessa pas s'enrichir avec les mines de diamants, avec toutes les conséquences tragiques pour les indigènes. Cet apôtre de l’expansionnisme colonial99 que More ne condamne pas, passe encore pour être un grand philanthrope.

Pirandello : "La Nouvelle Colonie " (1926)
Des marins fuient une vie misérable en raison du contexte social et s'établissent dans une île déserte. Mais là, au lieu de changer de conditions de vie, ils ne font que répéter les vices de la société qu'ils ont quittée : lutte pour la domination, vols, trahisons, meurtre et folie. Les apparences ne suffisent pas à changer l'homme. Dans la fuite, si l'homme ne se libère pas lui-même de ses égoïsmes, sa fuite est inutile. De cette façon, l'utopie du désir de Fourier reste une utopie irréaliste, comme Cabet l'a démontré. Elle devient même une dystopie !

André Gide : Le voyage d'Urien (1893)
Gide adopte le récit symbolique d'un désenchantement : ne pourrait-on pas y voir une contre-image de l'utopie ? Des marins embarquent car ils n'ont plus de foi en l'étude, ils sont las de la pensée. Pour obtenir de glorieuses destinées, ils se mettent en quête d'actions. Dans une île occupée uniquement par des femmes, ils trouvent la peste; la mer des Sargasses est un océan d'ennui; dans la mer boréale glaciale, le retour en arrière n'est plus possible... De l'utopie, nous arrivons à l'atopie.

Dans "Nouvelles nourritures"100, Gide parle de l'utopie sur un autre ton et avec chaleur : "Combien de jeunes velléités qui se croyaient pleines de vaillance et qu'a dégonflées tout à coup ce seul mot d'utopie appliqué à leurs convictions, et la crainte de passer pour chimérique aux yeux des gens sensés. Comme si tout grand progrès de l'humanité n'était pas dû à l'utopie réalisée ! Comme si la réalité de demain ne devait pas être faite de l'utopie d'hier et d'aujourd'hui !"

Pour être complet, il faudrait mentionner les Quakers, les hippies mais il faut bien s'arrêter et je vous invite à poursuivre votre réflexion avec quelques citations qui entendent réhabiliter l'utopie :

Victor Hugo101 : "L'utopie , c'est l'avenir qui s'efforce de naître. C'est la vérité de demain".

Oscar Wilde : "Une carte du monde qui ne comprendrait pas l'Utopie ne serait même pas digne d'être regardée, car elle laisserait de côté le seul pays où l'Humanité vient toujours accoster."102;

Jules Verne103 : "Tout ce qui s'est fait de grand dans le monde l'a été au nom d'espérances exagérées."

Bertrand Russel104 : " Nous ne devons pas aspirer à une utopie achevée mais à un monde travaillé par une imagination et des espérances bien vivantes."

Ou encore Gustave Jung105 : "Une société sans rêve est une société sans avenir."

Les utopies ont donné naissances aux anti-utopies appelées atopie ou dystopie.
Aldous Huxley106 : Dans "Le meilleur des mondes" la contre-utopie est ce monde de la machine qui reçoit l'aide la biologie : ce qui désole Huxley car il est convaincu que l'homme est un corps et une âme.

George Orwell107: "1984". Dans ce roman prophétique, la dystopie est ce mauvais lieu qui a pour nom Océania et dont la capitale est Londres, avec un chef incontesté Big Brother. Il souligne ce que More dénonçait déjà : une caste privilégiée accapare les richesses dans un régime de pénurie généralisée. La technologie n'est plus au service de l'homme : elle sert à le contrôler. L'ennemi est fabriqué selon les besoins de l’État et l'histoire est employée pour ce faire : "L'Histoire est un palimpseste gratté et réécrit aussi souvent que nécessaire".

Conclusion

More est plus un politologue qu'un philosophe car il a écrit ce livre en tant que juriste s'exprimant à travers une fiction. En Chrétien, il imagine la meilleure forme d'un gouvernement pour un peuple. Sa construction d'une cité idéale est basée sur sa spiritualité vécue et chrétienne.

Il analyse une radiographie de l'Angleterre de son temps pour produire une contre-image : l'Utopia. Il ne se laisse pas griser par son imagination car il tempère en quelques phrases brèves l’enthousiasme éventuel du lecteur. Il use d'un humour qui cultive l'art de jouer avec les mots, l'ironie et la satire. Que cela ne nous fasse pas oublier une vision prophétique d'un monde dont More doute lui-même qu'il puisse être parfait car celui-là reste trop terrestre.

A Moscou, Lénine a érigé un obélisque où le nom de Thomas More figure à côté de Marx et Engels. Jean-Paul II l'a béatifié pour sa vie religieuse et ses écrits exprimant un attachement profond à la doctrine chrétienne qui était en vigueur. Ses critiques légitimes sur certains travers de l'Eglise ne le discréditent pas mais l'honorent.

Utopie religieuse et utopie matérialiste

Il y a un point commun entre l'homme religieux et les utopistes à travers les siècles : tous deux, ils récusent le monde institutionnel tel qu'il est (ils en voient les vices) pour espérer un monde qui libère la personne (sauf que là la méthode diffère). Pour le religieux, à la suite de St Augustin, la vraie liberté est spirituelle à l'écoute de la Parole de Dieu. Pour le matérialiste, cette liberté se limite aux besoins de l’État qui peut nier la personne : en fait, il s'agit d'une forme outrancière du capitalisme où l'individu est du matériel humain à rentabiliser en cultivant la vacuité de l'âme et le culte aveugle de l’État.

Pour More, au final, la vie spirituelle produit une utopie possible et qui est, là, bien positive car elle donne le sens d'une orientation transcendantale, vers une perfection à atteindre au mieux, une perfection qui n'est pas le fruit de la seule raison mais plutôt la conséquence d'une dynamique, fruit de l'imagination symbolique inspirée par le divin.
Il n'y a pas un modèle à imiter servilement comme chez les utopistes matérialistes, se mettant des œillères pour des solutions irréalistes, après avoir été réalistes quant aux problèmes à résoudre.
L'utopie chrétienne donne un sommet à atteindre : Jean de la Croix, en ce même XVIe s., en indique un itinéraire. La vraie révolution est celle de la personne et la société suivra; la révolution de la société n'a jamais changé la personne...

"L'Utopie" de More est une possibilité historique et donc n'est pas totalement irréaliste. Sa lecture des Évangiles l'a rendue historiquement possible. En ceci, il est un disciple de St. Augustin et c'est pourquoi, comme lui, il encourage l'exercice des vertus morales de la personne au sein de la famille pour le bien commun de la Cité.

Pour ma part, je considère More comme un prophète de son temps : il a perçu les dangers d'un capitalisme outrancier, de l'esclavage industriel et là, l'histoire lui a donné raison.
Par contre, ses aperçus sur la guerre ont abouti non à la paix qu'il souhaitait mais à des excès suscitant de nouveaux conflits : l'histoire enseigne malheureusement l'emploi pernicieux de la notion de guerre juste qui est devenue de nos jours la loi du plus fort.

L'utopie est acceptable tant qu'elle propose un possible réel dont il faut espérer que la mise en œuvre ne vire pas au cauchemar : au nom du bonheur, que de crimes commis !

Finalement, il appartient à vous, lecteur ou auditeur, de porter une conclusion : autant de lecteurs et autant de conclusions, surtout lorsque les siècles défilent en se laissant scruter par les observateurs attentifs et lorsque les idéologies demeurent avec leurs aveuglements et leurs espérances... Il est toujours permis d'espérer !

Écrits spirituels :
Thomas More : La Tristesse du Christ. Nouvelle Cité. 2016. 236 p.
Thomas More : Mise en garde avant l'Enfer. Nouvelle Cité. 2017. 130 p.
Thomas More : Traité sur la Sainte Communion. Nouvelle Cité. 2014. 48 p.

Une biographie à conseiller :
Bernard Cottret : Thomas More. Tallandier. Paris. 2012. 408 p.

En plus des auteurs mentionnés dans cette communication, il y a possibilité de poursuivre les multiples méandres du fleuve utopie notamment avec :
L'atlas de l'utopie. Hors série. Le Monde. 2017.
Ernst Bloch : L'Esprit de l'utopie.
Christian Godin : Faut-il réhabiliter l'utopie ?
Jean-Yves Lacroix : Utopie et philosophie - Un autre monde possible ?

Antoine Schülé
La Tourette, le 13 janvier 2020.
Vous souhaitez me contacter : antoine.schule@free.fr


1 Une synthèse biographqiue de Thomas More est disponible sur ce blog dans un autre article : vous pourrez y découvrir la spiritualité qui l'anime.
2 Pour cette communication, j’utilise l’édition Librio, à 2 € : Thomas More (traduction de l’anglais par Victor Stouvenel) : L’Utopie, collection Librio n° 317, éd. Flammarion, Paris, 2015, 128 p.
3 Trad . : Du meilleur régime pour une république et de la nouvelle île Utopia. Le mot "république" dans la bouche de More n'a pas le sens de République comme entendu en France de nos jours. République désigne pur lui comme pour les philosophes "la chose publique" : le bien commun.
4 Au sens d’Épicure, ce qui est très différent du travestissement que le temps a donné à l'épicurisme.
5 Utopie, p. 53.
6 Utopie : dès la p. 50.
7 Utopie, p. 45 et 47.
8 427-348 av. J.-C.
9 En - 366 et - 361.
10 Utopie, p. 37. Référence à Platon, La République, V, 473, c, d. Idée qui sera reprise plus tard par Voltaire.
11 Raphaël signifie en hébreu Dieu guérit.
12 Utopie, p. 57.
13 Je développe la spiritualité de More dans un autre article, consultable sur ce blog.
14 Tradition littéraire médiévale très courante depuis le « Roman de la Rose » du XIIIe s.
15 Écrit aussi Lancaster chez les Anglais.
16 La ligue hanséatique.
17 Avec qui François Ier, Roi de France, fera alliance.
18 Après des études à Oxford où il a étudié les auteurs grecs (Platon et Aristote), il a rédigé de nombreux poèmes.
19 Érasme a dédicacé son "Éloge de la folie" à Thomas More : moria en latin signifiant folie. More est considéré comme fou par les sages alors qu'en fait il est un sage parmi les fous !
20 C'est la forme suprême de l'escroquerie de qualité et cette pratique est toujours bien établie.
21 Ce procédé se retrouvera jusqu'au XVIIIe s. dans de nombreux pays européens et même au début du XXe s. en France avec des expropriations qui ont enrichi quelques familles et les caisses de l’État
22 Révélateurs d'un paganisme latent.
23 Intéressantes à étudier sous l'aspect purement militaire. Lutte plus nationaliste tchèque (contre l'emploi exclusif de l'allemand) que religieuse !
24 Avec Gustave Vasa (1496-1560).
25 La protestantisme de la Finlande s'imposa plus par la ruse législative.
26 Surtout avec Christian III qui se montra favorable au Pape pour être roi mais en 1536, il jette le masque et s'empare des biens du clergé.
27 Christian III y organise un pillage systématique des églises.
28 Le luthéranisme est imposé par les armées danoises.
29 Dans le domaine des idées, de nos jours, des défenseurs de la liberté d'expression sont prêts à user d'une stricte censure pour réduire au silence toute opinion qui ne leur convient pas.
30 La politique est la science des fins les plus hautes de l'homme. L'homme atteint son humanité dans le cadre de la cité.
31 385 - 348.
32 Thomas d'Aquin : Somme théologique, Ia IIae q. 90 a.3
33 Thomas d'Aquin : Somme théologique, Ia IIae q. 90 a.3
34 Il existait encore un droit coutumier très vivant et s'étant constitué sur la longue durée. Le peuple y était très attaché. En France, les Provinces veillaient à la primauté de ce droit coutumier.
35 Thomas d'Aquin : Somme théologique Ia IIae q.105 a.1
36 Utopie p. 49 et p.126.
37 Comportant des erreurs qui occasionneront bien des polémiques inutiles pour la majorité des fidèles. Seuls les spécialistes pouvaient disserter sur la valeur des traductions. Tout traducteur met une note personnelle dans son travail !
38 Les grandes familles nobles ou bourgeoises donnaient de l'instruction à leurs filles.
39 Une hiérarchie
40 Utopie, p. 60.
41 Utopie, p. 55
42 Thomas More décrit sa maison familiale et son jardin qu'il disposait à Chelsea.
43 Au XIXe s. les jardins ouvriers sont favorisés par le clergé.
44 Une idée qui a donné naissance au principe du revenu universel.
45 Utopie, p. 62.
46 Utopie, p.62-63.
47 En des pièces théâtrales le plus souvent.
48 Il renonce à sa soumission au Pape pour s'arroger une suprématie religieuse qui le soumet à sa seule braguette.
49 Utopie, p. 110
50 Utopie, p. 122.
51 Utopie p. 47.
52 Utopie, p. 48.
53 Je signale qu'un projet de loi prévoit de reprendre ce système : des habitats n'auraient plus de propriétaires et il n'y aurait que des locataires...
54 Utopie, p. 115.
55 Utopie, p. 113.
56 Le service de police politique a connu un essor fantastique déjà en ce XVIe s. grâce à Thomas Cromwell.
57 Utopie, p. 63.
58 Utopie, p. 27.
59 Utopie pp. 30-32, p. 42, p. 98.
60 Un fléau de notre temps : les lois sont si complexes qu'il faut des avocats spécialisés pour se retrouver dans la jungle juridique (jungle très favorable aux grands fauves).
61 Utopie, pp. 40-41, p. 58 et p. 101.
62 Utopie, p. 101.
63 Utopie, p. 100.
64 Thomas d'Aquin autorise le tyrannicide.
65 Bon principe mais sur quels critères déterminer ce qui est juste ou injuste ? Pour More injuste est ce qui nuit au bien commun.
66 Idée que Machiavel développe d'une autre façon dans son œuvre, rédigée à la même époque.
67 Utopie, p. 101. Les Celtes acceptaient des femmes volontaires sur le champ de bataille.
68 Utopie, p. 102.
69 Utopie, p. 101.
70 Utopie, p.73.
71 Utopie, p. 105.
72 Utopie, p. 106.
73 Utopie, p. 105.
74 Utopie p. 67.
75 Idem
76 Utopie, p. 91.
77 Utopie p. 96.
78 Utopie, p. 95.
79 Utopie, p. 49 et 126.
80 Utopie, p. 49.
81 Utopie, p. 126.
82 Fondateur de monastères, grand voyageur.
83 Redécouvrir la présence de Dieu en son cœur.
84 De nos jours, on parle de microcrédit.
85 1568-1639.
86 Œuvres complètes de Rabelais. Ed . Garnier, t. 1, p. 165. et le chap. XXXIII dès p. 245.
87 Deux sens : avoir soif ou avide de quelque chose; falsifier, fausser.
88 Auteur militaire qui mérite d'être lu
89 Consulter mon article sur Jean de la Croix sur ce même blog.
90 Et non Jérusalem.
91 Hildegarde de Bingen, une grande figure féminine du Moyen Age, préconisait déjà une meilleure connaissance de la nature.
92 1726.
93 1759.
94 1717-1778.
95 1772-1837.
96 Il est un adversaire farouche du christianisme.
97 1788-1856.
98 1819-1900
99 Utopie, p. 67.
100 P. 123
101 Faits et croyances.
102 Aphorismes.
103 Correspondances inédites.
104 Idéaux politiques.
105 L'Homme à la découverte de son âme.
106 1894-1963.
107 1903-1950.