Saint-Gervais (F-30 200) :
origine du nom.
Antoine Schülé, historien
Le nom de «Gervais » nous a été transmis par
la langue latine sous une forme reconnue et souvent attestée de «Gervasius». Par contre pour identifier
l’origine de ce mot latin, les spécialistes sont d’avis partagés.
Pour les uns,
«Gervasius » possède une origine germanique ou celtique, pour d’autres
elle serait latine et grecque. Il convient de connaître les origines proposées
et de les confronter à la connaissance actuelle de l’évolution des langues sans
oublier toutefois ce que la mémoire d’une autre époque a cru identifier en ce
nom.
Gervais (ou sa variante rare Gervaise) connaît une autre graphie dans le Limousin : Gervex. Il existe une variante « Gervois ». Avec la même étymologie,
vous avez Gervasi, Gervasy ou Gervazy (Puy-de-Dôme). Comme dérivés, il existe encore Gervaiseau ou Gervot comme noms de famille.
Vingt communes de
France possèdent aussi le nom de Saint-Gervais, soit seul, soit composé : Aveyron,
Charente, Drôme, Gironde, Haute-Savoie, Hérault, Isère, Loir-et-Cher, Orne (2
fois), Puy-de-Dôme (2 fois), Saône-et-Loire (2 fois), Sarthe (2 fois), Val
d’Oise, Vendée, Vienne.
Jacques de Voragine (natif de Varraze, en Italie du Nord) a écrit vers
1261-1266 un célèbre recueil de vies de saints que l’on appelle encore de nos
jours «La Légende Dorée ». Ce
mot de «légende » ne doit pas être pris au sens moderne de «récit fabuleux » mais dans son
acceptation latine et médiévale signifiant «texte
à lire ». Il s’agit de biographies très courtes destinées aux offices
du jour. Elles offrent des exemples de vie de saints aux fidèles. Son ouvrage a
connu un immense succès dans toute l’Europe. Il nous intéresse dans la mesure
où une partie du savoir de son temps nous est ainsi accessible.
Selon Jacques de
Voragine, «Gervasius » serait
formé de mots latins ou grecs : soit «gerar »
signifiant «sacré » et «vas » signifiant «vase », soit de «gena » pour «étranger » et «syor »
pour «petit ». Et il ne cherche
pas à privilégier une étymologie plutôt qu’une autre. Au vu de la vie de saint
Gervais[1], son
explication veut rassembler tous les sens possibles et il en parle ainsi :
« Comme si l’on voulait dire qu’il
fut sacré par le mérite de sa vie, vase parce qu’il contint toutes les vertus,
étranger parce qu’il méprisa le monde et petit parce qu’il se méprisa lui-même. »[2].
« Mépriser » est à prendre
au sens ancien du XIIIe siècle de «considérer comme indigne d’intérêt ». Pour un terroir de
vignobles comme Saint-Gervais et dans le pays de "La Coupo Santo", que
ce nom puisse signifier le « saint vase sacré », voilà une
étymologie qui pourrait plaire !
A propos des
partisans de l’origine grecque comme latine du nom, il faut souligner que leurs
points de départ ne sont pas vraisemblables car les évolutions phonétiques normales
de ces mots n’auraient jamais donné le nom de «Gervais », selon d’autres étymologies dûment attestées.
Le frère jumeau de
saint Gervais s’appelait Protasius et
il a aussi subi le martyr. Or ce nom de Protais
est formé sur un terme grec incontestable signifiant « premier ». C’est la raison
principale pour laquelle les spécialistes ont voulu donner, à n’importe quel
prix, une étymologie grecque à Gervais.
Cependant, c’est
oublier qu’aux premiers siècles de l’ère chrétienne, il y avait une certaine
interpénétration des populations (par conquêtes comme par assimilation
mutuelle) dans toute l’Europe, le Moyen-Orient et le Nord de l’Afrique et
surtout en Italie. Des dénominations encore en usage dans notre vie quotidienne
attestent cette diversité des origines. Il ne serait pas surprenant que les
parents de Gervais et Protais (Vital et
Valérie), habitants Milan, aient
choisi deux noms provenant de deux cultures différentes qui leur étaient
proches par l’histoire comme par la géographie.
L’origine germanique
du nom « Gervasius » reste
la donnée la plus sûre et la plus vraisemblable comme la mieux attestée. Les
prénoms comme « Gérald »,
« Géraldine » et « Gérard » ou « Girard »
nous donnent un début de réponse. Du haut germanique, provient le « ger- » qui possède trois sens :
« lance », « vaillant », « combattant ». Associé au mot
germanique «wald» signifiant le
« chef » (waldan : gouverner), vous avez
« Gérald ». Avec le mot
« hard » signifiant « fort » ou « endurant », vous avez « Gérard » ou « Girard ». De plus, la forme « Gervas » est attestée comme ancien
nom celtique (fréquent encore au IXe siècle). Cette forme ger- se retrouve dans d’autres langues
transformée en ker-, gar- comme dans Garibaldi.
Ainsi « Gervasius »
serait une latinisation d’un «ger-wisa » : « ger » pour «combattant » et «weise »
pour «sage », «avisé », «expérimenté ».
Antoine
Schülé
P.S. : J’invite les plagiaires habitudinaires à
mentionner cette source avec mon nom. Si en plus, ils ont la courtoisie de
m’aviser de l’emploi de mon travail, je les remercie par avance. Que celles et
ceux qui n’ont pas eu besoin de cet avis pour respecter la recherche d’autrui
soient félicités !
La Tourette,
le 15 août 2000
Contact :
antoine.schule@free.fr
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