lundi 12 novembre 2018

Méditation du chemin de Croix avec Maurice Zundel


Chemin de Croix
en compagnie de Maurice Zundel

Antoine Schülé


Introduction

Pour suivre le Chemin de Croix avec Maurice Zundel, il est nécessaire de garder à l'esprit sa méditation sur les souffrances du Christ et donc de Dieu au moyen des principes essentiels qui suivent  :

Dieu est le créateur du monde par son Esprit : l'Esprit Saint.
Dieu a pris la condition d'homme en Jésus par l'Esprit Saint.
Marie, animée de l'Esprit Saint, a été choisie pour donner la Vie au monde en raison de son consentement Dieu : "Seigneur que Ta volonté soit faite."

La révélation de Jésus, donc de Dieu et de l'Esprit Saint, est que Dieu nous aime jusqu'à mourir sur la Croix pour nous sauver : Il atteint la suprême pauvreté en se dépouillant de son corps physique pour nous donner son Esprit. Il prend sur Lui tous nos péchés car le Chemin de Croix révèle tous les péchés que l'homme peut commettre par ses divers refus de Dieu.

Dieu pour agir et exister dans l'humanité a besoin du consentement libre de chaque homme. Le mal se propage dans l'humanité par le choix humain de refuser Dieu. Ainsi la mort de Dieu en l’homme est la mort de cet homme.

Dieu est la Vie, éternelle qui commence dès notre vie terrestre : seuls nos actes de bien, de beau - les vrais reflets de l'Amour de Dieu - peuvent rendre nos vies éternelles.

Pour prendre le chemin de la Vie éternelle, l'homme doit découvrir la Présence de Dieu en son cœur et se mettre à l'écoute de Sa Parole : Jésus n'a pas été un philosophe nous remettant une doctrine. Sa vie terrestre a été une démonstration de l'Amour de Dieu pour l'humanité, pour l'homme qu'il a créé à Son image.
Nos refus d'Amour de Dieu défigurent Dieu et, en cela, nous sommes des pécheurs à qui Dieu offre Sa Miséricorde dans la mesure où nous convertissons nos cœurs à Son Amour pour en devenir de vivants reflets dans nos vies.

Face à chacune des 14 stations de Croix, plusieurs lectures sont possibles et s'interpénètrent : Dieu refusé en Jésus, Son incarnation (l'homme qui refuse Dieu pour divers motifs) ; quatre situations à méditer : Marie, Véronique, Simon de Cyrène et les femmes intuitives qui pleurent sur les tourments qui Lui sont infligés; Dieu qui nous accompagne dans nos souffrances en ayant subi les plus grands outrages que l'homme puisse subir alors qu'Il était, est et sera l'Amour même.

Écoutons maintenant Maurice Zundel en deux extraits :

"Notre Seigneur n'est pas mort de ses blessures physiques, encore qu'elles fussent horribles,
il n'est pas mort de la soif,
il n'est pas mort d'être pendu au bois,
il n'est pas mort de la couronne d'épines,
il n'est pas mort des outrages et des injures.

Il est mort de cet enfer
de se sentir coupable et de se sentir innocent,
d'être à la fois repoussé par les hommes parce que Fils de Dieu,
repoussé comme ils repoussent Dieu,
blessé de toutes ces blessures d'amour qui crucifient Dieu dans son amour,
et en même temps indigne de Dieu1 et rejeté par Lui comme le grand coupable qui totalise toutes les fautes de l'Histoire.

Et c'est dans cette coexistence, dans son âme,
de cette innocence suprême et de cette culpabilité infernale
qu'Il est mort, d'une mort intérieure, d'une mort spirituelle,
qui faisait de Lui l'Agneau de Dieu qui porte le péché du monde.
C'est par là que son Agonie a été unique, unique...
C'est par là que sa souffrance a atteint un degré infini que nous ne pourrons jamais comprendre jusqu'à l'épuiser."2

et Zundel nous invite à découvrir la Passion dans cet esprit :

"... nous allons accompagner le Seigneur au Jardin de son Agonie,
nous allons silencieusement nous plonger dans Sa nuit,
nous allons L'accompagner jusqu'au désespoir de "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-Tu abandonné?"
non pour perpétuer sa Passion,
mais, pour selon la petite mesure de notre amour,
Le détacher de la Croix
afin qu'Il soit aussi en nous le Dieu vivant et ressuscité et
que nous puissions porter au monde Sa Vie
en chantant avec François le Cantique du Soleil."3

A la différence des Apôtres qui doutent au moment de la Passion, nous savons que le Christ est ressuscité et qu'Il vit dans la mesure où nous Le laissons vivre en nous, dans notre quotidien. Notre chemin de Croix conduit à la joie : souffrances terrestres, Joie éternelle.

Gardons dans nos cœurs trois paroles d’Évangile :

"Il fallait que le Christ souffrît pour entrer dans sa gloire." Luc 24,26

"Quand je serai élevé de terre, j'attirerai tout à moi." Jean 12,32

"Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renonce, qu'il prenne sa croix chaque jour et qu'il me suive." Luc 9,23

Accomplir la volonté de Dieu, non celle des hommes

Marie répond à la Parole de Dieu apportée par l’ange (angelos en grec signifie messager) Gabriel (signifiant en hébreu force de Dieu):
« Je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi comme tu l’as dit! ».  Luc 1,38

Jésus :
"Père, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne." Luc 22,42

Présence de Marie

Nous associons Marie dans le Chemin de Croix car, contrairement à d’autres proches de Jésus, mis à part Jean :
« Près de la croix de Jésus se tenaient debout sa mère, la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas et Marie de Magdala. » Jean 19,25

Amour oblatif

La totale dépossession de soi est vécue par le Christ :
« Nul n’a de plus grand amour que celui qui se dessaisit de sa vie pour ceux qu’il aime. » Jean 15,13
Que d’exigence en cette Parole pour celle ou celui qui croit !

Qu’est ce que le temps de carême ?

« … il s’agit d’épargner cette vie divine que nous portons en nous ! De la protéger contre nous-mêmes ! d’en témoigner en la laissant transparaître pour que les autres puissent la respirer. »4

Début du chemin de croix (par un signe de croix)

Prière d’ouverture

Implorons la miséricorde de Dieu pour les pécheurs que nous sommes, pour les victimes d’injustice, pour les âmes sacrifiées par la cruauté des hommes, pour les hommes martyrs de la Foi, pour les malades de l’âme et du corps, pour les mourants et pour nos défunts.

Que la voie douloureuse du Calvaire, subie par Jésus et vécue par Marie, ouvre nos cœurs à la compassion et à l’Amour de Dieu.
R/ Amen.

Première station5

Jésus est condamné à mort

Nous T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/ Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Jean 19, 4-7
Pilate étant sorti à nouveau dit aux Juifs : « Voyez, je vais vous l’amener dehors : vous devez savoir que je ne trouve aucun motif d’accusation contre lui. ». Jésus vint alors à l’extérieur ; il portait la couronne d’épines et le manteau de pourpre. Pilate leur dit : « Voici l’homme ! ». Mais dès que les grands prêtres et leurs gens le virent , ils se mirent à crier : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! ». Pilate leur dit : « Prenez-le vous-mêmes et crucifiez-le car, pour moi, je ne trouve pas de motif d’accusation contre lui. ». Les Juifs lui répliquèrent : « Nous avons une loi, et selon cette loi il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu. ».

Qui sont les intervenants dans cette tragédie qui se prépare ? Un innocent (la victime), une autorité judiciaire (loi civile), une autorité morale (loi religieuse), une opinion publique (manipulée). Le Christ est victime de son peuple et de ses grands prêtres avec l’impuissance d’une justice civile, se mettant aux ordres d’une opinion publique, manipulée par ceux-ci. L’idéologie est plus forte que le discernement de la vérité par l’esprit.

Combien d’injustices avec la force d’une loi ont pu se commettre ? Combien d’erreurs de jugement ont frappé des innocents ? Combien de préjugés ont prévalu sur de sereines analyses ? Quels sont les media qui agissent comme les grands prêtres de notre temps ? Est-ce que l’opinion publique veut la vérité ? Combien de Pilate de nos jours s’inclinent non devant la Justice mais devant les intérêts de leur carrière, de leur clan ou de leur croyance ?
Prions pour celles et ceux qui ont connu les souffrances de médisance, de calomnie, d’erreur judiciaire, de mérite non reconnu et de mépris.
Prions pour nos erreurs volontaires ou involontaires de jugement. Ouvrons nos cœurs pour trouver moyen de les réparer.

La souffrance de Jésus est le refus de cet Amour qu’il a donné. Nous tuons Dieu lorsque nous refusons Sa Présence dans notre cœur. Dieu ne s’impose pas à nous de façon autoritaire comme un Dieu-Pharaon : il est dans l’attente de notre consentement. Seul notre libre consentement permet de le décrucifier. La vraie communion universelle donc catholique, est l’adhésion du cœur de chacune et de chacun au cœur du Christ pour former un seul corps.

Deuxième station

Jésus est chargé de sa croix

Nous T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/ Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Jean 19, 14-17
C’était le jour de la Préparation de la Pâque, vers la sixième heure. Pilate dit aux Juifs : « Voici votre roi ! ». Mais ils se mirent à crier : « A mort ! A mort ! Crucifie-le ! ». Pilate reprit : « Me faut-il crucifier votre roi ? »; les grands prêtres répondirent : « Nous n’avons pas d’autre roi que César. ». C’est alors qu’il le leur livra pour être crucifié. Ils se saisirent donc de Jésus. Portant lui-même sa croix, Jésus sortit et gagna le lieu dit du crâne, qu’en hébreu on nomme Golgotha.

Prendre sa croix à la suite de Jésus, c’est se déposséder de tout ce qui fait la grandeur de ce monde : les divers signes de puissance et de richesse. Dieu incarné ne se révolte pas face à la plus grande humiliation que puissent infliger les hommes de son temps. Toutefois, Il ne perd rien de sa grandeur : il marche vers la mort corporelle car Il lave de son sang les péchés de tous les hommes qui reconnaissent l’Amour de Dieu.

Donner sa vie pour les autres, c’est accepter de se dépouiller complètement afin d’être, pour nos sœurs et nos frères, des gestes d’Amour de Dieu sur terre. Tout homme a reçu des dons, divers d’une personne à l’autre : il s’agit de les reconnaître et de les mettre au service des autres et non uniquement à son propre service.

Chaque jour, sans que nous le sachions, des hommes portent des croix et allègent les souffrances des autres. Ils sont souvent ignorés ou humiliés mais ils ont la force de continuer malgré les critiques, malgré les opprobres. Quel geste pouvons-nous faire pour adopter dans nos actes l’exemple de Jésus ?
Serions-nous prêts à accepter de mourir pour notre Foi ?
Serions- nous prêts à sacrifier nos superflus pour aider autrui ?

Il est différentes façons de se donner : la mère au foyer ; le père qui travaille pour nourrir sa famille ; toute personne qui travaille pas uniquement pour un salaire mais pour accomplir avec amour ce qu’il fait. Prions pour tous les bénévoles qui font dons de leurs compétences au service de Dieu, de la vérité.
C’est ainsi faire resplendir la lumière intérieure de Dieu (qui éclaire nos cœurs) dans nos actes. Ceci est à la portée de chacun : il suffit de le vouloir pour commencer et de persévérer pour réussir toujours mieux. Penser ne suffit pas, il faut aussi agir.

Troisième station

Jésus tombe sous le poids de la croix

Nous T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/ Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Matthieu 11, 28-29 Parole du Christ
« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. »

La croix de Jésus de nos jours est constituée de tous nos péchés. Jésus se relève pour nous montrer la force qui Lui permet d’avancer malgré tout afin de nous sauver.

Toute souffrance d’Amour de Dieu pour les hommes provient de notre refus de son Amour et donc d’amour pour les autres.

Ainsi, la vie de Dieu a été remise entre nos mains. Pour transparaître sur le terre, Dieu a besoin de l’homme pour se faire entendre. Voici toute notre responsabilité : elle est grande. Saurons-nous l’assumer ?

Saurons-nous nous relever lorsque le fardeau sera trop lourd ?
Aurons-nous cette confiance inébranlable en Dieu qui nous permettra de continuer malgré tous les obstacles, toutes les critiques, tous les rejets ?

Assumer c’est se relever, fort de notre confiance en Dieu, fort de Sa Présence en nos cœurs, fort de son exemple : Dieu n’est pas une théorie, n’est pas une philosophie. Il transparaît dans des actes, dans l’agir, préparés dans le silence et la prière.

Vivre le temps de la Passion : Laisser passer Dieu en nous, nous communiquer sa lumière et alors laisser Dieu donner aux autres, dans notre sollicitude humaine, la Présence adorable de l’Éternel Amour.

Paul, Seconde lettre à Timothée (2 Tm 2,3 :
« Avec la force de Dieu, prends ta part de souffrances dans l’annonce de l’Evangile. ». Annoncer c’est d’abord vivre l’Evangile ! Annoncer, ce n’est pas seulement penser et parler (certains ne se limitent qu’à cela!), c’est laisser transparaître dans ses actes de vie la Présence de Dieu.

Se donner aux autres jusqu’à épuiser ses dernières forces !

Quatrième station

Jésus rencontre Marie sa mère

Nous T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/ Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Luc 2, 34-35 Syméon s’adresse à Marie et Joseph lors de la présentation de Jésus au Temple
Syméon les bénit et dit à Marie, sa mère : « Vois ! Cet enfant doit amener la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël ; il doit être un signe en butte à la contradiction, - et toi-même, une épée te transpercera l’âme ! - afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs. »

Quelle plus grande souffrance pour une mère que de voir son fils innocent conduit au supplice, humilié et victime de ceux qu’Il voulait sauver ! Son cœur de mère est saigné par le chemin de Croix de son Fils. Elle avait accepté de Lui donner une maternité, en servante de Dieu. Elle doit accepter les souffrances des blessures et de la mort de cette chair issue de sa chair.
Pensons à toutes les douleurs des femmes ayant donné la vie sans en connaître les joies : enfants morts-nés ou malades ou handicapés, enfants rejetant leurs parents, impuissance de les nourrir ou de les élever, enfants devenus criminels, enfant suicidés, enfants morts tragiquement, parricides, enfants morts dans un accident, enfants disparus …

Marie ne parle pas : elle échange un regard avec Son Fils. Tout se dit et se dialogue en deux regards qui se croisent. L’amour n’a pas besoin de mots en une telle circonstance. Jésus accepte la mort car Il aime les hommes et prend avec Sa Croix tous nos péchés, toutes nos fautes. Jésus aime plus l’humanité que Sa vie, que Sa mère ! Y a-t-il plus grand amour pour l’homme ?
La croix exprime cette compassion maternelle de Dieu pour les hommes.

Et nous comprenons mieux Maurice Zundel quand il déclare : « Et nous verrons dans la Croix un appel à l’amour d’autant plus ardent qu’il est plus pur, qu’il est plus désintéressé, qu’il est plus maternel car, dès qu’on retrouve ce Visage d’amour, dès qu’on retrouve en Dieu ce Visage de mère, dès qu’on voit dans la Croix cette compassion qui s’identifie avec nous, comment résister à l’appel d’une tendresse si proche, si intime, si passionnée, si diaphane, si brûlante ?
C’est donc avec bonheur que nous voulons saluer la Croix comme notre unique espérance, en regardant dans sa lumière, en contemplant, le Visage Adorable de l’Éternel Amour, ce Visage infiniment maternel de tendresse, qui ne cesse nous appeler au plus intime de nous. »6

Percevoir ceci, c’est déjà naître à Dieu et refuser de transpercer une nouvelle fois le cœur de Marie !

Cinquième station

Jésus est aidé par Simon de Cyrène

Nous T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/ Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Luc 23, 26
Comme ils l’emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène qui venait de la campagne, et ils le chargèrent de la croix pour la porter derrière Jésus.

Les soldats désignent un homme, Simon de Cyrène, dans la foule présente sur le passage du Christ, pour L’aider à porter sa Croix. Simon n’est ni un disciple, ni un proche de Jésus et, cependant, il devient un collaborateur du Christ, malgré lui. Il a bien objecté qu’il ne voulait pas partager l’humiliation du port de la croix mais il a reçu l’ordre et c’est ainsi qu’il découvre le Christ, non en se mettant au service d’un roi terrestre d’Israël tant attendu, mais en partageant l’infamie de la croix d’un homme qu’il ne connaissait vraisemblablement pas. Cette station est donc d’une signification bien particulière.

En un instant non choisi, non attendu, Simon doit partager le poids de la croix, à la demande d’une tierce personne (soldat) pour une personne (Jésus) qu’il ne connaît pas. Un acte de bonté et de charité peut survenir ainsi. Or Jésus sait la réticence de Simon, qui augmente sa douleur qu’est le rejet qu’il subit de façon si éclatante mais, qui allège cependant la charge de la croix. Nous sommes face à un acte d’amour contraint qui a un effet limité : le but voulu par le soldats est que le Christ ne meurt pas avant d’être crucifié en un lieu précis.

Aussi cette station nous appelle à faire mieux que Simon de Cyrène : nous connaissons le Christ, nous L’aimons, nous voulons donc partager le poids de la Croix. Nous voulons être des volontaires du Christ dans ce monde où Dieu est crucifié quotidiennement non seulement par des mensonges, des massacres, des iniquités mais encore par tous ces péchés qui sont autant de blessures faites au Corps de Dieu, son Église.

Le Christ demande notre libre consentement à son œuvre d’amour. Certains arrivent involontairement à la rencontre de Dieu, d’autres volontairement.

Les disciples du Christ peuvent faire encore plus que Simon de Cyrène en écoutant cette parole de l’apôtre Jean (87, 31) : « Si vous demeurez dans ma parole, vous serez vraiment mes disciples, vous connaîtrez alors la vérité et la vérité vous fera libres. »

Sixième station

Une femme pieuse essuie le visage du Christ

Nous T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/ Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Isaïe 53, 2-3
Il n’était ni beau, ni brillant pour attirer nos regards, son extérieur n’avait rien pour plaire. Il était méprisé, abandonné de tous, homme de douleurs, familier de la souffrance, semblable au lépreux dont on se détourne, et nous l’avons méprisé, compté pour rien.

Librement et volontairement, une femme, Véronique, essuie le visage torturé par la douleur : acte de charité, acte de compassion. Elle se dégage de la foule, des soldats pour agir avec un geste : ses deux mains parlent plus que tout long discours.

Le Christ a ainsi connu un geste d’amour sur Son chemin de Croix. A l’exemple de Véronique, regardons dans nos vies comment nous pouvons refléter l’amour de Dieu dans un geste, une main à tendre, des pleurs à partager, des larmes à essuyer, des chagrins à soulager, une dignité à redonner au corps de l’autre, cet autre qui est peut-être ce Christ souffrant qui frappe à notre cœur. Saurons-nous Lui répondre dans cet être de chair que nous voyons défiguré par la maladie, par les tourments de l’âme ?

Nos comportements peuvent défigurer Dieu car nos actes doivent être les reflets de Sa Présence en nos cœurs. Dieu a besoin de l’homme pour se faire connaître à l’homme. C’est pourquoi il a choisi librement de prendre la condition humaine dans le Christ. Il donne ainsi toute la mesure de Son amour pour l’homme : cet Amour Le conduit à accepter la mort physique sur une croix.

Notre vie dans le Christ devrait être le reflet de Son visage pour les autres. Il nous appartient de faire resplendir le visage du Christ ! Il s’agit d’effacer notre « moi possessif » pour s’offrir aux autres. C’est commencer ainsi une transfiguration, à la mesure humaine.

Prenons conscience que nous pouvons obscurcir le visage du Christ ou limiter le rayonnement de Son amour. Notre vie est appelée à être un évangile pour les autres : quelle mission ! Quelle responsabilité ! Seul Dieu pour nous amener chaque jour à y parvenir, malgré nos chutes, nos fautes, nos faiblesses. Comment peux-tu être la voix et l’image de l’amour de Dieu dans ce monde ? Les Saintes et les Saints sont des modèles non seulement à méditer mais encore à suivre. Dieu ne peut agir en ce monde qu’à travers l’homme.

Septième station

Jésus tombe pour la deuxième fois

Nous T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/ Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Jean 12, 24-26 Parole de Jésus
En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul ; si au contraire, il meurt, il porte du fruit en abondance. Celui qui aime sa vie la perd, et celui qui cesse de s’y attacher en ce monde la gardera pour la vie éternelle. Si quelqu’un veut me servir qu’il se mette à ma suite, et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, le Père l’honorera.

Jean avait déjà dit dans son Évangile (3,19) : « La lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière. ». Dieu tombe pour le seconde fois en raison de tous nos refus qui forment sa croix. Malgré cela, Il se relève car Il veut dans tous Ses derniers gestes d’amour laisser Dieu nous communiquer sa lumière. A l’exemple du Christ souffrant, et malgré ses souffrances, Il veut nous démonter que notre sollicitude humaine peut être le témoignage de la Présence adorable de l’Éternel Amour8.

Dieu vivant pour l’homme jusqu’à laisser les hommes Le clouer sur une croix. C’est plus qu’un grain de blé !

« Le Christ au milieu de l’histoire, le Christ qui meurt, c’est Dieu qui meurt au milieu des hommes, ce n’est pas un Dieu étranger, c’est Quelqu’un qui porte l’humanité, qui cherche justement au-dedans de chacun de nous, à édifier ce sanctuaire qui est la seule cathédrale digne de Lui. »9

Serons-nous les fruits abondants de ce grain de blé ?

Nous chutons, nous nous relevons et Jésus a fait mieux encore : ayant le poids des fautes de l’humanité, Il se relève pour nous communiquer toute la valeur qu’Il accorde à l’homme qu’Il veut sauver.

La calomnie, la médisance, la haine, l’envie, l’orgueil peuvent nous écraser mais cela n’est rien en comparaison de ce que le Christ a souffert pour nous. Il nous faut nous relever et poursuivre notre mission terrestre car Dieu nous a donné des dons pour que nous ayons les forces d’assumer celle-ci. Être une vie d’Évangile.

Huitième station

Jésus console les filles d’Israël

Nous T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/ Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Luc 23, 27-28 Jésus poursuit son chemin de Croix
Il était suivi d’une grande multitude du peuple, entre autres de femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur lui. Jésus se tourna vers elles et leur dit : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants. »

Incroyable station ! Nous avons perçu toutes les souffrances du Christ et Il trouve encore la force pour entendre les âmes qui se plaignent à travers des voix de femmes et non pas d’hommes. Il fait plus que les entendre, Il les console.

Jésus ne se replie sur Sa douleur et, par Ses propos, Il anticipe les douleurs de la diaspora que connaîtront les Juifs qui acquièrent leur judaïté par la mère. Il les apaise alors que des prêtres juifs, des pharisiens ont voulu sa mort et que la foule juive manipulée a crié : « Crucifiez-le ! ». Il a connu la haine, Jésus ne répond pas par la haine ; Il a subi le mal, Il ne répond pas par un châtiment.

Tous les discours sur l’Amour de Dieu ne valent pas ce qui s’opère en cet instant dans un acte que nous ne pouvons que contempler dans le silence. Oui, l’Amour de Dieu est si grand qu’Il console les représentantes de ce peuple qui L’a refusé et sera victime ainsi de son propre refus : ce peuple ne peut pas accuser Dieu de l’accabler, il subit les conséquences de ses actes.

N’accusons pas Dieu de nous faire souffrir du mal : cherchons d’abord les raison humaines qui causent le mal : un défaut d’amour, un refus d’amour, un mauvais usage de la liberté. Dieu n’a pas choisi le mal, Il a choisi l’Amour.

Refuser l’Amour de Dieu c’est Le crucifier à nouveau. Il a pleuré, pleure et pleurera toujours de nos refus et des conséquences que nous en subirons.

Confions-Lui nos détresses, nos angoisses car Il les connaît mieux que nous : Ils les a connues mais, Lui, en raison de son Amour infini.

Observons un instant de silence pour qu’Il vienne nous consoler dans nos cœurs que nous Lui offrons comme sanctuaires.

[Silence]

Neuvième station

Jésus tombe pour la troisième fois

Nous T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/ Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Luc 14, 27
Celui qui ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite ne peut pas être mon disciple.

Plus le Christ avance sur le chemin du calvaire, plus Sa croix est lourde. Jésus ne disserte pas sur ce qu’est l’héroïsme : l’héroïsme, c’est çà ! A nouveau, l’exemple, le modèle de vie vaut plus que toute longue considération. Il convient à chacun de laisser parler en son cœur cet acte qui nous invite à agir en Chrétiens dans nos vies.

Saurons-nous accepter pareilles humiliations, pareils traitements, un pareil sacrifice ? Ne disons rien car nul ne sait comment il agira en pareilles circonstances ! Ne soyons pas fanfarons ! Pensons cependant à tous les martyrs de la Foi qui ont accepté les supplices et la mort au nom de la Foi. Savaient-ils seulement qu’ils pourraient donner un tel sens à leur vie ? En de tels instants, il n’y pas de masque : la Personne et ce qui l’anime se révèlent complètement en de tels moments. Vivre en vérité pour un Chrétien, c’est accepter de mourir pour Celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie.

Accepter de donner sens à sa vie, c’est aussi accepter de donner sens à sa mort pour la Vie éternelle. Tout être est mortel, alors quel sens voulons-nous donner à notre vie ? Que tous nos actes possibles par les dons divers reçus par chacun d’entre nous soient au service de Dieu : père de famille, savant, artisan, commerçant, politicien, soldat, prêtre, religieux, agriculteur, etc. peuvent consacrer leurs forces pour un monde meilleur et non pour le détruire.

Face à cette station, méditons sur la persévérance. Jésus accablé du poids de la croix et de nos fautes, se relève par Amour pour nous.

Et nous pouvons dire avec Maurice Zundel :
« Mais est-ce possible que ce calice s’éloigne de nous, quand le Fils unique n’a pu être épargné ? Ne faut-il pas que le grain meure, avant de porter du fruit ? Me voici, Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? Quoi que vous me donniez, Seigneur, donnez-Vous d’abord Vous-même, car c’est Vous que je cherche, Vous que je connais à peine, vous qui m’attirez avec tant de force, Vous qui me délivrez de moi -même, Vous qui êtes mon Pain et mon Vin. »10

Dixième station

Jésus est dépouillé de ses vêtements

Nous T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/ Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Jean 19, 23-24 Rappel du Psaume 22,19
Lorsque les soldats eurent achevé de crucifier Jésus, ils prirent ses vêtements et en firent quatre parts, une pour chacun. Restait la tunique ; elle était sans couture, tissée d’une seule pièce depuis le haut. Les soldats se dirent entre eux : « Ne la déchirons pas, tirons plutôt au sort à qui elle ira. » C’est ainsi que fut accomplie l’Écriture : Ils se sont partagés mes vêtements et ma tunique ils l’ont tirée au sort. Voilà donc ce que firent les soldats.

Scène surprenante que cette dixième station qui fait chronologiquement suite en fait à la onzième. Toutefois, il est judicieux qu’elle soit placée en cet instant dans notre méditation sur le chemin du calvaire.

Avant de dépouiller Dieu de son vêtement charnel, le Dieu crucifié a été dépouillé de ses vêtements. Il est nu, Il ne paraît pas dans des habits mais dans tout son être qui, déjà, ne se réduit plus à son corps. Sa grandeur dans cet instant n’est pas dans Son paraître, Sa nudité mais dans Son acceptation d’être uniquement revêtu de Sa Sainteté et de Son Innocence : Il a voulu mourir nu sur une terre nue.

Comme il était d’usage, les soldats se partagent les derniers biens du condamné. Ignorants l’importance de l’évènement dont ils sont les acteurs par obéissance aux ordres reçus, ils se préoccupent de biens terrestres : leurs cœurs ne sont pas prêts à percevoir le trésor d’amour qu’ils négligent et qui se trouvent pourtant à leurs côtés.
Dans nos sociétés qui « s’athéïsent » prodigieusement, combien de personnes négligent Dieu et Sa parole pour honorer les biens terrestres, l’argent. Combien critiquent l’argent pour en redemander plus, pour paraître, pour se forger une image, parfois en employant des prétextes hypocrites…

Les soldats purs de la finance outrancière se moquent de la mort d’autrui : l’accumulation de l’argent leur suffit. Or sans toujours le savoir tout de suite, ils souffrent de cette soif inextinguible de l’or, alors qu’ils pourraient goûter de cette Eau qui ferait qu’ils n’aient plus jamais soif et prendre conscience que l’homme ne soit pas au service de l’argent mais l’argent au service de l’homme.

Sachons dans nos vies reconnaître les vraies valeurs qui ne se monnaient pas mais qui se vivent en se donnant aux autres.

Onzième station

Jésus est mis sur la croix

Nous T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/ Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Marc 15, 25-27
Il était neuf heures quand ils le crucifièrent. L’inscription portant le motif de sa condamnation était ainsi libellée : « Le roi des Juifs ». Avec lui, ils crucifient deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche.

Nous sommes face à la divine tragédie. De savoir un être innocent condamné à mort injustement est intolérable mais, en cet instant, ceci l’est encore plus. Dieu incarné a voulu que Sa Parole sauve les hommes. L’esprit Saint avait déjà commencé Son œuvre dans les cœurs de quelques-uns. Mais Dieu a été refusé ! Pourquoi ?
Celles et ceux qui attendaient le Messie attendaient un Pharaon, un homme-dieu, resplendissant de gloire par ses richesses, puissant par ses forces armées, anéantissant ses adversaires, les Romains. Et Dieu fait homme accepte l’humiliation de la croix, accepte le dépouillement total jusqu’à ses habits et son corps, donne Sa vie pour nous sauver dans la mesure où nous acceptons Sa Lumière. Il est le Don total, l’Amour suprême.

Il respecte à un tel point notre liberté qu’Il accepte de souffrir sur la croix en raison de nos refus. Il n’exerce pas de vengeance ! Il ne châtie pas ! Il sait que nos choix peuvent nous faire souffrir ou nous sauver : nous sommes libres de Le refuser ou de L’aimer comme Lui nous a aimés.

L’enfer c’est notre refus de l’Amour de Dieu dans nos vies. Aussi écoutons Maurice Zundel méditant sur cette onzième station :

« Nous devrions trembler d’inquiétude et d’angoisse, non pas pour notre salut, mais pour le salut de Dieu dans les âmes. Il s’agit de sauver Dieu qui s’est confié à nous, et qui nous a confié Sa cause, à nous ses disciples. Nous avons le devoir ineffable d’aider le Dieu crucifié en compatissant à sa douleur, avant de nous attendrir sur la nôtre, en nous efforçant de guérir cette blessure qui fait saigner Son Cœur.
Nous pouvons nous donner aussi gratuitement à Dieu que Lui se donne à nous. « Donne-moi ta vie telle qu’elle est, et j’en ferai ma vie telle qu’elle est. »11. Notre vie est un don reçu de Dieu et nous pouvons en faire un don donné. Comment ne pas faire déborder notre reconnaissance à ce Dieu qui établit entre Lui et nous cette mystérieuse égalité. »12

Douzième station

Jésus meurt sur la croix

Nous T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/ Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Luc 23, 44-46
C’était déjà presque midi et il y eut des ténèbres sur toute la terre jusqu’à trois heures, le soleil ayant disparu. Alors le voile du sanctuaire se déchira par le milieu ; Jésus poussa un grand cri ; il dit : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. ». Et sur ces mots, il expira.

Les actuels disciples du Christ savent la raison de son acceptation quant à cette mort sur la croix. Il a tout dit, tout fait, tout accompli dans le temps d’une vie humaine. La fin du Christ sur la croix est un commencement pour chacun d’entre nous et pour l’humanité à venir. Pourquoi ? Maurice Zundel est très explicite :
« La Croix est passée parmi nous pour vaincre la douleur et la mort, pour révéler la vie et la restaurer dans toute sa dignité et sa magnificence, pour nous faire prendre conscience de cette collaboration nécessaire à l’œuvre divine à laquelle nous sommes appelés.
La Croix ne signifie pas autre chose que cet appel irrésistible à l’Amour qui ne peut pas nous convaincre de force ni ne peut violer notre intimité.
Il ne s’agit pas de perpétuer la Croix mais il faut en partant d’elle, en nous efforçant de décrucifier Dieu dans notre vie, Le faire apparaître comme le Dieu vivant qui nous donne la Vie avec surabondance et qui nous appelle à la sollicitude et à la joie. »13 et encore :

« La Croix est un appel urgent et magnifique à notre puissance de vie puisque la Vie de Dieu est remise entre nos mains…
La Croix est un appel pour la vie d’aujourd’hui à une aventure merveilleuse qui est de continuer l’Incarnation de Dieu et d’apporter aux autres la lumière de Son Visage et la tendresse de Son Cœur.
La Croix est un appel à créer en nous cette cathédrale de nous-mêmes qu’est la Présence de Dieu.
Et toutes les cathédrales du monde ne sont que des images auprès de cette cathédrale que chacun doit ériger au-dedans de soi : c’est cela le véritable sanctuaire.
Et ce sanctuaire au-dedans de nous porte la Croix comme notre unique espérance parce qu’elle est la mesure de notre aventure infinie, parce qu’elle nous dit tout le crédit que Dieu nous fait, toute la tendresse illimitée qu’Il a pour nous et toute la noblesse qu’il nous confie, le Bien étant Quelqu’un un à aimer. »14

Treizième station

Jésus est descendu de la croix et remis à sa mère

Nous T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/ Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Jean 19, 38-40
Après ces évènements, Joseph d’Arimathie, qui était un disciple de Jésus mais s’en cachait par crainte des Juifs, demanda à Pilate l’autorisation d’enlever le corps de Jésus. Pilate acquiesça et Joseph vint enlever le corps. Nicodème vint aussi, lui qui naguère était allé trouver Jésus au cours de la nuit. Il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès d’environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus et l’entourèrent de bandelettes, avec des aromates, suivant la manière d’ensevelir les Juifs.

Jésus a cessé de souffrir Sa condition d’homme, alors que se poursuit la souffrance du cœur de Marie. Jésus a remis Son esprit à Dieu et, pour les hommes, il ne reste plus qu’un corps sans vie à honorer, ce corps témoin de Ses douleurs, de Ses angoisses qui portent des fruits éternels : notre rédemption. Avec Marie, la douleur - et malgré sa force, son intensité - prend un autre sens : « Nos souffrances, nos sacrifices, notre mort, tout est semence céleste. Si nous sommes un avec la volonté de Dieu, la vie en sortira pour nous et pour les autres. »15. Le grain de blé… La moisson...
Et suivons la méditation de Maurice Zundel :
« Comment ne pas consoler cette Mère, que Jésus sur la Croix nous confia ? Nous pouvons le faire chaque matin à la Messe, en nous identifiant à Lui : « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang. »16 Pour que ces mots ne soient point usurpés dans notre bouche, ne faut-il pas que la consécration soit en quelque sorte le symbole de notre désappropriation, le sacrement de la dépossession, du dévêtement de soi, comme la communion est le sacrement de notre assimilation toute intérieure, toute spirituelle au Sauveur ? Il n’y a d’autre raison à la Passion de Jésus Christ que nos refus d’amour. Nous pouvons par notre amour, nourri de son immolation et de sa mort, annuler les raisons des souffrances du Christ, nous détachons Jésus de la Croix et nous consolons Marie en Le lui rendant et en lui disant : « Femme, voici votre Fils »17. Et puisque le Christ l’a donnée comme Mère de tous les hommes, la communion avec le Christ doit s’accomplir en cette communion avec tous les membres du Christ.
Le mal suprême est cette blessure divine que chacun de nous, à sa mesure, peut guérir ; […] le disciple qui donne sans retour, a secouru le Christ […].
Ayons toujours souci d’apaiser aujourd’hui sa douleur. »18

Quatorzième station

Jésus est déposé au sépulcre

Nous T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/ Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.

Matthieu 27, 59-60
Prenant le corps, Joseph l’enveloppa dans un linceul propre et le déposa dans un tombeau tout neuf qu’il s’était fait creuser dans le rocher ; puis il roula une grosse pierre.

Pour celles et ceux qui ne croient pas en la Résurrection, ce tombeau ferme tous les espoirs, comme les disciples de Jésus qui doutent car ils n’ont pas encore vu le Christ ressuscité. Ils vivent la mort du Christ comme un échec : ils avaient une fausse image du Sauveur d’Israël. Le Sauveur des hommes ne leur avait pas envoyé encore l’Esprit Saint de la Pentecôte, ainsi nous pouvons les comprendre.

Face à la mort, le non croyant y voit le mot fin, le sceptique reste dans l’incertitude, le croyant adopte la confiance, dans la mesure de sa foi en ce que la mort est une naissance à Dieu.

Oui, Jésus nous a donné sa Croix pour tarir la source de la douleur. Que dit la lumière de la Croix, en ce maintenant et pour toujours, à nous les hommes ?
« Il y a un univers de choses où l’homme dispose des automatismes de la nature en faveur de ses besoins matériels, en comptant sur la fidélité de la nature à elle-même. C’est très bien, mais ce n’est pas encore un univers humain !

Et il y a un univers de personnes, où ce sont des présences qui s’unissent et s’échangent, dans la démission et dans la désappropriation qui constituent l’offrande de l’amour.

Dans cet univers de personnes, on ne peut aider les autres à échapper à leur biologie et à surmonter leur animalité, à vaincre leurs vertiges et leur envoûtement, qu’en payant de sa personne, en prenant sur soi leurs désordres, leurs manques d’amour, leurs trahisons et leurs folies.

C’est dans cette lumière qu’il faut situer le sacrifice de la Croix. »19

Avec la mort de Jésus, tournons nos regards vers Dieu,Trinité Sainte qui nous transfigure dans la mesure où nous accueillons Son Esprit, à l’écoute de la Parole de Son Fils et en partageant Son Sacrifice à l’Eucharistie.

Méditons encore sur la Croix :

Par la Croix, l’homme doit se construire jour après jour :

« La croix est notre unique espérance. En elle, nous apprenons le sens des valeurs et nous découvrons ce qui importe en nous, ce que nos cherchons passionnément dans nos amitiés, dans nos tendresses, dans les enfants que nous aimons, ce n’est pas cette caricature où l’être humain est simplement le jouet de sa biologie, d’autant plus obstiné dans ses erreurs qu’il est plus esclave des forces obscures qui le mènent. 

Ce que nous cherchons vraiment, avec une patience invincible, c’est ce qui est humain, c’est ce qui fait que chacun prend le gouvernement de lui-même, que chacun est maître de son destin, que chacun est la source de ses actions, que chacun est un espace assez vaste pour être une présence à tout l’univers.

C’est cet homme que la croix regarde, que la croix concerne. C’est cet homme qui n’est pas encore, peut-être, mais que nous cherchons avec tant de passion dans tous ceux que nous aimons. C’est cet homme qui est né de Jésus-Christ. »20

Prenons un temps de silence.
Liberté révélée par la Croix :

« Il est donc essentiel que nous retenions de cette confrontation avec la Croix de Jésus Christ que le Seigneur s’adresse à nous au plus haut de nous-mêmes. Il nous demande de nous faire hommes, d’être hommes dans la plénitude de nos facultés, dans la plénitude de notre liberté, en nous libérant de tout ce qui n’est pas humain, car la liberté que le Christ nous révèle est une libération.

Ce n’est pas cette liberté stupide et grossière de faire n’importe quoi en se livrant à toutes ses fantaisies. C’est plutôt cette liberté créatrice où l’on sort de la fange de son animalité, où l’on se défait de ses entraves et de ses limites pour surgir comme un être tout neuf dans un monde oblatif, illimité, diaphane et transparent, parce qu’il n’est plus qu’un monde offert. »21

Dans le silence, prenons dans nos cœurs des résolutions.
Prière finale22
O Dieu, vous avez accepté que votre Incarnation en Jésus soit clouée
sur la Croix qui est ainsi sanctifiée par Vous.

De ce bois outrageant devenu arbre de Vie par Votre Volonté,
nous nous réjouissons de la gloire de la Croix.

Ainsi nous vous prions
qu’en tous temps et en tous lieux, par le signe de la croix,
nous puissions jouir de votre protection,
vous le Dieu Trinitaire, trois fois saints.
R/ Amen

Récitons la prière de l’Église, Corps du Christ :
R/ Pater.

Exprimons notre reconnaissance à Marie, Mère de tous les hommes à qui elle a donné un titre, à défendre dans le quotidien d’une vie, celui de fils de Dieu :
R/ Ave Maria.
Gloire
au Père et au Fils et au Saint-Esprit
comme il était au commencement,
maintenant et toujours
et dans tous les siècles des siècles.

Amen.

Méditer un chemin de Croix porte du fruit dans le mesure où nous prenons des résolutions : ora et labora.

Dans le silence de notre cœur, face à la Croix qui nous sauve, discernons comment faire resplendir le Visage de Dieu dans nos vies, dans la mesure de nos dons, reçus de Lui et que nous avons, non à posséder égoïstement, mais à offrir aux autres.
Qu’ainsi, à travers chacune de nos résolutions Sa Volonté soit faite !

Mes résolutions :

A toi lecteur, il appartient de poursuivre ce Chemin de Croix selon la Parole que tu entends dans ton cœur...


Antoine Schülé
Contact : antoine.schule@free.fr 

1Note de l’auteur pour éviter toute confusion : En raison de sa condition humaine, prenant sur Lui les fautes de l’humanité.
2Maurice Zundel : Silence Parole de Vie. Anne Sigier. 2e éd. 1992. p. 87
3Idem. P. 89
4Maurice Zundel : Ta Parole comme une source. Ed. Sigier. 5e éd. 1991. p. 232.
5Pour méditer ce chemin de Croix, je me suis basé sur : Un Chemin de Croix avec Maurice Zundel. Paroisse Saint-Joseph. Genève. 2016. Reprenant sa méditation, j’ai développé sa pensée pour les personnes qui ne la connaîtraient pas, selon ma lecture de Zundel. Il peut y en avoir d’autres : la Parole de Dieu s’adresse librement à tous.
6Maurice Zundel : Ta Parole comme une source. Ed. Sigier. 1991. Québec. Canada. p.274
7Chapitre à lire et à relire car il traite du mensonge défini par le Christ.
8Cette phrase est extraite de la dernière homélie que Maurice Zundel ait prononcée : c’est un programme de vie qu’il s’est fixé et qu’il nous donne. In : Maurice Zundel : Ta Parole comme une source. Sigier. 1991. p. 233.
9Idem, p. 231
10Une Chemin de Croix avec Maurice Zundel. Ed. Paroisse St. Joseph. Genève. 2016. p.31
11Maurice Zundel : Poème de la Sainte Liturgie.
12Une Chemin de Croix avec Maurice Zundel. Ed. Paroisse St. Joseph. Genève. 2016. p.36
13Maurice Zundel. Un autre regard sur l’homme. Paroles choisies par Paul Debains. Ed. Sarment. 2005. p. 111
14Idem. p. 110.
15Romano Guardini : Le chemin de Croix du Seigneur notre Sauveur. 1939. Ed. Salvator. 2013. p. 64.
16Matthieu 26, 26 et 28.
17Jean 19, 26
18Une Chemin de Croix avec Maurice Zundel. Ed. Paroisse St. Joseph. Genève. 2016. p. 41 et 42.
19Maurice Zundel. Un autre regard sur l’homme. Paroles choisies par Paul Debains. Ed. Sarment. 2005. p. 113
20Maurice Zundel : Vie, mort et résurrection. Ed. Sigier. 1995. p. 128
21Idem p. 136
22Inspirée de celle de John Henry Newman. Maurice Zundel avait appris l’anglais en lisant Newman.

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