Maurice Zundel,
Antoine Schülé, 10 août 2017
Maurice Zundel nous donne l’occasion de se réunir aujourd’hui et je m’en réjouis car cela permet, en plus de nous revoir, d’évoquer son parcours de vie et surtout sa pensée. Parler d’un « théologien » et d’un « mystique » suscite des craintes, au sein d’un public non habitué à ces deux noms. Aussi je tiens tout de suite à vous rassurer : Zundel est très réaliste et concret dans ses propos et sait, avec talent, traiter des grandes questions que tout croyant se pose, au regard de la Foi.
Plusieurs
raisons me motivent pour vous en parler : je l’ai connu
personnellement dans mon très jeune âge ; je l’ai lu pendant
plusieurs décennies ; je lui dois d’être resté catholique
alors que la spiritualités exprimée et vécue par les Orthodoxes
m’intéresse vivement ; il m’a permis de découvrir une
lectures vivante des Évangiles ; grâce à lui, j’ai goûté
pleinement l’Evangile de Jean ainsi que les écrits pauliniens ;
il m’a conduit à la lecture non seulement de plusieurs Pères de
l’Église mais encore de Saint Augustin, d’Angelus Silesius et de
Newman, et plusieurs autres auteurs inspirés qui ont répondu et
répondent à mes questions et à mes attentes; l’essentiel a
été d’ouvrir mon cœur à ce Dieu intérieur qui frappe au cœur
de chaque homme et qu’il suffit d’écouter dans le silence...
Je m’arrête
là, en disant que je dois beaucoup à ce grand témoin de la Foi !
Son
parcours de vie
La date du
10 août est la date anniversaire de sa naissance à Dieu en
1975, voici 42 ans aujourd’hui même, à Lausanne, alors qu’il
était prêtre auxiliaire à la paroisse du Sacré-Coeur où j’ai
fait mes premiers pas et mes premières expériences dans l’Eglise.
Il est né
au monde, il y a 110 ans, le 21 janvier 1897 à Neuchâtel, en
Suisse. Il s’agit d’un canton devenu protestant, suite à une
votation et grâce à une très courte majorité, devant les
catholiques. Une de ses grand-mères était protestante.
En 1911,
deux faits marquent son destin : dans l’église de
l’Assomption, dénommée à Neuchâtel, « l’église
rouge » (rouge, non au nom d’un engagement
politique mais en raison de la couleur de la façade qui dénote dans
une ville où la pierre jaune domine), il entend un appel de la
Vierge ; un ami lui lit le Sermon sur la montagne que
nous appelons les Béatitudes. Sa vie est bouleversée.
Il termine ses études au collège de l’abbaye bénédictine
d’Einsielden, se situant en Suisse allemande et qui mérite
votre visite (elle demeure encore de nos jours un lieu de pèlerinage
très fréquenté, avec sa chapelle de la Vierge) : il y découvre le
silence où parle Dieu à travers la beauté de la liturgie ; il
dira souvent que ce lieu est « la patrie de son âme ».
Sa vocation sacerdotale y est née.
De retour
en Suisse romande, il suit les cours au grand séminaire de Fribourg
de 1915 à 1919 et le 20 juillet 1919, il est ordonné prêtre.
Jusqu’en
1925, il servira la paroisse St. Joseph de Genève, dans un quartier
pauvre. Les questions sociales ne cesseront pas de le préoccuper car
il est très conscient que leur non-règlement est une source
potentielle de grands dangers. Un dénonciation calomnieuse d’un de
ses confrères auprès de son évêque (et oui, il y a
malheureusement parfois des Judas dans l’Église et il s’agit de
ne pas les cautionner d’une façon ou d’une autre), fait qu’il
est envoyé à Rome à l’Angelicum, pendant trois ans pour y
parfaire son thomisme (officiellement sa façon réaliste d’enseigner
les Évangiles est considérée comme hors des normes acceptables).
De 1927 à 1939, il est successivement à Paris, à Londres et à
Jérusalem. Il donne des cours de catéchisme dans des collèges de
jeunes filles et anime des retraites. Il noue de nombreux contacts
avec les théologiens connus à Paris.
Un grand
tournant dans sa vie, de 1939 à 1945, est son séjour au Caire. Il y
étudie l’Islam. A son retour en Suisse en 1946, il arrive
finalement à la paroisse du Sacré-Coeur, à Lausanne, où il sera
prêtre auxiliaire jusqu’en 1975. Il reste cependant un prêtre
itinérant : il prêche des retraites à Genève, à Paris, à
Londres, à Beyrouth et au Caire. Il est très apprécié dans les
monastères, du Carmel notamment.
A Lausanne,
il est connu pour sa générosité envers les pauvres : des
mendiants l’agressent quand il ne peut plus rien leur donner et
ses confrères s’irritent du défilé de quémandeurs d’aumône,
à la porte du presbytère ! En 1972, Paul VI, que Zundel avait
rencontré à Paris dans les années 20, avant d’être élu Pape,
l’invite à prêcher une retraite au Vatican : il a fallu
attendre cet évènement pour que ses confrères suisses lui prêtent
une plus grande attention !
De son
vivant, il a publié une vingtaine de livres. Trois méritent chacun
une mention particulière : en 1926, sous le nom de Frère
Benoît, il publie Le poème de la Sainte Liturgie. Un
livre remarquable et que je conseille à tous les adolescents :
il m’a permis de comprendre et donc de vivre toute la beauté d’une
messe célébrée dans le respect de cette liturgie, chargée de sens
et qui n’est pas une longue suite de formules mais une merveilleuse
profession de Foi ! En 1938, son livre Recherche de la personne
connaîtra les foudres de son évêque qui le fait retirer de la
vente. En 1976, sa retraite au Vatican est publiée sous le titre
Quel homme et quel Dieu ? :
il s’agit du dernier ouvrage qu’il a écrit au prix de grands
efforts. Invité au Vatican
peu
de mois avant le Carême 1972, il avait improvisé, oralement et
sans notes particulières, ses
prédications. Aussi
l’écriture, par après, des propos tenus a épuisé ses forces. Ce
grand prêcheur est devenu aphasique une
année, avant
de naître à Dieu, dans la clinique Bois-Cerf, tenue à cette époque
par des religieuses.
La
meilleure biographie de Maurice Zundel a été rédigée par le
Père
Bernard Boissière (avec
qui j’ai la joie d’avoir divers entretiens téléphoniques et une
correspondance) et
France-Marie Chauvelot (dont
j’ai fait avec plaisir la connaissance à Paris et qui est
disponible pour venir ici afin de nous partager sa lecture de
Zundel),
édité aux Presses de la Renaissance, en 2004.
Ses
sources
Les
lectures,
déjà
faites par
un auteur, forgent
un esprit, une
réflexion, un regard. Il est donc important, face à un écrivain,
même
religieux,
d’identifier sa filiation de pensée. Cette tâche nous est
facilitée avec Zundel dans la mesure où il cite volontiers ses
sources. En un temps si court, je n’épuiserai pas le sujet mais je
vous signale les principales.
Maurice
Zundel se réfère d’abord au Nouveau
Testament
où
il privilégie l’Évangile de Jean, l’Apocalypse et les écrits
de Saint Paul. A plusieurs reprises, il affirme avec raison qu’il
s’agit de lire l’Ancien
Testament
en fonction du Nouveau
Testament
et il signale les dangers d’une lecture inverse (ce
qui se produit trop fréquemment de nos jours à l’aide d’extraits
sélectionnés
et de variations de traduction) :
le principal d’entre
eux est
celui
de
donner une fausse image de Dieu, un Dieu Pharaon, un Dieu Vengeur ;
un autre aspect : l’Ancien
Testament s’adresse
à un peuple (qui a développé, plus
d’une fois dans son histoire,
une notion perverse de la race
élue,
ayant
abouti à de grands massacres),
le Nouveau
Testament
parle à tous les peuples, à tous les hommes de
toutes conditions et
même aux non-croyants !
L’œuvre
de Maurice Zundel est une méditation puissante et merveilleuse des
Évangiles
et il cherche à mettre
son lecteur au diapason de la Parole de Dieu.
Le
lire ne peut que provoquer la seule vraie révolution qui soit
acceptable : la conversion du cœur par une rencontre avec Dieu
en son cœur.
Saint Augustin occupe
une place privilégiée dans tous les écrits de Maurice Zundel. Il
m’a donné le goût de le lire et, après plusieurs décennies,
j’arrive à la conclusion que tout est dit chez saint Augustin.
Une grande question me revient
souvent à l’esprit : pourquoi un tel auteur est-il si ignoré
des Chrétiens, mis à part quelques spécialistes , si peu
mentionné dans les homélies où pourtant il serait si utile de se
référer à lui ? Vous me direz que les écrits pauliniens, qui
expriment pourtant un réalisme évangélique évident, sont aussi
souvent passés sous silence, par les membres du clergé et vous
n’aurez pas tort !
Zundel
procède à
des allusions fréquentes à L’imitation
de la vie de Jésus Christ,
ouvrage très utile pour s’ouvrir à la méditation et
pour
expérimenter une
retraite avec
les Exercices
spirituels
de saint Ignace de Loyola.
Une
expérience est d’associer les Exercices
spirituels
avec les écrits de Zundel, surtout les textes de certaines retraites
ou
les homélies, publiées
après sa naissance à Dieu1.
N’importe quel lecteur en sort transformé
définitivement !
Si Zundel critique volontiers
le thomisme en tant qu’un formatage, de plus en plus étroit au
cours des siècles, il cite volontiers le Saint Thomas dans
son texte d’origine et non selon ses innombrables interprètes qui,
selon lui, opacifient plus l’image de Dieu qu’ils ne l’éclairent.
Angelus Silesius, de
son vrai nom Johannes Scheffler, est une source certaine de Zundel,
très souvent oubliée alors que plusieurs distiques de Silesius se
retrouvent chez notre auteur. Il est né le 25 décembre 1624. En
1643, il a étudié la médecine, la politique et l’histoire à
Strasbourg. Il a aussi poursuivi ses études en Hollande à Leyde. Un
fait à retenir : Scheffler a été d’abord un luthérien qui
s’est converti au catholicisme, officiellement le 12 juin 1653. Son
livre majeur, et qui a influencé Zundel, est Le pèlerin
chérubique, en allemand Der Wandermann. Cet
ouvrage a été rédigé entre 1653 et 1675.
Pendant deux siècles, il est
tombé complètement dans l’oubli : ses critiques du
protestantisme qu’il avait trop bien connu expliquent
principalement sa mise à l’écart dans les pays protestants :
une arme, le silence sur une œuvre, souvent employée contre
l’Église consiste à à ne pas mentionner les auteurs considérés
comme incorrects, selon celles et ceux désignés comme les
bien-pensants. Ce procédé efficace perdure encore plus de
nos jours !
Les romantiques allemands
l’ont redécouvert au XIXe siècle. D’ailleurs, c’est
probablement à la lecture du romancier romantique Gottfried
Keller, dans le Grüne Heinrich ou,en français, Henri
le Vert, paru en 1854, que Zundel a dû le découvrir. Ce roman
est souvent cité dans ses sermons : une des ses techniques
oratoires consiste à raconter en résumé le récit d’un romancier
pour conduire son auditoire à la compréhension des paraboles de
l’Évangile ou de la Parole de Dieu. Cette méthode pourrait être
très utile aux prêtres de nos jours qui peinent parfois à capter
leur auditoire lors des homélies.
Lors de son séjour à
Londres, Zundel a étudié la langue anglaise avec les écrits de
Newman (1801-1890). Jusqu’en 1845, celui-ci a été un
membre très connu de l’église anglicane, avant de devenir une
autorité de l’Église catholique. Sous Léon XIII, il est devenu
cardinal en 1879. Benoît XVI l’a béatifié en 2010 et il sera
probablement bientôt un Docteur de l’Église.
C’est un écrivain
prolifique, plus de 40 livres, sachant manier l’ironie sans
blesser. La publication d’environ 600 sermons constitue déjà 12
volumes. Histoire, théologie, méditations, poèmes, une
autobiographie et des prières forment un corpus de textes
riches d’enseignements. En plus des ses qualités littéraires, il
sait allier pensée et vie. Il faut preuve d’une très fine
connaissance de la psychologie humaine.
Zundel l’admire tout
particulièrement car, à la suite de Saint Augustin, Newman nous
partage son expérience profonde de la présence de Dieu au plus
intime de lui-même. Ils ont un point commun qu’il s’agit de
souligner : ils développent tous deux un grand sens du réel
et se méfient de tout ce qui est théorique. Dieu ne se met pas en
formules mathématiques. Pour eux, la spiritualité est une
réalité et nullement une simple opinion personnelle ainsi que
le laïcisme actuel tente de nous le faire croire, avec trop de
succès d’ailleurs !
Zundel a connu lors de son
séjour à Paris le théologien Garrigou-Lagrange et il en
fait souvent mention dans ses livres, avec Massignon. Pour ma part,
à ce jour, je ne peux pas vous en dire plus car je n’ai pas eu
encore le temps de les lire suffisamment pour vous en parler avec
précisions.
Maritain, que Zundel a
aussi très bien connu, est cité de façon élogieuse mais je ne
suis, pour l’instant, pas certain que Zundel ait adopté
complètement la pensée de Maritain. Cela mériterait une étude à
faire. Zundel a des liens avec ce courant de pensée appelée le
personnalisme mais dans un esprit catholique et mystique, non
partagé par d’autres courants dits personnalistes.
L’originalité
zundélienne qui n’a pas plu aussi bien à ses confrères qu’à
son évêque: il aime se référer aux écrivains, aux poètes et
aux scientifiques connus ou de son temps :
Victor Hugo, Gottfried Keller, Albert Camus, Jean-Paul Sartre, Paul
Claudel, Arthur Rimbaud, Oscar Wilde, Friedrich Nietzsche, Albert
Einstein, Bachelard…
Dans son enfance, le récit
hugolien de Jean Valjean dans Les Misérables
l’avait profondément marqué : ce récit d’une
rédemption est mentionné dans plus d’une de ses homélies ou
retraites.
Il comprenait les raisons de
la révolte d’un Camus mais il lui donnait tort sur les
conclusions que cet auteur affirmait dans ses romans : Dieu
serait l’auteur du mal. Dieu n’est pas à l’origine du mal.
Wilde et Rimbaud ne sont pas cités comme des modèles à suivre mais
comme des exemples d’un emploi déviant de l’intelligence ou de
la poésie : leurs souffrances morales ont quelque chose à nous
apprendre.
A grands
traits et sommairement, je vous ai brossé les sources de la pensée
de Maurice Zundel. Venons-en maintenant à cette pensée en quelques
aspects choisis car il est impossible de les mentionner tous, dans le
temps qui nous reste et que je tiens à respecter.
Liberté
Un
mot essentiel chez Maurice Zundel est liberté
et
il lui donne un sens précis.
La liberté ne se réduit pas à des libertés civiles, limitées par
des législations variant d’un pays à l’autre. Plus d’un tyran
a pris le pouvoir au nom de la liberté qui, en
fait, se réduisait à la
sienne au moyen de
l’oppression de son peuple. Méfions-nous du pouvoir des mots : le
mot démocratie
n’a pas le même sens, autrefois, en URSS et, aujourd’hui, en
Chine, en Corée du Nord,
en France ou encore en
Suisse !
Zundel
défend la liberté
intérieure :
celle de notre âme et de notre conscience, ce jardin inviolable où
personne d’autre que soi-même ne peut pénétrer. Là
réside pleinement notre liberté : il est
possible de forcer
quelqu’un à dire ce qu’il ne croit pas mais il est impossible de
lui faire croire ce qu’il se refuse de croire en son âme et
conscience2.
Notre
acceptation intérieure et
libre témoigne de notre
seule autonomie. Elle
nous est donnée par la vie spirituelle. L’accomplissement de tout
être humain passe par une vie
spirituelle qui se
fera, avec ou sans Dieu, avec ou sans le respect de la dignité
humaine. Comment pouvons-nous la vivre ? Comment en prendre
conscience ? Dieu
nous rencontre
dans ce que nous aimons ou désirons le plus vivement :
la musique, la science, la terre, la beauté, la poésie, le visage
d’un enfant, l’être aimé… C’est ainsi que Dieu,
dont il faut reconnaître la Présence, nous attend et s’offre dans
chacun de nos cœurs.
Il
respecte
notre liberté à un tel point qu’Il nous laisse la liberté de Le
refuser ! Nous n’avons pas à chercher
Dieu dans le désert, au sommet d’une montagne mais en nous, là où
Il nous attend. La
vraie liberté ne consiste pas à suivre nos pulsions instinctives à
la façon des animaux :
ces pulsions qui enchaînent si bien, que plus d’un en devient
un esclave,
au lieu de les dominer ou
de les transformer en des
actes
de dons
bénéfiques
! Reconnaître
la présence de Dieu en soi nous libère de nos déterminismes.
Déterminismes
Notre
liberté se conquiert, jour
après jour, car
elle n’est pas acquise par un coup de baguette magique, par les
armes, le pouvoir, la richesse ou la science. Notre
vie devrait être une libération de tout ce qui nous enchaîne :
le temps d’une vie est bien nécessaire pour y parvenir. Il n’y a
pas de liberté intérieure aussi longtemps que nous restons
emprisonnés par nos déterminismes et nos préfabrications que sont
nos préjugés, nos fausses images de Dieu. L’ennemi
le plus terrible de notre liberté est en nous : le
premier combat spirituel se situe là.
L’écoute
et la compréhension de la Parole de Dieu sont les deux moyens de
libération. Reconnaître
l’infini qu’est Dieu, dans notre cœur, c’est cela se libérer
pour Zundel.
Notre
vraie liberté n’est pas un ferment d’anarchie qui consiste à
s’opposer à d’autres mais elle est une libération intime, une
libération intérieure qui nous met en communion avec le Dieu
intérieur qui réside en chacun d’entre nous : étant
ainsi en communion parfaite avec Lui, nous entrons en communion avec
toutes celles et tous ceux qui L’ont découvert en elles et en eux.
Ainsi nous
sommes Église.
Être
conscient des limites de la liberté pour être soi
L’homme
ne naît pas libre :
le croire est une simple vision de l’esprit et complètement
irréaliste. L’homme
doit conquérir sa liberté et ceci jusqu’à sa mort. Les
limites de
l’homme et de sa liberté sont
multiples et, ensemble, considérons quelques-unes d’entre elles.
Nos
limites individuelles sont : à la naissance déjà (avons-nous
choisi de naître?) ; la biologie (avons-nous choisi de revêtir
le corps que nous
avons, avec ses forces et ses faiblesses?) ; le milieu social
(avons-nous
choisi nos parents?) ; la culture ambiante dans laquelle on a
grandi (bidonville en Inde ou un quartier huppé de Paris?) ;
l’éducation reçue ou pas reçue…
Les
limites sociales sont forgées par chaque civilisation et culture
avec des valeurs retenues qui diffèrent d’une civilisation à
l’autre ou selon
des
principes adoptés ou imposés à tous…
Des
limites sont nécessaires mais sont-elles bonnes ou mauvaises ?
Quand sont-elles mauvaises ? Elles
sont mauvaises lorsqu’elles empêchent le développement de la
personne, de l’être intérieur.
Le communisme ou bien d’autres idéologies (athées en
URSS ou en Chine
comme déistes, avec
un Voltaire par exemple)
ont empêché l’expression de la liberté intérieure, propre à
chacun en fonction de son vécu.
Tout
homme
a une vocation à devenir libre.
Être soi,
avoir une certaine autonomie mais pour l’employer à quoi ? A
se connaître et à aimer.
Pour
se connaître, le Nouveau
Testament
est indispensable pour
entendre ce
que Dieu propose à l’homme et nous appelle à accomplir, selon les
dons reçus de
Lui et gratuitement.
« A
l’un est donné par l’Esprit une parole de sagesse, à un autre
un parole de science selon le même Esprit, à un autre la foi dans
le même Esprit, à un autre le charisme de guérir. »
(1 Corinthiens, 12, 8-9). Dieu
ne cesse de nous dire : « Si
tu veux, … »
et Il attend notre réponse qui peut être comme celle de Marie :
« Que
Ta volonté soit faite ! ».
Dieu
ne s’impose pas. Dieu n’est pas un Pharaon ou un dictateur :
Il a le respect de notre liberté et c’est ce qui Le rend fragile
car nous pouvons Le refuser ou, pire encore,
Le crucifier par nos actes !
Fausses
images de Dieu
Les
écrivains du XXe
siècle, que Zundel cite souvent afin de démontrer leurs erreurs, ont
cultivé dans l’opinion publique de fausses images de Dieu, en
prêtant à Dieu leur propre visage ! Il Lui ont fait endosser
leurs limites, leurs étroitesses, leurs préjugés et leurs intérêts
particuliers. Des
hommes ont modelé Dieu suivant leurs besoins pour en faire une
idole.
L’Église,
dans son
passé, a hélas
parfois
favorisé cette confusion, en se laissant partiellement
instrumentalisée par des hommes ne pensant qu’à leur prise
de pouvoir :
les
guerres dites de religion en ont été et en sont des exemples encore
d’actualité (les
acteurs ont changé mais le scénario tragique reste le même).
Exemple
avec La
Peste
de Camus : un enfant, sans défense et dans de grandes douleurs,
meurt. Pour Camus, le Créateur est donc le Créateur du mal, donc
Dieu est un tortionnaire. Lorsqu’il
écrit ceci, il
est dans la suite
d’un
Voltaire qui aboutissait à cette même conclusion, avec le
tremblement de terre à Lisbonne3.
Comment Zundel répond à
cette question essentielle sur l’existence du mal ?
Camus se trompe car il cultive une fausse image de Dieu.
Pourquoi
fausse ? Ainsi que d’autres écrivains ou philosophes, il
cultive un monothéisme
fermé,
poussé à son extrême limite. Il s’agit pour eux d’un Dieu
extérieur
qui sait tout, qui prévoit tout, qui juge tout, qui dit tout, qui ne
laisse aucune liberté à l’homme : tout était, est et sera
écrit par Lui. Il exige une totale soumission comme dans l’Ancien
testament
ou dans le Coran.
Nous serions
face à Dieu solitaire
et tout
puissant. Or
cela n’est pas le cas : n’importe qui aurait le droit de se
révolter contre un Dieu qui serait ainsi. Camus, et bien d’autres
avec lui, ignore le monothéisme chrétien se
dévoilant dans le Nouveau
testament !
Le
monothéisme
chrétien
est tout autre : il s’agit d’un monothéisme
ouvert
avec un Dieu intérieur qui se communique dans un Amour infini, dans
la mesure où nous acceptons un cœur à cœur avec Lui. Cette
intériorisation du monothéisme chrétien est révélée dans la
Trinité. Avec la Trinité,
nous avons la révélation que Dieu n’est pas un solitaire qui
se repaîtrait de lui-même, n’est
pas un
Narcisse suprême, cultivant une auto-glorification
qui ne cesserait de célébrer sa grandeur.
Pour
Zundel, Dieu vu comme une puissance extérieure à l’homme est :
le viol de notre autonomie, le viol de notre intériorité, le viol
de notre inviolabilité, c’est le viol de notre expérience
humaine. Cette
image d’un faux Dieu a été trop véhiculée par l’expression
mal comprise d’un Dieu Tout-Puissant, un Dieu Pharaon.
Or
nous sommes face à Dieu
tout puissant d’Amour :
c’est Jésus qui nous
le
fait découvrir. Dieu acceptant de prendre la condition d’homme,
Jésus ne cesse de dire et de redire que Dieu existe non selon des
conceptions trop humaines, dans l’attente d’un royaume
territorial et politique. Le
Royaume de Dieu n’est pas de ce monde mais Celui du monde,
invisible à l’homme de chair qui peut toutefois en prendre
conscience par l’esprit : c’est là tout l’œuvre
permanente de l’Esprit Saint. Lorsque
Jésus révèle Dieu n’étant pas un solitaire, Il nous différencie
fondamentalement avec le Dieu de l’Ancien
Testament et
du Coran.
Ce
Dieu intérieur à rencontrer, là où il attend notre oui :
Nous
arrivons sur un point essentiel de la pensée zundélienne. Tous ses
écrits en témoignent. Et le texte de Saint Augustin qu’il cite le
plus souvent provient d’un livre à lire et à relire Les
Confessions où
Dieu - qui
est au-dedans de nous -
est
la Beauté par excellence :
« Tard je vous ai aimée,
Beauté si ancienne et si nouvelle,
tard je vous ai aimée.
C’est vous qui étiez
au-dedans de moi, et
moi, j’étais en-dehors de
moi ! Et c’est là que je vous cherchais ;
ma laideur se jetait sur tout
ce que vous avez fait de beau.
Vous étiez avec moi et je
n’étais pas avec vous.
Ce qui loin de vous me
retenait,
c’étaient ces choses qui ne
seraient pas, si elles n’étaient en Vous.
Vous m’avez appelé, vous
avez crié, et
Vous êtes venu à bout de ma
surdité ;
Vous avez étincelé, et Votre
splendeur a mis en fuite ma cécité ;
Vous avez répandu Votre
parfum, je l’ai respiré et je soupire après vous ;
je
Vous
ai goûtée
et j’ai faim et soif de Vous ;
vous
m’avez touché, et je brûle du désir de Votre paix. »4
Augustin , avant de devenir un
saint, avait tout vécu en extériorité : sollicité qu’il
était par ses sens, ses instincts ; soumis au paraître, à la
possession d’un pouvoir intellectuel.
Nous
pouvons commettre la même erreur par
exemple, dans notre affectivité, dans
ce désir brûlant de posséder l’autre : l’amour possessif
en est un exemple qui
finit régulièrement par un constat d’échec, avec ce
grand
sentiment
de vide et d’impuissance qui
en
est le terme.
Dieu
ne nous commande pas de L’aimer mais exerce un attrait par Sa
Beauté,
Son Amour qui nous transforme en Lui-même, dès
que nous acceptons de répondre à Son appel.
Dieu se propose à nous pour nous arracher à notre dispersion
en de multiples
activités sans sens, à notre impuissance à
vaincre soit
nos
limites,
nos servitudes plus
ou moins conditionnées et volontaires,
soit
nos
dépendances se
vivant en des obsessions variées : l’argent, le sexe, le
pouvoir, la possession de l’autre, le jeu, etc.
Cela
passe par cette
prise de conscience
qu’offre
Dieu à
travers Sa Parole :
c’est ainsi qu’Il nous libère. L’Esprit
Saint illumine notre discernement qui demande une part
d’intelligence avec la force de la Foi. Dieu
nous attend au plus profond de nos cœurs. Il nous laisse tellement
libre que nous avons le pouvoir de Lui dire : « Non ».
C’est la cause du mal : le mal provient de notre refus de Dieu
et non de Lui !
Dès
que nous comprenons ce message essentiel de
Saint Augustin,
nous sommes des mystiques.
Ce mot fait peur alors que son sens grec est simple : mustes
signifie initié.
L’Évangile
est une initiation et se
mettre à l’écoute et à la compréhension de l’Évangile,
c’est être
mystique.
Rien que pour cela il valait la peine
de venir ce soir : peut-être
que plus
d’un parmi nous découvre
ainsi
qu’il
est un mystique sans l’avoir perçu !
Lire
les Évangiles
permet d’opérer en soi un discernement, pour
soumettre nos activités à l’esprit divin, afin de les
sélectionner et
de les harmoniser selon les dons que Dieu a donnés à chacun.
Comment lire le Nouveau
testament ?
Pour commencer, Zundel préconise une
pauvreté.
Rassurez-vous tout de suite il ne s’agit pas d’une pauvreté
matérielle. Zundel a toujours défendu la propriété pour que
celle-ci
soit un espace de liberté afin
d’accomplir
son existence d’homme et
non afin
d’
asservir
autrui. Par
pauvreté, il entend ce nécessaire détachement des préoccupations
du monde pour se recueillir dans le silence où Dieu peut nous parler
dans nos cœurs.
L’Esprit Saint peut agir en nous ensuite et nos actes changent et
prennent un nouveau
puisqu’ils
deviennent
des
reflets
de Dieu. Notre
amour, dans la vie familiale, professionnelle, humaine, n’est plus
un amour possessif mais un amour oblatif.
L’Amour de Dieu est pur don et notre amour se transforme aussi en
un don aux autres.
Nous
attestons de la présence
de Dieu partout où nous pouvons faire fleurir la vie, affirmer
l’espérance et rayonner de la joie d’avoir vécu cette rencontre
intérieure avec Dieu.
Il ne s’agit pas de se détourner
de la vie mais d’y entrer. Nous devons nous préoccuper
de ce qui se passe avant la mort et moins
de ce qui pourra se passer après la mort. Notre
vie doit laisser transparaître
la Beauté de Dieu selon
les dons reçus :
c’est
cela le réalisme mystique de l’Évangile.
Conclusion
Le message de Zundel peut se
résumer en trois points : Accueillir pleinement la
présence de Dieu en soi ; établir une relation personnelle et
permanente avec Dieu ; Devenir une image de Dieu selon les dons
reçus.
Comment
y parvenir ? Effacer le poids de son « moi »,
de son « je »
(cet individualisme effréné que nous percevons de nos jours avec
toujours plus d’acuité) pour devenir « Lui »,
c’est cela la pauvreté. L’humilité est de renoncer aux fausses
images de Dieu (dans nos prières par exemple!). Dans nos vies, nous
devons découvrir chaque jour l’amour de Dieu, avec le Christ qui
nous accompagne dans les pages joyeuses et tristes de nos quotidiens.
Faire de nos vies un don : partager la joie et dans la tristesse
cultiver l’espérance qui provient la Parole de Dieu.
Tout
homme est appelé à devenir libre en se libérant des mauvais
déterminismes préfabriqués, reçus parfois à la naissance, et en
devenant
jour après jour, le
berceau de Dieu, un espace de transparence
pour Le laisser apparaître
dans nos actes.
Faisons des temps de silence
dans nos vies. Écoutons ce Dieu qui parle à chacun d’entre nous,
dans nos cœurs. Ensuite, c’est tout simple : faisons ce qu’Il
nous dit de faire ! Soyons ce que nous sommes appelés à
être, en laissant enfanter en nous le Christ, afin de pouvoir naître
véritablement à Dieu !
Discussion
En un temps si court, vouloir
présenter la pensée de Maurice Zundel est un vrai défi. Tout au
plus, j’espère vous avoir donné l’envie de le connaître mieux
soit par la lecture de ses œuvres, soit en participant à des
séances de réflexion et partage sur la base de ses écrits, en
rejoignant le groupe existant ou en constituant un nouveau groupe que
j’accompagnerais volontiers si cela est souhaité.
Je
reste à votre disposition pour vous
écouter
ou répondre à
des questions éventuelles.
Conseils de lecture.
Autres thèmes possibles.
Temps
de prière
P/ Je vous invite à vous
lever pour ce temps de prière que nous ouvrons avec un signe de
Croix, symbole de notre Foi.
Au
nom du Père, et du Fils,
et du Saint Esprit. Amen.
Hymne :
Veni creator Spiritus
Viens en nous, Esprit
Créateur,
Visite les âmes des tiens ;
Emplis de la grâce d’en-haut
les cœurs qui sont tes
créatures.
Toi qu’on appelle
Conseiller,
Don du Seigneur de Majesté,
Source vive, Feu, Charité,
Toi qui es onction
spirituelle,
Toi, le Donateur aux sept
Dons,
Puissance de la main de Dieu,
Toi que le Père avait promis,
Qui fais jaillir notre
louange,
Mets ta lumière en nos
esprits,
Répands
ton amour en nos cœurs,
Et que ta force sans déclin
tire nos corps de leur
faiblesse.
Repousse
l’adversaire
au loin ;
Sans
tarder, donne-nous la paix ;
Ouvre devant nous le chemin :
que nous évitions toute
faute !
Fais-nous connaître Dieu le
Père,
Fais-nous apprendre aussi le
Fils
et
croire
en tout
temps que tu es
L’unique
Esprit de l’Un
et de l’Autre.
Psaume 117 (116)
Nations, louez toutes le
Seigneur.
Peuples, glorifiez-Le tous.
Car Sa fidélité nous
dépasse,
et la loyauté du Seigneur est
pour toujours.
Psaumes
118
1 Célébrez le Seigneur, car
Il est bon,
et Sa fidélité pour
toujours.
8 Mieux vaut se réfugier près
du Seigneur
que compter sur les hommes !
Mieux vaut se réfugier près
du Seigneur
que compter sur les Princes !
Écoutons la Parole de
Dieu (1 Jean, 4,12-16)
« Personne n’a jamais
vu Dieu ;
si nous nous aimons les uns
les autres, Dieu demeure en nous, et son amour parfait est en nous.
Nous connaissons que nous
demeurons en Lui, et qu’Il demeure en nous, en ce qu’Il nous a
donné son Esprit.
Et nous, nous avons vu et
attestons que le Père a envoyé le Fils comme Sauveur du monde.
Celui qui confessera que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en
lui, et lui en Dieu.
Et, nous, nous avons connu
l’amour que Dieu a pour nous, et nous n’y avons pas cru. Dieu est
amour ;
et celui qui demeure dans
l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en Lui. »
[Un temps de silence].
Cet extrait de l’Épître
1 de Jean est fondamental pour comprendre la pensée de Zundel et
cette prière à la Beauté de Dieu lue précédemment et que nous
donne saint Augustin.
L’Esprit nous unit dans
l’Église, nous amène à témoigner de notre Foi, à la proclamer
et à l’approfondir. C’est ainsi que les Chrétiens peuvent vivre
en communion.
R/ L’Esprit du Seigneur
emplit l’univers.
* Alléluia, alléluia.
Il sait toute parole et
illumine la vie pour la Vie éternelle.
* Alléluia, alléluia.
Gloire au Père au Fils et au
saint Esprit.
Amen.
Zundel priait tout
spécialement Marie. Aussi adressons à Marie notre prière.
Marie
Dieu a respecté la liberté
de Marie en lui demandant son acceptation et sa réponse a été
« Que Ta volonté soit
faite ! ». Le monde a ainsi pu être sauvé par
la force de l’Esprit Saint qui a permis à Dieu de se faire homme
en Jésus pour nous sauver.
Nous pouvons dès lors dire
de tout cœur : « Je vous salue Marie ,.. »
L’intercession :
Prions
A la suite de Maurice Zundel,
prions dans la Joie de notre découverte quotidienne du
Seigneur dans nos vies :
R/ Seigneur, exauce
nous.
Remettons notre cœur à
Dieu afin qu’Il le façonne à Sa guise et qu’Il renouvelle
toutes nos actions dans le feu de Son Esprit et nous donner de lutter
contre les forces du mal où qu’elles soient. R/
Découvrons en nous et chez
les autres la vocation mystique de l’Amour vrai, ce reflet
de Dieu dans nos vies qui se traduit dans la gratuité du don de soi
et non dans le culte aveugle de son « ego ». R/
Percevons que la Sainte
Messe, la Sainte Liturgie, est la plus belle preuve de l’amour de
Dieu et de l’amour des hommes pour Dieu et soyons, à chaque
célébration eucharistique vécue en vérité, conscients du don
précieux de Dieu, Son Amour pour tous les hommes capables de Le
rencontrer en leur cœur. R/
Prions pour les ennemis de
l’Église, où qu’ils se trouvent et parfois même en son
sein, afin qu’ils découvrent la Présence de Dieu qui luit
cependant dans leurs ténèbres et qu’ils étouffent. R/
Prions pour dissoudre cet
ennemi intérieur, qui rôde comme un lion autour de notre cœur,
afin de laisser briller la Lumière de Dieu, par la force de sa
Parole. R/
Que toute prière soit une
ouverture de l’âme à la perception mystérieuse de la divine
Présence dans nos cœurs et que nous puissions dire en toute
simplicité : « Viens, Seigneur Jésus ! ».
R/
Notre
Père
Père, Toi qui as
merveilleusement créé l’homme et plus merveilleusement encore
rétabli sa dignité en Jésus, fais-nous participer à la divinité
de Ton Fils, puisque Tu as voulu prendre notre humanité la nuit de
Noël, Toi qui règnes pour le siècles de siècles.
Amen.
Antoine Schülé
Contact :
antoine.schule@free.fr
1Les
éditions Sigier offrent de très bon ouvrages à consulter.
2Ce
champ de liberté inquiète les gens de pouvoir qui préfèrent
forger une opinion publique dans une pensée unique dont ils peuvent
tirer des profits, pas seulement électoraux...
3Ils
n’ont pas lu le Premier livre des Rois (versets 19, 9-13) :
Dieu n’est ni dans l’ouragan, ni dans le tremblement de terre,
ni dans le feu mais dans le murmure d’une brise légère.
4Saint
Augustin : Les confessions, livre 10, chap. XXVII, coll.
Garnier, t. II, p. 119.
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