Les lieux-dits de Saint-Gervais
par Antoine Schülé de Villalba,
Historien.
Plusieurs personnes
désiraient posséder les recherches étymologiques sur les lieux-dits de notre
commune. Ces quelques lignes vous permettront un petit voyage à travers les
noms d’un terroir.
Sans utiliser le jargon
scientifique propre au linguiste et sans pouvoir être exhaustif, je me
contenterai de vous faire percevoir ce que ces noms de lieu signifient car il
est regrettable que les personnes qui les entendent de nos jours en aient perdu
le sens. Pour celui qui désirerait approfondir l’évolution phonétique de ces
noms dans le temps, il peut me rencontrer : en procédant vite, chaque mot
nécessitera dix minutes d’explications !
Cette étude intéressera
d’autres communes dans la mesure où plusieurs de ces noms se retrouvent dans le
Gard Rhodanien. Ce sujet intrigue toujours le curieux, au sens positif du
terme : le curieux est celui qui aime la recherche car il veut comprendre.
Un « sachant » n’est rien d’autre qu’un curieux qui a de la mémoire…
Introduction
Cette brève étude, ne suivra
pas l’ordre alphabétique. Elle offre un regroupement par thèmes. Ainsi,
différents centres d’intérêt seront abordés. J’ai retenu les noms qui sont liés
à la nature du sol, du relief, à la végétation, à la sylviculture, aux vestiges
de lieux historiquement établis et surtout à des moments du passé pour lesquels
le seul témoignage qui nous reste est le nom de lieu. La toponymie est
véritablement une mémoire orale, insuffisamment exploitée par les historiens :
il faut bien l’avouer. Connaître un terroir passe par la connaissance de ses
lieux-dits. La signification première d’un lieu est une source d’informations
que nos anciens (c’est-à-dire trois générations avant nous) n’ignoraient pas
car un nom pouvait leur laisser augurer la nature du sol, de son exposition, de
son passé agricole.
Pour quelques noms, sur
lesquels je ne m’attarderai pas (même s’ils m’obsèdent d’une certaine façon car
il y la volonté de leur trouver sens), il me faut reconnaître qu’il n’est pas
possible à chaque fois de leur trouver une origine certaine, à 100%. Le
chercheur se doit de rester modeste : parfois, il doit se contenter de
poser des questions, sans avoir les réponses ou être dans l’impossibilité de
choisir entre différentes réponses plausibles et possibles. Ceci ne doit pas
l’empêcher d’émettre des hypothèses, qui, peut-être, permettront de trouver
cette vérité qui aime se faire attendre. D’ailleurs, je vous confie que cette
attente est source de plaisir car l’esprit se plaît à chercher. Lorsque tout
est dit, une curiosité légitime est satisfaite mais le plaisir n’est plus de la
même espèce.
Un nom peut avoir divers
sens. Il est parfois assez difficile de privilégier un sens plutôt qu’un autre.
Dans le temps, il y a eu des glissements sémantiques : le sens donné à un
mot a évolué en faveur d’acceptations éloignées des origines. D’autres fois, la
connaissance de l’histoire communale peut aider à trancher entre deux variantes
possibles. Vous constaterez aussi qu’il y a eu des confusions de sens ou des
corrections chargées de bonnes intentions mais complètement erronées !
Quelques repères de datation
pour les noms
Les préceltiques
Notre région possède des
noms préceltiques, cela signifie qu’ils ont entre 4500 et 7000 ans
d’existence !
Arles est un exemple : le AR
du nom Arles signifie « hauteur de pierre », ce AR a évolué
phonétiquement en EYR que nous retrouvons dans le nom Eyrieux.
Le BAR de Barjac
signifie « hauteur ». Il vaut la peine de s’attarder sur ce Barjac,
car cette hauteur montagneuse est devenue nom de famille gauloise BARGUIS qui a
été latinisé en BARJACUS. Ainsi, on distingue dans ce nom trois couches
temporelles : préceltique, gauloise et latine.
D’un temps aussi reculé sont
les noms :
· d’Avignon dont
le AV signifie « eau », en désignant le liquide sans plus de
nuance ;
· du Rhône dont
le ROD signifie aussi « eau » mais la masse liquide en
mouvement ;
· du Gard qui
provient d’un VARDO qui désigne tout « passage à gué » et dans la
période gallo-romaine, ce VARDO a donné deux noms Var et Gard.
· d’Aubenas qui
est issu d’un ALBENATE et dont le albe provient
d’un ALPA (qui se retrouve dans le mot Alpe) et qui signifie
« pâturage ». Les anciens, contrairement aux Anglais du 19e
siècle, ne s’intéressaient pas aux montagnes, milieux hostiles à la présence
humaine. Par contre, ils s’intéressaient aux pâturages se trouvant aux pieds
des montagnes pour faire paître leurs troupeaux.
Le mot « Clap »,
signifiant tout à la fois « pierre » et « rocher » est un
mot aussi prégaulois.
Et pour clore cette étape,
il convient de s’arrêter sur le plus célèbre d’entre eux : GARRIC qui a
donné « garrigue ». Ce mot désigne un lieu planté de chênes kermès.
Son histoire est la suivante : la racine de ce nom est un KAR, qui est
devenu ensuite GAR, et désigne le « rocher ». L’évolution du sens a
fait que ce mot désigne finalement la végétation maigre et chétive qui a poussé
dans le rocher. Dans le sens commun actuel, le « garric » désigne le
petit chêne dit à feuille de houx, l’arbre principal ayant réussi à coloniser
les rochers.
Les celtiques
Les noms gaulois ou celtes
sont moins anciens mais leur âge est vénérable : ils peuvent dater du VIIIe
siècle avant Jésus-Christ et, très certainement, du 5e siècle au 1er
siècle avant Jésus-Christ !
De découvrir ces noms
toujours vivants à notre époque dans nos toponymes exerce inévitablement une
certaine fascination. Ils ont trait à l’élevage du bétail, à la culture des
céréales ou encore aux travaux d’artisans. C’est véritablement la langue des ruraux
et non des villes. Ces Gaulois sont originaires du centre de l’Europe. Ils ont
essaimé de la Scandinavie jusqu’au Nord de l’Espagne. Ils se sont très vite
intégrés aux agriculteurs, parmi les populations préexistantes. Ils ont
cohabité et leurs mots sont restés dans la langue : c’est le symbole même
de l’intégration. La Combe au sens de « vallée », est
un nom gaulois. Nîmes provient d’un NEMETUM gaulois désignant un
lieu sacré portant ce nom. Lutèce qui désignait la ville de Paris
provient d’un LUTA gaulois qui signifie « boue » : les rives
boueuses de la Seine sont à l’origine de ce nom.
Les romains
Les noms romains n’ont pu
s’implanter pour les premiers d’entre eux que vers 50 avant Jésus-Christ. Très
souvent des noms gaulois se sont romanisés et plus d’un chercheur a oublié de
remonter le temps… et offre par conséquent une étymologie incomplète.
Les chrétiens
Les noms d’origine
chrétienne s’implantent du IVe siècle jusqu’à la fin du Moyen Age.
Plus d’un village ou d’une portion de territoire communal porte le nom d’un
saint. Par cette voie, des noms d’origine italienne, grecque ou hébraïque sont
arrivés jusqu’ici.
Les germains
Entre 400 et 500 après
Jésus-Christ, les noms d’origine germanique ou d’un des dialectes germaniques
apparaissent dans la région. Il faut se souvenir des Grandes Invasions. Il y a
des mots qui ont été adoptés en Gaule. Un nom germanique ne signifie pas que le
porteur du nom ou le nom qu’il désigne soient germains ! Aujourd’hui des
prénoms et des noms sont américains car à la mode mais leurs porteurs ou ce
qu’il désigne ne sont pas américains ! N’oublions pas que Clovis, le roi
des Francs, ne parlait pas le francique mais l’allemand. Les Rois français ont
véritablement parlé le français que vers le Xe siècle. Ces noms se
retrouvent surtout dans les patronymes qui ont résisté au temps car leurs noms
ont servi à désigner les domaines qu’ils avaient en leur possession.
Les Moyenâgeux
De nombreux noms de métiers
ou de pratiques artisanales deviennent toponymes ou patronymes.
Par ces quelques exemples,
vous constatez qu’il n’y a pas eu des cloisonnements dans le temps ou
l’espace ; ces noms mettent en évidence une interpénétration culturelle
très forte. L’Europe n’a pas attendu la fin du XXe siècle pour se
faire ! Les mélanges lexicaux se sont produits jusqu’au VIIe
siècle après Jésus-Christ pour recommencer au Moyen Age et se poursuivre de
façon moins soutenue et plus occasionnelle par la suite (le français a d’abord
influencé l’anglais avant que le phénomène inverse se produise !). En
étymologie, ces mélanges rendent la tâche tout à la fois difficile et passionnante.
Après cette petite
introduction, passons au vif du sujet en restant sur la commune de
Saint-Gervais. Quelques étymologies qui sont proposées ici sont inédites. Je discute
volontiers avec toute personne désireuse d’en connaître les raisons[1]. Il
existe une bibliographie abondante sur le sujet et pas moins de trente ouvrages
ont été consultés : pour ne pas surcharger cet article, je me dispense de
vous les citer mais c’est très volontiers que je les mets à disposition du
lecteur.
Les recherches en étymologie
ne cessent pas de progresser de nos jours. Des ouvrages anciens peuvent être
revus en fonction de nouvelles recherches.
Au moment de publier cet
article, j’ai découvert un excellent ouvrage de référence. C’est sans doute le
plus récent et le plus précis à ce jour : Dictionnaire des noms de
famille et noms de lieux du Midi de la France de Jacques Astor, 1293
p., éditions du Beffroi, Millau, 2002. Certains noms de Saint-Gervais n’y
figurent pas et je n’ai pas eu le temps de comparer tous ceux que je traite ici
mais que le passionné s’attelle à la tâche, il sera abondamment pourvu en
informations !
Un autre ouvrage, plus
ancien, mérite d’être signalé, car il rend toujours de précieux services :
Henri Bonnard, Synopsis de phonétique historique, 2e
éd., 47 p., Ed. SEDES, Paris, 1979. Avec cet ouvrage, il est possible de dater
avec le plus de précision possible les évolutions phonétiques d’un mot et
d’établir des règles quant à ces évolutions.
Il m’arrive de traiter de
noms en périphérie de la commune de St. Gervais, sur St. Michel ou Bagnols ou
St. Alexandre.
La terre
· Le relief
Caylard
En terre occitane, ce terme
désigne le « rocher abrupt ». C’est un nom d’origine latine :
CASTELLUM, désignant à l’origine une hauteur habitée, qui a donné « castel »
et « castelar » en occitan. L’évolution phonétique est
classique : CASTELAR, CASTLAR, CAYLAR. Le rocher de Haut-Castel est connu
de tous et justifie ce qui précède.
Clapas
De façon générale, ce nom
désigne un terrain pierreux et difficile à travailler. Clap est initialement
un « rocher » et ensuite « éclat de roche ». Un clapas à
Saint-Gervais est souvent un amas de pierraille débitée par le gel ou encore un
amoncellement de pierres au bord d’un champ.
Combe
C’est généralement une
vallée sèche aux versants en berceau.
Puech
La forme occitane de Puy
désigne une « hauteur », une « butte ». Il est
souvent complété par un autre nom. Puech Saint Marie dans la commune.
Serre
Nous en avons sur le nord du
territoire communal. Ce mot provient de l’espagnol, bien connu SIERRA
désignant une « hauteur allongée ».
Valat
Il s’agit d’un ravin de
raccordement entre deux vallées sèches.
· L’eau
Bedosse
Nom d’origine
gauloise : BEDU signifiant « canal ». Il se rapporte soit à un
« petit ruisseau » étroit, soit à un « canal
d’irrigation ».
Foncirgues
C’est un mot composé de deux
noms : FONT et CIRGUES. FONT désigne « la source » et CIRGUES
est un prénom du Moyen Age : il provient d’un CYRICUS. Il a donné Cyr
et chacun connaît les écoles de Saint Cyr. En Corrèze et en
Ardèche, il est devenu CIERGUE pour se transformer en CIRGUES.
Gour
Ce mot occitan est d’origine
latine : GURGES signifiant « gouffre » en latin. Le sens a
évolué et il désigne un trou d’eau dans le lit d’une rivière, ayant la particularité
de persister même lorsque celle-ci est à sec la plus grande partie de
l’année.
L’Ilse
Il s’agit généralement d’un
terrain entouré d’eau de façon naturelle. Le nom latin qui en est à
l’origine : INSULA.
Rieu
Il provient du latin RIVUS,
le « ruisseau », ayant évolué en un RIUS, RIWU, RIW (oui, le Rif),
RIU et enfin RIO ! Très courant, il est devenu nom de famille.
· Les terres et leur nature
L’Argelas
En provençal, l’argelasserio
est donné pour une lande ou un lieu planté de joncs. Argile, Argelière,
Arzille ou encore Argillier sont des noms de même
origine.
Généralement, c’est une
terre lourde et compacte, gardant longtemps l’humidité et difficile à labourer
(surtout du temps où le tracteur n’existait pas). Cette terre occasionnait un
travail ardu qui nécessitait l’emploi des bœufs et des chevaux.
Les Boudettes
Cas typique de deux origines
possibles.
L’origine la plus
récente : ce mot vient de l’ancien français et désigne les
« troncs », les « rondins » qui étaient placés en des
endroits humides pour permettre le passage des charrettes. La configuration des
lieux, vers Puech Sainte Marie peut autoriser cette interprétation.
Mais il est possible de
remonter aux noms de famille encore fréquents dans la région BOUDART, BOUDIN.
Cela nous fait remonter au germanique BODA qui désigne
le « messager » qui se transforme en un BOUDE avec le diminutif
tardif – et, féminisé en – ette. Et cette hypothèse
est probable car elle est accréditée par un autre nom BOUTARY que nous verrons
par la suite.
Le Coudouloux
Il provient d’un mot latin
COS, COTIS qui signifie « pierre ». Ce nom bien provençal est
attribué à une terre caillouteuse, difficile autrefois à travailler car
résistante à la pioche.
Ferrare
Immédiatement, le mot latin
FERRARIA, « mine de fer », nous vient à l’esprit mais, à ma
connaissance, il n’y a jamais exploitation du fer sur la commune. Plus
tardivement, ce nom a pu désigner un lieu réputé pour ses forges. Mais je n’ai
trouvé aucun élément pouvant attester cette origine.
Par contre, au vu des
activités agricoles fortement attestées depuis les temps les plus anciens, nous
pouvons privilégier comme origine à ce nom FERAX, FERACIS qui désigne une terre
fertile, ne nécessitant pas de jachère. Je ne serais pas surpris qu’une graphie
antérieure ait été FERRACE. Notre sol renferme de nombreux vestiges romains.
Des villae importantes dorment sous la terre.
Ce nom surprendra quelques
uns d’entre vous. Il est probable que ce soit le nom de la commune avant
qu’elle soit dénommée Saint Gervais. Au fort de Salses, une carte mentionne ce
toponyme en lieu et place de Saint Gervais alors que les autres communes y figurent
avec exactitude. Je remercie toute personne qui pourrait me fournir des
éléments utiles à cette recherche.
Pour un nom plus ancien de
notre commune que celui propre à la période romaine, voir Loup.
L’homme et la nature
· Les patronymes
Je mentionne uniquement ceux
qui sont devenus des toponymes. La terre porte souvent le nom de son
propriétaire ou de celui qui la travaille.
Les Abels
Nom d’origine biblique Abel
désigne les fils d’Adam.
L’Aube
Exemple caractéristique de
sens qui se perd au profit d’une autre signification, tout différente du sens
originel. A la lecture de ce nom, chacun pense à un magnifique lever de soleil
comme on en connaît ici mais cela n’est pas le cas.
En fait, au Moyen Age, on
disait L’Aubé (forme que l’on
retrouve dans le compoix communal au 17e siècle, encore) pour L’Aubert, nom de famille, d’ailleurs
encore attesté de nos jours. Il s’agit d’un nom germanique Adalbert
qui est devenu dans la période franque Aubert. ADAL signifie
« noble », dans le sens de notable, et BHERT signifie
« célèbre ».
Boutary
Nom de famille germanique.
BOD signifie « messager » et HARD signifie « fort ». Le mot
germanique BODHARD a donné le nom de famille BODARD, BOUDAR(D). Dans le Midi,
on trouve aussi Boutaric ou Boutery.
Gervais
D’un double nom
germanique : GER signifiant « combattant » et WISA signifiant
« sage », « avisé ». Ce nom a été latinisé en GERVASIUS
pour donner en français GERVAIS.
Il y a querelles d’experts à
ce sujet. Certains le font provenir d’un mot grec GEROREN ayant le sens
d’ « honorable » mais cette origine me paraît impossible selon
l’évolution phonétique ‘’normale’’.
Guise
Nom d’origine
germanique : d’un WISO, « sage » qui a donné GUIZO, GUIZE et
finalement GUISE.
L’Hiver
Le temps déforme le nom, la
graphie change et plus le temps passe, plus l’origine s’oublie : IVAR du
mot germanique, attesté IV-, signifiant « If ». Le nom YVER en est
issu. Cette grange sur Bagnols mais se trouvant en zone limitrophe de la
commune de Saint-Gervais a appartenu à une famille LHIVER.
Les Malins
Au Moyen Age, une famille
MALHINS y habitait. L’origine de ce nom est difficile à cerner.
Il pourrait provenir d’un
META latin, dans le sens d’ « objet conique » (comme une borne,
peut-être un menhir mais là c’est pure supposition). Dans un sens plus tardif,
des textes attestent le sens de « meules de foin ».
Il n’y a rien d’absolu et
vous pouvez choisir pour l’instant jusqu’à découverte d’une autre preuve
indiscutable, la version qui vous convient.
Masson
Il faut remonter à un
THOMAS, devenu ensuite THOMASSON et qui s’est transformé en MASSON. Ce nom
provient de l’araméen TOMA et signifie jumeau.
Rigaude
Nom germanique RIC :
« puissant » et WALD, « gouverner ».
Vidal
Forme occitane de VITAL,
provenant du latin VITALIS, nom adopté par une dizaine de martyrs chrétiens, et
signifiant « ce qui est essentiel à la vie ».
· Caractérisation des terres
La Moute
Ou encore Motte
désigne une « terre riche et fertile ». Dans le sens préroman, MUTT
est employé pour signaler une « petit élévation ». Certains spécialistes
font provenir le mot d’un MONASTERIUM, comme pour Moustier ou Moûtiers :
cela est possible.
Il est probable que nous
ayons un croisement de sens : cette terre a pu appartenir aux Chartreux et
le moulin, dit Charavel, se trouvait juste en dessous et leur appartenait à
l’origine. Les terres sont aussi fertiles à cet endroit. Il ne s’oublie pas que
se trouvait, dans le creux du vallon, un lac artificiel pour alimenter en eau
le moulin à blé, en saison sèche.
Le Soleilhan
Sous cette graphie, c’est
bien le mot provençal le SOULEIANT, désignant une terre bien exposée au soleil,
tout simplement.
Loup
La crête. Voir les animaux.
· Plantations
Les Canabories
Lieu où l’on cultive le
« chanvre » pour fabriquer les cordes et les toiles. Il s’agit d’une
toile grise, très solide que l’on retrouve encore dans les armoires des
anciennes familles.
Cèze
Mot provençal CESE,
« le pois chiche ».
Bayne
Bago, selon Jacques Lacroix (Les noms d’origine gauloise, éd.
errance, auteur à connaître), est le mot gaulois pour le hêtre arrivé jusqu’à nous par un bagina qui a donné : Beine,
Bayne(s).
Il est possible que cette
origine gauloise ait été oubliée sémantiquement à Saint-Gervais au profit d’un
Bayne que vous trouverez plus bas dans ce texte.
Les Espais
Pour ma part, je remonte à
un SPALTUS latin, signifiant « épeautre » : la nature du terrain
en rend ce sens évident. En terre occitane, l’ESPES désigne plutôt des
« fourrés ».
Maruel
Dilemme du chercheur :
au départ, j’ai pensé à un MARROUN, provençal, pour « gros blé
barbu » mais l’évolution phonétique usuelle subissait des entorses.
Pour finir, il s’agit d’un
mot gaulois, deux mots : MARO, « grand » et IALO,
« clairière ».
Nabories
Champ planté de
« petits navets ».
Nast
Cela provient d’un mot
gaulois NASIARE, signifiant « néser », mot qui nous est peu familier
et qu’on remplace par « rouir » (faire macérer dans l’eau le chanvre
pour isoler les fibres textiles en détruisant la matière gommeuse qui les
unit). Il s’y trouve souvent une mare ou un étang (c’est bien le cas). Et ce
n’est pas un hasard si les Canabories (voir ce mot) jouxtent la terre portant
ce nom ! Tout s’explique pour celui qui « entend » les mots dans
leurs sens originels.
Princemelle
Nom composé de deux
mots : PRINCE, mot du latin dans le sens de « principal » et du
mot fréquent en vieux français MELLE pour « jaune », la mention de
cette couleur désignait généralement le « champ de millet ».
Mais le MELLE peut provenir
d’un mot préceltique MAL, devenu MELLO signifiant « montagne ». Il
est probable que ce soit le sens d’origine et qu’ensuite ce nom ait été entendu
selon ce qui précède.
· Viticulture et arboriculture
Le Plant
En vieux français, ce nom
désigne un endroit planté de vignes. Peut-être le lieu où furent plantées les
première vignes.
La Ramade
A l’origine, il s’agit du
lieu où l’on ramassait des branchages avec des feuilles pour nourrir les
animaux. Plus tard, le nom est resté pour les jardins où l’on soutenait les
plantes grimpantes avec des « rames » (les pois par exemple).
· La forêt
Mijoulan
MI signifie
« milieu » et JOU est un mot gaulois pour le « bois », la
« forêt ».
Ce terme désignait le milieu
de la forêt.
Rouveiran
En Lozère, le rouverand ou
encore rouvier désigne l’habitant de la rouvière qui est un
endroit planté de chênes. Le mot latin ROBUR a donné en vieux français le mot rouvre
qui signifie « chêne ».
· Les animaux
Loup
Les habitants de
Saint-Gervais, les saints-gervaisiens, ont eu pour sobriquet les « mange -
loups ». Nous avons deux Fonts du Loup (Nord de la commune, juste au-delà
de la frontière communale, et à l’est, frontière avec Bagnols et qui s’écoule sous
le Pont de Castel) qui signifient « Sources du loup ». Mais
arrêtons-nous un instant sur ce Loup qui n’est pas aussi simple qu’il pourrait
le paraître au premier abord.
LUP est un nom d’origine
préceltique qui signifie « crête ». Or, depuis Bagnols ou Sabran,
Saint-Gervais est une magnifique crête ! Le village actuel,
‘’ récent’’, est en dessous alors que les attestations de vie les
plus anciennes (Coste Rigaude) se trouvent sur les crêtes ! Il y a une
probabilité assez forte pour que ce nom ait été celui du territoire actuel
dénommé Saint-Gervais, antérieur encore à celui de Ferrare (période romaine)
que j’ai développé précédemment.
La Soudarde
Ce nom est issu d’un mot
provençal SOUDADO qui désigne le lieu où l’on réunissait les porcs. Il fallait
un lieu qui ne puisse pas polluer les sources ou les puits et qui ne soit pas
trop éloigné du village.
Le gardien du troupeau de
porcs était nommé par les consuls (les deux personnes qui représentaient
l’autorité communale avant la Révolution). Son travail faisait l’objet d’un
contrat et le troupeau de porcs était conduit de rouvraie en rouvraie (pour
leur faire manger les glands, cela leur donnait une chair ferme et goûteuse).
La vie sociale et économique
Gourbeson
Sans grande certitude, une
supposition : à rapprocher d’un GOURBIN, « manne d’osier ou de
roseau » pour fabriquer des paniers et des hottes.
La Jasse
Du provençal : JASSO.
C’est la place où se couchaient les moutons ; de façon générale le lieu où
les bergers les réunissaient avant de les conduire dans les pâturages,
généralement à l’écart des fermes et des hameaux.
Lavadou
Nom provençal pour le lavoir
mais vous me direz que le chemin du Lavadou conduit à la Cèze. Oui, avant que
le lavoir soit construit sous l’impulsion du baron de Louis de Guasc de
Saint-Gervais, au XVIIIe siècle, les dames portaient les grandes
pièces de lessive (draps, gros tissus) sur les bords de Cèze pour les laver.
Des feux étaient allumés, la cendre était utilisée, les draps séchaient sur
l’herbe…
· Les chemins
L’Androune
Nom provençal pour une
« ruelle », impraticable pour les voitures ou les charrettes
autrefois. Il faut remonter à un mot grec ANDROS, signifiant « homme
illustre » qui a donné d’ailleurs le prénom ou le nom ANDRE. Pour ma part,
ce mot désigne certainement un passage qui est de la largeur d’un homme et de
ce fait accessible que par un piéton.
Le Devès
Il s’agit d’un chemin
rudimentaire servant à conduire les troupeaux aux pâturages ou le terrain
éloigné auquel on accède par ce chemin.
Au Moyen Age, le sens est
encore plus précis : c’est un terrain réservé aux bêtes à cornes et
interdit aux ovins transhumants. Plus tardivement, c’est resté un pâturage.
Il faut retenir que
Saint-Gervais a été jusqu’au début du XXe siècle connu pour ses
élevages de bœufs.
Draille
Chemin de transhumance pour
les ovins.
· Bâtiments et constructions
La Calade
Du provençal CALADA,
« paver ». Il s’agit d’une rue pavée. Actuellement, c’est du béton.
Seul le nom rappelle son ancienne configuration.
Casel
Ou encore : Chazelle.
Une cabane de pierres sèches. Lieu où s’allumait le feu de la Saint Jean.
Les Célettes
Voici un bel exemple de
transformation dans le temps. Le sens originel a été perdu.
Pour le comprendre, il faut
remonter à SALETTE qui se trouve sur d’anciens plans communaux. Ce nom
désignait une « salle de réception » d’une maison rurale. Cette
grande pièce avec une cheminée, un évier de pierre et le support pour l’eau
existe encore.
La présence des Chartreux de
la Valbonne (pour l’exploitation des bois) au hameau des Célettes a fait croire
à certains qu’il fallait penser à un CELLA qui a donné « Celles »,
pour désigner un « ermitage ». C’est ainsi que le nom a été
inutilement corrigé.
Peyron
Ce nom provient de PEYRE,
forme occitane de « pierre ». Il y a une autre possibilité mais je
n’ai pas d’information à ce sujet : en cas de présence d’un ancien puits,
cela pourrait alors provenir d’un PEY signifiant le « puits ».
Le Pontet
C’est déjà sur la commune de
Saint-Alexandre mais la construction est si proche du hameau des Célettes que
je l’incorpore à cette étude. Ce mot d’origine latine se rapporte à « une
maison près d’un pont ». Mais là, il n’y a pas de pont ! Par contre
depuis le point le plus élevé, il y a possibilité d’apercevoir le pont de Pont-Saint-Esprit.
De plus, le chemin qui jouxte la terre permet de rejoindre l’ancienne route qui
se dénommait d’ailleurs « route de
Pont-Saint-Esprit ».
Reisset
Du latin RESECARE, pour
« séparer », « scier ». En général, cela désignait une
scierie actionnée par une roue à aubes.
Rocauquier
Provient d’un ROCALQUIER,
c’est en fait le ROC AUQUIER.
ROC pour
« rocher » est une évidence.
AUQUIER a deux
origines qui se recoupent par le caractère sacré :
La plus récente, et celle
qui a été comprise dans le Midi, est un AUCO pour l’ « oie ».
La plus ancienne est
d’origine germanique ALQUIER. Deux mots en fait : ALH et HARI :
« temple » et « armée ». Ce nom se retrouve à Lyon sous la
forme ALCHER.
Le prénom AUCOIN fréquent
dans le Midi, provient d’un ALH et WIN : « temple » et
« ami ». Pensez au fameux Alcuin qui a instruit Charlemagne et qui a
créé les écoles et favorisé les Arts en France.
AUCO, « oie », ne
contredit pas le sens germanique de « temple » car, pour les Gaulois,
l’oie était un animal sacré qui ne pouvait d’ailleurs pas se consommer. Il
avait la même valeur sacrée que le cygne dans d’autres civilisations. C’est un
oiseau de lumière. Il était considéré comme le messager de l’Autre Monde.
Lorsque vous traverserez ce
lieu, vous ne pourrez que vous sentir envahir par une certaine émotion…
Souteyran
« Placé en
contrebas » en opposition à SOUBEYRAN, « placé en haut ».
De quelques autres noms
Bayne
Dès le XIe
siècle, la Terre Sainte a suscité des noms pieux : ainsi, BAYNE qui
provient d’un BAIGNE, issu d’un BETHANIE qui a passé par une forme attestée
BITHAINE.
Dans la mesure où un membre
de la famille Bonnet, propriétaire au Moyen Age, du domaine actuel de Bayne, a
séjourné en Terre Sainte lors des croisades, cette origine garde toute sa
valeur. Le Talmud donne une signification pour Béthanie : « la maison
des dattiers ». Dans les Evangiles, il existe deux Béthanie : un site
près du Jourdain où baptisait Jean-Baptiste et l’autre près de Jérusalem où
vivait Lazare.
Jacques Lacroix propose une
autre origine : gauloise pour hêtre.
La Coquillonne
Pour la
« coquille », nom d’origine grecque, ce qui est rare dans la commune.
Ce toponyme est souvent utilisé pour désigner une terre soit à l’abri du vent,
soit favorable aux escargots.
Parfois, il indique que le
propriétaire du terrain a effectué le pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle
et qu’il en est revenu avec la coquille.
Rajol
Origine qui reste pour moi
incertaine. En Normandie, le RAGOL désigne le « sanglier ».
RAGO est un ancien nom de
famille germanique signifiant « conseil ».
En occitan, RAJAR a pour
sens « sourdre », « jaillir ». Y a-t-il une source à cet
endroit ? ou l’eau peut-être s’écoule-t-elle du dessus d’une nappe
d’argile ? Dans cette éventualité, la dernière solution serait la
bonne !
La Ricoune
Il est entendu selon le mot
provençal RICHOUN : le « petit rire ». Mais, en fait, il faut
remonter à un RIC et WULF, « puissant » et « loup »
(et oui, encore le loup) : ce double nom se retrouve dans les noms de
famille RICHON, RICON et RICOUNE (féminisation du nom).
Cet inventaire pourrait
continuer car cette étude n’épuise pas la toponymie propre au territoire des
mange-loups. Celles et ceux qui désirent une recherche sur un nom de lieu non
traité dans ce texte peuvent me contacter, je leur donnerai une réponse si elle
existe et aussitôt que j’en ai le temps et la possibilité.
Antoine
Schülé de Villalba
P.S. : J’invite les plagiaires
habitudinaires à mentionner cette source avec mon nom. Si, en plus, ils ont la
courtoisie de m’aviser de l’emploi de mon travail, je les remercie par avance.
Que celles et ceux qui n’ont pas eu besoin de
cet avis pour respecter la recherche d’autrui soient félicités et
remerciés !
La
Tourette, le 15 août 2000
Les droits d’auteur
sur ce texte sont réservés.
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