Les appréciations ou qualifications
professionnelles ou civiles
données par l’Omnipotent
Antoine Schülé
Ceci est une pure fiction bien entendu
et toute ressemblance avec des faits réels serait fortuite.
Recommandation : lire ce texte avec le sourire.
Entre avoir de l’assurance et être trop plein d’assurance, voilà toute la différence entre un sage et un fat. D’ailleurs, du fat au fanfaron, il n’y a qu’un pas, très souvent vite exécuté. La vie militaire, ou associative ou professionnelle, en offre bien des exemples. Reconnaître un fat n’est pas toujours facile car il en est de multiples espèces : ils portent des masques très divers dans toutes les structures humaines. Faisons tomber ces masques avec le sourire.
C’est lors des réunions en vue de qualifier les sous-officiers et les officiers, du grade le plus petit au plus grand, qu’il m’a été donné de découvrir les astuces pour disqualifier la personne dont un chef, un directeur ou un responsable de personnel ne veulent plus.
Comme chacun sait, le chef, homme ou femme, a toujours raison. Son ton péremptoire tranche immanquablement entre ce vrai qu’il faut croire et donc propager et ce vrai qu’il convient de taire, sous peine d’être un esprit rebelle et prétentieux vis-à-vis de ce chef, le détenteur de toutes les grâces du commandement.
Voici quelques exemples, pas tous spécifiquement militaires, observés avec une description objective et la lecture, brève et claire, que peut en imposer le chef omnipotent :
• Il (ou elle, bien entendu) est jeune, il manque totalement d’expériences.
• Il a de l’âge, il est rongé par la routine.
• Il parle à ses hommes, c’est un vulgaire démagogue.
• Il ne parle pas à ses hommes, il est replié sur lui-même.
• Il réfléchit, c’est un hésitant.
• Il agit rapidement, la précipitation ne vaut rien.
• Il travaille avec le sourire, il n’est pas sérieux.
• Il est un technicien reconnu, il n’est pas un polyvalent.
• Il est modeste, il est effacé.
• Il est décidé, c’est un arrogant.
• Il est logique dans ses décisions, il manque d’originalité.
• Il est original, c’est un facétieux de mauvais goût.
• Il délègue, cela traduit son incompétence.
• Il ne délègue pas, c’est un tyran.
• Il est un administrateur, ce n’est pas un homme de terrain.
• Il est un homme de terrain, il a un total manque de vision stratégique.
• C’est un officier d’infanterie, il ne voit pas plus loin que son nez.
• C’est un artilleur, il plane et ne voit pas les réalités du terrain.
• Il contrôle, c’est un soupçonneux.
• Il ne contrôle pas, c’est un naïf qui se fera rouler à tous les coups.
• Il corrige, il ne laisse pas se libérer les aptitudes de ses subordonnés.
• Il ne corrige pas, c’est un laxiste qui court à sa perte.
• Il explique, il perd son temps dans le verbiage.
• Il n’explique pas, il est incapable de partager un élan.
• Il est dynamique et réactif, c’est un agité.
• Il donne une instruction originale, c’est encore un non-conformiste qui cherche à se faire remarquer.
• Il applique rigoureusement les règlements et les consignes, il ne saura jamais résoudre un cas particulier non prévu dans le règlement.
• Il est pragmatique, il n’a pas une vision supérieure des faits.
• C’est un théoricien, c’est un incapable avec la troupe.
• Il a de la prestance, sa suffisance est insupportable.
• Il est de petite taille, il ne saura jamais dominer ses hommes.
• Il se fond dans la grisaille d’une caserne, personne ne sait qui il est.
• Il est servile, c’est une carpette (dont le chef n’a pas besoin).
• Il est indépendant, il est impossible de lui faire confiance.
• Il sait boire, c’est un ivrogne.
• Il ne sait pas boire, il a quelque chose à cacher.
• Il parle avec le ton juste, il est un comédien.
• Il est de bonne conversation, c’est un hâbleur.
• Il réussit avec modestie, il manque d’assurance.
• Il a de nombreuses connaissances, c’est un prétentieux.
• Il dispose d’une bonne condition physique, il n’a que du muscle et rien dans la tête.
• Il défend ses subordonnés, c’est un paternaliste primaire.
• Il défend ses supérieurs, c’est un ambitieux (dont le chef n’a pas besoin).
• Il réussit ce qu’il entreprend, c’est de la chance qu’il n’aura pas toujours.
• Il a une forte personnalité, il étouffe ses collaborateurs.
• Il manque tout, c’est un personnel qui doit profiter à un autre service (éjection par promotion ou déclassement).
• Il est compétent, cela ne fait pas tout, car il lui manque tout de même ce « je ne sais quoi » qui ferait qu’il puisse avoir une promotion (il a déplu).
Tout de même, certains doivent être ménagés, en vue du plan de carrière du chef :
• Il a des relations bien placées dans le monde politique, nous n’en tiendrons pas compte bien entendu, mais il doit avoir des qualités qui ne demandent qu’à se révéler « Grâce à moi, c’est une futur sujet prometteur et j’en ferai quelque chose ». Quelque chose, mais pas quelqu’un !
• Il n’a pas de personnalité, il a des compétences qui ne demandent qu’à mûrir : la magnanimité du chef.
(liste non exhaustive ! Il vous appartient d’imaginer la suite…)
A la fin de la réunion, le chef omnipotent remerciera ses collaborateurs qui partagent si bien son point de vue, en raison de leurs remarques pertinentes qui lui permettent d’étayer solidement son appréciation objective avec des faits reconnus par tous, faisant un large consensus : c’est le critère même de la Vérité.
Tout de même, il notera, dans un coin de sa mémoire (d’éléphant), celle ou celui qui a légèrement osé sourciller lors d’une interprétation de son cru : elle ou il doit sûrement avoir un défaut caché qu’il convient de détecter d’ici sa prochaine qualification. Ayez confiance, il y arrivera. Ce défaut à trouver ou à créer est une véritable épée de Damoclès sur toute personne ne suivant pas obséquieusement le chef. Il est troublant d’observer que son entourage, au final, croit que “penser juste”, c’est acquiescer aveuglément à tout ce qu’il dit et fait. Ses proches se mettent même à marcher, à parler et à porter le même masque que lui, avec cet aspect de celui qui sait et qui donc totalement ignore qui vous êtes vraiment, alors qu'ils vous jugent ! La fonction de perroquet du chef est une valeur sûre dans certains milieux... Je n'en dirai pas plus...
Et pour être complet, je ne manque pas de vous donner la phrase rituelle qui clôt ce genre de réunion : « Merci Mesdames, Messieurs. Vous pouvez disposer ou Merci de votre précieux soutien. ».
N’imitez pas ce contre-modèle du chef et il y en parfois plusieurs dans la vie de celui qui a vécu longtemps ! Réfléchissez sur ces "petits tyrans" ("petits" moralement, bien sûr : ceci n'est pas lié au grade ou la fonction) que vous avez pu connaître ou subir !
Avec le recul il est possible d'en rire ou du moins d'en sourire, alors que sur le moment où ils sont subis, ceci peut occasionner souffrances. Voyez celles ou ceux qui ne correspondent pas à ce descriptif : il y en a, il s'agit de les encourager, de les suivre pour agir !
Antoine Schülé
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