lundi 13 mars 2017

Saint-Gervais (30200) : Jean-Baptiste Charavel, un inventeur


Saint-Gervais (F-30 200)

Jean-Baptiste Charavel (1873-1954) :

l’inventeur d’un ossuaire néolithique.

Antoine Schülé de Villalba

Ossuaire St. Gervais (photo. A. Schülé)

Diverses collines atténuent la force du mistral sur le village de Saint-Gervais. Coste-Rigaude est cette crête rocheuse qui domine la bergerie Charavel, bien située sur un replat, au-dessus de la route qui conduit aux Célettes. En mai 1937, un événement rare surgit dans la vie d’un Saint-Gervaisien, observateur et aussi curieux qu’amoureux de sa terre. Jean-Baptiste Charavel fut intrigué par des pierres qui dépassaient le sol d’une quinzaine de centimètres. Ces pierres formaient quatre parallèles entre lesquelles rien ne poussait si ce n’était un maigre églantier. Sa saine curiosité lui fit découvrir un ossuaire néolithique.

Jean-Baptiste Charavel

Il est né le 27 décembre 1873,  au hameau de Cornillon, Cazernau, dans le moulin Privat. Il est le dernier de cinq enfants. Son père Joseph Charavel était meunier et sa mère se prénommait Philomène.
La famille Charavel est de Saint-Gervais : nous y trouvons de nombreux maçons, charpentiers, très souvent des agriculteurs - artisans. Deux frères François et Pierre Charavel avaient construit, en mai 1797, la tour de l’horloge qui est accolée à l’église communale. En 1859, un autre Pierre Charavel et son frère Louis - Isidore Charavel étaient les meuniers du moulin de Bayne.

Revenons à Jean-Baptiste. Il étudie à l’école primaire de La Roque qui est tenue par des Frères. Il devait chaque jour d’école parcourir deux fois trois kilomètres. A douze ans, mais sachant lire, écrire et compter, il doit arrêter ses études. Pensons que de nos jours, à vingt ans quelques jeunes n’arrivent pas encore à maîtriser ces connaissances de base ! Il a un grand regret de quitter l’école mais il lui faut seconder ses parents autour des meules.

Les moulins à eau ont des difficultés pour perdurer, la concurrence des machines à vapeur et les caprices des eaux de la Cèze rendent le travail difficilement rentable. Il choisit un autre avenir professionnel que celui de meunier. Il effectue un apprentissage de menuiserie à Bagnols, chez Maître Bouzigues de la rue d’Avignon. En 1902, il a refait des charpentes de l’église du temps de l’abbé Ducros.
Il rachète au début du XXe siècle l’atelier d’un menuisier de Saint-Gervais, appelé à prendre sa retraite. Il s’installe à la Rue du presbytère.
Il produit chaises, brouettes, fenêtres, ridelles, mangeoires, petits meubles, tabourets, outils de bois, croix de bois, cercueils. Dans certaines maisons, il doit exister encore des objets de sa production.
Il est renommé pour la qualité de son travail. Sa passion est de lire, de prendre connaissance de tout ce qui peut l’instruire, le cultiver. Atlas, dictionnaire, revue de vulgarisation nourrissent son esprit et son insatiable besoin de savoir. Avec le temps, il est approché comme un homme de bon conseil et dont l’avis est écouté de tous : un sage comme il en manque trop de nos jours.
Il aime rédiger des poésies, il s’intéresse au captage d’une source. Il répare la vieille horloge municipale. Il construit une bergerie à Coste-Rigaude et y place un cadran solaire avec une devise : SOL LUCET OMNIBUS : « Le soleil luit pour tous ». Et c’est certainement en parcourant les pâturages qui dominent la barre rocheuse au-dessus de sa bergerie qu’il observe ces pierres qui l’intriguent en mai 1937. Il creuse.

Dès qu’il s’aperçoit qu’il y a des ossements comme des objets, il s’adresse à l’abbé Pierre Béraud qui est un historien local, connu et féru d’archéologie. Tous deux montent régulièrement pour établir une fouille et pour effectuer un inventaire minutieux (du moins pour cette époque) des découvertes. Les restes humains et d’animaux sont placés dans des caisses (diverses photographies en témoignent). Pierre Béraud se passionne et des articles communiquent la découverte.
Baptiste Charavel touche et observe les objets : sa soif de savoir n’est pas toujours satisfaite. Pierre Béraud n’est préoccupé que par la recherche qui lui suffit. Lors d’une présentation orale, un mot malheureux s’échappe de la bouche de Béraud (qui en parlant de lui le nomme « fossoyeur ») ; dans le public, Baptiste se vexe et ce sera désormais la brouille entre les deux. Le maire de l’époque, M. Adolphe Rieu, autorise Baptiste à conserver toutes les découvertes à son domicile et celui-ci reçoit les visiteurs qui désirent les voir. Il faut savoir que l’ossuaire se situe sur une parcelle propriété de la commune.

Son ami, le photographe spiripontain, Albert Perret, effectue six cartes postales qui commémorent l’évènement. Finalement, il confie au « Muséum d’histoire naturelle » de Nîmes, et non au Musée d’archéologie, sa collection.

Par contre, il lui reste quatre à cinq caisses d’ossements. Il est âgé de soixante-sept ans en 1939. Il décide de créer son caveau au cimetière communal. Et là, il place dans le haut les restes humains qu’il a déterrés dans la position où il les avait découverts. Par des pierres verticales et horizontales placées sur sa tombe, il a voulu rappeler symboliquement la disposition particulière des pierres qui avait éveillé sa curiosité, ainsi que cela est encore visible de nos jours.
Pour lui et sa famille, il se réserve le bas du caveau. Le 3 mai 1954, il meurt à l’âge de quatre-vingt un ans. Il rejoint les hommes qui étaient mort, avant lui, il y a déjà plus de quatre mille ans.
Et c’est ce que je vous invite à découvrir maintenant plus en détails, en recherchant ce que Baptiste Charavel aurait tant voulu mieux savoir de sa découverte. C’est ainsi le meilleur hommage que nous puissions lui rendre.

Pour poursuivre cet exposé, j’ai étudié ce qu’ont écrit l’abbé Pierre Béraud et le docteur Jean Arnal. A partir de là, j’ai complété la recherche par des lectures d’auteurs récents et par l’observation attentive des éléments de fouille de la vitrine Jean-Baptiste Charavel qui se trouve actuellement au Muséum d’histoire naturelle à Nîmes et des photographies Perret.

L’archéologie a connu en France un développement depuis 1820 pour atteindre un prodigieux essor dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Avant de commencer, il m’a paru nécessaire de vous établir une esquisse rapide de ces temps reculés que nous appelons la préhistoire. Je vous en donne l’essentiel et il n’est pas nécessaire de tout retenir : chacun retiendra ce qui lui convient. Si vous êtes sensibles à la naissance de l’humanité, telle que l’archéologie nous l’enseigne, vous devriez être intéressés.

La préhistoire

La « préhistoire » est ce temps qui a précédé l’écriture et la première métallurgie. Suivant les centres culturels étudiés, la fin de la préhistoire varie car l’écriture comme la métallurgie ne sont pas nées en même temps dans le monde entier. Certains parlent encore de « protohistoire » pour la période mégalithique, c’est le temps des dolmens ou menhirs.

La préhistoire se divise en deux grands moments : le paléolithique qui signifie «pierre ancienne», pierre taillée, et le néolithique, «pierre nouvelle», pierre polie. Essentiellement, l’homme du paléolithique récolte sa nourriture et celui du néolithique produit sa nourriture. L’homme du paléolithique est un semi-nomade alors que celui du néolithique serait plus sédentaire : il est cependant possible que suivant les saisons et selon les besoins agricoles, il ait effectué des courts déplacements. Le passage entre ces deux stades s’est fait dans la longue durée, très progressivement et non du jour au lendemain.

Les spécialistes ont décomposés ces deux espaces de temps en de nombreuses subdivisions que je ne présenterai pas à l’exception de ce qui concerne nos ossuaires. En général, la dénomination de ces périodes provient du lieu de fouille qui a permis une avancée pour la datation de ces temps reculés. La datation est liée à la technique adoptée pour la fabrication des outils et la technique comme les formes des poteries.

Ces temps ont connu d’importantes variations climatiques. Des ères glaciaires ont alterné avec des périodes de réchauffement climatique. Ceci explique que l’ont peut trouver sous notre climat actuel des restes d’animaux soit de pays de grands froids comme l’ours, soit de pays chauds comme le rhinocéros.

Un lieu d’habitation de l’homme peut avoir été occupé en des périodes différentes : l’archéologie met en évidence les différentes strates qui caractérisent ces temps et c’est la raison pour laquelle il faut un spécialiste pour diriger une fouille : une fouille doit permettre l’analyse de tous les indices ! Certains ne sont pas évidents pour les non spécialistes. Je rappelle qu’il est interdit de pratiquer des fouilles sans aviser le service régional de l’Archéologie. D’une part, c’est illégal mais surtout ce serait, sans le vouloir, détruire de précieux indices qu’une fouille faite dans les règles de l’art mettrait en valeur.

La principale difficulté pour connaître ces temps reculés est la rareté des objets non durs : cuirs, écorces, liens végétaux et objets en bois tendre font défaut. Les pierres dures utilisées résistent mieux au temps : silex, jaspe, obsidienne, quartz, grès lustré, roches éruptives, tufs silicifiés, bois durs.

Depuis ses origines, l’homme est confronté à deux objectifs : subsister et survivre.

Le paléolithique

Il commence : il y a deux millions d’années avant Jésus-Christ pour se terminer entre 9 000 et 8 000 ans avant Jésus-Christ.

Le témoin le plus ancien de l’origine de l’homme dans le monde est l’australopithèque qui est daté de 2.5 à 1.9 mio. d’années. Ensuite nous avons l’Homo sapiens.
Dans le Sud de la France, l’homme de Tautavel, dans les Pyrénées-orientales, date de 400 000 ans. Il dispose d’outils perfectionnés sur os et sur pierre. Il chasse le cheval, le lion des cavernes, le bouquetin. Il nous en reste peu de vestiges car cet homme vivait sur des sites en plein air qui ont connu une forte érosion naturelle.
Plus proche de nous, à St. Hippolyte du Fort, en 65 000 ans av. J.-C., des grottes ont livré les premières sépultures avec des offrandes. Les squelettes découverts démontrent que l’homme se tient debout et que sa boîte crânienne se développe. Sa capacité à créer des outils et sa faculté à vivre en communauté sont les éléments de progrès. On y a trouvé des restes de cerf, de rhinocéros, de hyène. Nous sommes entre la période interglaciaire le Würm I et le Würm II.

Au cours du paléolithique, la vie des hommes connaît plusieurs mutations : psychologique, sociale, et technologique. De la chasse en solitaire de petits animaux avec un caillou et un bâton, les hommes s’organisent en groupe et développent des outils de chasse. Les abris naturels comme les grottes ou des surplombs rocheux conditionnent leur vie en groupe aussi.
Cependant comme la chasse est aléatoire, la cueillette de fruits comestibles complète sa nourriture. En ce temps, il y a aussi la naissance de l’art. Les parois de grottes peintes nous ont livré un art où je distingue des similitudes troublantes entre des statues d’un Giacometti et les personnages peints de Lascaux !

Les armes et les outils sont perfectionnés.
Les premiers outils sont des galets et des rognons de silex. La pierre est ensuite travaillée avec des percuteurs. Ce sont des galets ronds, du buis ou de la corne animale. La percussion de la pierre consiste à frapper le rognon de pierre dure appelé nucléus. La finesse de l’outil dépend de la qualité de la percussion et de la finesse des éclats. La pierre taillée devient un biface, c’est-à-dire comme son nom l’indique, un objet taillé sur les deux faces.  

Sur les os humains ou d’animaux, il est possible de distinguer des traces de dépeçage. Il ne faudrait pas conclure hâtivement que le cannibalisme ait existé : il peut s’agir d’une pratique funéraire. Certains outils avaient pour but de briser les os : l’objectif était d’en extraire la moelle.
Il est intéressant de constater que les vestiges de l’homme du paléolithique soient semblables sur tout le pourtour méditerranéen. Pour le néolithique, il n’en ira pas de même.
Ils nous restent des pointes, des racloirs, des couteaux sommaires et des raclettes. L’analyse des crânes permet de dire que les hommes de plus de 35 - 40 ans sont rares. La mortalité infantile est très forte. Les restes de mandibules de rongeurs en grand nombre permettent de dire que ces rongeurs étaient à la base de leur nourriture.

En France, on constate que le travail de l’os et de bois de cervidés servent à la réalisation d’outils complexes : sagaies, aiguilles, harpons. Les burins, grattoirs et perçoirs se multiplient. La pêche prend son essor.

La peinture rupestre, pensez aux grottes de Lascaux et Chauvet, témoigne qu’il y a une mythologie à cette époque. Il y a une cosmologie et nous pouvons constater que l’homme prend conscience de la nature qui est tantôt une alliée, tantôt une ennemie. Le sacré se développe sur la reconnaissance de deux principes de vie : la semence et la fécondité ; c’est pourquoi les principes mâle et femelle sont honorés de différentes façons (sculptures, objets, dessins mais, ce qui est trop souvent négligé dans les recherches, aussi des aspects du paysage – un rocher, une falaise, un pic, un découpage rocheux particulier - pouvaient avoir des lectures qui nous restent encore dans la toponymie !).

Entre 40 000 et 10 000 av. Jésus-Christ, le climat se refroidit. Nous avons un climat glaciaire. Cette mutation climatique entraîne la disparition de certains animaux. Les ensevelissements se font avec des bijoux, des outils et de la nourriture. C’est la preuve qu’il existe une croyance à la survie du mort dans un au-delà. Voilà qui est fascinant : la spiritualité se développe.

Le néolithique

En 10 000 av. J.-C., nous sommes dans le mésolithique et nous vivons ici un réchauffement climatique qui se produira jusqu’en 5 500 av. J.-C. Les animaux des pays froids migrent vers le Nord. Le renne, le cheval et l’éléphant sont remplacés par le cerf, le sanglier et le lynx. D’un pays de steppe, nous avons les paysages qui se modifient : les feuillus font leur apparition avec les chênes pubescents.

Cette période a été étudiée surtout à partir de 1869 en France. Juste avant le néolithique, les spécialistes parlent du mésolithique c’est une période charnière entre le paléolithique et le néolithique : la pierre polie n’existe pas encore et la poterie n’est pas encore présente.
Sur cet espace temps, il ne faut pas se formaliser avec les dates pouvant varier de quelques centaines d’années car les groupes humains connaissent des évolutions plus lentes ou plus rapides selon les lieux. Les stades culturels ne sont plus uniformes sur le pourtour méditerranéen : il s’agit de bien s’en souvenir. Il y a des zones d’influence. C’est ce que nous apprend l’histoire comparative des pays méditerranéens.

Le néolithique commence pour certains uniquement vers 5 500 à 4 500 avant Jésus-Christ jusqu’à l’âge du bronze, c’est-à-dire vers 1 900 à 1 800 avant Jésus-Christ.

Et c’est au néolithique que commence l’histoire connue de Saint-Gervais.

30200 St. Gervais : Ossuaire néolithique (ill. A. Schülé)

Le néolithique est le temps où le nomadisme connaît un recul. La vie sédentaire débute. Les populations se regroupent en communauté. Les raisons principales de cette vie en communauté sont l’agriculture et l’élevage. Il se crée une nouvelle forme de solidarité.
Le néolithique a commencé dans les terres du Proche-Orient. Et il a fallu attendre près de deux mille ans pour qu’il s’étende à tout le pourtour méditerranéen. Ce qui est propre à l’art de vie du néolithique a remonté les cours d’eau se jetant dans la mer. Cette culture est méditerranéenne.

Les poteries imprimées nous donnent le tracé de la progression du néolithique qui a eu lieu de 6000 à 5000 avant Jésus-Christ : du Proche-Orient, nous arrivons à la Dalmatie, au Sud-est italien, Toscane, Ligurie, Provence, Languedoc, Catalogne, Pays valencien, Sud-est ibérique, Portugal, Oranais, Nord du Maroc. Le néolithique a remonté le Rhône pour aller jusqu’au Rhin et ensuite au Danube. Du Danube, il y a tout un mouvement migratoire vers l’Ouest et jusqu’au Sud dont nous retrouvons les traces à Saint-Gervais.
Les hommes du Proche-Orient ont été des colons engageant ce que nous pourrions appeler la « première conquête de l’Ouest » ! C’est ainsi qu’ils ont diffusé leurs techniques. Il y avait des populations autochtones avant leur venue mais elles ont adopté les pratiques des émigrants. Il y a eu de la navigation sur la Méditerranée 8000 ans avant Jésus-Christ. Le peuplement d’îles comme Malte, la Sicile, la Crète, la Sardaigne et la Corse (de l’obsidienne sarde était exportée en Corse) en témoigne.
De nos jours, nous n’imaginons que difficilement la mobilité de ces groupes humains : ce qui a faussé plus d’une analyse historique.

Les habitants quittent les grottes et les abris naturels pour constituer des habitats nouveaux. Empierrements au sol et toits de branchages forment la maison qui réunit 10 à 12 personnes au commencement. A Coste-Rigaude, nous pouvons distinguer ces empierrements, de taille identique, en plusieurs endroits. Il était possible jusque dans les années 1990 de localiser assez précisément les huttes occupées par les néolithiques.

Le travail du bois nécessitent de nouveaux outils : ciseaux, gouges et tranchets sont crées. Les haches polies laissent leurs marques non seulement sur des pieux, des pirogues mais encore sur des crânes voire des ossements. La hache polie est employée pour des œuvres pacifiques mais aussi pour la guerre.
Les outils sont plus élaborés. Les archéologues ont trié tous les outils produits en fonction de différents critères : la nature de la pierre, la forme et la taille, la coupe, le degré de technicité atteint. De gros blocs de grès sont des polissoirs et servent à achever le poli des haches ou d’autres instruments comme les racloirs.
L’homme du néolithique élève des constructions où prédomine le bois qui est utilisé pour établir des planchers, des murs, des poutres, des fermetures, des bancs et des lits. Le bois sert aussi la fabrication d’objets courants : cuillers, plats, battoirs, jougs et pièges. Le bois est travaillé pour établir les premiers bateaux, les arcs et des emmanchures diverses. Le silex est très utilisé car la qualité de son tranchant vaut les meilleurs métaux qui seront produits bien après le néolithique.

Dans les zones lacustres, l’homme du paléolithique a laissé des vestiges qui sont enserrés dans la glaise. Ainsi, l’archéologue constate que les sacs, paniers corbeilles et sandales sont de cette époque. Les rameaux de saule, d’osier, d’orme ou de coudrier sont travaillés. Les liens d’écorce sont courants.

Le passage à l’âge du bronze en 1 900 av. J.-C. est avant tout une évolution technologique mais il n’y a vraisemblablement pas eu une mutation des mœurs aussi importante que celle qui a eu lieu entre le paléolithique et le néolithique. Les pierres du néolithique ont été utilisées à l’âge du bronze en même temps que de petites armes ou objets en cuivre et que la création de bijoux d’or et d’argent comme de plomb.

Le néolithique est aussi le temps de la naissance de l’Europe et nous le devons au Proche–Orient : c’est véritablement le Proche-Orient qui a permis d’être ce temps fort de la révolution, la seule vraie révolution d’ailleurs, celle sociale de l’homme européen. En effet, les secrets de l’agriculture proviennent du Proche-Orient. Ils nous apportent des semences sélectionnées et il y a un décalage de deux mille ans entre une technique connue à l’origine par exemple dans le Nord de l’Irak pour être appliquée ici en Languedoc, en passant par la Grèce et les Balkans.

La production d’armes de chasse comme javelots, flèches et poignards se développent. Pour amortir les chocs, certaines armes sont munies de manche de bois. Des lanières d’écorce et de cuir permettent des attaches sur un support en bois. La première évolution favorable à l’homme du néolithique est la domestication des animaux. Ainsi, l’homme se libère des incertitudes de la chasse pour se créer un réservoir alimentaire qu’est son troupeau Les premiers animaux domestiqués sont le chien, la chèvre et le mouton.
La chèvre semble être la première domestiquée. Il y a différentes espèces. Certaines sont d’origine locale et d’autres proviennent de pays plus lointains. Il y a eu des transferts de sélection d’une région à l’autre.

En Europe, il n’a pas été trouvé un ancêtre sauvage au mouton domestiqué. Il faut en conclure que le mouton est originaire d’un pays extérieur à l’Europe. Une chose est sûre : en Méditerranée, le mouton est présent 6 000 ans avant Jésus-Christ.
Plus tardivement, nous avons des bœufs et des porcs. Ils ne sont pas de la taille de ceux de nos jours : certains musées d’histoire naturelle nous en proposent des reconstituions, ils nous paraissent chétifs.
Il y a plusieurs espèces de bœufs qui sont les fruits de sélection locale. Le bœuf est petit, trapu avec des cornes et des membres courts. Il ressemble le plus à une race qui existe encore dans le Maghreb, la race brune de l’Atlas. Le volume de viande d’un bœuf reste supérieur au mouton.
Au début, on ne parle pas de porcs mais de suidés. Il est difficile de distinguer avec les restes osseux un sanglier d’un cochon ! Ils sont de petite taille.
Après la domestication, l’homme effectuera la sélection pour favoriser un troupeau répondant le mieux à ses besoins. Cette activité de sélection, fruit de l’observation, s’effectue dans la longue durée. Le cheval n’arrivera qu’en dernier dans la nouvelle chaîne alimentaire, en 3 000 avant Jésus-Christ.
Une dent d’équidé a été trouvée dans l’ossuaire. Pourquoi dit-on équidé et non cheval ? Nous ne savons pas si le détenteur de la dent était plus un cheval ou plus un âne. Au début, c’est sa viande qui intéresse l’homme. Il faudra attendre l’âge du bronze (2 000 ans av. J.-C.) pour que le cheval ou du moins ce qui le représente serve aux travaux agricoles. C’est à l’âge du fer (1 000 av. J.-C.) qu’il servira de monture.
Ces animaux constituent le deux tiers du régime carné de l’homme du néolithique. Le tiers restant provient encore de la chasse au cerf, chevreuil, sanglier, castor, lapin et lièvre. L’analyse des ossements abandonnés autour des feux permet d’être aussi précis sur les menus de ce temps.
Leurs peaux sont utilisées. Nous le savons non par les rares peaux qu’on trouve à proximité des zones lacustres mais par les outils comme les racloirs ou grattoirs, en grand nombre, qui témoignent de cette activité.

La domestication permet un complément alimentaire important : le lait. De nombreuses faisselles découvertes au début du néolithique attestent qu’il y avait la maîtrise de la fabrication du fromage. Il était produit à partir du lait de chèvre, de brebis et de vache. Lorsqu’on parle de faisselles, il faut penser au développement de la céramique.

Les principales cueillettes de fruit proviennent de la nature qui offre ces produits et ne sont pas encore les résultats d’une production recherchée. Glands, noisettes, prunelles, châtaignes, noix, olives, mûres, framboises et airelles sont les fruits saisonniers qui alimentent nos premiers habitants saint-gervaisiens. Les fruits appréciés de nos communautés du néolithique sont la pomme, la prune et la poire n’arriveront que beaucoup plus tard. Comme légumes, la carotte, le chou et l’ansérine[1] sont produits. De l’Orient ou de l’Afrique arriveront vers la fin du néolithique les fèves, les pois et les lentilles. Une question préoccupe les spécialistes est de savoir si les lentilles ont été mises en culture avec des plantes provenant d’ailleurs ou avec des plantes sauvages d’un lieu et sélectionnées pour leur production.  

La culture des céréales est après la domestication des animaux une nouvelle évolution considérable. L’épeautre est la première céréale connue. Ensuite, nous avons l’orge et le blé sauvages. Le panic et le millet viennent encore plus tard. La conservation des grains devient une pratique usuelle pour survivre lors des temps de pénurie alimentaire. La culture des céréales provient du Proche-Orient, une nouvelle fois, car c’est là-bas que les archéologues ont pu mettre en évidence les traces d’un long apprentissage et d’une sélection des plants donc des semences. Ces traces n’existent pas en France. Ce constat est révélateur car cela signifie que les techniques de culture des céréales ont été apportées par des immigrants déjà initiés. Il y a un temps long entre la naissance de cette technique au Proche-orient et sa longue propagation jusqu’à la France et l’Espagne.
Les travaux des champs créeront les besoins d’outils nouveaux comme l’herminette, le pic, la scie, la faucille (la première faucille est constituée d’un  manche en bois, légèrement arqué, dans lequel sont incisés de petits silex tranchants mis l’un à la suite). La transformation des céréales en farine nécessitent aussi des outils : des meules, des molettes en grès se perfectionnent. Le rouleau à pâte fait son apparition.

De nombreux objets en os ou en bois sont produits pour répondre à de nouveaux besoins.
Étoffes et cordes existent. Des écheveaux en bois ainsi que quenouilles et fusaïoles existent dès cette période. Les tissages des premières étoffes sont faits avec des fibres d’ortie et de chanvre. Le lin ne sera travaillé que plus trad. Chacun pense à la laine mais il y a peu de trace qui permette d’en être sûr pour nos néolithiques.
Les cornes animales sont transformées en manches d’outil.
La taille des outils peut atteindre une finesse qui surprend. Les os de mouton chevreuil cerf deviennent ciseaux, poinçons et aiguilles. Les os deviennent aussi spatules, lissoirs et n’oublions pas la beauté de ces dames comme la marque de puissance des messieurs : peignes et perles.

Le travail du potier prend un essor considérable au néolithique. La poterie débute mais il faut savoir que les premiers récipients ne supportaient pas le feu d’une cuisson : les liquides qu’ils contenaient étaient réchauffés par une pierre chaude qu’on plaçait à l’intérieur du récipient. La technique de cuisson et la composition des pâtes s’affinent. La poterie devient plus résistante et elle supporte le feu. Son emploi ne cesse pas d’augmenter. Le potier produit des marmites, des bouteilles, des gobelets, des assiettes, des cuillers, des biberons et des pipes comme des vases à grain. Pour les enfants, des jouets en argile se créent. Des sceaux sont fabriqués en argile pour à effectuer des tatouages corporels.
La poterie est spécialement étudiée par les archéologues car son intérêt archéologique est certain comme marqueur chronologique et culturel.

Au début du néolithique, les sépultures sont rares. Il y a plutôt des tombes isolées. Le corps est replié dans la fosse. Des galeries naturelles servent de nécropole. Ensuite, il y aura de véritable nécropole avec des tombes collectives.

Ainsi, après vous avoir présenté brièvement les grandes révolutions du néolithique, il convient de s’intéresser plus particulièrement à Saint-Gervais et de revenir à Coste-Rigaude.

Les ossuaires saint-gervaisiens

A vol d’oiseau du centre du village actuel, Coste Rigaude est à peu près à 1 500 mètres du village. Les ossuaires[2] se trouvent au-dessus d’une petite barre rocheuse.

Dans la zone des ossuaires, sur le sol nous distinguons de nos jours des pierres plates disposées en rectangle : vous avez, là, les emplacements des cabanes. Le premier village se trouvait donc là-haut. Par endroit, il y a des amas de pierrailles : ce sont des surélévations de pierres qui indiquent les vestiges d’une enceinte. Dans la zone peuvent se trouver encore des silex. Pour bien faire, il s’agirait actuellement de relever toutes les traces des vestiges encore visibles mais perdus dans ce bois pour effectuer le plan du village néolithique de Saint-Gervais avec ses nécropoles.

Les villages se créaient à proximité des terrains à cultiver généralement et près d’une source. Au début, il y a une vie communautaire sans maison de chef et sans lieu de culte. Avec l’accroissement de la population, les maisons s’agrandissent. Des huttes de branchages et de peaux protègent de la pluie et du vent. En région méditerranéenne, il y a assez vite des constructions en pierre. Attention, les murs sont de faible hauteur et le toit est fait de végétaux. Leur abondance peut expliquer le choix de ce matériau au lieu du bois qui est privilégié dans le Nord.

L’emplacement de ce village sur une hauteur, un éperon rocheux est caractéristique du Chasséen. Le Chasséen est une période de temps qui doit son nom au camp de Chassey, en Saône et Loire. Jean Arnal l’a particulièrement étudiée. Cette culture s’étend de 4 500 à 3 500 ans av. J.-C. Nous pouvons dire qu’il y a une culture commune qui se retrouve en Suisse, en Italie du Nord et en France. Le chasséen est appelé aussi Cortaillod-Chassey-Lagozza.
Cet indice est important car cela signifie qu’il faut penser à la sécurité. Nous sommes donc en temps de guerre. A la fin du néolithique, nous assistons à la naissance de ce que nous nommerons plus tard fortins et des forteresses.

Pourquoi je parle de nécropole ? La tombe découverte par Charavel est la troisième dans le même secteur. Avant sa découverte, il y en avait deux :
·   une petite, nous n’avons aucune autre indication que son emplacement et la forme de l’excavation permet de conclure qu’il devait s’y trouver un, voire deux corps.
·    une aussi grande que la tombe de Charavel mais elle a été vidée il y a fort longtemps et il ne reste qu’une tombe vide. Il est permis de supposer qu’elle a été détruite et nous verrons pourquoi plus tard. 

Le Dr Jean Arnal a effectué un article sur « Les dolmens de Saint-Gervais-les-Bagnols (Gard) » dans le bulletin de la Société préhistorique française[3]. Il a été informé par l’abbé Pierre Béraud qui lui-même parle de la découverte Charavel dans son « Bagnols-sur-Cèze en Languedoc »[4]. Je reprends les données précises qu’ils nous fournissent et je développe leurs propos par des éléments d’informations complémentaires.

Jean-Baptiste Charavel a remarqué son dolmen en raison de pierres saillantes au-dessus du sol. Il faut penser que le tumulus d’un diamètre de 6 mètres était très délabré.
La chambre funéraire que vous avez vue était recouverte non pas d’une grande pierre comme on se l’imagine mais d’un amoncellement de pierres. Des pierres plates aujourd’hui disparues devaient servir de plafonds. On distingue en fait un petit couloir d’accès de deux à trois mètres, à l’ouest. Une pierre pouvait osciller pour assurer l’ouverture comme la fermeture de la nécropole.
La chambre sépulcrale a été construite sur un rocher. Elle a trois mètres de long, environ deux mètres de large et un mètre de profondeur. Les côtés ont été bâtis de pierres sèches, le fond est fermé par une grande dalle de 2.20 m de large, de 1.50 de haut et de 25 centimètres d’épaisseur. Le fonds est plus étroit que l’entrée et donne une forme de trapèze à l’ensemble de la chambre.

La fouille a permis de distinguer trois couches superposées, séparées par des planchers de pierres plates. C’est le lit inférieur qui est resté en bon état et qui a livré le plus de mobilier, c’est-à-dire d’objets, en bon état.

Ossements

Des crânes étaient alignés vers le muret gauche. Les strates du milieu et du dessus ont été bouleversées, il y a fort longtemps, avant la présence des Celtes dans la région !
De nombreux ossements humains ont été mis en caisses, comme on le voit sur la photographie agrandie et se trouvent actuellement dans la tombe de Baptiste Charavel. A son époque, il y a eu près de 4 000 dents découvertes. Et certaines personnes du village se souviennent d’avoir rechercher encore des dents, de nombreuses années après. 
Il est à signaler que certains tibias étaient alignés en avant des crânes, plus particulièrement dans le fonds de la chambre sépulcrale. C’est une disposition particulière qui révèle une pratique funéraire. Pour faire de la place, les ossements ont été disposés pour inhumer d’autres corps. Cela traduit un respect des corps des défunts.
Ce qui est surprenant : nous trouvons deux types de crânes ! Les dolichocéphales (la boîte crânienne est allongée), ils sont en minorité et les subbrachycéphales (le crâne est arrondi, presque aussi large que long), la majorité de ce qui a pu être observé. Cette information nous apprend que, suite à une émigration forte, certains parlaient d’invasion, des hommes à têtes rondes se sont implantés ici à St. Gervais. Le fait qu’ils soient enterrés ensemble dans cette même tombe prouverait qu’il y ait eu plutôt un contact avec assimilation (les questions d’ »intégration » ne datent pas d’aujourd’hui !). Les crânes brachycéphales sont originaires du Danube. Les dolichocéphales sont d’origine méditerranéenne. Il y a eu un mélange progressif avec prédominance des brachycéphales. Les spécialistes retiennent surtout la différence des orbites.  

Dans le Gard, plusieurs crânes ont été trouvés avec des trous soigneusement taillés dans la boîte crânienne. Les spécialistes ont pu conclure que l’os s’était reconstitué sur le pourtour de l’orifice après l’intervention. Cela signifie que la personne a survécu à la trépanation. Nous avons les preuves que les premières opérations chirurgicales avaient eu lieu déjà à cette époque ! Nous avons vu un crâne qui avait subi avec succès deux trépanations.

Pour les os de Saint-Gervais exposés dans la vitrine Charavel, il faut signaler un tibia qui est marqué spécialement. Il semblerait que la personne ait été décharnée. Il faut rester prudent et ne pas conclure hâtivement qu’il y ait du cannibalisme. Cependant, le fait est étrange.
D’autre part, il y a des cassures très franches d’os et il est permis de se demander si cela n’était pas dû à des objets contondants. Il faudrait pouvoir analyser la majorité des os découverts pour se faire une idée plus précise.

Avec ces corps, nous trouvons des ossements d’animaux et ils ont pu être identifiés comme étant de cheval, de bœuf, de chèvre et mouton. Lorsqu’on trouve des squelettes humains ensevelis dans une tombe : c’est le signe qu’il y a un culte rendu aux ancêtres, aux morts. Lorsqu’ils sont accompagnés d’ossements d’animaux : cela signifie qu’il y avait une offrande qui accompagnait le défunt dans la tombe commune.

Silex

Vous avez la panoplie complète sur une photographie. Flèche, beau silex blanc. On remarque avant tout la finesse du travail. Il y a aussi de petits grattoirs dont la finesse nous surprend. Oui, quel pouvait être leur usage ? La fabrication est très élaborée. Elle est datée du chasséen.

Objets de parure

Des os d’oiseaux et de lapins ont été travaillés et polis. De nombreuse perles de forme et de nature diverses (en os ou en stéatite, sorte de craie qu’utilisent encore les tailleurs pour marquer les tissus) ont été trouvées. 
Ces objets ne formaient pas des colliers comme on l’a cru bien souvent. Ils étaient probablement cousus sur des vêtements.
Pour nous, c’est un signe important qui indiquerait que certains corps étaient ensevelis avec leurs parures.

14 nasses et 10 cardiums (coques, mollusques acéphales) percés d’un trou de suspension ainsi que 10 pétoncles (coquillage comestible à coquille presque circulaire et striée). On y a trouvé des fragments de coquillage découpés de façon spéciale et certains ont été peints en rouge.

La présence de coquillages indique qu’il y avait des échanges avec des populations du bord de mer. C’est la trace d’un premier commerce. Il faut savoir que le commerce du sel est courant à cette époque. Il est certain qu’il y avait du commerce de fourrures et de silex. Au début, le commerce consistait à effectuer le troc de matières premières.
La métallurgie bouleverse ce principe commercial. Le cuivre et l’or nécessitent des techniques particulières. Les forgerons utilisent des techniques qui sont leurs secrets de fabrication. Les objets qu’ils produisent sont commercialisés achevés.

Objets de métal

Ces objets sont les plus récents et marquent le début de la période du bronze. Nous avons des alènes à tatouer, des aiguilles, aux têtes différentes (tête olivaire, tête roulée) comme l’agrandissement de la photographie vous permettra de le constater. M. Louis Gleize, ingénieur chimiste, à Vals-les-Bains, a conclu que certains objets étaient en cuivre. Le Dr Arnal est surpris que cela ne soit pas du bronze. Il y a encore quelque chose à éclaircir dans ce cas.

Poteries

L’abondance des poteries découvertes surprend. Les vases y ont été placés entiers. Les fractures sont dues aux violations postérieures des tombes. Le vase le plus important est une tasse hémisphérique qui ne figure pas dans la vitrine Charavel du Musée d’histoire naturelle alors que nous en trouvons le dessin dans l’article d’Arnal et sa photographie sur le cliché Perret. Il s’agit d’une poterie noire, exceptionnelle.
On y trouve divers tessons ornés de colombins à impressions digitales et disposés en résille, une petite tasse à anse.
Les restes de poterie sont caractéristiques du chasséen.
L’anse primitive est l’anse à mamelon et nous avons les vases plus récents avec des anses recourbées.
Par ces poteries, nous pouvons affirmer qu l’homme du mésolithique utilisait déjà cette tombe. Cela nous fait remonter au début du néolithique !

Pierres polies

Elles figurent sur la photographie Perret mais elles ne sont pas exposées dans la vitrine Charavel du Musée d’histoire naturelle. M. Perrier a pu me transmettre la photographie de deux haches. Ce sont des galets polis ayant servi. Ils ont été trouvés à la Moûte. Il faut savoir que les Romains, arrivant bien plus tard, recherchaient les haches polies du néolithique et leur prêtait un pouvoir spécial, prophylactique : ils les déposaient sous les fondations de leur villae. La hache bipenne a toujours été dans de nombreuses civilisations le symbole de la puissance et du courage.

Il y a eu des tentatives évidentes de destruction des mégalithes entre 1 900 et 1 800 av. J. C. Nous sommes dans la période du bronze ancien. Il y a eu dans la région de nombreuses destructions partielles mais on poursuivait tout de même des inhumations dans ces tombes ! Une nouvelle pratique funéraire prend le dessus : il y a retour à l’ensevelissement isolé. Le corps est déposé sur le côté, en position fléchie dans un petit coffre fait de dalles verticales, dalles en pierre au début et en céramique plus tard. Mais nous sommes avec ce type de tombe plus à Coste-Rigaude mais dans plaine saint-gervaisienne et cela pourrait faire l’objet d’une autre étude. C’est en 1 200 à 800 av. J.-C. que la crémation se généralise pour un certain temps alors que le retour à l’ensevelissement des corps reprendra après.

Conclusion

Les ossuaires témoignent de la fin du mégalithisme dans cette région.

Nous pouvons affirmer que cette tombe a été utilisée pendant plusieurs millénaires et jusqu’à la fin de l’âge de la pierre polie et au début de l’âge du cuivre. Pour la dernière strate, on parle de la période de l’énéolithique (de la chronologie Helena rectifiée). Cette période est encore caractérisée par la construction de chambre en pierres sèches qui peuvent être avec ou sans dalles de fond. Le cheval apparaît à St. Gervais en 3 000 av. J.-C.

Il y a une augmentation des brachycéphales ou subbrachycéphales : les bracelets sont de leur production. Les anciens constructeurs de dolmen, les dolichocéphales s’effacent progressivement. Il y a eu un mélange entre eux : était-il pacifique ? Cela semble probable car ils sont ensevelis ensemble sans distinction.

La destruction des dolmens qui est évidente et fort ancienne. Elle a été faite de façon volontaire par les hallstattiens. Il s’agit de la civilisation des champs d’urnes. Elle a favorisé la diffusion de la métallurgie. Elle pratiquait la crémation à ses débuts et, ensuite, elle est retournée à l’ensevelissement des corps.

La tasse à anse circulaire est une pièce essentielle une autre similaire a été trouvé dans la grotte des frères à 35 Km d’ici et au Musée[5] de la Société archéologique de Montpellier. Il se trouve des similitudes avec des poteries que l’on retrouve en Suisse, à Fenil (Palafitte suisse) : la poterie dite des « palafittes » ou « de Polada ». Et des poteries semblables à celles de Saint-Gervais ont été trouvées au camp de Chassey (spécialité du Dr Jean Arnal), en France, et en Ligurie, en Italie. Cette similitude dans la fabrication comme dans les formes démontre qu’il y a eu des échanges culturels déjà dans ces temps reculés. Et cela force l’admiration.

Le plus important à retenir est que nous sommes face à une pratique funéraire qui traduit une pratique religieuse. Certains morts sont habillés avec des objets précieux, mais pas tous les morts. Les poteries et les haches comme les offrandes animales qui accompagnent la dépouille nous disent tout simplement que l’homme du néolithique croyait en une vie après la mort. Ce n’est pas forcément la résurrection telle que les Juifs ou les Chrétiens ou les Musulmans la conçoivent. Mais n’oublions pas que la civilisation égyptienne bien avant le judaïsme croyait déjà à des formes de résurrection.

Ignorer les informations qu’apporte cet ossuaire serait regrettable et il y aurait encore beaucoup à écrire mais je ne veux pas allonger ce texte. Rendons hommage à des Jean-Baptiste Charavel qui méritent autre chose que l’oubli et c’est pourquoi, sans viser des ambitions électorales ou un besoin de se faire valoir, je me passionne pour ce terroir pour ce qu’il est : aimer son pays, c’est connaître son passé ; ignorer ses racines, c’est construire du sable !

Conférence revue en mars 2017 mais donnée à Saint-Gervais, novembre 2004.
Contact possible : antoine.schule@free.fr

Résumé

Charavel, Jean-Baptiste : * 27 décembre 1873 Cazernau (Moulin Privat), + 3 mai 1954,  St. Gervais. Fils de Joseph (meunier) et de Philomène Charavel. A fait ses Etudes primaires à l’école des Frères de La Roque-sur-Cèze. Après un apprentissage de menuisier chez Me Bouzigues de la rue d’Avignon à Bagnols, il s’installe à St. Gervais. Son travail est vite reconnu pour sa qualité. Son temps libre est consacré à s’instruire et à se cultiver. Il aime à rédiger des poésies.
En mai 1937, des pierres dépassant du sol à Coste-Rigaude, barre rocheuse à 1.5 Km au nord du village, attirent son attention. Une fouille est faite et il s’agit d’un ossuaire néolithique. Trois strates correspondent à trois périodes d’occupation différentes. Cet habitat (qui se retrouve dans le sud de la Suisse – Cortaillod, comme dans le nord de l’Italie, - Ligurie) est à l’origine du Chasséen (- 4 500 à - 3 500 ans av. J.-C.), ce nom est dû au camp de Chassey, en Saône et Loire. Des crânes soigneusement rangés sont dolichocéphales (boîtes crâniennes allongées) et subbrachycéphales (crânes arrondis presque aussi larges que longs, qui finalement remplaceront les dolichocéphales) : deux races se sont mélangées.
Les éléments principaux de cette fouille sont déposés au « Musée d’histoire naturelle » à Nîmes : des silex dont un grattoir et des flèches ; de nombreuses poteries qui devaient contenir des offrandes accompagnant les défunts (attestation de la croyance en une vie après la mort) ; des parures en os d’oiseaux ou de lapins comme en stéatite (sorte de craie) ou des coquillages ; des alènes à tatouer, des aiguilles (bronze et cuivre).
De nombreux ossements découverts sont déposés dans la tombe de J.-B. Ch. en l’actuel cimetière de St. Gervais.

                                                                                         Antoine Schülé

Illustrations :
Nombreuses mais mention obligatoire : Musée d’histoire naturelle de Nîmes.

Bibliographie : Pierre Béraud : Bagnols-sur-Cèze en Languedoc, de la pierre polie à l’atome désintégré. Maison Aubanel Père. 1957, p. 17-19 ; Jean Arnal : Les dolmens de Saint-Gervais-les-Bagnols, DPSF, fasc. 1, p. 93-96 ; Antoine Schülé (inédit) : Jean-Baptiste Charavel et sa découverte ; Louis Brun : Jean-Baptiste Charavel et l’ossuaire néolithique de St. Gervais.

Remerciements :
M. Gérard Gory du Musée d’histoire naturelle à Nîmes.





[1] Nom vulgaire de la plante appelée chenopodium ou pied d’oie.
[2] Coste-Rigaude - Les Perrières, section B du cadastre, parcelle no 599, propriété de la commune.
[3] BSPF, 1951, fasc. 1 p. 93 à 96.
[4] Sous-titre : De la pierre polie à l’atome désintégré. Maison Aubanel Père. 1957. p.17 à 19.
[5] Collections des frères des Ecoles chrétiennes.

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