Chemin
de Croix
en
compagnie de Maurice Zundel
Antoine
Schülé
Introduction
Pour
suivre le Chemin de Croix avec Maurice Zundel, il est nécessaire de
garder à l'esprit sa méditation sur les souffrances du Christ et
donc de Dieu au moyen des principes essentiels qui suivent :
Dieu
est le créateur du monde par son Esprit : l'Esprit Saint.
Dieu
a pris la condition d'homme en Jésus par l'Esprit Saint.
Marie,
animée de l'Esprit Saint, a été choisie pour donner la Vie au
monde en raison de son consentement Dieu : "Seigneur que Ta
volonté soit faite."
La
révélation de Jésus, donc de Dieu et de l'Esprit Saint, est que
Dieu nous aime jusqu'à mourir sur la Croix pour nous sauver : Il
atteint la suprême pauvreté en se dépouillant de son corps
physique pour nous donner son Esprit. Il prend sur Lui tous nos
péchés car le Chemin de Croix révèle tous les péchés que
l'homme peut commettre par ses divers refus de Dieu.
Dieu
pour agir et exister dans l'humanité a besoin du consentement libre
de chaque homme. Le mal se propage dans l'humanité par le choix
humain de refuser Dieu. Ainsi la mort de Dieu en l’homme est la
mort de cet homme.
Dieu
est la Vie, éternelle qui commence dès notre vie terrestre : seuls
nos actes de bien, de beau - les vrais reflets de l'Amour de Dieu -
peuvent rendre nos vies éternelles.
Pour
prendre le chemin de la Vie éternelle, l'homme doit découvrir la
Présence de Dieu en son cœur et se mettre à l'écoute de Sa Parole
: Jésus n'a pas été un philosophe nous remettant une doctrine. Sa
vie terrestre a été une démonstration de l'Amour de Dieu pour
l'humanité, pour l'homme qu'il a créé à Son image.
Nos
refus d'Amour de Dieu défigurent Dieu et, en cela, nous sommes des
pécheurs à qui Dieu offre Sa Miséricorde dans la mesure où
nous convertissons nos cœurs à Son Amour pour en devenir de vivants
reflets dans nos vies.
Face
à chacune des 14 stations de Croix, plusieurs lectures sont
possibles et s'interpénètrent : Dieu refusé en Jésus, Son
incarnation (l'homme qui refuse Dieu pour divers motifs) ;
quatre situations à méditer : Marie, Véronique, Simon de
Cyrène et les femmes intuitives qui pleurent sur les tourments qui
Lui sont infligés; Dieu qui nous accompagne dans nos souffrances en
ayant subi les plus grands outrages que l'homme puisse subir alors
qu'Il était, est et sera l'Amour même.
Écoutons
maintenant Maurice Zundel en deux extraits :
"Notre
Seigneur n'est pas mort de ses blessures physiques, encore qu'elles
fussent horribles,
il
n'est pas mort de la soif,
il
n'est pas mort d'être pendu au bois,
il
n'est pas mort de la couronne d'épines,
il
n'est pas mort des outrages et des injures.
Il
est mort de cet enfer
de
se sentir coupable et de se sentir innocent,
d'être
à la fois repoussé par les hommes parce que Fils de Dieu,
repoussé
comme ils repoussent Dieu,
blessé
de toutes ces blessures d'amour qui crucifient Dieu dans son amour,
et
en même temps indigne de Dieu1
et rejeté par Lui comme le grand coupable qui totalise toutes les
fautes de l'Histoire.
Et
c'est dans cette coexistence, dans son âme,
de
cette innocence suprême et de cette culpabilité infernale
qu'Il
est mort, d'une mort intérieure, d'une mort spirituelle,
qui
faisait de Lui l'Agneau de Dieu qui porte le péché du monde.
C'est
par là que son Agonie a été unique, unique...
C'est
par là que sa souffrance a atteint un degré infini que nous ne
pourrons jamais comprendre jusqu'à l'épuiser."2
et
Zundel nous invite à découvrir la Passion dans cet esprit :
"...
nous allons accompagner le Seigneur au Jardin de son Agonie,
nous
allons silencieusement nous plonger dans Sa nuit,
nous
allons L'accompagner jusqu'au désespoir de "Mon Dieu, mon Dieu,
pourquoi m'as-Tu abandonné?"
non
pour perpétuer sa Passion,
mais,
pour selon la petite mesure de notre amour,
Le
détacher de la Croix
afin
qu'Il soit aussi en nous le Dieu vivant et ressuscité et
que
nous puissions porter au monde Sa Vie
en
chantant avec François le Cantique du Soleil."3
A
la différence des Apôtres qui doutent au moment de la Passion, nous
savons que le Christ est ressuscité et qu'Il vit dans la mesure où
nous Le laissons vivre en nous, dans notre quotidien. Notre chemin de
Croix conduit à la joie : souffrances terrestres, Joie
éternelle.
Gardons
dans nos cœurs trois paroles d’Évangile :
"Il
fallait que le Christ souffrît pour entrer dans sa gloire."
Luc 24,26
"Quand
je serai élevé de terre, j'attirerai tout à moi." Jean
12,32
"Si
quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se
renonce, qu'il prenne sa croix chaque jour et qu'il me suive."
Luc 9,23
Accomplir
la volonté de Dieu, non celle des hommes
Marie
répond à la Parole de Dieu apportée par l’ange (angelos
en grec signifie messager) Gabriel (signifiant en hébreu
force de Dieu):
« Je
suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi comme tu
l’as dit! ». Luc 1,38
Jésus
:
"Père,
que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne."
Luc 22,42
Présence
de Marie
Nous
associons Marie dans le Chemin de Croix car, contrairement à
d’autres proches de Jésus, mis à part Jean :
« Près
de la croix de Jésus se tenaient debout sa mère, la sœur de sa
mère, Marie, femme de Clopas et Marie de Magdala. » Jean
19,25
Amour
oblatif
La
totale dépossession de soi est vécue par le Christ :
« Nul
n’a de plus grand amour que celui qui se dessaisit de sa vie pour
ceux qu’il aime. » Jean 15,13
Que
d’exigence en cette Parole pour celle ou celui qui croit !
Qu’est
ce que le temps de carême ?
« …
il s’agit d’épargner cette vie divine que nous portons en nous !
De la protéger contre nous-mêmes ! d’en témoigner en la
laissant transparaître pour que les autres puissent la respirer. »4
Début
du chemin de croix
(par
un signe de croix)
Prière
d’ouverture
Implorons
la miséricorde de Dieu pour les pécheurs que nous sommes, pour les
victimes d’injustice, pour les âmes sacrifiées par la cruauté
des hommes, pour les hommes martyrs de la Foi, pour les malades de
l’âme et du corps, pour les mourants et pour nos défunts.
Que
la voie douloureuse du Calvaire, subie par Jésus et vécue par
Marie, ouvre nos cœurs à la compassion et à l’Amour de Dieu.
R/
Amen.
Première
station5
Jésus
est condamné à mort
Nous
T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/
Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.
Jean
19, 4-7
Pilate
étant sorti à nouveau dit aux Juifs : « Voyez,
je vais vous l’amener dehors : vous devez savoir que je ne
trouve aucun motif d’accusation contre lui. ».
Jésus vint alors à l’extérieur ; il portait la couronne
d’épines et le manteau de pourpre. Pilate leur dit :
« Voici
l’homme ! ».
Mais dès que les grands prêtres et leurs gens le virent , ils se
mirent à crier : « Crucifie-le !
Crucifie-le ! ».
Pilate leur dit : « Prenez-le
vous-mêmes et crucifiez-le car, pour moi, je ne trouve pas de
motif d’accusation contre lui. ».
Les Juifs lui répliquèrent : « Nous
avons une loi, et selon cette loi il doit mourir, parce qu’il
s’est fait Fils de Dieu. ».
|
Qui
sont les intervenants dans cette tragédie qui se prépare ? Un
innocent (la victime), une autorité judiciaire (loi civile), une
autorité morale (loi religieuse), une opinion publique (manipulée).
Le Christ est victime de son peuple et de ses grands prêtres avec
l’impuissance d’une justice civile, se mettant aux ordres d’une
opinion publique, manipulée par ceux-ci. L’idéologie est plus
forte
que le discernement de la
vérité par l’esprit.
Combien
d’injustices avec la force d’une loi ont pu se commettre ?
Combien d’erreurs de jugement ont frappé des innocents ?
Combien de préjugés ont prévalu sur de sereines analyses ?
Quels sont les media qui agissent comme les grands prêtres de notre
temps ? Est-ce que l’opinion publique veut la vérité ?
Combien de Pilate de nos jours s’inclinent non devant la Justice
mais devant les intérêts de leur carrière, de
leur clan ou de leur
croyance ?
Prions
pour celles et ceux qui ont connu les souffrances de
médisance, de calomnie, d’erreur judiciaire, de mérite non
reconnu et de mépris.
Prions
pour nos erreurs volontaires ou involontaires de jugement. Ouvrons
nos cœurs pour trouver moyen de les réparer.
La
souffrance de Jésus est le refus de cet Amour qu’il a donné. Nous
tuons Dieu lorsque nous refusons Sa Présence dans notre cœur. Dieu
ne s’impose pas à nous de façon autoritaire comme un
Dieu-Pharaon : il est dans l’attente de notre consentement.
Seul notre libre consentement permet de le décrucifier. La vraie
communion universelle donc catholique, est l’adhésion du cœur de
chacune et de chacun au
cœur du Christ pour former un seul corps.
Deuxième
station
Jésus
est chargé de sa croix
Nous
T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/
Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.
Jean
19, 14-17
C’était
le jour de la Préparation de la Pâque, vers la sixième heure.
Pilate dit aux Juifs : « Voici votre roi ! ».
Mais ils se mirent à crier : « A mort ! A
mort ! Crucifie-le ! ». Pilate reprit :
« Me faut-il crucifier votre roi ? »; les
grands prêtres répondirent : « Nous n’avons pas
d’autre roi que César. ». C’est alors qu’il le
leur livra pour être crucifié. Ils se saisirent donc de Jésus.
Portant lui-même sa croix, Jésus sortit et gagna le lieu dit du
crâne, qu’en hébreu on nomme Golgotha.
|
Prendre
sa croix à la suite de Jésus, c’est se déposséder de tout ce
qui fait la grandeur de ce monde : les divers signes de
puissance et de richesse. Dieu incarné ne se révolte pas face à la
plus grande humiliation que puissent infliger les hommes de son
temps. Toutefois, Il ne perd rien de sa grandeur : il marche
vers la mort corporelle car Il lave de son sang les péchés de tous
les hommes qui reconnaissent l’Amour de Dieu.
Donner
sa vie pour les autres, c’est accepter de se dépouiller
complètement afin d’être, pour nos sœurs et nos frères, des
gestes d’Amour de Dieu sur terre. Tout homme a reçu des dons,
divers d’une personne à l’autre : il s’agit de les
reconnaître et de les mettre au service des autres et non uniquement
à son propre service.
Chaque
jour, sans que nous le sachions, des hommes portent des croix et
allègent les souffrances des autres. Ils sont souvent ignorés ou
humiliés mais ils ont la force de continuer malgré les critiques,
malgré les opprobres. Quel geste pouvons-nous faire pour adopter
dans nos actes l’exemple de Jésus ?
Serions-nous
prêts à accepter de mourir pour notre Foi ?
Serions-
nous prêts à sacrifier nos superflus pour aider autrui ?
Il
est différentes façons de se donner : la mère au foyer ;
le père qui travaille pour nourrir sa famille ; toute personne
qui travaille pas uniquement pour un salaire mais pour accomplir avec
amour ce qu’il fait. Prions pour tous les bénévoles qui font dons
de leurs compétences au service de Dieu, de la vérité.
C’est
ainsi faire resplendir la lumière intérieure de Dieu (qui éclaire
nos cœurs) dans nos actes. Ceci est à la portée de chacun :
il suffit de le vouloir pour commencer et de persévérer pour
réussir toujours mieux. Penser ne suffit pas, il faut aussi agir.
Troisième
station
Jésus
tombe sous le poids de la croix
Nous
T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/
Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.
Matthieu
11, 28-29
Parole du Christ
« Venez
à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je
vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à
mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez
le repos de vos âmes. »
|
La
croix de Jésus de nos jours est constituée de tous nos péchés.
Jésus se relève pour nous montrer la force qui Lui permet d’avancer
malgré tout afin de nous sauver.
Toute
souffrance d’Amour de Dieu pour les hommes provient de notre refus
de son Amour et donc d’amour pour les autres.
Ainsi,
la vie de Dieu a été remise entre nos mains. Pour transparaître
sur le terre, Dieu a besoin de l’homme pour se faire entendre.
Voici toute notre responsabilité : elle est grande.
Saurons-nous l’assumer ?
Saurons-nous
nous relever lorsque le fardeau sera trop lourd ?
Aurons-nous
cette confiance inébranlable en Dieu qui nous permettra de continuer
malgré tous les obstacles, toutes les critiques, tous les rejets ?
Assumer
c’est se relever, fort de notre confiance en Dieu, fort de Sa
Présence en nos cœurs, fort de son exemple : Dieu n’est pas
une théorie, n’est pas une philosophie. Il transparaît dans des
actes, dans l’agir, préparés dans le silence et la prière.
Vivre
le temps de la Passion : Laisser passer Dieu en nous, nous
communiquer sa lumière et alors laisser Dieu donner aux autres, dans
notre sollicitude humaine, la Présence adorable de l’Éternel
Amour.
Paul,
Seconde lettre à Timothée (2 Tm 2,3 :
« Avec
la force de Dieu, prends ta part de souffrances dans l’annonce de
l’Evangile. ». Annoncer c’est d’abord vivre
l’Evangile ! Annoncer, ce n’est pas seulement penser et
parler (certains ne se limitent qu’à cela!), c’est laisser
transparaître dans ses actes de vie la Présence de Dieu.
Se
donner aux autres jusqu’à épuiser ses dernières forces !
Quatrième
station
Jésus
rencontre Marie sa mère
Nous
T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/
Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.
Luc
2, 34-35 Syméon
s’adresse à Marie et Joseph lors de la présentation de Jésus
au Temple
Syméon
les bénit et dit à Marie, sa mère : « Vois !
Cet enfant doit amener la chute et le relèvement d’un grand
nombre en Israël ; il doit être un signe en butte à la
contradiction, - et toi-même, une épée te transpercera l’âme !
- afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs. »
|
Quelle
plus grande souffrance pour une mère que de voir son fils innocent
conduit au supplice, humilié et victime de ceux qu’Il voulait
sauver ! Son cœur de mère est saigné par le chemin de Croix
de son Fils. Elle avait accepté de Lui donner une maternité, en
servante de Dieu. Elle doit accepter les souffrances des blessures
et de la mort de cette chair issue de sa chair.
Pensons
à toutes les douleurs des femmes ayant donné la vie sans en
connaître les joies : enfants morts-nés ou malades ou
handicapés, enfants rejetant leurs parents, impuissance de les
nourrir ou de les élever, enfants devenus criminels, enfant
suicidés, enfants morts tragiquement, parricides, enfants morts dans
un accident, enfants disparus …
Marie
ne parle pas : elle échange un regard avec Son Fils. Tout se
dit et se dialogue en deux regards qui se croisent. L’amour n’a
pas besoin de mots en une telle circonstance. Jésus accepte la mort
car Il aime les hommes et prend avec Sa Croix tous nos péchés,
toutes nos fautes. Jésus aime plus l’humanité que Sa vie, que Sa
mère ! Y a-t-il plus grand amour pour l’homme ?
La
croix exprime cette compassion maternelle de Dieu pour les hommes.
Et
nous comprenons mieux Maurice Zundel quand il déclare : « Et
nous verrons dans la Croix un appel à l’amour d’autant plus
ardent qu’il est plus pur, qu’il est plus désintéressé, qu’il
est plus maternel car, dès qu’on retrouve ce Visage d’amour, dès
qu’on retrouve en Dieu ce Visage de mère, dès qu’on voit dans
la Croix cette compassion qui s’identifie avec nous, comment
résister à l’appel d’une tendresse si proche, si intime, si
passionnée, si diaphane, si brûlante ?
C’est
donc avec bonheur que nous voulons saluer la Croix comme notre unique
espérance, en regardant dans sa lumière, en contemplant, le Visage
Adorable de l’Éternel Amour, ce Visage infiniment maternel de
tendresse, qui ne cesse nous appeler au plus intime de nous. »6
Percevoir
ceci, c’est déjà naître à Dieu et refuser de transpercer
une nouvelle fois le cœur de Marie !
Cinquième
station
Jésus
est aidé par Simon de Cyrène
Nous
T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/
Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.
Luc
23, 26
Comme
ils l’emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène qui
venait de la campagne, et ils le chargèrent de la croix pour la
porter derrière Jésus.
|
Les
soldats désignent un homme, Simon de Cyrène, dans la foule présente
sur le passage du Christ, pour L’aider à porter sa Croix. Simon
n’est ni un disciple, ni un proche de Jésus et, cependant, il
devient un collaborateur du Christ, malgré lui. Il a bien objecté
qu’il ne voulait pas partager l’humiliation du port de la croix
mais il a reçu l’ordre et c’est ainsi qu’il découvre le
Christ, non en se mettant au service d’un roi terrestre d’Israël
tant attendu, mais en partageant l’infamie de la croix d’un homme
qu’il ne connaissait vraisemblablement pas. Cette station est donc
d’une signification bien particulière.
En
un instant non choisi, non attendu, Simon doit partager le poids de
la croix, à la demande d’une tierce personne (soldat) pour une
personne (Jésus) qu’il ne connaît pas. Un acte de bonté et de
charité peut survenir ainsi. Or Jésus sait la réticence de Simon,
qui augmente sa douleur qu’est le rejet qu’il subit de façon si
éclatante mais, qui allège cependant la charge de la croix. Nous
sommes face à un acte d’amour contraint qui a un effet limité :
le but voulu par le soldats est que le Christ ne meurt pas avant
d’être crucifié en un lieu précis.
Aussi
cette station nous appelle à faire mieux que Simon de Cyrène :
nous connaissons le Christ, nous L’aimons, nous voulons donc
partager le poids de la Croix. Nous voulons être des volontaires du
Christ dans ce monde où Dieu est crucifié quotidiennement non
seulement par des mensonges, des massacres, des iniquités mais
encore par tous ces péchés qui sont autant de blessures faites au
Corps de Dieu, son Église.
Le
Christ demande notre libre consentement à son œuvre d’amour.
Certains arrivent involontairement à la rencontre de Dieu, d’autres
volontairement.
Les
disciples du Christ peuvent faire encore plus que Simon de Cyrène en
écoutant cette parole de l’apôtre Jean (87,
31) : « Si vous demeurez dans ma parole, vous serez
vraiment mes disciples, vous connaîtrez alors la vérité et la
vérité vous fera libres. »
Sixième
station
Une
femme pieuse essuie le visage du Christ
Nous
T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/
Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.
Isaïe
53, 2-3
Il
n’était ni beau, ni brillant pour attirer nos regards, son
extérieur n’avait rien pour plaire. Il était méprisé,
abandonné de tous, homme de douleurs, familier de la souffrance,
semblable au lépreux dont on se détourne, et nous l’avons
méprisé, compté pour rien.
|
Librement
et volontairement, une femme, Véronique, essuie le visage torturé
par la douleur : acte de charité, acte de compassion. Elle se
dégage de la foule, des soldats pour agir avec un geste : ses
deux mains parlent plus que tout long discours.
Le
Christ a ainsi connu un geste d’amour sur Son chemin de Croix. A
l’exemple de Véronique, regardons dans nos vies comment nous
pouvons refléter l’amour de Dieu dans un geste, une main à
tendre, des pleurs à partager, des larmes à essuyer, des chagrins à
soulager, une dignité à redonner au corps de l’autre, cet autre
qui est peut-être ce Christ souffrant qui frappe à notre cœur.
Saurons-nous Lui répondre dans cet être de chair que nous voyons
défiguré par la maladie, par les tourments de l’âme ?
Nos
comportements peuvent défigurer Dieu car nos actes doivent être les
reflets de Sa Présence en nos cœurs. Dieu a besoin de l’homme
pour se faire connaître à l’homme. C’est pourquoi il a choisi
librement de prendre la condition humaine dans le Christ. Il donne
ainsi toute la mesure de Son amour pour l’homme : cet Amour Le
conduit à accepter la mort physique sur une croix.
Notre
vie dans le Christ devrait être le reflet de Son visage pour les
autres. Il nous appartient de faire resplendir le visage du Christ !
Il s’agit d’effacer notre « moi possessif »
pour s’offrir aux autres. C’est commencer ainsi une
transfiguration, à la mesure humaine.
Prenons
conscience que nous pouvons obscurcir le visage du Christ ou limiter
le rayonnement de Son amour. Notre vie est appelée à être un
évangile pour les autres : quelle mission ! Quelle
responsabilité ! Seul Dieu pour nous amener chaque jour à y
parvenir, malgré nos chutes, nos fautes, nos faiblesses. Comment
peux-tu être la voix et l’image de l’amour de Dieu dans ce
monde ? Les Saintes et les Saints sont des modèles non
seulement à méditer mais encore à suivre. Dieu ne peut agir en ce
monde qu’à travers l’homme.
Septième
station
Jésus
tombe pour la deuxième fois
Nous
T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/
Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.
Jean
12, 24-26
Parole de Jésus
En
vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui
tombe en terre ne meurt pas, il reste seul ; si au contraire,
il meurt, il porte du fruit en abondance. Celui qui aime sa vie la
perd, et celui qui cesse de s’y attacher en ce monde la gardera
pour la vie éternelle. Si quelqu’un veut me servir qu’il se
mette à ma suite, et là où je suis, là aussi sera mon
serviteur. Si quelqu’un me sert, le Père l’honorera.
|
Jean
avait déjà dit dans son Évangile (3,19) : « La
lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les
ténèbres que la lumière. ». Dieu tombe pour le seconde
fois en raison de tous nos refus qui forment sa croix. Malgré cela,
Il se relève car Il veut dans tous Ses derniers gestes d’amour
laisser Dieu nous communiquer sa lumière. A l’exemple du Christ
souffrant, et malgré ses souffrances, Il veut nous démonter
que notre sollicitude humaine peut être le témoignage de la
Présence adorable de l’Éternel Amour8.
Dieu
vivant pour l’homme jusqu’à laisser les hommes Le clouer sur une
croix. C’est plus qu’un grain de blé !
« Le
Christ au milieu de l’histoire, le Christ qui meurt, c’est Dieu
qui meurt au milieu des hommes, ce n’est pas un Dieu étranger,
c’est Quelqu’un qui porte l’humanité, qui cherche justement
au-dedans de chacun de nous, à édifier ce sanctuaire qui est la
seule cathédrale digne de Lui. »9
Serons-nous
les fruits abondants de ce grain de blé ?
Nous
chutons, nous nous relevons et Jésus a fait mieux encore :
ayant le poids des fautes de l’humanité, Il se relève pour nous
communiquer toute la valeur qu’Il accorde à l’homme qu’Il veut
sauver.
La
calomnie, la médisance, la haine, l’envie, l’orgueil peuvent
nous écraser mais cela n’est rien en comparaison de ce que le
Christ a souffert pour nous. Il nous faut nous relever et poursuivre
notre mission terrestre car Dieu nous a donné des dons pour que nous
ayons les forces d’assumer celle-ci. Être une vie d’Évangile.
Huitième
station
Jésus
console les filles d’Israël
Nous
T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/
Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.
Luc
23, 27-28
Jésus poursuit son chemin
de Croix
Il
était suivi d’une grande multitude du peuple, entre autres de
femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur lui.
Jésus se tourna vers elles et leur dit : « Filles
de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes
et sur vos enfants. »
|
Incroyable
station ! Nous avons perçu toutes les souffrances du Christ et
Il trouve encore la force pour entendre les âmes qui se plaignent à
travers des voix de femmes et non pas d’hommes. Il fait plus que
les entendre, Il les console.
Jésus
ne se replie sur Sa douleur et, par Ses propos, Il anticipe les
douleurs de la diaspora que connaîtront les Juifs qui acquièrent
leur judaïté par la mère. Il les apaise alors que des prêtres
juifs, des pharisiens ont voulu sa mort et que la foule juive
manipulée a crié : « Crucifiez-le ! ».
Il a connu la haine, Jésus ne répond pas par la haine ; Il a
subi le mal, Il ne répond pas par un châtiment.
Tous
les discours sur l’Amour de Dieu ne valent pas ce qui s’opère en
cet instant dans un acte que nous ne pouvons que contempler dans le
silence. Oui, l’Amour de Dieu est si grand qu’Il console les
représentantes de ce peuple qui L’a refusé et sera victime ainsi
de son propre refus : ce peuple ne peut pas accuser Dieu de
l’accabler, il subit les conséquences de ses actes.
N’accusons
pas Dieu de nous faire souffrir du mal : cherchons d’abord
les raison humaines qui causent le mal : un défaut d’amour,
un refus d’amour, un mauvais usage de la liberté. Dieu n’a pas
choisi le mal, Il a choisi l’Amour.
Refuser
l’Amour de Dieu c’est Le crucifier à nouveau. Il a pleuré,
pleure et pleurera toujours de nos refus et des conséquences que
nous en subirons.
Confions-Lui
nos détresses, nos angoisses car Il les connaît mieux que nous :
Ils les a connues mais, Lui, en raison de son Amour infini.
Observons
un instant de silence pour qu’Il vienne nous consoler dans nos
cœurs que nous Lui offrons comme sanctuaires.
[Silence]
Neuvième
station
Jésus
tombe pour la troisième fois
Nous
T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/
Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.
Luc
14, 27
Celui
qui ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite ne peut pas
être mon disciple.
|
Plus
le Christ avance sur le chemin du calvaire, plus Sa croix est lourde.
Jésus ne disserte pas sur ce qu’est l’héroïsme :
l’héroïsme, c’est çà ! A nouveau, l’exemple, le modèle
de vie vaut plus que toute longue considération. Il convient à
chacun de laisser parler en son cœur cet acte qui nous invite à
agir en Chrétiens dans nos vies.
Saurons-nous
accepter pareilles humiliations, pareils traitements, un pareil
sacrifice ? Ne disons rien car nul ne sait comment il agira en
pareilles circonstances ! Ne soyons pas fanfarons ! Pensons
cependant à tous les martyrs de la Foi qui ont accepté les
supplices et la mort au nom de la Foi. Savaient-ils seulement qu’ils
pourraient donner un tel sens à leur vie ? En de tels
instants, il n’y pas de masque : la Personne et ce qui l’anime
se révèlent complètement en de tels moments. Vivre en vérité
pour un Chrétien, c’est accepter de mourir pour Celui qui est le
Chemin, la Vérité et la Vie.
Accepter
de donner sens à sa vie, c’est aussi accepter de donner sens à sa
mort pour la Vie éternelle. Tout être est mortel, alors quel sens
voulons-nous donner à notre vie ? Que tous nos actes possibles
par les dons divers reçus par chacun d’entre nous soient au
service de Dieu : père de famille, savant, artisan, commerçant,
politicien, soldat, prêtre, religieux, agriculteur, etc. peuvent
consacrer leurs forces pour un monde meilleur et non pour le
détruire.
Face
à cette station, méditons sur la persévérance. Jésus accablé du
poids de la croix et de nos fautes, se relève par Amour pour nous.
Et
nous pouvons dire avec Maurice Zundel :
« Mais
est-ce possible que ce calice s’éloigne de nous, quand le Fils
unique n’a pu être épargné ? Ne faut-il pas que le grain
meure, avant de porter du fruit ? Me voici, Seigneur, que
voulez-vous que je fasse ? Quoi que vous me donniez, Seigneur,
donnez-Vous d’abord Vous-même, car c’est Vous que je cherche,
Vous que je connais à peine, vous qui m’attirez avec tant de
force, Vous qui me délivrez de moi -même, Vous qui êtes mon Pain
et mon Vin. »10
Dixième
station
Jésus
est dépouillé de ses vêtements
Nous
T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/
Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.
Jean
19, 23-24
Rappel du Psaume
22,19
Lorsque
les soldats eurent achevé de crucifier Jésus, ils prirent ses
vêtements et en firent quatre parts, une pour chacun. Restait la
tunique ; elle était sans couture, tissée d’une seule
pièce depuis le haut. Les soldats se dirent entre eux : « Ne
la déchirons pas, tirons plutôt au sort à qui elle ira. »
C’est ainsi que fut accomplie l’Écriture : Ils se
sont partagés mes vêtements et ma tunique ils l’ont tirée au
sort. Voilà donc ce que firent les soldats.
|
Scène
surprenante que cette dixième station qui fait chronologiquement
suite en fait à la onzième. Toutefois, il est judicieux qu’elle
soit placée en cet instant dans notre méditation sur le chemin du
calvaire.
Avant
de dépouiller Dieu de son vêtement charnel, le Dieu crucifié a été
dépouillé de ses vêtements. Il est nu, Il ne paraît pas dans des
habits mais dans tout son être qui, déjà, ne se réduit plus à
son corps. Sa grandeur dans cet instant n’est pas dans Son
paraître, Sa nudité mais dans Son acceptation d’être uniquement
revêtu de Sa Sainteté et de Son Innocence : Il a voulu mourir
nu sur une terre nue.
Comme
il était d’usage, les soldats se partagent les derniers biens du
condamné. Ignorants l’importance de l’évènement dont ils sont
les acteurs par obéissance aux ordres reçus, ils se préoccupent de
biens terrestres : leurs cœurs ne sont pas prêts à percevoir
le trésor d’amour qu’ils négligent et qui se trouvent pourtant
à leurs côtés.
Dans
nos sociétés qui « s’athéïsent »
prodigieusement, combien de personnes négligent Dieu et Sa parole
pour honorer les biens terrestres, l’argent. Combien critiquent
l’argent pour en redemander plus, pour paraître, pour se forger
une image, parfois en employant des prétextes hypocrites…
Les
soldats purs de la finance outrancière se moquent de la mort
d’autrui : l’accumulation de l’argent leur suffit. Or sans
toujours le savoir tout de suite, ils souffrent de cette soif
inextinguible de l’or, alors qu’ils pourraient goûter de cette
Eau qui ferait qu’ils n’aient plus jamais soif et prendre
conscience que l’homme ne soit pas au service de l’argent mais
l’argent au service de l’homme.
Sachons
dans nos vies reconnaître les vraies valeurs qui ne se monnaient pas
mais qui se vivent en se donnant aux autres.
Onzième
station
Jésus
est mis sur la croix
Nous
T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/
Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.
Marc
15, 25-27
Il
était neuf heures quand ils le crucifièrent. L’inscription
portant le motif de sa condamnation était ainsi libellée :
« Le roi des Juifs ». Avec lui, ils crucifient deux
bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche.
|
Nous
sommes face à la divine tragédie. De savoir un être innocent
condamné à mort injustement est intolérable mais, en cet instant,
ceci l’est encore plus. Dieu incarné a voulu que Sa Parole sauve
les hommes. L’esprit Saint avait déjà commencé Son œuvre dans
les cœurs de quelques-uns. Mais Dieu a été refusé !
Pourquoi ?
Celles
et ceux qui attendaient le Messie attendaient un Pharaon, un
homme-dieu, resplendissant de gloire par ses richesses, puissant par
ses forces armées, anéantissant ses adversaires, les Romains. Et
Dieu fait homme accepte l’humiliation de la croix, accepte le
dépouillement total jusqu’à ses habits et son corps, donne Sa vie
pour nous sauver dans la mesure où nous acceptons Sa Lumière. Il
est le Don total, l’Amour suprême.
Il
respecte à un tel point notre liberté qu’Il accepte de souffrir
sur la croix en raison de nos refus. Il n’exerce pas de vengeance !
Il ne châtie pas ! Il sait que nos choix peuvent nous faire
souffrir ou nous sauver : nous sommes libres de Le refuser ou de
L’aimer comme Lui nous a aimés.
L’enfer
c’est notre refus de l’Amour de Dieu dans nos vies. Aussi
écoutons Maurice Zundel méditant sur cette onzième station :
« Nous
devrions trembler d’inquiétude et d’angoisse, non pas pour notre
salut, mais pour le salut de Dieu dans les âmes. Il s’agit de
sauver Dieu qui s’est confié à nous, et qui nous a confié Sa
cause, à nous ses disciples. Nous avons le devoir ineffable d’aider
le Dieu crucifié en compatissant à sa douleur, avant de nous
attendrir sur la nôtre, en nous efforçant de guérir cette blessure
qui fait saigner Son Cœur.
Nous
pouvons nous donner aussi gratuitement à Dieu que Lui
se donne à nous. « Donne-moi ta vie telle qu’elle est,
et j’en ferai ma vie telle qu’elle est. »11.
Notre vie est un don reçu de Dieu et nous pouvons en faire un don
donné. Comment ne pas faire déborder notre reconnaissance à ce
Dieu qui établit entre Lui et nous cette mystérieuse égalité. »12
Douzième
station
Jésus
meurt sur la croix
Nous
T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/
Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.
Luc
23, 44-46
C’était
déjà presque midi et il y eut des ténèbres sur toute la terre
jusqu’à trois heures, le soleil ayant disparu. Alors le voile
du sanctuaire se déchira par le milieu ; Jésus poussa un
grand cri ; il dit : « Père, entre tes mains
je remets mon esprit. ». Et sur ces mots, il expira.
|
Les
actuels disciples du Christ savent la raison de son acceptation quant
à cette mort sur la croix. Il a tout dit, tout fait, tout accompli
dans le temps d’une vie humaine. La fin du Christ sur la croix est
un commencement pour chacun d’entre nous et pour l’humanité à
venir. Pourquoi ? Maurice Zundel est très explicite :
« La
Croix est passée parmi nous pour vaincre la douleur et la mort, pour
révéler la vie et la restaurer dans toute sa dignité
et sa magnificence, pour nous faire prendre conscience
de cette collaboration nécessaire à l’œuvre divine
à laquelle nous sommes appelés.
La
Croix ne signifie pas autre chose que cet appel irrésistible à
l’Amour qui ne peut pas nous convaincre de force ni ne peut violer
notre intimité.
Il
ne s’agit pas de perpétuer la Croix mais il faut en partant
d’elle, en nous efforçant de décrucifier Dieu dans notre vie, Le
faire apparaître comme le Dieu vivant qui nous donne la Vie avec
surabondance et qui nous appelle à la sollicitude et à la joie. »13
et encore :
« La
Croix est un appel urgent et magnifique à notre puissance de vie
puisque la Vie de Dieu est remise entre nos mains…
La
Croix est un appel pour la vie d’aujourd’hui à une aventure
merveilleuse qui est de continuer l’Incarnation de Dieu et
d’apporter aux autres la lumière de Son Visage et la tendresse de
Son Cœur.
La
Croix est un appel à créer en nous cette cathédrale de nous-mêmes
qu’est la Présence de Dieu.
Et
toutes les cathédrales du monde ne sont que des images auprès de
cette cathédrale que chacun doit ériger au-dedans de soi :
c’est cela le véritable sanctuaire.
Et
ce sanctuaire au-dedans de nous porte la Croix comme notre unique
espérance parce qu’elle est la mesure de notre aventure infinie,
parce qu’elle nous dit tout le crédit que Dieu nous fait, toute la
tendresse illimitée qu’Il a pour nous et toute la noblesse qu’il
nous confie, le Bien étant Quelqu’un un à aimer. »14
Treizième
station
Jésus
est descendu de la croix et remis à sa mère
Nous
T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/
Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.
Jean
19, 38-40
Après
ces évènements, Joseph d’Arimathie, qui était un disciple de
Jésus mais s’en cachait par crainte des Juifs, demanda à
Pilate l’autorisation d’enlever le corps de Jésus. Pilate
acquiesça et Joseph vint enlever le corps. Nicodème vint aussi,
lui qui naguère était allé trouver Jésus au cours de la nuit.
Il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès d’environ cent
livres. Ils prirent donc le corps de Jésus et l’entourèrent de
bandelettes, avec des aromates, suivant la manière d’ensevelir
les Juifs.
|
Jésus
a cessé de souffrir Sa condition d’homme, alors que se poursuit la
souffrance du cœur de Marie. Jésus a remis Son esprit à Dieu et,
pour les hommes, il ne reste plus qu’un corps sans vie à honorer,
ce corps témoin de Ses douleurs, de Ses angoisses qui portent des
fruits éternels : notre rédemption. Avec Marie, la douleur - et
malgré sa force, son intensité - prend un autre sens : « Nos
souffrances, nos sacrifices, notre mort, tout est semence céleste.
Si nous sommes un avec la volonté de Dieu, la vie en sortira pour
nous et pour les autres. »15.
Le grain de blé… La moisson...
Et
suivons la méditation de Maurice Zundel :
« Comment
ne pas consoler cette Mère, que Jésus sur la Croix nous confia ?
Nous pouvons le faire chaque matin à la Messe, en nous identifiant à
Lui : « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang. »16
Pour que ces mots ne soient point usurpés dans notre bouche, ne
faut-il pas que la consécration soit en quelque sorte le symbole de
notre désappropriation, le sacrement de la dépossession, du
dévêtement de soi, comme la communion est le sacrement de notre
assimilation toute intérieure, toute spirituelle au Sauveur ?
Il n’y a d’autre raison à la Passion de Jésus Christ que
nos refus d’amour. Nous pouvons par notre amour, nourri de son
immolation et de sa mort, annuler les raisons des souffrances du
Christ, nous détachons Jésus de la Croix et nous consolons Marie en
Le lui rendant et en lui disant : « Femme, voici votre
Fils »17.
Et puisque le Christ l’a donnée comme Mère de tous les hommes,
la communion avec le Christ doit s’accomplir en cette communion
avec tous les membres du Christ.
Le
mal suprême est cette blessure divine que chacun de nous, à sa
mesure, peut guérir ; […] le disciple qui donne sans retour,
a secouru le Christ […].
Ayons
toujours souci d’apaiser aujourd’hui sa douleur. »18
Quatorzième
station
Jésus
est déposé au sépulcre
Nous
T’adorons, ô Jésus et nous Te bénissons
R/
Parce que Tu as racheté le monde par Ta sainte Croix.
Matthieu
27, 59-60
Prenant
le corps, Joseph l’enveloppa dans un linceul propre et le déposa
dans un tombeau tout neuf qu’il s’était fait creuser dans le
rocher ; puis il roula une grosse pierre.
|
Pour
celles et ceux qui ne croient pas en la Résurrection, ce tombeau
ferme tous les espoirs, comme les disciples de Jésus qui doutent car
ils n’ont pas encore vu le Christ ressuscité. Ils vivent la mort
du Christ comme un échec : ils avaient une fausse image du
Sauveur d’Israël. Le Sauveur des hommes ne leur avait pas envoyé
encore l’Esprit Saint de la Pentecôte, ainsi nous pouvons les
comprendre.
Face
à la mort, le non croyant y voit le mot fin, le sceptique reste dans
l’incertitude, le croyant adopte la confiance, dans la mesure de sa
foi en ce que la mort est une naissance à Dieu.
Oui,
Jésus nous a donné sa Croix pour tarir la source de la douleur. Que
dit la lumière de la Croix, en ce maintenant et pour toujours,
à nous les hommes ?
« Il
y a un univers de choses où l’homme dispose des automatismes de la
nature en faveur de ses besoins matériels, en comptant sur la
fidélité de la nature à elle-même. C’est très bien, mais ce
n’est pas encore un univers humain !
Et
il y a un univers de personnes, où ce sont des présences qui
s’unissent et s’échangent, dans la démission et dans la
désappropriation qui constituent l’offrande de l’amour.
Dans
cet univers de personnes, on ne peut aider les autres à
échapper à leur biologie et à surmonter leur animalité, à
vaincre leurs vertiges et leur envoûtement, qu’en payant de
sa personne, en prenant sur soi leurs désordres, leurs manques
d’amour, leurs trahisons et leurs folies.
C’est
dans cette lumière qu’il faut
situer le sacrifice de la Croix. »19
Avec
la mort de Jésus, tournons nos regards vers Dieu,Trinité Sainte qui
nous transfigure dans la mesure où nous accueillons Son Esprit, à
l’écoute de la Parole de Son Fils et en partageant Son Sacrifice à
l’Eucharistie.
Méditons
encore
sur
la Croix :
Par
la Croix, l’homme doit se
construire jour après jour :
« La
croix est notre unique espérance. En elle, nous apprenons le sens
des valeurs et nous découvrons ce qui importe en nous, ce que nos
cherchons passionnément dans nos amitiés, dans nos tendresses, dans
les enfants que nous aimons, ce n’est pas cette caricature où
l’être humain est simplement le jouet de sa biologie, d’autant
plus obstiné dans ses erreurs qu’il est plus esclave des forces
obscures qui le mènent.
Ce
que nous cherchons vraiment, avec une patience invincible, c’est ce
qui est humain, c’est ce qui fait que chacun prend le gouvernement
de lui-même, que chacun est maître de son destin, que chacun est la
source de ses actions, que chacun est un espace assez vaste pour être
une présence à tout l’univers.
C’est
cet homme que la croix regarde, que la croix concerne. C’est cet
homme qui n’est pas encore, peut-être, mais que nous cherchons
avec tant de passion dans tous ceux que nous aimons. C’est cet
homme qui est né de Jésus-Christ. »20
Prenons
un temps de silence.
Liberté
révélée par la Croix :
« Il
est donc essentiel que nous retenions de cette confrontation avec la
Croix de Jésus Christ que le Seigneur
s’adresse à nous au plus haut de nous-mêmes. Il nous demande de
nous faire hommes, d’être hommes dans
la plénitude de nos facultés, dans la
plénitude de notre liberté, en nous
libérant de tout ce qui n’est pas humain, car la liberté que le
Christ nous révèle est une libération.
Ce
n’est pas cette liberté stupide et grossière de faire n’importe
quoi en se livrant à toutes ses fantaisies. C’est plutôt cette
liberté créatrice où l’on sort de la
fange de son animalité, où l’on se défait de ses entraves et de
ses limites pour surgir comme un être tout neuf dans un monde
oblatif, illimité, diaphane et transparent, parce qu’il
n’est plus qu’un monde offert. »21
Dans
le silence, prenons dans nos cœurs des résolutions.
Prière
finale22
O
Dieu, vous
avez accepté que votre
Incarnation en Jésus soit clouée
sur
la Croix qui est ainsi sanctifiée par Vous.
De
ce bois outrageant devenu arbre de Vie par Votre Volonté,
nous
nous réjouissons de la gloire de la Croix.
Ainsi
nous vous prions
qu’en
tous temps et en tous lieux, par le signe de la croix,
nous
puissions jouir de votre protection,
vous
le Dieu Trinitaire, trois fois saints.
R/
Amen
Récitons
la prière de l’Église, Corps du Christ :
R/
Pater.
Exprimons
notre reconnaissance à Marie, Mère de tous les hommes à qui elle a
donné un titre, à défendre dans le quotidien d’une vie, celui de
fils de Dieu :
R/
Ave Maria.
Gloire
au
Père et au Fils et au Saint-Esprit
comme
il était au commencement,
maintenant
et toujours
et
dans tous les siècles des siècles.
Amen.
Méditer
un chemin de Croix porte du fruit dans le mesure où nous prenons des
résolutions : ora et labora.
Dans
le silence de notre cœur, face à la Croix qui nous sauve,
discernons comment faire resplendir le Visage de Dieu dans nos vies,
dans la mesure de nos dons, reçus de Lui et que nous avons, non à
posséder égoïstement, mais à offrir aux autres.
Qu’ainsi,
à travers chacune de nos résolutions Sa Volonté soit faite !
Mes
résolutions :
A
toi lecteur, il appartient de poursuivre ce Chemin de Croix selon la
Parole que tu entends dans ton cœur...
Antoine Schülé
Contact : antoine.schule@free.fr
1Note
de l’auteur pour éviter toute confusion : En raison de sa
condition humaine, prenant sur Lui les fautes de l’humanité.
2Maurice
Zundel : Silence Parole de Vie. Anne Sigier. 2e
éd. 1992. p. 87
3Idem.
P. 89
4Maurice
Zundel : Ta Parole comme une source. Ed. Sigier.
5e éd. 1991. p. 232.
5Pour
méditer ce chemin de Croix, je me suis basé sur : Un
Chemin de Croix avec Maurice Zundel. Paroisse Saint-Joseph.
Genève. 2016. Reprenant sa méditation, j’ai développé sa
pensée pour les personnes qui ne la connaîtraient pas, selon ma
lecture de Zundel. Il peut y en avoir d’autres : la Parole de
Dieu s’adresse librement à tous.
6Maurice
Zundel : Ta Parole comme une source. Ed. Sigier.
1991. Québec. Canada. p.274
7Chapitre
à lire et à relire car il traite du mensonge défini par le
Christ.
8Cette
phrase est extraite de la dernière homélie que Maurice Zundel ait
prononcée : c’est un programme de vie qu’il s’est fixé
et qu’il nous donne. In : Maurice Zundel : Ta
Parole comme une source. Sigier. 1991. p. 233.
9Idem,
p. 231
10Une
Chemin de Croix avec Maurice Zundel. Ed. Paroisse St.
Joseph. Genève. 2016. p.31
11Maurice
Zundel : Poème de la Sainte Liturgie.
12Une
Chemin de Croix avec Maurice Zundel. Ed. Paroisse St.
Joseph. Genève. 2016. p.36
13Maurice
Zundel. Un autre regard sur
l’homme. Paroles choisies par Paul Debains. Ed. Sarment.
2005. p. 111
14Idem.
p. 110.
15Romano
Guardini : Le chemin de Croix du Seigneur notre Sauveur.
1939. Ed. Salvator. 2013. p. 64.
16Matthieu
26, 26 et 28.
17Jean
19, 26
18Une
Chemin de Croix avec Maurice Zundel. Ed. Paroisse St.
Joseph. Genève. 2016. p. 41 et 42.
19Maurice
Zundel. Un autre regard sur
l’homme. Paroles choisies par Paul Debains. Ed. Sarment.
2005. p. 113
20Maurice
Zundel : Vie, mort et résurrection. Ed. Sigier.
1995. p. 128
21Idem
p. 136
22Inspirée
de celle de John Henry Newman. Maurice Zundel avait appris
l’anglais en lisant Newman.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire