mardi 1 juillet 2025

F-30200 Saint-Gervais, histoire locale : Deux domaines viticoles, Naste et Baïne, selon informations inédites d'Antoine Schülé.

 Domaines de Naste et de Baïne

F-30 200 Saint-Gervais


par Antoine Schülé, historien.


La Tourette, 13 juin 2025,

En hommage à Mlle Yvette Nouguier (1911-2005).



De 2017 à 2024, à la demande de l’actuel propriétaire du domaine de Naste, M. René Armand, j’ai effectué bénévolement des recherches historiques, organisé des visites commentées de la chapelle et du domaine (notamment lors de trois « Journées du patrimoine »), offert plus de 70 conférences ou activités culturelles en faveur de la chapelle de Naste. De plus, j’ai établi un dossier de demande subvention pour la restauration intérieure de la chapelle, refusée en raison de la restauration extérieure de celle-ci, non conforme à l'origine. Plus de 220 personnes ont pu ainsi découvrir mes recherches inédites, basées sur des documents réunis pendant près de 20 ans.


Les domaines actuels de Naste et de Baïne ont une origine commune, liée à la famille Cotton. Cette histoire nous offre une saga familiale, riche en évènements et mériterait d’inspirer un producteur de films !


Mots-clefs : Gard, Naste, Baïne, Montcaud (écrit aussi Moncaud), Saint-Gervais, Saint-Michel d’Euzet, Cèze, Sabran, Lyon, Nîmes, Alès, Vans, Montpellier, Saint-Étienne, Saint-Quentin-la-Poterie, Paris, Algérie; familles De Guasc, De Villeperdix, Cotton, Duclaux-Monteil, Ode, Nouguier, Rouvière, Soulèze, Cadilhac, Lombard, Mourret, Descous; de Buros, Tascher de la Pagerie, E. et Bertin Boissin, Roure, Collain; Oudry, Germain; duel, chapelle, Chartreux, moulins, eau, or, chanvre, soie, objets liturgiques, toponymie.


Dans le département du Gard, sur la rive gauche de la Cèze, les domaines, qui se côtoient, de Naste (entre la D980 et la Cèze) et de Baïne (au nord de la D980) ont été créés au XIXe siècle, principalement par la famille Cotton et dans la longue durée (plusieurs décennies). Ils s’étendent sur les communes de Saint-Gervais et Saint-Michel d’Euzet. Ces demeures bourgeoises sont dénommées parfois “châteaux” : elles le sont si prises au sens bordelais du terme pour désigner un domaine, mais nullement d’un point de vue historique.


Jérôme (Joseph Louis) Cotton (décédé à Nîmes le 2 novembre 1843), notaire de Bagnols-sur-Cèze, le premier de cette famille, a commencé à acquérir différentes terres sur ces deux communes. (Louis) Auguste, son fils, le maire de Bagnols-sur-Cèze, a poursuivi les achats de terrains pour constituer les deux domaines. Surtout, il a édifié la villa de Naste et ses dépendances. Il a agrandi l’édifice de Baïne pour lui donner son apparence actuelle. Son fils Jules Cotton a hérité du domaine de Naste et sa fille Elvia Cotton a reçu, en dot lors de son mariage, le domaine de Baïne.


Évidemment, l’histoire de cet espace agricole possède un passé bien antérieur au XIXe siècle. Je vous livre ici quelques informations inédites qui vous feront voyager dans le temps.


Origines préceltiques et celtiques

En histoire locale, l’étude de la toponymie livre des informations capitales qu’il convient de ne pas négliger : nature ou production du sol, activités exercées, noms ou surnoms d’anciens propriétaires (celtes, romains, francs), épisodes heureux ou malheureux de bataille...

Drap de chanvre, encore au XXe s.

« Naste » est un nom d’origine gauloise ayant été latinisé en un « nasiare » qui signifie « rouir ». L’action exprimée par ce verbe consiste à macérer le chanvre dans de l’eau pour en extraire les fibres végétales, avec lesquelles sont produits des tissus, d’une couleur un peu grise, et des cordes. Encore de nos jours, diverses sources alimentent ce lieu et forment un lieu humide favorable à ce type d’activité. Pour rappel, la toile de Nîmes était de chanvre et réputée pour sa robustesse.

À l’est du domaine de Naste, un autre toponyme confirme cette activité « Les Canabories »qui désigne des terres autrefois réservées à la culture du chanvre. En 1860, ce chanvre était vendu au marché de Bagnols. À Marseille, nous avons « La Canebière », port principal pour la livraison de chanvre dans d’autres pays.


Le chemin, qui longe ce domaine se nomme le « Chemin des moulins », mérite bien ce nom. De nos jours, il n’y a plus de moulin, si ce n’est celui en ruines de Baïne, avec quelques beaux vestiges apparents : c’est celui des de Guasc, les seigneurs barons de Saint-Gervais. Il se situe en amont du vallon, au nord de Naste, au-dessus de ce qui était la grange de Baïne. En remontant à l’ouest, le long de la Cèze et sur La Roque sur Cèze, les Chartreux possédaient le moulin de Cors (actuellement, gîte), le plus ancien avec celui qui se situe en amont du pont, rive gauche de Cèze, qui appartenait au seigneur de La Roque (actuellement restaurant). Au XIXe siècle, à la hauteur des cascades du Sautadet, sur cette même commune, s’éleva un moulin pour la farine et l’huile à l’origine et, par la suite, pour la production d’ocre.


Restons encore dans le domaine de la toponymie locale qui nous révèle deux noms préceltiques : « Cors » et « Cèze ».


Le nom « cors », d’origine pré-indo-européenne, provient de la racine « Kar » devenu « Kor », signifiant « pierre » ou « rocher ». Cette racine se retrouve dans « Cornillon », « Cornas » (Ardèche) ou encore « Corbières ». Pour La Roque, je signale que les pierres ayant servi à construire le pont proviennent d’une ancienne carrière au-dessus du moulin de Cors.


Avec la « Cèze », nous effectuons un grand saut dans le temps, avec différentes lectures sémantiques. Certains étymologistes estiment que ce toponyme serait même d’origine indo-européenne. Le plus surprenant est que « Cèze » et « Seine » proviennent de la même racine « seikkw », signifiant « couler », « ruisseler » ou « verser ». La forme « seikwar » a produit « Siguer » en Ariège. En Languedoc, la dernière syllabe est tombée. Le « -k » a évolué progressivement en « -ks », en « -ts » puis en « -s », pour devenir « Sese ». À ce stade, il y a eu une confusion sémantique avec le nom latin « cicer » (oui, celui qui a donné le nom de Cicéron, sobriquet à l’origine qui caractérisait sans doute une verrue au visage) qui a abouti à un « cese », le « pois chiche ». Ce dernier sens a effacé celui d’origine. Ceci s’explique par le fait que le pois chiche était une base de l’alimentation des familles rurales pendant des siècles, depuis les Gaulois.


« Baïne »est aussi un nom d’origine gauloise pour « hêtre » : d’un BAGO gaulois devenu BAGINA, puis BEINE et finalement BAÏNE(S). Les documents anciens ont retenu la graphie Bayne. Pour d’autres toponymes, je vous renvoie à mon article sur mon blog (liens en fin de cet article).


Présence romaine

Elle est attestée à l’ouest de Naste, sur la commune de Saint - Michel d’Euzet : des vestiges romains ont été trouvés à « Dame Guise ». Sur le site de Naste, à ma connaissance, il n’y a pas eu de telles traces. Par contre, au nord-est, de Baïne, des monnaies romaines ont été trouvées. Le quartier dit actuellement « Fantaisie », dont l’édifice était attaché à ce domaine mérite un commentaire. Nous sommes devant une fantaisie cadastrale : ce quartier devrait se nommer « Fontézy », attesté dans des documents d’avant 1789, du latin « Fontezianum », nom de famille romaine, ayant eu un lien avec l’eau (proximité d’une source probablement). Le toponyme « Masson », pour cette terre qui se situe entre la chapelle de Naste et la départementale de Bagnols-Barjac) signale la présence d’une première famille chrétienne : « Thomas » est devenu « Thomasson » pour être retenu en « Masson » par la mémoire orale et le cadastre.


Naissances des domaines de Naste et de Baïne


L’histoire agricole de ce site des basse vallée de la Cèze a été étudiée par Henri Lombard, dont l’œuvre est passée sous silence à Saint-Gervais (les motivations claniques de certaines familles sont très fortes). Je vous renvoie soit à l’article de mon blog (lire liens ci-dessous), soit à son livre "Monoculture de la vigne et évolution rurale dans la vallée de la Cèze" (sous-titré : Contribution à l'histoire agraire du Languedoc rhodanien). De plus, je vous invite à lire le document original d’Auguste Gilles que j’ai mis en ligne (lire lien en fin d'article), pour découvrir les activités saisonnières d’un artisan de la terre du XIXe siècle. J’ai en ma possession d’autres recherches que je ne publie pas, afin d’ éviter le pillage de mes données, assez fréquent d’individus locaux aux comportements indignes (ils se reconnaîtront et, au moins, savent ce que j’en pense).


Pour les deux domaines étudiés, il est nécessaire de s’intéresser à la famille de Guasc de Saint-Gervais, famille sur laquelle vous trouverez des informations sur mon blog (lire liens ci-dessous). Résumons.


Pendant plusieurs siècles, cette famille a été coseigneur, puis seigneur de Saint-Gervais qui était une baronnie. Elle partageait les soucis de la vie rurale des paysans locaux en tant que grand propriétaire foncier. Ses membres ont souvent assuré la justice et ont exercé, à plusieurs reprises, des charges militaires, au profit aussi de la ville de Bagnols-sur-Cèze, notamment contre les Tuchins et les huguenots.

À la Révolution, le baron de Guasc n’a pas spécialement souffert de la Révolution : il a vécu en harmonie avec la population locale qui était constituée d’une grand nombre de petits propriétaires. Ceux-ci ne possédaient pas de suffisamment de terres pour nourrir leurs familles. Ainsi, en plus de leurs propres exploitations, ils étaient embauchés par par les grands propriétaires de la commune, soit de façon ponctuelle pour de grands travaux, soit de façon saisonnière chaque année, pour le profit de tous, embauchés et employeurs. Il est à remarquer que certains étaient payés sur une part de récolte (blé ou foin) ou contre échange d’un service équivalent (bêtes de trait, travaux d’hiver, mutualisation du travail entre deux ou trois possesseurs de terre p.e.).

Le noyau initial des terres, acquises par Jérôme Cotton, se compose essentiellement des terres de la famille de Guasc. Augustine de Guasc, épouse de M. de Villeperdrix, suite à une séparation de corps (une forme de divorce à cette époque), se trouva dans une situation financière précaire, car son mari ne subvenait à aucun de ses besoins : Jérôme Cotton assura la gestion des biens fonciers et petit à petit des parcelles lui furent vendues pour assurer son quotidien. Au décès de sa mère, son fils a vendu les biens maternels. 

Jérôme Cotton a organisé l’irrigation des terres, en pratiquant une sorte d’intercommunalité entre Saint-Gervais et Saint-Michel d’Euzet. Il a créé des fossés, encore existants, pour capter les eaux des différentes sources, avec l’accord de Mme Augustine de Guasc. Son moulin à blé de Baïne était actionné par l’eau. Un grand surplus d’eau n’était d’ailleurs pas exploité et il avait été envisagé la construction d’un deuxième moulin. Des procès ont été engagés par des familles de Saint-Michel d’Euzet qui se plaignaient des chemins trop souvent inondés et rendus moins praticables, en raison de la boue. 

Le fils de Jérôme Cotton, Louis-Auguste a finalisé les achats des terres des de Guasc et, sur plusieurs décennies, a acquis de nombreuses parcelles voisines aux siennes sur les deux communes citées : ainsi deux grands domaines sont nés. Le plus souvent les actes de vente mentionnent des partages successoraux, des remboursements de dette, des financements de procès ou des changements familiaux (remariage suite au décès de l’un des conjoints) ou encore des achats de charges soit juridiques, soit militaires. À la fin du XIXe siècle, son fils Jules Cotton employait jusqu’à 70 personnes lors des temps forts de la vie agricole.


Les Cotton

Louis-Auguste Cotton

Louis-Auguste Cotton(15 mai 1799 - 5 mars 1871)

Il est le fils du notaire Joseph-Jérôme Cotton. Après des études de droit à Grenoble, il est avocat stagiaire à Uzès. Il a ainsi l’occasion de plaider plusieurs causes à Nîmes. Surtout, dès cet instant, il se crée un réseau de relations utiles pour sa carrière.


Attaché à la ville de Bagnols, il s’engage résolument dans la vie politique. Il en sera plusieurs fois le maire ou siégera au Conseil municipal. Il vit des temps très troublés, avec de violentes manifestations qui se greffent sur des mouvements de protestation : rien de nouveau sous le soleil ! Mon but n’est pas de vous retracer sa vie en détail. Toutefois, il est bon de souligner quelques traits de sa personnalité. Que faut-il retenir de son engagement ou de son influence locale sur quelques décennies ?

Il sait administrer avec efficacité sa ville. Sa gestion permet d’importantes économies à la communauté. Son don de convaincre suffit à fléchir les hésitants et les indécis en faveur de ses options. Il se donne le temps de s’informer afin de donner des bases solides à ses actions. La décision une fois prise, il agit avec rapidité et ses relations à Paris comme à la Préfecture lui facilitent bien des démarches. Il connaît admirablement la population et il est renseigné sur tout ce qui intéresse la vie locale et régionale.

Lorsque la situation politique bagnolaise ou nationale est ambiguë, il n’hésite pas à se retirer à Naste ou à invoquer une maladie diplomatique, le temps que les esprits se calment. Il refuse de se rendre aveugle en raison d’une idéologie : ce qui lui vaudra bien des inimitiés. Qui d’entre vous n’a pas connu des » amis » se déclarer vos ennemis, simplement parce que vous ne partagiez pas une ou l’autre de leurs opinions ? Pragmatique, il soutient tout projet favorable au bien commun : l’intérêt public a du sens chez lui. Il suscite et accompagne des initiatives très utiles à la ville de Bagnols.


Le jardin public de Mont-Cotton est une de ses créations : nous notons déjà un goût qu’il développe dans le parc qui entoure sa villa de Naste. Son projet bagnolais fut facilité en raison de sa relation privilégiée avec Teste, Ministre des Travaux publics à Paris. Le terrain pentu de la route de Nîmes a été corrigé : les terres évacuées ont donné naissance à cette zone de verdure. Elle fut d’ailleurs vite vandalisée : oui, les incivilités existaient déjà dans les années 1840-1850.

Il a favorisé et encouragé une salle d’asile pour la Maison de Charité, le marché de la Poulagière, la création d’une Caisse d’Épargne (succursale d’Uzès), des cours du soir pour adultes, la création de la Compagnie des Sapeurs Pompiers. Il a aidé les ateliers de charité qui prenaient en charge les chômeurs et les personnes ayant des revenus insuffisants.


En tant que maire de Bagnols, il a ordonné des mesures spéciales pour rétablir l’ordre dans la ville. La mairie dut être protégée par des hommes en armes. L’armée, avec le 19e de ligne stationnée à Pont-Saint-Esprit, est intervenue quelquefois pour assurer le calme lors de ces querelles qui opposaient les Républicains (les Rouges) aux Réactionnaires (les Blancs) : ils se distinguaient lors des farandoles en portant des ceintures d’étoffe de leur couleur respective. Pour le bien de la France, Auguste Cotton était favorable à une monarchie.


La vie politique lui a réservé des temps de crise intenses.

En 1848, il y a eu la querelle des notaires bagnolais : Me Cotton, notaire, avait causé la perte de clients à Me Astier et Me Borelly travaillait à récupérer les clients de Cotton notaire... Entre « chers confrères », la lutte fut rude !

Cotton s’opposait aux Républicains, mais son propre camp était divisé. Au début, Cotton et de Buros ont été des alliés pour devenir, ensuite, des adversaires. Cette relation aboutira à un fameux duel au pistolet. Le 12 avril 1849, sur les bords de la Tave à Orsan, face à face, à trente, pas, chacun tira une charge en manquant l’autre. Le deuxième échange de tir n’eut pas lieu : le vicaire de Bagnols l’interrompit en amenant sur le champ d’honneur les enfants des deux duellistes ! Cotton préféra alors renoncer au duel.


Être à la tête d’une commune lors de grandes crises économiques n’est pas une tâche facile. Bagnols souffrait vite des mauvaises ventes de la soie ou de la chute du cours du blé. La France, elle-même, subissait une crise commerciale, industrielle et financière. Lorsqu’un politicien ou un membre d’un gouvernement proclame haut et fort qu’il gère une crise comme jamais vue auparavant, je ne peux que sourire soit de sa naïveté, soit de son ignorance ou, pire, de sa capacité à mentir. Avec le regard de l’historien, il pourrait s’inspirer utilement des solutions trouvées lors des crises précédentes : plus d’un pays ruiné a eu le ressort pour se relever ! Il est plus facile de jouer sur les émotions que d’analyser sainement les faits afin de décider avec justesse.

Cotton maire a su prendre des mesures sociales utiles à tous sans privilégier un partie plutôt qu’un autre. Il a aussi exercé la fonction de juge de paix à Bagnols. En 1852, il a été inspecteur spécial de police à Montpellier. À Lyon, il a été le Directeur général de la police des 7e et 8e division militaires. Aussi bien à Lyon qu’à Saint-Étienne, on lui reconnaît un rôle décisif dans le maintien de l’ordre. En 1846, il reçut la Légion d’Honneur et, en 1853, il fut promu Officier de la Légion d’Honneur. En 1867, en tant que Conseiller général, il succéda au duc Tascher de la Pagerie. À Bagnols, il a été le soutien d’E. Boissin, le filateur dont l’usine était reconnue comme rentable.


À Bagnols, il résidait au numéro 20 de l’actuelle rue Crémieux, la maison Gensoul qui avait appartenu à un Madier de Lamartine. Si Cotton aimait bien sa ville, il avait le plus grand plaisir à vivre dans sa villa de Naste, au cœur de son domaine. Passionné de chasse, il possédait sa meute de chasses qu’il faisait courir dans les forêts, réputées giboyeuses, de Saint-Michel d’Euzet et de Saint-Gervais.


Sur la famille Cotton

La sœur de Louis-Auguste Cotton est Élisa (Joséphine, Louise; Élisa à ne pas confondre avec Elvia ci-dessous) qui épousera Hippolyte (Joseph-Gabriel) Rouvière en 1834. De cette union sont nés Gustave, Albert et Irma Rouvière. Elle a reçu en dot lors de son mariage ce qui est le domaine de Baïne.


Louis-Auguste Cotton a épousé Mlle Adèle-Césarine-Delphine Duclaux-Monteil (Vans en Ardèche) en 1834. Par cette alliance, son beau-frère est le maire d’Alès. Son office de notaire a été repris par Me Félix Constant. Il est décédé le 5 mars 1871. Le 7 juillet 1871, sa succession fut réglée selon son testament du 14 avril 1870. Son couple a donné naissance à trois enfants : Paul, Jules et Elvia.


Le fils aîné Paul Cotton est mort en 1864, alors qu’il était substitut du procureur impérial de Florac.


Jules Cotton a épousé en 1863 Marie-Victoire (dite Victorine) Ode, famille de Codolet. L’acte de mariage a été signé le 28 novembre 1863. Elle a reçu une part successorale importante de ses parents, le 19 mai 1878, à Chusclan et à Codolet. Il a été maire de Saint-Gervais de 1884 à 1900. Dans les années 1900, il a financé les balustrades et perrons au sud de la zone de verdure du Mont-Cotton, alors que Bertin Boissin était le maire. Il est décédé le 28 août 1910.


Elvia (Antoinette; écrit parfois Helvia) Cotton, la sœur de Jules a épousé, en 1869, Henri (Auguste) Mourret, famille de Tarascon, et ils auront pour fils Joseph Mourret (lire lien en fin d'article). Ils habitent à la Pignarède (La Roque-sur-Cèze) et possèdent des terres sur Saint-Michel d’Euzet et Saint-Gervais.


Baïne et la famille Rouvière

Gustave Rouvière a été le commandant de la subdivision de Gabès (Tunisie). Lors de la conquête du Sahara, le 15 mai 1866, il est mort d’une maladie se portant sur l’estomac et les reins, le 15 mai 1866. Il est enterré au cimetière familial de Saint-Quentin-la-Poterie (près d’Uzès).

Le lieutenant-colonel Gustave Rouvière a légué, par testament du 2 mai 1866, le domaine de Baïne à son ami Auguste Soulèze ainsi qu’à ses filles. Une de celles-ci a épousé un Cadilhac. Sa petite-fille a épousé Auguste Lombard (Alès), couple qui a donné naissance à Henri Lombard. Henri a eu pour sœur Marie-Cécile Descous, avec qui j’ai lié connaissance et qui m’a fait don de la thèse de son frère, mentionné précédemment.

Albert Rouvière

Sur le mur sud de la façade de la demeure de Baïne, une plaque mentionne Albert Rouvière, le frère de Gustave, aussi officier de carrière, avec l’intitulé suivant :

Capitaine Albert Rouvière

né au château de Saint-Gervais

le 27 février 1837

mort à l’ennemi à la bataille de Forbach

le 6 août 1870.

Il avait été promu officier d’ordonnance de l’empereur du Mexique.


Il est attesté qu’au Moyen Âge (en date de 1333), une ferme était mise à disposition des veuves et leur famille de seigneurs morts à la Croisade, par l’ordre de Saint Jean de Jérusalem. Plus tard, elle fut la propriété des seigneurs de Guasc de Saint-Gervais qui possédaient un moulin à blé, mû par l’eau. 

À Baïne en 1821, il y avait une grange et une ménagerie (lieu pour volailles, bêtes de trait, vaches et chèvres). À la même année, une convention avait été signée entre Augustine de Guasc et Jérôme Cotton pour l’édification d’un deuxième moulin, en raison d’une eau abondante en ce lieu. Jérôme Cotton, en échange de droits d’eau, s’engageait à le construire : ce projet ne se réalisa pas. Par contre, il a commandité les travaux d’alimentation en eau du domaine de Naste : certains sont encore bien visibles de nos jours. 

La bâtisse actuelle et sa dépendance viticoles sont une création des Cotton-Rouvière. En amont de Baïne, il avait été envisagé, selon un plan du XIXe siècle, l’aménagement d’une réserve d’eau, au bas de la Moûte (limitée au nord par le chemin de Basan), pour alimenter lesdits moulins.


Villa de Naste de Louis-Auguste Cotton

Ce bâtiment est original et prolongé par d’importantes dépendances, à la mesure de la grandeur du domaine constitué. Au cœur, de la cour, la grande statue de saint Vincent, le saint parton des vignerons, s’élève pour protéger le vignoble et les vignerons. 


Depuis le clocher, jouxtant la villa, il est possible d’observer toutes les terres d’alentour. Le plus curieux est la double décoration des façades extérieures dont on distingue encore les traces : l’une est profane, avec les quatre couleurs du jeu de cartes, trèfle, pique, carreau et cœur; l’autre est religieuse, avec deux niches, celle, à l’est et orientée vers la chapelle, avec la statue de Saint Antoine de Padoue et celle, au nord en direction de la chartreuse de Valbonne, avec la statue de saint Bruno, fondateur de l’ordre des Chartreux.

Sur la façade est, vous avez l’entrée de la cour intérieure, entourée de deux escaliers tournants conduisant à ce qui était appelé le « Musée » : en fait, il s’agissait d’un cabinet de curiosités dont il existe encore une photographie.

La partie privative est orientée au sud. Sur le dessus de la porte d’entrée, sur un médaillon de pierre, un L et un C sont entrelacés, pour Louis Cotton, alors que l’histoire retient son prénom d’Auguste.


Le parc

G. Cesbron a écrit dans son « Journal sans date » : « Parfois un arbre humanise mieux un paysage que ne le ferait un homme . » Cette phrase me vient volontiers à l’esprit quand je pense à ce lieu. Louis Cotton aimait certainement écouter la nature et son goût pour la création de parcs à Bagnols comme chez lui à Saint-Gervais en témoigne. Ses successeurs ont développé la diversité des espèces. Plusieurs arbres remarquables méritent d’être mentionnés : le Magnolia grandiflora ou Laurier-tulipier, avec son beau feuillage persistant et ses fleurs magnifiques, provient du Texas-Virginie et peut atteindre 30 m. de haut; un platane de taille extraordinaire d’un diamètre de 10 à 15 m. et il grimpe en hauteur jusqu’à 25 m., voire pour certains, même à 55 m. ; une allée de buis offre un bel ombrage.


Le regard se porte jusque vers ce bord de Cèze appelé « la Lône » dont l’étymologie définit bien la nature : le mot latin « lamina » désigne une étendue d’eau plate . L’évolution du mot est simple : il est passé de « lamina » à « lamna » ensuite à « launa » et finalement « Lône ». Il est attesté qu’en 1470, le coseigneur Antoine de Saint-Michel d’Euzet y a accordé un droit de rechercher des paillettes d’or à cinq habitants de Saint-Gervais, en se réservant le quart de la prospection. Nous voyons aussi bien les digues construites pour ralentir les crues de Cèzeou canaliser les débordements d’eau.


Le parc était parsemé de petites statues en argile, plusieurs ont été vandalisées ou détruites, quelques-unes ont survécu. Un grand bassin est alimenté par un édifice représentant la tour Eiffel. Il faut le savoir, car elle est le plus souvent gainée entièrement par le calcaire. Plus à l’ouest, une arène de pierres a connu des combats de coqs, lors de la venue des saisonniers agricoles espagnols : les arches supérieures contenaient des statues. Il y a pu aussi y avoir des farandoles : cette danse locale était prisée à Saint-Gervais jusque dans les années 1950.



La chapelle

Cette chapelle funéraire du XIXe siècle allie beauté et simplicité. Elle a été consacrée à saint Antoine de Padoue, mais la date de cette consécration n’est pas encore retrouvée. Cependant différentes pistes sont à explorer : les vitraux ont été créés par Bédoiseau d’Avignon et le carrelage est le même que celui de l’église paroissiale de Saint-Gervais. Cette chapelle a des ressemblances avec l’église du hameau de Combes (due à la générosité de M. Collain de Montcaud, Sabran) et la chapelle de Lablache (Pont-Saint-Esprit) : les archives des architectes ou de Bédoiseau, pour autant qu’elles existent encore, pourraient fournir des données utiles. A-t-elle été édifiée en même temps que la villa de Naste (mais, là, nous n’avons pas, non plus, la date de sa construction) ? Plus tard, suite à un décès ? Divers documents établis par l’Évêché de Nîmes (que je leur ai transmis en copies) témoignent de célébrations cultuelles certaines pour les années 1900 et 1920 : à ce jour, je n'ai pas trouvé de témoignages plus anciens. Il est curieux que les archives ni de la commune de Saint-Gervais, ni de l’Évêché de Nîmes et ni les documents paroissiaux que j’ai consultés ne mentionnent la chapelle. Près de 70 personnes, au moments les plus intenses des travaux agricoles, travaillaient sur la site de Naste : ceci justifie sa présence en ce lieu.


Sur la façade ouest, l’entrée de la chapelle se fait par trois marches entre deux colonnes et il convient de lire les trois motifs qui la surmontent.

Tympan de la chapelle de Naste

Le tympan est riche en symboles et mérite l’attention. Grappes de raisin sur sarments feuillus entrelacés : la vigne, le travail de l’homme, le vin qui deviendra le sang du Christ. Il faut remarquer les stries, en dessous des trois marches et en arrière-fond des grappes : l’eau du baptême qui sacralise la partie supérieure du tympan. Sur les côtés, vous avez les épis de blé : le travail de l’homme, le blé, le pain, qui deviendra le corps du Christ. Les trois marches symbolisent la montagne sacrée (et nous les retrouvons à l’intérieur pour accéder à l’autel) et, de part et d’autre, y sont accolées des fleurs : le jardin sacré, le paradis. Au-dessus de la marche supérieure, vous avez la coupe sacrée (de la Sainte Communion), surmontée de deux colombes (les âmes pieuses) qui recueillent trois gouttes de sang provenant du cœur de Jésus. Ce cœur, symbole de la charité (suprême : donner sa vie pour sauver l’humanité), est entouré de la couronne d’épines (souffrances du Christ) et transpercé par l’épée(les souffrances de Marie). Du cœur, jaillissent des flammes, symboles de l’amour de Dieu qui a donné son Fils pour sauver tous les hommes : sacrifice qui conduit à sa mort sur la Croixqui est la clef de la vie éternelle. En arrière-fond de ce cœur, vous avez les rayons de lumière de Dieu qui illumine le monde, afin de chasser les ténèbres.

Au-dessus du tympan, vous avez l’oculus formant un cercle qui symbolise l’univers, avec, au centre, un quadrilobe, symbolisant les quatre points cardinaux de la terre.

Le tout est coiffé par un triangle trilobé au centre : la Trinité.

Entrons dans la chapelle.

Un des chapiteaux de la chapelle de Naste

Les chapiteaux sont tous différents par leurs ornements : feuilles d’acanthe, palmes, entrelacs divers, rose sauvage, pomme de pin, fruits.

Les vitraux ont bénéficié de la restauration de Mme Christine Paquot, artiste belge qui a eu la patience et l’énergie pour, régulièrement durant ses vacances à Naste, œuvrer à l’embellissement de cette chapelle.


Le plus surprenant est le chemin de croix qui est d’une beauté rare en raison de sa finesse. Une hypothèse à explorer : ne serait-ce pas celui de la Chartreuse de Valbonne ? Lors du départ, imposé par la République française aux Chartreux (le dernier est parti le 3 octobre 1901), pour se réfugier en Espagne, il serait possible que Jules Cotton ait acquis le chemin de Croix qui devait se trouver dans la salle du chapitre. La famille Cotton a toujours eu des liens privilégiés avec les Chartreux : la statue de saint Bruno en témoigne. La draille des Chartreux (chemin qu’ils se réservaient pour observer le silence lors de leur déplacement) passe par Naste et longe le domaine de Baïne. Je rappelle que le moulin de Cors (La Roque-sur-Cèze) appartenait aux Chartreux.

Chemin de Croix, chapelle de Naste

Aux Archives Cotton de la Médiathèque de Bagnols, nous pouvons consulter un livret de 24 pages intitulé « Neuvaine à la Croix » , imprimé à Toulouse : son état témoigne d’un usage fréquent. En raison des relations parisiennes d’Auguste Cotton, l’hypothèse qu’il l’ait acquis pour la chapelle est aussi possible. La question reste ouverte tant qu’un document (livre de comptes de L. Oudry p.e.) ne nous donne pas la réponse !

Le récit de la Passion du Christ a inspiré des artistes sur deux millénaires : il est à espérer que ces 14 stations soient une invitation à méditer la passion et la résurrection du Christ : l’autel de marbre représente le tombeau ; le Christ ressuscite du tabernacle, pour se donner à qui veut le recevoir en vérité et il est une erreur de le réserver à un autre usage.


Chemin de Croix

Les 14 stations de croix sont des plaques de laiton repoussé, soit doré, soit argenté, entourées d’un cadre de bois surmonté d’une croix. Les personnages et motifs de scène sont argentés par galvanoplastie.


La galvanoplastie est une opération physique consistant à déposer électrolytiquement une fine couche de métal, ici de l’argent ou de l’or, sur une surface conductrice. Deux signatures figurent sur diverses stations : Jean-Baptiste Germain et Léopold Oudry. Ils ont produit diverses versions de « Chemin de Croix », celle de Naste est probablement celle de 1863. Elles varient selon des finitions ou des formats différents. Les églises suivantes en bénéficient : Nomécourt, Dol (Bretagne), Chaumont, Egersheim, Maisons-Laffitte, Poissy, Vignory et Plasten-les-Grêves.


Germain

Jean-Baptiste Germain (1841-1910) est né à Fismes, dans le département de la Marne. Sculpteur renommé, il a été l’élève de Dumont et de Charles-Alphonse-Achille Gumery (1827-1871, sculpteur et médailleur réputé). Germain a créé des œuvres pour l’Opéra de Paris et pour les villes de Montpellier et de Bordeaux. Il a exposé au Salon de Paris de 1866 à 1879. Nous remarquons sur chacune des stations tout spécialement la finesse des traits des personnages et de leurs vêtements ainsi que les expressions de chaque visage.


Oudry

Léopold Oudry est issu d’une famille cultivant la fibre artistique. Tout lecteur des « Fables » de La Fontaine a vu une fois ou l’autre les gravures de son ancêtre Oudry. Pour ce « Chemin de Croix », il est le fondeur et le producteur. Suite à sa signature, il mentionne parfois : propriétaire éditeur. Il a été l’orfèvre de Napoléon III. Objets sculptés, boîtes bijoux et coffrets , en faisant l’emploi de la galvanoplastie, étaient sa spécialité.

Les grands monuments de la ville de Paris ont bénéficié de sa maîtrise du cuivrage galvanique : fontaines de Vénus et de Diane les fontaines des Quatre-Saisons aux Champs-Élysées; la fontaine de la Place Louvois; les 140 candélabres au rond-point de l’Étoile, etc.

Afin de traiter des monuments de si grande taille par galvanoplastie, il a édifié un immense atelier sur la route de Versailles. Il y employait jusqu’à 150 ouvriers. Le cuivrage des deux fontaines monumentales de la Place de la Concorde a été son plus grand exploit en 1861 : chaque statue pèse près de 1.9 tonne, la grande vasque composée en trois parties pèse 10.5 tonnes, avec une autre d’un seul tenant de 7.4 tonnes.


Autel et statues

Autel, chapelle de Naste

L'autel est de marbre et, sur la face centrale, trois lettres entrelacées SAP indiquent que la chapelle est consacrée à saint Antoine de Padoue dont la statue se trouvait dans la niche ornée qui domine l’autel. Celle-ci a été volée et a été remplacée par celle du Sacré-Cœur de Jésus.

De part et d’autre du SAP, vous avez en chaque face un lis blanc : symbole de l’élection, de l’être aimé par Dieu (selon la lecture du Cantique des Cantiques); il signifie aussi l’abandon à la volonté et à la grâce de Dieu (à l’exemple de Marie, des vrais disciples du Christ), selon le verset de l’évangile de Matthieu (6,28). L’autel est aussi parsemé de roses stylisées qui étaient dorées à l’origine (devenues verdâtres avec le temps et l’humidité).


Diverses statues reposent sur des socles suspendus. Saint Joseph portant l’Enfant Jésus, sainte Philomène, la Vierge de Lourdes, saint Expedit (saint plus reconnu par l’Eglise de nos jours; son intercession était demandée lors de procès ou de conflits familiaux ou pour des causes désespérées; il a été remplacé par sainte Rita). Une statue de la Vierge, pour être placée à l’extérieur, aux mains coupées a été restaurée et peinte (ce qui n’était pas le cas à l’origine).


Vous avez deux petites statues extérieures, placées dans la chapelle pour éviter les vols : saint Bruno et saint Antoine de Padoue qui se trouvaient dans les niches de la villa de Naste. Il faudrait surtout les laisser propres et en l’état : il est inutile de vouloir tout peindre !


L’éclairage était assuré par des luminaires à bougies.


Objets liturgiques

Etole

Déposés en sécurité, ils ne se trouvent pas dans la chapelle. Chasubles, manipules, nappes d’autel, étoles, pales, voile de calice, burettes ouvragées, calice, patène, une chape remarquable sont d’une grande qualité artistique et riche en symboles dont j’ai eu le plaisir de donner tous les sens. Lors d’une journée du patrimoine que j’ai organisée, le public a découvert ces œuvres d’art en même temps que cet historique de cette chapelle.


Chape pour les vêpres


Chape, détail, symbole du pélican.

Au-dessus de l’entrée, vous avez un Christ portant sa croix, peint par Mme Christine Paquot, pour remplacer une gravure au même motif qui avait souffert de l’humidité.

Revenons maintenant à quelques faits vécus ou ayant marqué les propriétaires de Naste ou de Baïne.


Cèze, pomme de discorde entre Sabran et Saint-Gervais

Terres perdues par Saint-Gervais, changement de lit de la Cèze.


Les crues de Cèze ont occasionné des pertes de terre à la commune Saint-Gervais au profit du hameau de Combes à Sabran, du domaine de Mon(t)caud, plus spécialement. Depuis 1816 jusque dans les années 1910, travaux et procès ont ponctué régulièrement la vie des deux communes. Les propriétaires riverains sur Saint-Gervais se sont unis pour effectuer des travaux de protection contre les crues de Cèze. J’ai publié l’acte d’union du 12 février 1837, officialisé le 9 janvier 1840, dont la teneur principale quant à la raison d’être est la suivante :


« En 1816, la Cèze qui sépare les territoires de Saint-Gervais et de la commune de Sabran, et dont le cours est du nord-ouest au sud-est, coulait par une ligne demi-circulaire, le long du bout septentrional des terres, tout proche des bâtiments de la grange de Moncaut, assise sur la rive droite. Les eaux s’étaient naturellement portées par un monticule ou tertre, extrêmement élevé nommé L’Argelas, existant sur la rive gauche en face et au nord de ladite grange de Moncaut. Une série ininterrompue de travaux et d’ouvrages éminemment offensifs, exécutés depuis cette époque par le propriétaire actuel de ce domaine et par les possesseurs des terrains, supérieurs et inférieurs du même bord, qui n’ont été que trop dociles à ses leçons et à ses exemples, ont produit des effets tellement désastreux pour les terres de la rive opposée, que déjà il s’en est ensuivi un triple changement de lit de rivière et que le résultat de ces révolutions successives a été d’enlever au territoire de Saint-Gervais et de transporter, au détriment des légitimes propriétaires, sur celui de Sabran, une contenance de terrain, d’environ trente-deux hectares.

De pareilles entreprises, récemment et actuellement pratiquées sur la même rive droite, exposent les quartiers de Gourbeson, Le Plan et Rajol, au danger éminent et inévitable d’être entièrement envahis et dévastés par les eaux de la Cèze si, reconnaissants enfin, l’intérêt urgent et le besoin qu’ils ont de s’entendre et de réussir et combiner leurs moyens et leurs efforts, les possesseurs se livrent sans retard et sans relâche à des ouvrages défensifs, seule barrière qui puisse garantir les débris de leurs propriétés. »


Cette association de défense est renouvelable tous les 10 ans. Son but est d’aménager de façon défensive la rive gauche de Cèze afin de se protéger contre l’invasion et le ravage des eaux de la Cèze. Les frais sont financés par chaque propriétaire au pro rata de la contenance de leurs terres : 4 francs pour 8 ares (soit l’équivalent de 1 émine ancienne). Chaque propriétaire peut déduire de cette somme le travail qu’il réalise personnellement à la réalisation de ce projet, sous le contrôle du trésorier de l’association : Gustave Rouvière, du domaine de Baïne et dont il a déjà été fait mention précédemment. L’aliénation des terres concernées ne peut être consentie qu’aux seuls membres de l’association.


Pendant quelques années, les travaux défensifs ont prouvé leur efficacité quant à la préservation de la rive gauche. Lors de la démolition du four banal, accolé à l’église (emplacement de la sacristie actuelle) et du cimetière de Saint-Gervais, en 1838, les pierres dures, fort bien taillées, ont été récupérées pour empierrer la rive de Cèze : ce bel ouvrage était visible après la crue de 2002 et aurait mérité une préservation.

Toutefois, les crues soudaines et violentes de la Cèze occasionnent de nouveaux dommages. À Saint-Gervais, les ouvrages de Sabran sont considérés comme offensifs, car ils augmentent la force du courant d’eau contre la rive gauche. Une nouvelle bataille juridique est lancée. Les terres de Naste et de Baïne sont concernées ainsi que celles de nombreux autres petits propriétaires. Le syndicat est alors actualisé en 1867. Je ne ferai pas état ici de façon complète de ce dossier juridique totalement méconnu. Les pièces sont nombreuses et, parfois, fastidieuses à lire : répétions des faits, des arguments et des contre-arguments, repris selon diverses approches. À croire que les avocats étaient payés à la ligne !


En résumé, la famille Cotton-Rouvière a favorisé une union pour protéger la rive de Cèze par divers travaux et digues au sud de Naste et plus en aval, jusqu’à la hauteur de Moncaut dont le propriétaire est M. Collain. Celui-ci les considère comme des ouvrages offensifs. Un procès s’ouvre.


Les experts sont désignés par le tribunal pour constater les faits : la question première est de déterminer si ces travaux sont offensifs ou défensifs et la seconde est de savoir à qui appartiennent les graviers du lit de la rivière qui peuvent être utilisés pour diriger les eaux dans un axe plutôt qu’un autre, alors que le lit de la rivière change souvent à chaque crue. Collain a effectué des empierrages dans le lit même de la rivière et des plantations d’arbres sur les terres amenés par les crues, pour fixer le sol à son avantage... Je vous laisse imaginer l’imbroglio juridique à résoudre !

L’expert venu sur le terrain donne raison à Cotton, mais le supérieur de ce même expert donne finalement raison à Collain, sans même se rendre sur place. Or c’est ce dernier avis que confirme le Préfet ! Il y a des mystères dans les avis de justice qui surprennent les personnes qui a priori accordent leur confiance aux juges !

Cotton décide de recourir au Ministère des Travaux publics. Il est opposé à ce même Préfet sur un dossier d’exploitation d’une mine de lignite : il est convaincu d’avoir gain de cause contre lui. Il préfère que ce soit Rouvière qui représente les intérêts de l’ensemble des propriétaires concernés. Jules Cotton poursuivra certains travaux de protection. Nous distinguons encore de nos jours, des vannes métalliques pour retenir ou évacuer les eaux de Cèze et nous observons, depuis le parc, les longs renforcements de terre pour freiner la venue des eaux (il y en a de mêmes du côté de Sabran). Il est à espérer que de nouvelles crues ne réveillent pas une nouvelle polémique entre ces deux communes !


Le « Nastéen » Joseph Mourret

Le neveu de Jules Cotton, Joseph Mourret, est un personnage original sur lequel j’ai donné plusieurs conférences. Il est un « soixante-huitard » du XIXe siècle : il est né le 10 mai 1868 ! Mort le 7 février 1944, il mérite bien le titre de non-conformiste, avec tout ce qui peut y avoir de plaisant comme de déplaisant dans ce comportement habitudinaire.

Formé à l’école des Jésuites, il a nourri ses écrits de littérature classique, de ses connaissances historiques et un goût pour les sciences naturelles. Il est passionné par les travaux de la vigne. Depuis son exclusion de cette école avec l’un de ses camarades, il a régulièrement décoché des flèches acérées contre les Jésuites et le clergé. Avant son départ pour Paris, un procès contre lui a été intenté à Uzès pour une rixe selon toute vraisemblance. Il craint que cette affaire soit utilisée pour le discréditer auprès de son oncle Jules. Il a besoin de son soutien financier et forme des espérances quant à son héritage, le sachant sans descendance directe.


Son don pour le dessin le pousse à suivre les cours de l’Académie Julian à Paris. Il y développe, sans peine, son esprit critique en fréquentant le « Chat noir », haut lieu de la vie nocturne parisienne. Il y rencontre Alphonse Allais, Aristide Bruant. Henri Rivière l’initie aux ombres chinoises qui se retrouveront dans les trois journaux satiriques locaux : la « Chronique bagnolaise », « Lou Calèu ", et « Lou Gaveu ».

Caribert Mourret sera son nom d’artiste. Il fera usage de multiples pseudonymes et formera ainsi à lui tout seul un comité de rédaction : St Inès, John Murray, Jeanne Quibrode (écrits féministes) Zéphirin Sacely (critique artistique)...


Sa correspondance avec Jules Cotton (que m’avait donnée Yvette Nouguier et que j’ai remise à la Médiathèque de Bagnols-sur-Cèze) témoigne de sa vie parisienne. Ses lettres sont illustrées afin d’accompagner son récit. Son calepin nous indique sa passion pour la bouvine. Il croque les portraits de ses proches.

Caribert Mourret, à l'écoute de sa muse.

Dans ses journaux, il cultive le don de la provocation très souvent avec finesse et parfois avec trop d’irrespect : c’est un peu la loi de ce genre de littérature. Le plus sûr moyen d’agrandir le nombre de ses ennemis est de dire la vérité en riant. Les réactions, les procès contre lui ne manqueront pas !


À ses débuts, Jules et Marie Cotton le soutiennent dans ses entreprises. Lorsque Caribert s’attaque à Bertin Boissin, maire de Bagnols-sur-Cèze, et à leurs amis, le ton change. La rupture définitive s’accompagne de la perte de leur aide financière. Le pamphlet politique est une arme que seule l’absence de dons désarme.


Jules Cotton et Joseph Mourret : la rupture de 1901

La lettre de rupture mérite d’être connue, car on y retrouve la mention de Collain et explique, sans aucun doute, le choix d’un autre héritier pour le domaine de Naste : le couple Nouguier sur lequel je reviendrai plus bas.


Elle est motivée par l’édition du « Lou Calèu » du 6 avril 1901 (numéro consultable à la Médiathèque de Bagnols, en passant par le responsable des Archives municipales de la ville). Bertin Boissin y est caricaturé en ours. Une amie de la famille Cotton y est aussi prise à parti. Son contenu favorise les projets politiques de l’« ennemi » traditionnel des Cotton : Collain.


Lettre de Jules Cotton à Joseph (dit Caribert) Mourret, 7 avril 1901.


“ J’ai sous les yeux, neveu compromettant, ton Caleu.

Je te prie à l’avenir de me mettre en dehors et te chercher d’autres personnages à mettre sur la sellette. Tu te méprends considérablement sur l’ami Boissin dont tu me payes l’ours. Il n’est pour rien dans la manœuvre consistant à lancer ma candidature comme ballon d’essai. Je parle en connaissance de cause.

Tu fais le jeu de mes adversaires et ne serai pas étonné qu’ils se jettent à corps perdu sur tes numéros, distribués généreusement aux frais du prétendant.

Où en sommes-nous donc ? Que sont devenus ces prétendus sentiments d’affection sincère dont tu m’as fait si souvent la déclaration ?

Oui, je te le répète, tu me contraries vivement dans les circonstances présentes et fais tout pour m’indisposer.

Je ne te parlerai que superficiellement de la vénérée en générale sous laquelle dont tu ne respectes nullement le caractère digne de respect. C’est une vieille et dévouée amie de la maison que tes aïeux verraient avec peine figurer en formes excentriques sur tes feuilles non moins excentriques.

Qu’il soit donc convenu que tu me laisseras la paix et que tu laisseras finir paisiblement ses jours et ans, sa retraite à celui dont tes veines contiennent le même sang.

Que Collain menace ton oncle de ses foudres vengeresses en préméditant des travaux offensifs sur le terrain d’autrui pour amoindrir mon patrimoine; que Collain m’arrache mes ouvriers en coupe réglée pour rendre possible ma ruine par l’ [mot illisible] qu’il cherche à lui imposer !

Que ce dernier l’ennemi par tradition de tes aïeux (* avec écrit en marge : qui n’ont cessé de combattre ses [mot illisible] auxquels sa vie s’est livrée) en un mot se délecte de la campagne insensée que tu ne cesses de faire à son profit. C’est son affaire.

Mais est-ce la tienne ? Oui, vraiment tu m’écœures.

Tu me fais jouer un rôle, à mes yeux, de marionnette et ma foi je n’y comprends plus rien. Dans la lettre que je t’ai fais passer, tu as pu te convaincre que tu t’étais fourvoyé sur ma posture. Jamais, jamais en effet, il est entré dans mes vues d’affronter la lutte et tueusses dût’en convaincre d’après tout ce que je te disais quand il m’était donné de causer librement avec toi.

Sur ce, fais bon profit de ces catégoriques commentaires. Ce seront les dernières sur ce chapitre.

 Ton oncle indisposé. Signé : Jules Cotton


P.S. Ta tante, à laquelle on ne peut reprocher que de t’avoir trop aimée, est dans les mêmes sentiments au sujet de ce qui précède.”


Pour Naste, cette lettre permet de comprendre les multiples procès qui auront lieu entre Joseph Mourret et les héritiers de Jules Cotton : pour un droit de passage sur l’allée de Naste, savoir si c’était un passage d’agrément ou un passage agricole; droits d’eau pour les sources Pagès, le ruisseau de Combe et les eaux de Sapian; pour contester les travaux réalisés par Jules Cotton... De tout évidence, le neveu n’a pas accepté les héritiers de son oncle ! Ce qui nous conduit à nous intéresser à la famille Nouguier.


Jean Nouguier(1892 - 1955)

La vie sportive de Bagnols-sur-Cèze a bénéficié de son mécénat pour acquisition et aménagement du terrain de football, sur lequel s’élèvent actuellement des logements. Une rue porte son nom : voici une commune qui sait parfois reconnaître le mécénat !


La famille Nouguier est originaire de Bagnols-sur-Cèze. Le père de Jean est Fernand Nouguier. Fernand est né le 11 août 1868. Il est le fils d’Ernest et de Rose-Mathilde Nouguier, née Roure. Ce dernier nom est à retenir, car le souvenir de son frère Égide Roure a marqué la mémoire familiale des Nouguier. Mlle Yvette Nouguier m’en parlait encore dans les années 1990. 

Fernand a habité à Grenoble et à Lyon (au 93, avenue de Saxe, dans le 4e arrondissement). Représentant d’usines métallurgiques, il a commercé des aciers spéciaux, des limes, des fontes... Il est mort à Lyon le 14 novembre 1941.

Fernand épouse Victorine Guiauchain, née à Codolet, le 21 janvier 1871, la nièce de Victoire Ode et donc, par alliance, de Jules Cotton. Leur fils Jean est né à Codolet le 31 mai 1892. Il décédera à Naste le 8 juin 1955 : il a été retrouvé noyé dans le bassin de la villa de Naste. Inévitablement, la rumeur s’est emparée de cet évènement. Il faut savoir que le bassin est très profond par endroit, contrairement à ce qui se dit par ignorance.


Jean Nouguier a épousé Marie-Joséphine-Françoise Vire. Au moment d’hériter de Jules Cotton en 1910, il est mineur et son père Fernand est son représentant légal. Le domaine de Naste comporte des maisons d’habitation et d’exploitation, une chapelle, des terres agricoles, des bois, de sources et des droits d’eau. Pour les années de 1912 à 1915, le livre de compte tenu par Jean Nouguier est riche en informations. Nous découvrons en détail son train de vie et la gestion financière du domaine : un valet de ferme permanent, deux dames domestiques pour le ménage; les achats, les salaires, les impôts, les assurances.


Ce couple a eu des difficultés conjugales dont les motifs ne me sont pas connus. Le temps de guerre explique peut-être cette situation. Entre décembre 1915 et mai 1916, il est certain que Jean a demandé le divorce, alors que Joséphine souhaitait seulement une séparation de corps. Des experts ont été désignés afin de déterminer pour le Tribunal, si le domaine de Naste pouvait être partagé en deux lots ou si la vente du domaine était préférable. Finalement, le couple a subsisté.

Jean et Joséphine ont eu deux enfants : Jeanne (dite Jane par sa sœur) et Yvette. Jane s’est noyée dans la Cèze, sans que son père ait pu la sauver. Cette tragédie a marqué toute la famille.


Quant à Mlle Yvette Nouguier, elle a suivi des études classiques latin-anglais. Elle a exercé la profession d’infirmière à Orange. En 1955, elle a dû reprendre la gestion du domaine dont certains terrains suscitaient la convoitise de quelques propriétaires. Tout commence par payer des droits de succession : l’État est toujours un héritier à sa façon ! Le père de René Armand, actuel propriétaire et famille d’Orange, s’occupera de la gestion des terres.

Elle a joui de sa retraite dans la villa de Naste. Elle a été très engagée dans la vie associative, paroissiale et municipale du village de Saint-Gervais (notamment, le club de la « Joie de vivre », réunissant les retraités). Son don d’observation lui permettait des analyses fines sur la vie locale : à plus d’une reprise, j’ai pu vérifier la justesse de ses propos !


Il est impossible d’achever le récit du passé de ce domaine de Naste, sans mentionner Égide Roure, le grand-oncle d’Yvette Nouguier, dont le souvenir était inscrit dans la mémoire familiale.


Egide Roure(1838-1864)

Ce prénom, peu répandu de nos jours, surprend. « Egide » est issu de la racine latine « Egidius » qui a donné le prénom « Gilles » en français. Un ermite provençal a popularisé ce prénom depuis le VIe siècle. Il est le frère de Rose-Mathilde, épouse de Fernand Nouguier. Sa vie nous amène à la conquête de l’Algérie par la France.


Diverses coupures de presse(comme le « Globe » du 18 mai 1864, le « Moniteur », etc.) relatent l’engagement des troupes françaises en Algérie, contre les Harrars, à Saïn-Laghta qui se situe à 480 km d’Oran. Nous sommes presque avec un « Camerone bis », mais, ici, avec une victoire au final.


Egide Roure appartient au 1er Escadron du 2e  Régiment d’Afrique. Le 26 avril 1864, à 7h30 du matin, cet escadron de 38 hommes reçoit l’ordre de charger l’ennemi : une colonne d’infanterie arabe précédée de 700 à 800 cavaliers ! Cet escadron subit une fusillade nourrie. Le lieutenant Delapierre (ou de Delaperière selon d’autres sources) et le capitaine Villatte sont à la tête du peloton. Delapierre tombe criblé de balles et parsemé de coups de sabre. Quatre maréchaux des logis tombent avec lui : Morel, Choussy, Ade et Égide Roure. Le bataillon de Zouaves arrive à cet instant avec les chasseurs qui tous deux repoussent les Arabes.


Cavani, un camarade de service d’Égide a rapporté à la famille sa tenue, trois livres et ses courriers. Elle apprend les circonstances de la mort d’un fils et du frère de trois sœurs : Herschie (l’aînée avec Égide), Isabelle (à Uzès, en juin 1864) et notre Mathilde (à Montpellier, en août 1864). A l’âge de 26 ans, Égide est mort pour que l’Algérie soit française. Ses camarades l’appréciait pour sa nature joyeuse et son bon caractère. Pas fier, il restait simple avec les soldats.


Herschie, devenue Sœur Adélaïde en la communauté de l’Enfant-Jésus de Béziers, écrivait volontiers en vers, à son frère et à son père. Je ne résiste pas à vous en livrer quelques extraits. Voici ce qu’elle lui écrivait en mars 1864 :


À mon frère

Traversant par un vol rapide

l’immense empire neptunien,

J’accours vers toi, mon bon Égide

vers toi qui me comprends si bien.

Ma pensée te suit sur la plage,

Poursuivant l’arabe orgueilleux,

Ou bien debout sur le rivage,

Vers la France fixant tes yeux.

Malgré le bruit confus de l’onde

Ta douce voix vient jusqu’à moi

Dans ma solitude profonde.

Tes désirs sont ma loi.

Je voudrais être cette page

Que touche ta blanche main.

Je voudrais suivre ce nuage

Afin de t’embrasser demain.

Reçois du moins, bien-aimé frère

Mille tendresses de ta sœur.

De te revoir bientôt j’espère,

Que cet espoir est douceur !


Au mois de mai, elle apprend la mort de son frère qui lui inspire, le 21 janvier 1866, les vers qui suivent :

Élégie pour la mort de mon frère,

Le 26 avril 1864.


Je t’aime moins que Dieu,

mais bien plus que moi-même

“Polyeucte”, Corneille.


Tendre ami, moissonné à la fleur de ton âge,

Alors que l’avenir soulevant son bandeau

t’apparaissait soudain comme une douce image,

t’invitant à marcher sous son vaillant drapeau.

Tu rêvais les combats; les lauriers de la gloire

Excitaient dans ton cœur une noble ambition.

Tu ne voyais partout que triomphe, victoire,

Tu te sacrifiais pour une grande action...

Tu ne prévoyais point qu’une balle meurtrière

T’attendrait à vingt ans sur le champ d’honneur (*26 ans en fait)

Et conduirait le deuil d’une famille entière

Alors que tu faisais sa gloire et son bonheur.

On aimait ton humeur, ta gaîté, ta franchise,

Tes yeux bleus où brillait la bonté de ton cœur,

Ton maintien gracieux, ta démarche, ta mise

Et ton sourire empreint de charme et de douceur.

Ta belle âme est au ciel, j’en ai la confiance.

Tu jouis radieux du bonheur des élus.

Tu veilles sur nous tous, c’est là mon espérance.

Conduis-moi par la main vers le Dieu des vertus.

Désormais tu boiras aux sources des eaux vives

Ce nectar enchanté qui seul remplit le cœur,

Que Jésus préparait au Jardin des Oliviers

Alors qu’Il expiait les crimes du pécheur.

Depuis que tu n’es plus, que de brûlantes larmes

Ont coulé de mes yeux et trahi ma douleur.

J’entends dans le lointain le cliquetis des armes

Et la voix de l’Émir inspirant la terreur.

Je vois ton beau coursier secouant sa crinière

Et terrasser soudain le Kabyle orgueilleux.

Puis, je te vois tomber le front dans la poussière

Et l’Ange de la mort s’abaisser sur tes yeux.

Ton image est toujours présente à ma tendresse

Ah ! Quand le pâle automne aura jauni les bois,

Je voudrais promener mes regrets, ma tristesse

Aux lieux où je te vis pour la dernière fois.

Oh ! Combien je t’aimais pauvre ami, cher Égide.

Ton cœur avec mon cœur se comprenait si bien

Que de fois ma pensée dans sa course rapide

Arrivait jusqu’à toi, si jeune, mon soutien.

À ces chers souvenirs de ma première enfance,

Je ne puis étouffer mes regrets, mes soupirs.

Que nous étions heureux !... Dans notre insouciance

Nous confondions nos joies, nos rêves d’avenir.

Il me semble te voir à l’ombre des vieux chênes

Ta tête dans mes mains, ton cœur près de mon cœur,

Écoutant le récit de mes premières peines

Pendant que j’essuyais de ton front la sueur.

Là du moins nous pouvions dans l’âme l’un de l’autre

Verser ce doux parfum qu’on nomme l’amitié.

Il est si doux d’avoir un cœur frère du vôtre

Qui, comprenant vos maux, puisse en avoir pitié.

J’ai revu depuis peu ces chênes séculaires,

Ces prés que nous foulions de nos pas enfantins,

Ce berceau de jasmin dans l’allée solitaire

Où nous allions gaîment causer tous les matins.

J’ai revu le verger, les bassins, la fontaine.

Les saules m’ont paru plus tristes que jamais.

Le ruisseau murmurant qui fuyait dans la plaine

Redisait ton doux nom que j’aimais.

Le soleil se couchant derrière la colline

m’a rappelé ce jour où causant tous les deux,

Je gravissais le mont en cueillant l’aubépine

Que je t’offrais riant et le cœur joyeux.

C’était le dernier jour que nous passions ensemble

Et quand de Rochemont nous parcourions les bois,

j’étais loin de penser que le chêne, le tremble

Nous ombrageaient tous deux pour la dernière fois.

Sur ta cendre oubliée dans les sables d’Afrique

Pas une main amie ne sèmera des fleurs

Oh ! Si j’avais le vol d’un esprit angélique,

j’irai baiser tes restes et répandre mes pleurs.

Si du moins, cette nuit, je te voyais en rêve

Et que ta douce main vint essuyer les yeux,

Mais non, non ma douleur n’aura jamais de trêve.

Adieu donc ici bas, mais au revoir aux Cieux !

Toujours ce souvenir lugubre, lamentable,

Ce 26 avril avec son manteau noir,

Cette triste journée à jamais déplorable

Qui brise en un instant mes rêves, mon espoir.

Ce déchirant tableau que rien ne peut détruire

Est toujours sous mes yeux, augmentant ma douleur.

Il me poursuit partout… les cordes de ma lyre

Rediront les soupirs de mon cœur…

Que béni soit le jour où quittant cette terre,

j’irai retrouver ceux qu’ici-bas j’ai perdus.

Mon pauvre cœur alors pourra satisfaire

Et s’enivrer d’amour dans le cœur de Jésus.


Conclusion

Tout lecteur de cet article et qui se promène sur cette rive de Cèze peut ainsi visualiser quelques scènes du passé de ce lieu qui garde, malgré tout, son ou ses mystères.  Je devais à Mlle Yvette Nouguier cette synthèse qui ouvre aussi des pistes à explorer, car, en histoire, un dossier n'est jamais fermé : il y a toujours encore quelque chose à découvrir. J'ai apporté ma pierre : elle sera utile aux uns, ignorée ou cachée volontairement par d'autres... C'est la vie ! 


Comme d'habitude, je reste à disposition pour orienter d'autres recherches : il suffit de me contacter : antoine.schule@fre.fr 


Liens sur l'histoire de 30200 Saint-Gervais, études originales d'Antoine Schülé :


Saint-Gervais en une chronologie

https://www.blogger.com/blog/post/edit/4968441732784536950/2712379064144737707

Gervais, les origines du nom

https://www.blogger.com/blog/post/edit/4968441732784536950/6173818471402437301

Saint-Gervais et sens de ses lieux-dits

https://www.blogger.com/blog/post/edit/4968441732784536950/6455600826833627900

Saint-Gervais : naissance d’une paroisse https://www.blogger.com/blog/post/edit/4968441732784536950/4987653791395180701

Saint-Gervais : vers l’église actuelle

https://www.blogger.com/blog/post/edit/4968441732784536950/4987653791395180701

Saint-Gervais : église paroissiale et notices complémentaires

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Saint-Gervais : Alexandre Servier, un prêtre sous la Révolution (de 1790 à 1817)

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Famille de Guasc, baronnie de Saint-Gervais

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Jean-Baptiste Charavel : l’ossuaire néolithique de Saint-Gervais (1937)

https://www.blogger.com/blog/post/edit/4968441732784536950/4416429268912827214

Henri Lombard (1925 - 1950), une histoire agricole de la basse vallée de Cèze

https://www.blogger.com/blog/post/edit/4968441732784536950/136185314516530041

Journal agricole d’Auguste Gilles

https://www.blogger.com/blog/post/edit/4968441732784536950/8130956564912022473

Questions juridiques d’ouvrages sur rives Cèze (Gard : Sabran / St. Gervais) faits et documents

https://www.blogger.com/blog/post/edit/4968441732784536950/4054884205577115763

Caribert Mourret, le caricaturiste et pamphlétaire (début XXe s.).

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Avis à tous les passionnés d’histoire locale


A titre bénévole, j’ai effectué de multiples recherches sur la commune de Saint-Gervais (mon blog en témoigne). L’expérience vécues m’oblige à vous dire qu’il ne faut s’attendre à aucune reconnaissance de certaines familles ou de certains élus, même bénéficiaires du travail que j'ai accompli : en effet, une étude offerte gratuitement n’a aucune valeur aux yeux de quelques-uns. Quelques autres n'hésitent pas à exploiter mes recherches pour laisser croire  qu'ils les ont effectuées  ! Je vous laisse discerner la vraie nature de de ces individus qui ont encore à progresser pour devenir des personnes !


Il est évident pour le moins surprenant d’entendre, en 2025, des individus proclamer qu’ils vont étudier le passé de la chapelle de Naste, en laissant entendre que rien n’aurait été fait avant eux : il est vrai que le mensonge, la mauvaise foi, l'ignorance et le désir de se faire valoir sont des moteurs suffisants, selon eux, pour plastronner dans la presse locale ! Raison pour laquelle je communique ici, en résumé, mais de façon la plus précise, les données que j’ai réunies depuis 20 ans maintenant.

Toutefois, je ne doute pas un instant que leurs prétentions électorales et/ou leur orgueil mal placé les persuaderont de s’approprier, sans vergogne, mes recherches, sans mentionner mon nom : ceci est une pratique fréquente, voire régulière pour quelques-uns, même de la part d'"élus" prétendant cultiver les “valeurs républicaines”, en cette belle commune de Saint-Gervais qui ne mérite pas ce type de comportements, hélas trop fréquents !


Vous êtes plusieurs à m’avoir exprimé votre surprise et votre indignation quant à ces quelques “usages locaux” : merci, d’avoir l’honnêteté de dire tout simplement la vérité et n’accordez surtout pas votre confiance à celles et ceux qui se croient tout permis ! Je n’ai rien à dire de plus. Par contre, grand merci aux personnes qui savent reconnaître la paternité d'une étude originale. Heureusement, il y en a !


Historiens locaux, continuez votre travail, mais ne vous attendez pas à une reconnaissance de la part d’individus indignes de recueillir les fruits de vos efforts ! Heureusement, il y a ceux qui savent trier le bon grain de l’ivraie !

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