En parcourant les auteurs
Antoine Schülé
A l’écoute des auteurs, la mémoire enregistre des phrases qui spontanément viennent à l’esprit, lors d’évènements particuliers ou de propos échangés. Pour mon plaisir d’abord et peut-être le vôtre aussi, je vous livre ce que les livres m’ont délivré. Que ce partage intellectuel vous invite non seulement à un bon discernement, mais encore à l’action.
Liberté du choix |
Action
« Ne faut-il que délibérer ?
La cour en conseillers foisonne.
Est-il besoin d’exécuter ?
L’on ne rencontre plus personne. »
La Fontaine. Conseil tenu par les rats.
Adhésion (de la troupe et du peuple)
« Faire adopter ou rejeter une opinion à un petit nombre d’individus n’est pas fort difficile ; car si la parole ne suffit pas, on emploie la force et l’autorité. La véritable difficulté est de détruire dans l’esprit de la multitude une erreur funeste, contraire à l’intérêt public et à vos desseins. Ce succès ne peut s’obtenir que par un discours qui, si l’on veut que tous soient persuadés, doit être entendu de tous. Il fallait donc, qu’autrefois les grands capitaines fussent orateurs ; car, si l’on ne sait parler à toute une armée, il est difficile d’espérer de grands succès, mais c’est un talent tout à fait perdu aujourd’hui. »
Machiavel. Livre V, p.828
Affection familiale
« Que de fois j’ai senti avec amertume le prix dont devait être une affection sincère trouvée dans sa propre famille. Quand cette affection est près de vous, c’est dans les peines de la vie une grande consolation. Si elle est éloignée, c’est un repos pour l’esprit et pour le cœur, et un asile pour la pensée. »
Talleyrand. Mémoires. P.10
Affermir
« Eradenda cupidinis pravi sunt elementa et tenerae nimis mentes asperioribus formandae studiis. »
Horace, livre 3, XXIV
Il faut extirper les principes de la convoitise mauvaise et tremper, par des plus rudes travaux, les âmes trop molles.
Age (paraître son)
« Facies tua computet annos. »
Juvénal. Satire VI.
Ta face porte écrit le nombre de tes années.
Ami
« Ego semper, quam diu vixi, numquam faciam tibi rixa, sed semper concordia. »
Moi, ma vie durant, je ne te chercherai aucune querelle, mais toujours je chercherai la concorde.
Amour (propos féminin sur les hommes)
« Quand je ne les aime pas assez, ils ne m’apportent rien…quand je les aime trop, ils me prennent tout. »
S. Guitry, Virginie Déjazet. T.12, p.505
Amour (par transfert)
« Se donner à quelqu’un par amour pour un autre… Ah ! Toutes les femmes me comprendront : c’est une volupté sans pareil ! »
S. Guitry, Beaumarchais. T.10, p.107
Amour en question
« Mais elle est de ces femmes qui se donnent à vous en cinq minutes…et qui veulent pourtant qu’on les prenne au sérieux. Si bien que, de temps à autre, on est obligé de leur demander : « Est-ce nous faisons l’amour parce que nous nous aimons… ou bien nous aimons-nous parce que nous faisons l’amour ? »
S. Guitry, Beaumarchais. T.10, p.99
Argent
« Et antiquitus fructus erat studere et habere declamantes socios : nunc in arca sepelire nummos majus est quam scire. »
Poésie goliardique.
Il était profitable jadis d’étudier et de déclamer avec ses confrères : maintenant, il est plus avantageux d’enfouir dans un coffre les écus que de savoir.
Auteur et acteur
« B. : -Vraiment, les comédiens oublient un peu trop vite ce qu’ils doivent aux auteurs.
M.F. : -Tu n’as jamais vraiment aimé les acteurs.
B. : - Non, jamais. Cela m’agace de partager avec eux mon succès…car je ne sais jamais s’ils m’en laissent ma part ! »
S. Guitry, Beaumarchais. T.10, p.141
Avenir et passé
Les fanatiques du passé sont aussi coupables et funestes à l’humanité que les fanatiques de l’avenir. Les uns immolent l’homme à leurs ignorances et à leurs souvenirs, les autres à leurs espérances et à leur précipitation.
A. de Lamartine. Le premier voyage en Orient 1832-1833. Lettre du 29 mai 1833. Vente d’esclaves.
Avenir, présent et passé
Comprendre le passé ; tolérer le présent en l’améliorant ; espérer l’avenir en le préparant : voilà la loi des hommes sages et des institutions bienfaisantes.
A. de Lamartine. Le premier voyage en Orient 1832-1833. Lettre du 29 mai 1833. Vente d’esclaves.
Aventure
« Les gens aventureux passent aux yeux des méchants pour des aventuriers.
S. Guitry, Beaumarchais. T.10, p.161
Barbarie polytechnique
« Ce qu’il hait, dans le monde moderne, ce n’est pas le Progrès, c’est la servitude, le culte de la force, le règne de l’argent, la subordination de la pensée à la technique, la mécanisation de l’homme, en un mot la barbarie polytechnique. »
Boisdeffre à propos de Bernanos.
Bavard
« Torrens dicendi copia multis
Et sua mortifera est facundia
Juvénal, Satire, 10, v 9-10
Pour beaucoup, c’est l’abondance impétueuse de leur parole, c’est leur propre éloquence qui est la cause de leur perte.
Cadeau
« Munus eloquentia gaudet singulari. »
Poésie goliardique
L’éloquence du cadeau est singulièrement puissante.
Colère (contre la vie mondaine mais contre les vices du monde aussi)
Ne miseris, pestis dira,
Si te persequar cum ira,
Quia mihi tu fecisti,
quidquid mali potuisti ?
Anonyme. XIIe s. Rythme de la vie du monde. P. 1365
Ne t’étonne pas, fléau funeste,
si je te poursuis avec colère,
parce que tu m’as fait
tout le mal que tu as pu.
Comédien
« Il faut être outrecuidant pour jouer la comédie. Rien que pour oser entrer en scène, mon ami, il faut avoir un toupet d’enfer. »
S. Guitry, Virginie Déjazet. T.12, p.494
Confessions (d’écrivain)
«… c’est précisément ce qu’il y a d’instructif dans ces confessions morales : l’homme y apprend ce qui est arrivé aux autres et ce qu’il doit lui-même attendre de la vie ; il se persuade que, quoi qu’il arrive, il le subit parce qu’il est homme et non parce qu’il est spécialement heureux ou malheureux. »
Goethe. Poésie et vérité. P. 49
Confiance (en la force du Christ)
« Te vigilante nulla nocet fortia,
Qui uncta fugas procul arma bellica. »
Anonyme VIIIe-IXe siècle. Chant des sentinelles de Modène.
Si tu veilles, aucune force ne nous nuira, car Tu chasses au loin toutes les armes de guerre.
Conseiller (bon)
« Tu es homo boni moris, quia semper sanioris mihi das consilia. »
Tu es un homme de bonnes mœurs, tu me donnes toujours le meilleur conseil.
Crainte
« Lorsque l’on craint les autres et qu’on n’a plus une confiance complète en soi-même, on ne fait que des fautes. »
Talleyrand. Mémoires. P.84
Débat
« Si vacat ac placidi rationem admittis, edam. »
Juvénal. Satire 1.
Si vous êtes de loisir et d’humeur à écouter avec bienveillance mes raisons, je vais vous le dire.
Décision
« Je n’aime point à m’arrêter sur cette idée… je la quitte. »
Talleyrand. Mémoires. P.9
Défense
« S’il n’est plus temps de me défendre, alors je vais vous attaquer. »
S. Guitry, Beaumarchais. T.10, p.110
Demande
Desine, mihi placere,
Noli mihi congaudere,
Desine me conturbare
Noli, quaeso, me amare.
Anonyme. XIIe s. Rythme de la vie du monde. P. 1365 (à propos de l’amour du monde mais cela est adaptable à d’autres circonstances)
Cesse de me plaire,
ne te réjouis pas avec moi,
cesse de me troubler,
ne m’aime pas, je te prie.
Cur ? Pourquoi ?
Tum exsecro amorem,
Tum renuo favorem,
Tum desero saporem,
Tum non amo decorem.
Anonyme. XIIe s. Rythme de la vie du monde. P. 1365
J’exècre ton amour,
je refuse ta faveur,
je renonce à ta saveur,
je n’aime pas tes charmes.
Désir (maîtrise du)
« …on obtient bien souvent plus vite, à moins de frais et de péril, les choses que l’on désire en paraissant s’en désintéresser qu’en les briguant obstinément par la force. »
Machiavel. Livre II p. 1059
Discernement
« Omnibus in terris, quae sunt a Gadibus
Usque Auroram et Gangen, pauci dinoscere possunt,
Vera bona atque illis multum diversa, remote
Erroris nebula… »
Juvénal, Satire, X, v 1-3
Sur toute la Terre, de Gadès à l’Aurore et au Gange, peu d’hommes, dissipant les nuages de l’illusion, savent discerner les biens véritables de ceux qui leur sont tout à fait contraires.
Don
« Lex est iste celebris : Si tu mihi dederis, ego dabo tibi. »
Poésie goliardique
Elle est célèbre cette loi : Si tu me donnes, je te donnerais.
Douleur (exprimer sa)
« Injuriis et contumeliis concitatus, jam diu concepi dolorem nimium ! Nunc demum rumpere cogor silencium. »
Poésie goliardique
Excité par les injustices et les outrages, j’en ressens depuis longtemps une douleur extrême ! Finalement, je me sens obligé de rompre le silence.
Douleur (maîtrise de la -)
La douleur n’est ni intolérable ni éternelle, si tu te souviens de ses limites et si tu n’y ajoutes rien par l’opinion que tu t’en fais.
Marc-Aurèle. Livre VII. Para 64. En citant Epicure.
Ecouter
Placet mihi quod tu dixi.
J’aime à t’écouter.
Ecrivain (heureux)
Lucrabas penna cibis.
Tu gagnais ton pain par ta plume.
Egalité
« L’Egalité, c’est que tout le monde soit malheureux. »
S. Guitry, Beaumarchais. T.10, p.154
Enfant (harcelé)
« Il faut répondre à la force par la force : mais un enfant de bon caractère, disposé à l’affection et à la sympathie, ne sait pas opposer grand-chose à la moquerie et la méchanceté. »
Goethe. Poésie et vérité. P. 53
Ennemi
« Il n’est jamais d’ennemi qui ait des forces assez nombreuses pour pouvoir vous attaquer sur tous les points, car dans ce cas vous n’entrez pas en campagne contre lui. »
Machiavel. P. 797.
Essentiel (l’)
Hoc opus, hic labor est.
C’est là le point le plus difficile et le plus important.
Etre humain
« Clamas licet et mare caelo confundas, homo sum. »
Juvénal. Satire VI
Tu as beau crier et remuer ciel et terre, je suis une créature humaine.
Etudiant
« Hec scrutari quidam solem, post, afflicti fame, dolent, se vacare studio ; unde multi perierunt et labore defecerunt. »
Poésie goliardique.
Ceux qui s’adonnent aux arts, meurent de faim et regrettent de s’être livrés aux études ; beaucoup y ont trouvé la mort, suite de leur labeur même.
Faim
« Et, si fama deperido, culpam vobis hanc ascribo. »
Poésie goliardique
Et, si je meurs de faim, ce sera de votre faute.
Fanfaron (à propos d’un – qui affirmait n’avoir peur de rien)
Castruccio lui réplique : « Je ne m’en étonne pas, chacun estime sa vie à ce qu’elle vaut. »
Machiavel.
Femme (leur impudence quand en faute)
« Nihil est audacius illis deprensis : iram atque animos a crimine sumunt. »
Juvénal. Satire VI.
Rien de plus impudent que les femmes prises sur le fait : elles puisent dans leur crime même leur colère et leur énergie.
Fête-Dieu
Vetustatem novitas
Umbram fugat veritas,
Noctem lux illuminat.
Thomas d’Aquin. Séquence pour la Fête-Dieu. V 21-24
Ce qui est nouveau met en fuite ce qui est ancien
Et la vérité, l’ombre.
La lumière illumine la nuit.
Foi
Quod non capis, quod non vides
Animosa firmat fides
Praeter rerum ordinem.
Thomas d’Aquin. Séquence pour la Fête-Dieu. V 34-36
Ce que tu ne comprends pas, ce que tu ne vois pas,
une foi ardente l’affirme
en dépit de l’ordre des choses.
Force (intérieure)
A chaque accident qui te survient, souviens-toi, en te repliant sur toi-même, de te demander quelle force tu possèdes pour en tirer usage.
Marc-Aurèle. Livre IV. 5.
Fortune (bonne ou mauvaise)
1. « Fortuna saevo laeta negotio et ludum insolentem ludere pertinax transmutat incertos honores, nunc mihi, nunc alii benigna. »
Horace, livre 3, XXIX
La fortune se plaisant à une activité cruelle et constante à jouer son jeu capricieux, transporte ses instables privilèges, libérale aujourd’hui pour moi, demain pour un autre.
2. « Laudo manentem ; si celeris quatit primas, resigno quae dedit et mea virtute me involvo probamque pauperiem sine dote quaero. »
Horace, livre 3, XXIX
Si elle demeure, je l’en remercie ; si elle est prompte à remuer ses ailes, je lui résigne les dons qu’elle m’avait faits ; j’ai en moi ma vertu dont je m’enveloppe et je recherche l’honnête pauvreté sans dot.
Fortune (mauvaise – vécue)
« C’est ainsi que je me défends de la méchanceté de la Fortune envers moi, presque content qu’elle m’ait jeté si bas et curieux de voir si elle ne finira pas par en rougir. »
Machiavel p.1436 (fréquentation d’auberge par désœuvrement, forme d’exil)
Fraternité
« La Fraternité : si vous aviez des confrères, vous sauriez ce qu’est la fraternité. »
S. Guitry, Beaumarchais. T.10, p.154
Gifle
« Une gifle de Gabriel Syveton changea brusquement ce ténébreux et féroce imbécile en un petit tas de boue décoré de la Légion d’Honneur. »
Bernanos à propos du général André ayant reçu une gifle lors de l’affaire Dreyfus.
Gloire (éternelle)
« Exegi monumentum aere perennius regalique situ pyramidium altius, quod non imber edax, non Aquilo impotens possit diruere aut inumerabilis annorum series et fuga temporum.
Non omnis moriar multaque pars mei vitabit Libitinam ; usque ego postera crescat laude recens, … »
Horace, Livre 10, 30
J’ai achevé un monument plus durable que le bronze, plus haut que la décrépitude des royales pyramides, et que ne sauraient détruire ni la pluie rongeuse, ni l’Aquilon emporté, ni la chaîne innombrable des ans, ni la fuite des âges.
Je ne mourrai pas tout entier, et une bonne partie de mon être sera soustraite à Libitine ; sans cesse je grandirai, toujours jeune par la louange de la postérité,...
Gouverner
« In multitudine regenda plus poena quam obsequium valet. »
Pour régir la multitude, les rigueurs sont plus efficaces que les ménagements.
Cité par Machiavel, Livre III, p. 663
Précision de Tommasini : cette citation est attribuée par Machiavel à tort à Tacite.
Les Grâces
« Et que me fait à moi qu’on soit belle ou jolie,
A moi qui, par raison, ai fait une folie ?
Je ne puis que gémir lorsque tout me sourit.
Et l’austère Vertu qui partout suit mes traces
A peine me permet les plaisirs de l’esprit,
Lorsque mon cœur ému veille au chevet des Grâces. »
Talleyrand. Mémoires. P. 54
Grammaire
« La grammaire me déplaisait parce que je n’y voyais qu’une loi arbitraire ; les règles me semblaient ridicules, parce qu’elles étaient détruites par mille exceptions, qu’il me fallait réapprendre toutes à part. »
Goethe. Poésie et vérité. P. 27
Guerre (dominer la)
« Il y a deux façons de dominer une guerre : la gagner ou l’éviter.
Pur la gagner, il faut être capable d’écraser l’ennemi et lui imposer sa loi.
Pour l’éviter il faut que l’ennemi sache qu’il ne peut pas gagner. »
Général Copel.
Guerre (fin)
« Une guerre n’est vraiment terminée que lorsque le conflit des politiques, qui lui ont donné naissance, l’est. Dans cette optique, le conflit entre la France et l’Allemagne, de 1870 à 1945, ne correspond qu’à une seule grande guerre, entrecoupée d’armistices. »
Vigor.
Helvétius, Condorcet, Raynal, le baron d’Holbach (à propos de)
« Quelle démence de prétendre gouverner le monde par des abstractions, par des analyses, avec des notions incomplètes d’ordre et d’égalité, et avec une morale toute métaphysique ! Nous avons vu les tristes produits de ces chimères. »
Talleyrand. Mémoires. P.71
Heureux (en ménage)
« Pour être heureux en ménage… et la chose n’est pas impossible, après tout… il faut que vous ayez les yeux grand ouverts avant de vous marier… après, tenez-les à demi-fermés. »
S. Guitry, Franklin senior. T.10, p.143
Homme (sa mission et sa vie d’ -)
Fixe les yeux sur ce que tu as à faire, considère-le bien ; et, te souvenant qu’il faut être homme de bien et de ce que réclame la nature de l’homme, accomplis-le sans te détourner et de la façon qui t’apparaît la plus juste, mais que ce soit seulement avec bonne humeur et sans faux-semblant.
Marc-Aurèle. Livre VIII. Para 5.
Hypocrisie
« Mel ab ore profluit, mens est plena fellis. »
Poésie goliardique.
Les lèvres font couler du miel, l’esprit est plein de fiel.
Hypocrisie
« Vitium in opere virtus est in ore. »
Poésie goliardique
Le vice est dans l’action, la vertu sur les lèvres.
Idée (originale ou reprise)
« Il y a souvent plus d’originalité à perfectionner une idée qu’à l’avoir eue soi-même. »
Pierre Daninos, au sujet de La Fontaine s’inspirant d’Esope.
Impôts
« Il y a deux choses inadmissibles sur la terre : la mort…et les impôts. Mais j’aurais dû citer en premier les impôts. »
S. Guitry, Franklin senior. T.10, p.142
Inédit (revendiquer l’-)
« Dicam insigne, recens, adhuc indictum ore alio. »
Horace. Livre 3, XXV.
Je dirai une chose sublime, toute neuve, qu’aucune autre bouche n’a encore dite.
Inexplicable
« Et l’auteur, qui ne sait plus où donner de l’intelligence, s’échine à tout vouloir expliquer, et le voilà maintenant qui met sur le compte du cœur tout ce qui lui paraît inexplicable encore. »
S. Guitry. Théâtre, je t’adore. p.184
Instincts
« Omnes jura ledunt et ad mala devia licite recedunt. »
Tous lèsent le droit et ont licence de se livrer aux mauvais instincts.
Intellectuel (desséchant)
« Votre analyse peut éclairer l’esprit, mais elle éteint la chaleur de l’âme : elle dessèche la sensibilité, elle flétrit l’imagination, elle gâte le goût. »
Talleyrand. Mémoires. P.71
Intériorité
« On se cherche des retraites à la campagne, sur les plages, dans les montagnes. Et toi-même, tu as coutume de désirer ardemment ces lieux d’isolement. Mais tout cela est de la plus vulgaire opinion, puisque tu peux, à l’heure que tu veux, te retirer en toi-même. Nulle part, en effet, l’homme ne trouve de plus tranquille et de plus calme retraite que dans son âme, surtout s’il possède en son for intérieur, ces notions sur lesquelles il suffit de se pencher pour acquérir aussitôt une quiétude absolue, et, par quiétude, je n’entends rien d’autre qu’un ordre parfait.
Marc-Aurèle. Livre IV, 3.
Jalousie d’imbécile et vanité
« Ce qui ennuie les imbéciles, ce n’est pas qu’on soit vaniteux…c’est qu’on ait des motifs de l’être, car, eux, ils le seraient à votre place. »
S. Guitry, Beaumarchais. T.10, p.96
Joie (cultiver la – malgré toutes les adversités)
Passe à travers la vie sans violence, l’âme pleine de joie, même si tous les hommes poussent contre toi les clameurs qu’ils voudront, même si les fauves déchirent les morceaux de cette pâte que tu épaissis autour de toi.
Marc-Aurèle. Livre VII. Para 68.
Juges
« Soli regnant nunc legiste, quibus mundus servit iste totus citra secula. Assesores sunt pastoris, intus lupi, set sunt foris agni sine macula. »
Poésie goliardique
Seuls les légistes règnent et le monde les sert tout entier en deçà des siècles. Ils sont assesseurs du pasteur : loups en dedans, au dehors agneaux sans tache.
Jugement
« Ubi nummus loquitur et lex omnis tacet. »
Poésie goliardique
Où l’écu parle, la loi se tait.
Jugement (au - dernier)
Nil valebunt rhetoricae
Artes nec sophisticae,
Nec legis peritus.
Anonyme. XIIIe s.
Les artifices de la rhétorique
ni la dialectique, ni la jurisprudence,
ne serviront de rien.
Justice (faire – soi-même)
« Quoique pour me servir tu n’appréhendes rien,
Te demander du sang c’est exposer le tien :
D’une si haute place on n’abat point de têtes
Sans attirer sur soi mille et mille tempêtes.
L’issue en est douteuse et le péril certain :
Un ami déloyal peut trahir ton dessein.
L’ordre mal exécuté, l’occasion mal prise,
Peuvent sur son auteur renverser l’entreprise. »
Corneille, Cinna, acte 1, scène 1. Emilie à Cinna.
Légalisme (outrancier)
« Artes diu floruerunt. At, ut leges regnaverunt, artes sunt inutiles. »
Poésie goliardique
Les Arts fleurirent longtemps. Cependant, les lois ayant prévalu, les Arts sont devenus inutiles.
Lenteur
« Dans les affaires importantes, le reproche de lenteur contente tout le monde ; ils donnent à ceux qui le font un air de supériorité, et à celui qui le reçoit l’air de la prudence. »
Talleyrand. Mémoires. P.78
Lettre (reçue)
« Et j’ai été frappé d’étonnement non pas tant de ce qu’elle renferme que du fait que vous avez pu en être l’auteur. »
Machiavel. P. 1426
Liberté d’expression
« On me dit que…pourvu que je ne parle…ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit…ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement. »
Mariage de Figaro, in : S. Guitry, Franklin senior. T.10, p.149
Mariage et célibat
« Quant à vous, mon enfant, je vous conseille de vous marier…car un célibataire ressemble à la moitié d’une paire de ciseaux. »
S. Guitry, Franklin senior. T.10, p.143
Mensonge
« Plus le mensonge est gros, plus le peuple se laisse convaincre. »
Quo vadis ? Réponse de Pétrone à Néron qui accuse les Chrétiens d’avoir incendié Rome.
Marie (prière à -)
« Dona mihi te videre
Semper tibi congaudere,
Tecum plene possidere
Beatorum praemia. »
Conrad de Haimbourg. A la Vierge. vers1345.
Fais que je Te voie,
que je me réjouisse toujours avec Toi
et que je possède pleinement avec Toi
les récompenses des Bienheureux.
Militaires (à propos de certains -)
« Les beaux militaires, depuis un siècle, remplissent merveilleusement leurs culottes, mais ils ne remplissent pas leurs destins. »
Bernanos cité par Boisdeffre (p. 324)
Modestie
« Divesne prisco natus ab Inacho nil interest an pauper et infima de gente sub divo moreris, victima mil miserantis Orci. »
Horace, livre 2, III, 21-24
« Qu’on soit riche et remontant à l’antique Inachus, ou bien pauvre et d’origine infime, nulle différence pour qui n’a qu’un délai sous le ciel, victime promise à l’impitoyable Orcus. »
Monde (amour du -)
Heu, heu, mala mundi vita,
Quare me delectas ita ?
Cum non possis mecum stare,
Quid me cogis te amare ?
Anonyme. XIIe s. Rythme de la vie du monde. P. 1365
Hélas, hélas, mauvaise vie du monde,
pourquoi me plais-tu tant ?
Puisque tu ne peux rester avec moi,
qu’est-ce qui me force à t’aimer ?
Vita mundi, res morbosa,
Magis fragilis quam rosa,
Cum sis tota lacrimosa,
Cur es mihi gratiosa ?
Anonyme. XIIe s. Rythme de la vie du monde. P. 1365
Vie du monde, chose maladive,
plus fragile que la rose,
puisque tu provoques toujours les larmes,
pourquoi m’es-tu si chère ?
Montaigne (ses incertitudes)
« Il discute toutes les opinions, n’en adopte aucune, et se retranche dans le doute et l’indifférence. »
Talleyrand. Mémoires. P.69
Montesquieu, Locke et Cavendish (à propos de)
« Ces vrais sages, toujours prudents dans leur hardiesse, ont constamment respecté et souvent raffermi les bases éternelles sur lesquelles repose la morale du genre humain. Mais quelques-uns de leurs disciples, moins éclairés, et par conséquent moins circonspects, ont, à force de recherches, ébranlé toutes les colonnes de l’ordre social. »
Talleyrand. Mémoires. P.70
Mort
La mort est, comme la naissance, un mystère de la nature : combinaison dans l’une des mêmes éléments qui se séparent dans l’autre.
Marc-Aurèle. Livre IV, 5.
Moyens
« Per fas et nefas. »
Par tous les moyens licites ou non.
Musique
« …la musique n’étant en général qu’un langage qui exprime d’une manière idéale les sensations et même les sentiments que nous éprouvons, chaque nation doit avoir un genre de musique qui lui est propre et qu’elle est appelée par ses organes à préférer à tous les autres. »
Talleyrand. Mémoires. P.45
Noblesse
« Quoi, vous vous attaquez à ma noblesse…et de quel droit, je vous prie ? Cette noblesse est bien à moi, en bon parchemin, scellé du grand sceau de cire jaune. Elle n’est pas comme celle de beaucoup de gens, incertaine et sur parole… et personne n’a le droit de me la disputer… car j’en ai la quittance ! »
S. Guitry, Beaumarchais. T.10, p.111
Paix (trop longue)
« Nunc patimur longae pacis mala ; saevior armis luxuria incubuit victumque ulciscitur orbem. »
Juvénal. Satire VI.
Nous souffrons aujourd’hui des maux d’une longue paix. Plus funeste que les armes, la luxure s’est ruée sur nous et venge l’univers asservi.
Paix
« Les peuples ne croient plus à la paix, parce qu’ils ne croient plus à la justice. Les peuples sortent de la paix aussi facilement qu’on sort d’une maison minée, ils ne s’y sentent plus à l’abri – dehors ou dedans qu’importe ? Les sociétés anciennes étaient couvertes de chaume, et il y pleuvait parfois, les jours d’orage. La nôtre est couverte en béton, mais ce n’est pas la pluie que les habitants craignent de recevoir sur la tête, c’est le toit. »
Bernanos. Les Enfants humiliés. P. 131-5
Paresse (saine)
« Et je me suis rendu compte que si je travaillais tout le temps comme je le fais, du matin au soir, souvent du soir au matin et d’un bout à l’autre de l’année, c’était par paresse. Oui, je fais tout le temps quelque chose, parce que j’ai remarqué que, lorsqu’on faisait quelque chose, on ne faisait qu’une chose, ce qui n’est pas fatiguant, tandis que, lorsqu’on ne fait rien pendant une minute ou deux, on pense alors à tout ce qu’on a à faire et qu’on ne fait pas, et ça, c’est éreintant. »
S. Guitry, Théâtre, je t’adore. p.195
Pauvreté
« Paupertatis fero pondus. »
Poésie goliardique
De ma misère, je porte le poids.
Plaisir théâtral
« Le théâtre ne peut jamais être considéré come un art d’agrément…car ce qui est en jeu, ce n’est pas l’agrément de celui qui l’exerce, mais bien précisément le plaisir de ceux qui en sont les spectateurs. »
S. Guitry, L’Ecole du mensonge. T.12, p.264
Prestige
« Il n’est rien de plus beau au monde que de recouvrer son prestige. »
S. Guitry, Beaumarchais. T.10, p.105
Protection (christique)
« Divina, mundus rex, Christe, custodia,
Sub tua serva haec castra vigilia. »
Anonyme VIIIe-IXe siècle. Chant des sentinelles de Modène.
Christ roi, divin gardien du monde
Prends cette forteresse sous ta garde.
Raison
« Quid enim ratione timemus
aut cupimus ?
Juvénal, Satire 10, v 4-5
Quand la raison règle-t-elle nos craintes et nos désirs ?
Rapport (par lettre)
« Telles sont, Très Illustre Dame, les circonstances détaillées de notre révolution ; je n’en ai omis que ce qui pouvait vous blesser comme trop pitoyable ou comme de peu d’importance ; je me suis étendu sur tout le reste autant que peut le permettre une lettre. Je serai très heureux si je vous ai satisfaite ; si je ne l’ai pas fait, je prie Votre Seigneurie Illustrissime, de vouloir m’excuser. Quae diu et felix valeat. »
Machiavel. P.1433
Renseignement
« Epaminondas, chef thébain, disait que la chose la plus nécessaire et la plus utile au commandant d’armée était de connaître les intentions et les projets de l’ennemi. »
«…et ce n’est pas tant le dessein de l’adversaire qui est difficile à pénétrer que le sens des opérations, et plus encore celui des actions qui ont lieu sous vos yeux mêmes, que celles qui se déroulent au loin. Il est arrivé maintes fois qu’après une bataille qui avait duré une journée entière, le vainqueur se croyait vaincu et le vaincu vainqueur : erreur qui entraînait des décisions fatales à ceux qui les commettaient.»
Machiavel. Livre III. P.661
Résistance (confiance au Christ)
« Tu murus tuis sis inexpugnabilis,
Sis inimicis hostis tu terribilis. »
Anonyme VIIIe-IXe siècle. Chant des sentinelles de Modène.
Toi, sois pour les tiens une muraille inexpugnable et un terrible adversaire de nos ennemis.
Réussite
« Mais s’il n’a pas « réussi » sa carrière, il a fait beaucoup mieux : il a sauvé son âme et son œuvre. »
Pierre de Boisdeffre, à propos de Bernanos.
Savoir
Il est aussi facile de ne pas avoir fréquenté l’école et de savoir quelque chose que de fréquenter l’université et de ne rien savoir.
Fielding. Tom Jones.
Secret (de famille)
« On craignait alors de constater par le blâme, ce qu’on regardait comme un de ces secrets de famille que chacun sait, que personne n’ose nier, mais qu’on espère atténuer en les taisant, et en se conduisant comme si on les ignorait. »
Talleyrand. Mémoires. P.7
A propos des maîtresses de Louis XV.
Sérénité
« Aequam memento rebus in arduis
Servare mentem, non secus in bonis
Ab insolenti temperatam
Laetita, moritur Delli. »
Souviens-toi de conserver ton âme égale, dans les aspérités du sort, et non moins éloignée d’une joie insolente, dans la prospérité, ô Dellius, toi qui dois mourir.
Horace, Livre 2, III
Sieyès (à propos de)
« Ce n’est pas par philanthropie qu’il professe l’égalité, c’est par une haine violente contre le pouvoir des autres. »
« On ne peut pas dire cependant que l’exercice du pouvoir lui convienne, car il ne serait à son aise à la tête d’aucun gouvernement mais il voudrait en être la pensée, la pensée unique. »
« Ce qu’il appelle un principe est dans ses mains un sceptre d’airain qui ne se plie ni aux imperfections de la nature, ni aux faiblesses de l’humanité. »
Talleyrand. Mémoires. P.136
Silence (de l’autre)
Quid taces ? Pourquoi te tais-tu ?
Sommeil
« Nec sibi enim quisquam tum se vitamque requirit,
Cum pariter mens et corpus sopita quiescunt. »
Lucrèce, Livre 3, v 932-933
On ne s’inquiète ni de soi ni de la vie quand le corps et l’âme reposent dans les bras du sommeil.
Souffrance des hommes (un soupirant de Virginie)
« D’abord, les hommes, tu sais, on n’a pas besoin de les faire souffrir, ils souffrent d’eux-mêmes. »
S. Guitry, Virginie Déjazet. T.12, p.505
Souffrir
« Le trépas vient tout guérir ;
Mais ne bougeons d’où nous sommes :
Plutôt souffrir que mourir,
C’est la devise des hommes. »
La Fontaine. La mort et le bucheron.
Spontanéité (de l’écrivain)
« La spontanéité de l’homme commande celle de l’écrivain : un enfant ne prévoit pas, il se donne. »
Pierre de Boisdeffre, à propos de Bernanos.
Terreur
« Le monde n’acceptera pas une Terreur cléricale, bourgeoise ou militaire, serait-elle cent fois justifiée par la menace de l’autre. »
Bernanos. Les Grands Cimetières. Pp 87-88
Lors de la répression franquiste à Majorque, alors que Bernanos était à ce moment pro-phalangiste.
Travail
« En vérité, je ne connais qu’une mauvaise façon de travailler : c’est de le faire à contrecœur.
Travailler sans en avoir envie, ça n’est pas du travail qu’on fait, c’est une besogne. C’est faire l’amour avec une femme sans l’avoir désirée. D’abord, il faut pouvoir. Et c’est à ce moment-là qu’on s’en rend compte à quel point l’on a peu de mérite à faire les choses qui vous plaisent.
Quand on travaille dans la joie, dans l’enthousiasme, on n’a droit à rien. On n’a même pas droit au succès. On est payé d’avance. »
S. Guitry, Théâtre, je t’adore. p.194
Veille !
« O tu, qui servas armis ista moenia
Noli dormire, moneo, sed vigilia ! »
Anonyme VIIIe-IXe siècle. Chant des sentinelles de Modène.
O toi qui gardes en armes ces murailles,
Ne dors pas, je t’avertis, mais veille !
Vengeance (esprit de)
« Vous prenez sur mon âme un trop puissant empire :
Durant quelques moments, souffrez que je respire,
Et que je considère en l’état où je suis
Et ce que je hasarde, et ce que je poursuis. »
Corneille, Cinna, acte 1, scène 1, monologue d’Emilie à propos des désirs de vengeance qui l’envahissent.
Vérité
« La vérité, on ne sait jamais si on l’a dit, - on ne peut que le désirer ardemment - mais on sait toujours quand on ne la dit pas. »
S. Guitry, Théâtre, je t’adore. p.187
Vérité (façon de la dire)
« L’apparence en est puérile je le confesse ; mais ces puérilités servent d’enveloppe à des vérités importantes. ».
La Fontaine à propos des fables d’Esope.
Vérité (fait l’homme)
« Un homme n’est pour moi un homme que par cette portion de vérité qui est en lui… Un héros ou un martyr, c’est d’abord un homme qui ne ment pas. »
Bernanos.
Vérité (du poète)
« …cette audace qu’a le poète d’énoncer avec autorité même ce qu’il y a de plus invraisemblable, et d’exiger que tous admettent comme véridique ce qui d’une manière quelconque, a pu lui paraître vrai à lui, l’inventeur. »
Goethe. Poésie et vérité. P. 39
Vérité (pour tous)
« La part de vérité dont je dispose, je ne l’ai jamais refusée à personne. »
Bernanos. Scandale de la vérité. P.286
Vertu
« … quatenus heu nefas !
Virtutem incolumen odimus,
Sublatam ex oculis quaerimus invidi. »
Horace, livre 3, 24.
« La vertu, envieux que nous sommes, nous la haïssons vivants et disparue de nos yeux, nous l’appelons. »
Vie
« Les drames, dans la vie, ne se terminent pas par un rideau qui tombe, et rien, en vérité, n’est fini tout à fait. »
S. Guitry, Théâtre, je t’adore. p.183
Vie indigne
« Si recte discernere
velim, non est vita,
quod sic vivit temere
gens hec imperita ! »
Si je discerne juste, ce n’est pas la vie que vit ainsi cette folle famille avec audace.
« Quia non est vivere
si quis vivit ita.
Omnes jura ledunt
et fidem in opere
quolibet excedunt. »
Vivre ainsi, ce n’est pas vivre. Tout le monde lèse le droit et dans chacune de ses actions viole la foi.
Poésie goliardique
Voisin
« Aimez bien votre voisin…mais, cependant, ne retirez jamais la haie qui vous sépare. »
S. Guitry, Franklin senior. T.10, p.142
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