jeudi 20 septembre 2018

Le bestiaire médiéval



Le bestiaire médiéval



Le loup habitera avec l’agneau,
la panthère se couchera avec le chevreau.
Le veau, le lionceau et la bête grasse iront ensemble,
conduits par un petit garçon.
La vache et l’ours paîtront,
ensemble se coucheront leurs petits.
Le lion comme le bœuf mangera de la paille.
Le nourrisson jouera sur le repaire de l’aspic,
sur le trou de la vipère le jeune enfant mettra la main.

Ésaïe, 11, 6 – 9
Je ressemble au choucas du désert,
je suis comme le hibou des ruines.
Je reste éveillé, et me voici
comme l’oiseau solitaire sur un toit.

Psaume 102, 7 – 8
(prière du malheureux)
Comme une biche se penche sur des cours d’eau,
aussi mon âme penche vers toi, mon Dieu.
J’ai soif de Dieu, du Dieu vivant :
Quand pourrai-je entrer et paraître face à Dieu ?

Psaume 42, 2 – 3
(dans la détresse du temps, le seul secours est Dieu)

Introduction

La symbolique est un outillage mental de premier ordre pour construire la vie intérieure de l’homme et elle atteint son apogée au Moyen Age. Ce qui intrigue, voire contrarie, les esprits de nos jours, est que le symbole possède différents niveaux de sens, selon le contexte dans lequel il apparaît : c’est pourtant ceci qui rend ce sujet passionnant et, en quelques minutes, je tenterai de vous en donner un aperçu. Depuis que l’homme existe, l’image possède une grande importance. Il n’a pas fallu attendre le XXe s., la télévision ou la photographie pour s’en apercevoir.

La préhistoire

En effet, les premiers témoignages artistiques de l’homme représentent ni le végétal, ni l’humain (mis à part une main ou une flèche ou très rarement une femme enceinte) et ni des figures géométriques mais l’animal1 : pensons aux sculptures pariétales ou aux peintures des grottes de l’âge préhistorique, comme la grotte Chauvet en est un beau témoignage. Or il est curieux de constater que ces lieux si richement décorés ne servaient ni à l’habitation, ni à une cérémonie funéraire, ni à une inhumation ou ni à une crémation. Alors, dans quel but une expression artistique si soignée ?
Il y a tout lieu de croire, en l’état des connaissances actuelles, que la source de cette inspiration est tout simplement la chasse qui était une activité essentielle à la survie de l’homme. Nous ne pouvons qu’être admiratifs de la beauté du réalisme et de l’exactitude des traits et des attitudes de ces animaux généralement en mouvement ou de femelles pleines. Il est vraisemblable que la chasse a justifié le nomadisme des premiers hommes et que l’animal nourricier ait été ainsi vénéré : il est vu d’une façon positive et reste l’objet d’un désir vital. Nous sommes donc face à une expression religieuse afin de trouver la force nécessaire à maîtriser la nourriture en vue de la survie, de la vie du groupe liée à une zone de chasse.

Antiquité

Rappelons-nous que, bien plus tard, l’Égypte ancienne a divinisé aussi l’animal et son art pictural exprime un lien fréquemment harmonieux entre l’homme et la nature : nous voyons un corps d’homme avec une tête de chien par exemple (le cynocéphale) ; et nous remarquons l’âne, la grue, le canard, le crocodile, le bélier ainsi que le bœuf Apis ou encore les chats.
Dans le bouddhisme, il existe la croyance en la migration des âmes possible en l’animal, ce qui est considéré d’ailleurs comme un châtiment car, dans cette religiosité, la perception de la souffrance animale est réelle.
Avec l’art gréco-romain, nous retrouvons des animaux ou des parties d’animaux (spécialement dans le mobilier avec des pieds de lion, des décorations avec des nageoires ou des queues de poissons... par exemples et ceci encore de nos jours). Pensons encore aux course de taureaux de l’art crétois ou aux courses de chevaux attelés (les quadriges).
Toutefois, la figure humaine prendra une place dominante, dès l’art grec, plus spécialement au Ve s. av. J.-C.. Aristophane (~env. 445 – env. 380 av. J.-C.), auteur grec comique, dans sa pièce Les Oiseaux , décrit une cité utopique en recourant à un grand nombre d’espèces d’oiseaux et d’animaux ayant des traits typés (le renard rusé, le paraître du paon, etc.).

Avec le temps, nous arrivons aux écrits de Platon (env. 427 – env. 348 av. J.-C.), qui marqueront fortement nos écrits médiévaux. L’animal quitte son aspect nourricier, ou protecteur et peut prendre parfois un aspect purement négatif : sa bestialité devient un objet de rejet., Le mythe platonicien réserve pour l’homme souffrant d’un vice, un destin animal dans l’autre monde : ainsi le gourmand devient un âne ; le tyran , un loup ; l’homicide, une bête féroce et carnassière; le débauché, un porc2 ; un étourdi, un oiseau…
Des ressemblances bien typée entre les caractères de l’homme et de l’animal se déterminent de façon tantôt positive tantôt négative comme nous le retrouverons dans la suite de cet exposé. Il en va de même dans les fables ou les satires rédigées, encore bien après ce Moyen Age, pour tromper les censures politiques : ceci est encore d’actualité... Aristote (env. 385 – 322 av. J.-C.) dans son Traité sur la physionomie sera une des bases de ce genre littéraire qu’est la bestiaire médiéval.

Les origines du bestiaire médiéval

L’iconographie paléochrétienne s’inspire initialement d’une tradition biblique comme le démontrent les citations faites en introduction : chacun connaît la colombe qui symbolise la paix, l’arche de Noé et les textes d’Isaïe. Et il s’y ajoute d’autres symboles, liés aux lettres. Le plus connu est ICHTUS, poisson en grec ; les lettres initiales de Jesu Kristus Theou Uios Sôter, soit IKTUS signifient : Jésus-Christ, fils de Dieu, Sauveur. Ces lettres ou le poisson se retrouvent sur de nombreuses tombes chrétiennes.

A plusieurs reprises en d'autres communications, je vous ai souligné qu’il faut regarder bien des sujets historiques dans la longue durée pour en avoir une vision globale : oui, il y a des filiations en tout et la symbolique n’échappe pas à cette règle.

Un symbolisme animal s’instaure petit à petit et ne reste pas figé : il évolue dans le temps et subit une sorte de synthèse de traditions qui sont à la fois littéraires (légendes connues de tous), théologiques (parfois ayant des origines païennes) et cosmologiques (ce qui est plus propre au Moyen Age). Nous sommes face à un amalgame de diverses lectures de signes et c’est ce qui rend le sujet passionnant. Michel Pastoureau, l’auteur à lire pour approfondir le sujet, dit clairement : « Le symbole est toujours ambigu, polyvalent et protéiforme ; il ne peut s’enfermer dans quelques formules. »3

De plus, il n’est pas possible de comprendre l’art roman sans s’intéresser à la symbolique animale. En effet, vous en voyez partout : tympans, chapiteaux, clés de voûtes d’édifices religieux ; vitraux ; tableaux ; sculptures ; objets et mobiliers liturgiques ; miniatures et lettres ou franges ornementales de manuscrits médiévaux. Tout ceci fourmille d’animaux réels, merveilleux ou imaginés.

Le Tétramorphe

Le plus bel exemple et le plus connu est le Tétramorphe, le fameux groupe des quatre Vivants : le lion, le taureau, l’aigle et l’homme-ange. Pour le comprendre, les deux lectures, l’un du chapitre 1 d’Ézéchiel et l’autre du chapitre 4 de l’Apocalypse, sont nécessaires car les artistes ont respecté les écritures (notamment les 4 ailes pour chacune des figures).

Le lion peut représenter diverses figures : Jacob (Genèse , XLIX, 9) ; la tribu de Judas ; le Christ ; Dieu (Osée) ; la science de Jésus (le lion efface ses traces au moyen de sa queue pour échapper aux chasseurs) ; la vigilance de Dieu ou de Jésus (le lion dort les yeux ouverts) ; l’Évangéliste Marc.
Toutefois, le lion peut avoir un autre sens et c’est ce qu’il faut pas oublier en lisant les symboles, n’oublions pas que leur caractère est ambivalent. Certes beaucoup plus rarement, le lion est la représentation de Satan, des vices et de l’hérésie. Pensons à la parole de Saint Pierre : « Veillez car le diable, votre adversaire, comme un lion rugissant cherche à vous dévorer. ».
Une lecture du lion est méconnue de nos jours : le récit des lionceaux, mort-nés mais vivifiés le troisième jour par leur père, est une analogie au Christ, ressuscité par son Père et ressuscitant ainsi tous ses enfants dans la Foi.

Le taureau est lié à la tribu de Joseph (Deutéronome, XXXIII, 17). Il est le symbole de la fécondité, de la force créatrice de la vie. Il représente aussi la victime rédemptrice qu’est le Christ, une source de lumière et de vie. Il symbolise l’Évangéliste Luc

L’aigle a aussi plusieurs lectures possibles : l’animal céleste qui véhicule les âmes des élus de Dieu vers le Père ; l’ image du Christ porteur de lumière ; le combat de l’aigle et du serpent qui symbolise la lutte du Christ contre les forces du mal. Il est aussi symbole de la résurrection. L’aigle représente aussi parfois le fidèle.
Toutefois en certains passages, il est l’emblème de Satan : le rapace, le destructeur, le ravisseur, l’animal impur.
Jean l’Évangéliste est symbolisé par l’aigle car il s’est envolé de la terre pour pénétrer les mystères de Dieu par la contemplation du Verbe. C’est pourquoi le manuscrit Ashmole 1511, il est écrit :
« […] ceux qui abandonnent leurs pensées terrestres, gagnent – tout comme l’aigle – le Ciel avec Jean, par la contemplation. ».

L’homme-ange : il symbolise la vocation de l’homme à être le messager de Dieu, pas uniquement par la parole mais aussi et surtout par les actes ; le porte-parole de la Parole de Dieu qu’est l’Évangéliste Mathieu. Une église a souvent comme motif de chapiteau ou en culot de voûte, une tête d’ange surmontée de deux ailes ouvertes, au-dessus de deux ailes fermés : se fermer aux choses de la terre pour s’ouvrir à la Parole de Dieu, la contemplation devenant source de l’action...

Symbolisme animalier de l’Europe médiévale

L’Europe effectue, dans la longue durée (1 000 ans), une synthèse de diverses traditions qui sont d’origine germanique, biblique et orientale. Tout symbole peut avoir au minimum une double lecture : soit surhumaine et/ou divine, soit inhumaine et/ou démoniaque. Cette lecture animale peut varier dans le temps ou suivant la culture dominante (p.e. : au commencement, la lecture germanique n’est pas identique à la lecture biblique ; il faudra quelques siècles pour unifier ou muter les valeurs attribuées). Un animal est très souvent lié à une qualité morale toujours plus précise, surtout en relisant la Bible.

Un problème surgit : l’Ancien Testament mentionne près de 130 animaux, certains connus en Europe4 (biche, cerf, paon, aigle, etc.) et d’autres parfaitement inconnus hors des pays d’Orient (lion, panthère, ibis, crocodile, ichneumon, singe, onagre, antilope); de plus, les peuples nordiques ont des êtres merveilleux qui peuplent leurs légendes. Il y aura donc un croisement qui produira toute une série d’animaux fantastiques, recomposés selon l’imagination du poète ou de l’écrivain. D’autre part, les traductions de l’araméen en grec et du grec en latin ont modifié les noms de certaines espèces : l’unicorne est devenu la licorne ou le pluvier du Deutéronome est devenu en français le calandre.

Très tôt dans l’ère littéraire chrétienne, les animaux de la Bible, et des Psaumes tout spécialement5, croisent les animaux décrits par les Grecs : l’ouvrage le plus important est le Physiologus d’un naturaliste anonyme ayant écrit en grec au IIe s. Sa symbolique n’est pas identique à celle de Bible : il faudra là encore du temps pour qu’un mélange se produise car les deux traditions comportent de nombreuses incohérences. Sur cette base, de nombreux manuscrits sont rédigés et copiés en syriaque et en arménien6 pour être finalement traduits en latin au IVe s.

Ambroise (340-397) cite ces livres antérieurs, dans son Hexaméron. La diffusion de ces textes est véritablement européenne : nous les trouvons de Byzance à l’Angleterre et l’Irlande. Oui, la culture européenne n’a pas attendu le XXe s. ou le siècle des Lumières pour exister : il y avait et il y a, je l’espère, une véritable culture chrétienne sur laquelle s’est construite, plus ou moins mal, notre civilisation occidentale actuelle.

Les écrits de Saint Augustin, notamment ses Discours sur les Psaumes7 offrent des comparaison avec la vie agricole pour ouvrir ses auditeurs à la compréhension de Dieu qui se donne à tous. Mais il a aussi développé tout un bestiaire, qui parle à chacun de ses auditeurs et où, comme dans les fables, les exemples sont inspirés des comportements animaliers. La lecture de la Bible rabbinique diffère de la lecture chrétienne car, avec le Christ - Dieu fait homme -, Augustin lit la Bible dans la lumière du matin de Pâques et avec l’esprit de la Pentecôte8.

Il faut attendre le début du VIIe s. et Isidore de Séville avec son 12e livre des Etymologiae (De animalibus) pour qu’un autre regard soit porté sur le monde animal. Ses références sont Varron, surtout Pline, Virgile et, bien sûr, Ovide.
Sa classification est simple et repose sur 8 distinctions : les animaux domestiques, les animaux sauvages, les petites animaux, les serpents, les vers, les poissons, les oiseaux, les insectes. L’étymologie des noms qu’il propose veut, à n’importe quel prix, établir un lien entre l’animal et son nom. Évidemment, il effectue parfois des rapprochements aventureux et je vous cite le plus connu : le castor se nommerait ainsi par ce qu’il se châtre à l’approche du chasseur qui veut prendre ses glandes génitales, utilisées en médecine9. Par contre, il a bien souvent le mérite de traiter certains récits antérieurs en pures légendes.
Il marque le début de cette lente transformation qui, d’un ouvrage didactique d’allégories religieuses et morales, évolue vers un traité de sciences naturelles, tel que celui établi bien plus tard par un Carl von Linné10 (1707 – 1788) ou un Georges Louis Buffon (1707 - 1788)11.

Au XIIe s., l’approche des animaux est de nature plutôt littéraire. L’esthétique prédomine sur la symbolique. Deux noms à retenir : Hugues de Saint-Victor (de l’abbaye des chanoines de Paris dont l’école était réputée ; de nombreux écrits lui ont été attribués parfois à tort ; il s’est intéressé aux sciences humaines, aux arts libéraux et à la philosophie ; foi et raison vivent en harmonie et l’esprit de géométrie ne nuit pas à la vie mystique : bien au contraire, elle l’aide ; son originalité est d’inviter son lecteur à considérer sa propre expérience de vie avec la spiritualité des Écritures – cette démarche serait riche en fruits pour l’homme de tous les temps !) et Hugues de Fouilloy (+ 1172 ou 1174) avec son De avibus, un volucraire12 symbolique qui est une invitation à l’âme à s’élever comme un oiseau vers Dieu.

Le XIIIe s. a la particularité de cultiver un esprit plus encyclopédique. Se basant sur une compilation des écrits antérieurs, plusieurs manuscrits offrent des descriptions d’animaux, environ une cinquantaine, avec les légendes qui les accompagnent. Les auteurs connus du XIIIe s. sont Barthélémy l’Anglais, Vincent de Beauvais et Brunetto Latini. A l’image zoologique se superpose une image christologique13 : le plus connu est, sans aucun doute, le pélican qui ressuscite ses enfants en versant son sang et qui symbolise ainsi le Christ.



Bestiaire coté : Ashmole 1511

Plus d’une bibliothèque européenne dispose de différents bestiaires enluminés. Toutefois, le plus réputé est celui se trouvant actuellement à la Bibliothèque bodléienne14 d’Oxford. Je me fais un plaisir de vous le présenter car sa valeur artistique est grande et nous révèle en plus les connaissances médiévales sur la nature.

Ce manuscrit15 se compose de 104 feuillets. Chaque page comporte 29 à 30 lignes. Il s’agit d’une écriture gothique qui permet sa datation : entre la fin du XIIe s. et le début du XIIIe s. Il est orné de 131 enluminures, peintes à la gouache sur un fond d’or. Se remarquent, plus spécialement, 6 enluminures en pleine page.

Où a-t-il été composé ? Quand ? Par qui et pour qui ? Nous n’avons aucune réponse explicite dans le manuscrit lui-même. L’historien doit le comparer à d’autres ouvrages pour le situer de la façon la moins approximative qui soit. Il est lié à une zone géographique et un lieu réputé pour ses bestiaires.

Les Augustiniens de la ville de Lincoln (Angleterre) portaient traditionnellement un intérêt tout particulier aux bestiaires pour la raison je vous ai donnée précédemment (Discours sur les Psaumes). Les motifs enluminés se retrouvent à l’identique dans les décors sculptés des églises du Yorkshire (avec ces formes rondes et ondulantes des draperies).
La carnation des visages, dans ce manuscrit, est traitée de deux façons différentes : c’est l’indice qu’il y a eu probablement deux artistes pour enluminer l’essentiel du manuscrit16. Une troisième main pour le cygne, la grue et le charadre est même possible. Les spécialistes reconnaissent une influence du style pictural du Psautier de Leyde. Voici ce qui peut être dit du contexte de cette création.
Si l’auteur de cette compilation et de nos artistes sont anonymes, nous connaissons par contre les possesseurs de ce volume depuis le XVIe siècle.

Les possesseurs identifiés

Au XVIe s., notre ouvrage était en possession de William Whright, professeur de théologie. En 1609, il en a fait cadeau à Peter Manwood17 qui le cède en 1621 à un collectionneur John Tradescat. Après une succession difficile, un astrologue, alchimiste et franc-maçon anglais Elias Ashmole (1617 – 1692) l’acquiert. En 1677, Ashmole cède sa collection à l’université d’Oxford. Au milieu du XIXe s. , tous les livres et manuscrits sont déposés au Musée à la bibliothèque bodléienne.

Intentions des auteurs

Au début du Moyen Age, un ouvrage didactique ou scientifique est une forme de louange à Dieu. Au XIIe s., la connaissance de la nature est un des moyens d’approcher le Créateur. S’inspirant des textes de la Genèse, les auteurs s’attachent à mettre en évidence l’harmonie qu’offre le Créateur à l’Univers.

Le bestiaire a plusieurs fonctions : offrir une encyclopédie du monde animal ; réunir des exemples moralisants pour illustrer les prêches ; composer un répertoire d’interprétations allégoriques pour découvrir le symbolisme caché de la nature.
Avec les images que sont les enluminures ou les pleines pages, il était possible d’instruire une personne ne sachant ni lire, ni écrire : l’image a donc une fonction pédagogique et pas uniquement ornementale.

Au cœur de ce bestiaire anonyme, l’intention de l’auteur compilateur anonyme est clairement exprimée et je vous le cite :

« Puisque je dois écrire pour un ignorant18, que le lecteur scrupuleux ne s’étonne pas si, pour l’édification de cet ignorant, je parle avec simplicité de subtilités et qu’il n’impute pas à la légèreté le fait que je peigne un autour ou une colombe : le bienheureux Job et le prophète David ne nous ont-ils pas laissé pour notre enseignement de tels oiseaux ? L’écriture, en effet, parle aux docteurs, tandis que la peinture19 parle aux simples. Car si le sage se plaît à la subtilité de l’écriture, l’âme des simples est captivée par la simplicité de la peinture. Et moi, je travaille davantage pour plaire aux simples que pour parler aux docteurs – comme si je remplissais un vase de liquide -, car c’est verser un liquide dans un vase plein que d’instruire le sage. »

Articulation de l’ouvrage

Notre ouvrage commence avec le récit de la Création, selon la Genèse, avec des commentaires et de riches illustrations en rapport direct avec le texte. La parole de Dieu crée l’univers et Dieu nomme ce qu’Il crée. L’eau vivifie la terre et Il donne vie d’abord à la végétation. Survient ensuite le rythme du jour et de la nuit.
Il crée ensuite les poissons et les oiseaux. De la terre, et cet aspect est important, est engendré des êtres vivants, bestiaux, reptiles et bêtes sauvages.

La première parole de Dieu sur Sa création de l’homme : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. » pour qu’il puise maîtriser la terre et régner sur les oiseaux de ciel et les animaux de la terre.

Et Dieu créa l’homme à son image
A l’image de Dieu il le créa
Mâle et femelle il les créa.

Adam nomme les animaux, dans la première langue (qui est universelle), selon leur destinée : il a donc une pré-science qui lui a été donnée par Dieu. Le bestiaire a pour fonction de redécouvrir cette pré-science d’Adam, du premier homme, mais, cette fois-ci, par les observations de l’homme sur l’animal20. Dans quel but ? Mettre en évidence ce qui distingue l’homme de l’animal, le déterminisme est animal : l’animal est esclave de son destin ; l’homme, par son âme, peut choisir son destin. Ce message est essentiel et il est troublant que les commentateurs ou historiens de la pensée ne le mentionnent généralement pas mieux et de façon plus explicite.

En latin, animalis signifie être vivant parce qu’il y a en eux le souffle et en eux respire l’esprit de vie. Est appelé animal tout ce qui est dépourvu de figure et de langage humains.

Des distinctions simples sont établies : soit troupeaux, les animaux destinés à nourrir les hommes, soit petit bétail (brebis, porc), soit gros bétail (cheval, bœuf)ceux pour leur venir en aide et bêtes sauvages c’est-à-dire animaux non domestiqués, donc considérés comme n’étant pas sous la tutelle directe des hommes.

Il n’est pas possible dans cet exposé de traiter des 128 animaux présentés avec en plus, au final, un ajout sur les arbres et le figuier ainsi que le texte d’Isidore de Séville sur la nature de l’homme. Certains animaux sont seulement décrits. D’autres sont des inventions dues à des mélanges d’espèces. Et certains, mais pas tous, constituent des symboles riches de sens. Pour un même animal, il y a plusieurs analogies possibles.

Aussi je vous ai sélectionné quelques exemples pour que vous puissiez vous forger une opinion.

Exemples d’analogies

Le cerf
« Il est une bête appelée cerf, « cervus », en raison de ses cornes. […]. Le cerf est l’ennemi du serpent. Pourtant lorsque la maladie le frappe, il se rend à la tanière du serpent et, par son haleine, l’attire hors de son trou ; et après avoir triomphé du péril que représente son venin, il le tue, le mange et recouvre la santé. Ce sont les cerfs qui nous ont révélé les vertus du dictame21 ; ils mangent cette herbe et sa vertu ôte de leur corps le fer des flèches qu’ils ont reçues. […] Les cerfs possèdent la caractéristique suivante : pour l’amour d’un autre pâturage, ils partent en transhumance vers d’autres pâtures et se sustentent en broutant çà et là. Si, par hasard, ils doivent franchir de larges fleuves ou de vastes mers, celui qui marche derrière place sa tête sur la croupe de celui qui va devant, et, ainsi de suite, du dernier au premier du troupeau ; aussi ne se fatiguent -ils que très peu. Et lorsqu’ils se trouvent confrontés aux eaux du fleuve et de la mer ils les traversent aussi vite que possible de peur de s’enliser. Les cerfs possèdent encore cet autre caractéristique : après avoir mangé le serpent, ils se précipitent vers une source à laquelle ils s’abreuvent ; c’est ainsi qu’ils se débarrassent de toute leur vieillesse et qu’ils changent de poil.

Une pensée analogique, semble-t-il, ne peut que reconnaître dans ces particularités, ceux qui appartiennent à la Sainte Église. Lorsque les Chrétiens quittent leur patrie22, c’est-à-dire le monde, pour l’amour d’une patrie céleste, ils se supportent les uns les autres, les plus parfaits aident les moins parfaits à avancer par la force de leur exemple et de leurs bonnes actions23. Et, s’ils sont confrontés aux eaux du péché, ils les traversent sans s’attarder ; et après l’incarnation du Diable24, c’est-à-dire la perpétuation du péché, ils se précipitent vers Notre Seigneur Jésus-Christ25 qui est notre vraie fontaine et s’abreuvent à ses préceptes. Et ainsi Notre Seigneur les dépouille de toute leur vieillesse26, c’est-à-dire de leurs péchés. »

Vous avez là un exemple typique du prêche que pouvait donner un prêtre à un public qui avait son intérêt éveillé par un animal qui lui était familier et dont la lecture comportementale, certes, ne correspond pas à des études d’éthologues contemporains, comme un Konrad Lorenz par exemple.
Tout de même, les scientifiques de ce XXe siècle reconnaissent, après de longues et savantes observations animales, que la vie en groupe peut aider les animaux à se protéger contre leurs prédateurs et à trouver de la nourriture. Il y a dans le monde animal des conflits qui sont cependant tempérés par le respect d’une hiérarchie (due soit à l’âge, soit à la force, soit à une autorité naturelle), par des actes de réconciliation (refus de montrer des signes d’agressivité face à l’autre) et de signaux spécifiques (respect du territoire de l’autre ou partage de celui-ci en des proies distinctes ou acceptation de trêves pour des accès à l’eau). Les combats, lorsqu'ils ont lieu, sont généralement ritualisés afin d'éviter les blessures graves. Les animaux peuvent aussi coopérer ou se comporter de façon altruiste envers certains de leurs congénères ou des membres d'autres espèces. La simplicité du texte médiéval ne doit pas nous faire oublier cet aspect bien réel.

La colombe

Prenons un autre exemple avec un oiseau, la colombe et pour laquelle il existe de nombreux récits. Je vous ai retenu un extrait de celui qui me paraît le plus représentatif pour illustrer le verset 14 du Psaume 68 (67) que je vous cite dans la version de la TOB actuelle et qui diffère légèrement du texte du XIIe s., mentionné plus bas :

Les ailes de la colombe sont lamées d’argent et son plumage d’or pâle.

La lecture rabbinique est la suivante : la colombe figure Israël ; l’argent et l’or ornant la colombe représentent le butin recueilli par Israël dans ses conquêtes.

Évidemment, l’homme médiéval ne réduit pas cette image à cette conclusion purement guerrière comme c’est trop souvent le cas dans l’Ancien Testament : il porte un regard sur ce psaume à la lumière du Nouveau Testament. Ce qui donne ce qui suit et je vous laisse choisir la lecture qui vous sera la plus profitable :

L’interprétation mystique de la colombe

« Quand vous reposiez au bercail, les plumes de la colombe avaient l’éclat de l’argent et de sa queue la pâleur de l’or. »27
La colombe a l’éclat de l’argent : elle représente l’Église, c’est-à-dire l’enseignement nourri de la parole divine. Il est dit que, par analogie, celle-ci considère comme tribune de prédication l’endroit judicieusement délimité où l’on recueille les grains d’orge et de froment, à savoir les pensées de l’Ancien et du Nouveau testament.
La colombe a un œil droit et un œil gauche qui symbolisent le sens moral et le sens mystique ; elle se regarde avec le gauche mais contemple Dieu avec le droit ; elle a deux ailes qui représentent la vie active et la vie contemplative ; de ses deux ailes, elle se couvre au repos et s’élève vers les cieux en prenant son envol. Nous volons, lorsque nous nous élevons en esprit ; nous sommes posés quand nous sommes tempérants parmi nos frères. Sur ces ailes sont plantées les plumes qui représentent les docteurs, fermement attachés aux actions justes et à la contemplation de Dieu. »

Il y a des commentaires encore plus développés au sujet de la colombe et je ne peux pas m’empêcher de citer encore l’extrait de l’un d’entre eux :

« Toute colombe symbolise l’âme sincère et simple par l’éclat argenté de ses plumes ; ses vertus jouissent d’une très grande renommée, puisqu’elle recueille par sa nourriture autant de grains de blé qu’elle s’approprie d’exemples de justes pour faire le bien.
Elle a deux yeux, le droit et le gauche, à savoir le souvenir et l’intelligence. De l’un, elle prévoit l’avenir, de l’autre, elle pleure le passé. [...]
Elle a aussi deux ailes : l’amour du prochain et l’amour de Dieu. Elle déploie l’une pour la compassion à l’égard du prochain, elle dresse l’autre pour la contemplation de Dieu. Ces ailes s’ornent de plumes, qui représentent les vertus spirituelles ; elles resplendissent de l’éclat de l’argent, puisque le bruit de sa renommée retentit avec la douceur de l’argent pour ceux qui entendent.
Nous traduisons le mot grec « clercs » par l’expression latine « héritiers du Seigneur »28. Il y a quatre héritiers : la crainte et l’espérance, l’amour et le désir. On les appelle « héritiers du Seigneur » parce qu’ils nous distribuent l’héritage de notre Père. La crainte et le désir sont à l’extrême, l’espérance et l’amour au milieu. La crainte serre le cœur, le désir torture l’esprit ; et sans la présence d’un intermédiaire, c’en serait fait de la paix de l’âme. Il faut donc interposer entre le désir et la crainte, l’espérance et l’amour. L’espérance pallie la crainte, l’amour tempère le désir. Ainsi celui qui est entre l’espérance et l’amour - les héritiers du juste milieu - dort en paix, alors que celui qui est entre les deux extrêmes, la crainte et le désir, passe ses nuits dans l’effroi. [...] »

Ainsi, il était possible d’instruire le fidèle non pas d’une façon superficielle mais avec des images pour l’élever à une spiritualité plus haute et une analyse que des psychologues de nos jours ne pourraient pas renier. Saint Augustin livre un long développement sur cette colombe que je ne peux pas donner ici complètement mais que je vous invite à découvrir dans son Discours sur le psaume 6729.

Le bestiaire offre aussi des indications géographiques. En l’honneur des Chrétiens du Liban qui ont le courage de rester dans leur pays dans des conditions difficiles, voici quelques aperçus sur le Liban :

Le cèdre et les moineaux

« Le Liban est une montagne de Phénicie, à l’extrême nord de la Judée ; ses arbres sont réputés entre tous les autres par la taille de leurs fûts et la dureté de leur bois. Cette montagne nous fait admirablement comprendre l’excellence des vertus. Elle est située à l’extrême nord de la Judée : le Diable ne peut induire en tentation ceux qui se confessent sincèrement. Ses arbres surpassent les autres par leur taille et leur robustesse : l’âme des fidèles dépasse celle des autres par l’élévation de sa prière, l’éclat de sa pureté, la fermeté de sa constance. Par le cèdre, nous entendons le Christ. C’est le grand cèdre du Liban […]. Les moineaux sont les prédicateurs, et leurs petits, ceux qui sont nés de la parole prêchée ; leur nid : l’esprit en paix. Dans ce cèdre, nichent ceux qui vivent en paix et ne désespèrent pas de la béatitude éternelle... »

Mais vous pouvez trouver suite à ce développement, dont je ne vous ai lu qu’un court extrait, une autre vision du cèdre du Liban :

« Les cèdres du Liban sont les riches orgueilleux : en eux nichent les hérons et les autours, c’est-à-dire les rapaces ; ils y disposent leur nid, parce que les rapaces édifient des fortifications pour les possessions des riches. Leurs petits sont leurs complices ou leurs agents. Ces oiseaux se cachent dans les cèdres pour piller, parce que les rapaces tiennent leur funeste pouvoir de maîtres corrompus. Mais Dieu abattra les cèdres du Liban, c’est-à-dire les riches de ce monde, les uns par le repentir30, les autres par la vengeance31. [...] »

Vous avez, avec l’exemple du cèdre du Liban, deux lectures bien différentes offertes dans le même recueil et c’est la raison pour laquelle je tenais à vous en faire part.

L’aigle

« Il est une bête appelée Aigle, « aquila » en raison de son regard perçant ; il s’élève dans les airs, plane au-dessus des mers si haut qu’il est invisible à l’œil humain ; mais il possède une vue telle qu’il voit nager les petits poissons, fond sur eux, en fait sa proie et les emporte jusqu’au rivage.
Quand il vieillit, ses ailes deviennent lourdes, ses yeux s’emplissent de ténèbres ; il cherche alors une source et s’envole dans le ciel à la verticale, en direction du soleil. Là il embrase ses ailes et brûle ses yeux aux rayons du soleil ; puis, il redescend vers la source et s’y plonge par trois fois ; et aussitôt, ses ailes de retrouver leur vigueur et ses yeux leur éclat.
Toi aussi, Homme, dont la vêture est usagée et les yeux du cœur emplis de ténèbres, recherche la fontaine céleste du Seigneur et élève les yeux de ton esprit vers Dieu, qui est la source de justice, pour recouvrer, tout comme l’aigle, ta jeunesse32.  ...»

Dans un autre extrait, notre auteur anonyme décrit bien l’image protéiforme de l’aigle :
« Dans l’Écriture Sainte, l’aigle peut symboliser tantôt les esprits malins ravisseurs d’âmes, tantôt les puissances de notre siècle, tantôt aussi la pénétration de l’esprit des Saints – et même l’Incarnation de Notre seigneur traversant les profondeurs pour remonter au ciel. »

De la nature de l’homme

C’est avec ce titre que l’ouvrage se conclut. En réponse au livre de la Genèse et à la description des animaux, l’intention est de bien définir l’homme et ce en quoi il se distingue des animaux. Il s’agit du texte composé par Isidore de Séville.
Il serait trop long de l’étudier ici complètement. Je me contenterai de vous lire quelques citations ayant trait à l’âme et au corps qui ne sont pas dissociés, contrairement à ce que de pseudo-spécialistes ou des philosophes médiatisés tentent de faire accréditer en ce XXIe s. :

« Celui qui est debout regarde le ciel pour chercher Dieu, et non pour se tourner vers la terre comme les bêtes que la nature et la soumission à leur ventre courbent vers le sol.
L’homme est double, intérieur et extérieur. L’homme intérieur est une âme, l’homme extérieur est corps.
Ce sont les Gentils qui ont nommé l’âme « anima », parce qu’elle est « vent », du grec « animos », vent, parce que nous paraissons vivre en inspirant l’air par la bouche.
Mais c’est manifestement faux, puisque l’âme est engendrée bien avant de pouvoir absorber l’air par la bouche, puisqu’elle vit dans le sein maternel. L’âme n’est donc pas de l’air, comme certains l’ont imaginé parce qu’ils n’ont su concevoir sa nature immatérielle.
Que l’âme soit esprit, l’Évangéliste l’affirme en disant : « J’ai le pouvoir de déposer mon âme et le pouvoir de la reprendre. ». Et l’Évangéliste qui rappelle la Passion de Notre Seigneur de poursuivre ainsi : « Et inclinant la tête, Il rendit l’esprit. ». Qu’est-ce que rendre l’esprit, sinon déposer son âme ? L’âme est appelée « âme » parce qu’elle vit, et « esprit » en raison de sa nature spirituelle ; c’est elle qui inspire le corps. […]
On appelle l’intelligence « mens », la tête ou l’œil de l’âme, parce qu’elle y joue leur rôle. Aussi est-ce par son intelligence que l’homme lui-même est dit « image de Dieu ». Et toutes ces dénominations ne sont adjointes à l’âme qu’en raison de la diversité même de ses capacités ; ainsi quand l’âme donne vie au corps, elle est « anima », quand elle veut, elle est « animus », quand elle connaît, elle est « mens », quand elle se souvient elle est « memoria » (mémoire) ; quand elle juge de ce qui est bien , elle est « ratio » (raison) ; quand elle inspire, elle est esprit ; quand elle perçoit, elle est « sensus » (sens). L’âme est dite « sensus » quand elle perçoit par les sens. Et c’est de là que « sententia » (opinion) tire son nom. Le corps – corpus – s’appelle ainsi parce qu’il périt corrompu - corruptum ». […]
Les cinq sens du corps sont : la vue, l’ouïe, le goût, l’odorat, le toucher. Deux d’entre eux s’ouvrent et se ferment, deux sont toujours ouverts. On les appelle sens parce que c’est par eux que l’âme sent ; et l’âme, grâce à cette faculté de sentir, émeut subtilement tout le corps. »

Ce seul et court extrait vous démontre que le Moyen Age n’ignore pas la raison, le corps et les sens : il est regrettable que les contempteurs de notre religion n’aient pas une connaissance de la pensée médiévale et que trop de Chrétiens ignorent ce que disaient nos prédécesseurs dans la Foi. Ainsi, contrairement à ce que de trop nombreux media répètent faussement et à l’envi, la tradition chrétienne ne méprise pas le corps et la sexualité33. Tout au plus, elle dissuade l’homme d’être l’unique esclave de son corps et de sa sexualité qui sont devenus des dieux, dans notre monde actuelle, avec toutes les tragiques conséquences que ceci implique : individualisme forcené, narcissisme, nombrilisme, mépris des autres ou réduction de l’autre à une fonction utilitaire... Ceci serait le Progrès selon certains !

Conclusion

Le bestiaire religieux médiéval est construit selon une lecture de la Bible qui reste prioritaire sur toutes les autres, soit grecque, soit celtique ou soit germanique. Il ne s’agit pas de sacraliser ce qui doit rester des créatures. Les êtres créés sont établis dans une dépendance de leur Créateur, envers qui ils sont des obligés. Ils servent les desseins de Dieu et seul l’homme dispose de ce libre arbitre, donc de cette liberté, de rendre gloire à Dieu plutôt qu’au diable.

Dans l’esprit de la Genèse, l’univers visible a été créé par l’Amour de Dieu et Sa Création doit retourner à Lui dans un grand mouvement d’amour. Il appartient à l’homme de discerner cette louange à Dieu qui est dans Sa Création et de faire monter cette louange universelle vers l’unique Seigneur : c’est ce que nous disent de nombreux psaumes. Créé avec l’homme, l’animal participe à un degré moindre à cette louange et il est promis lui aussi à la régénération finale : pensez à l’arche de Noé qui en était déjà une promesse.

Il doit donc régner une harmonie entre l’homme et l’animal et, dans ce but, le rôle donné à l’homme par Dieu est primordial.

C’est ainsi que je peux donner la parole finale à Isaac le Syrien (auteur du VIIe s.) car il est possible de prier même pour ses ennemis ou pour les démons, non afin qu’ils restent des ennemis ou des démons mais en sorte qu’ils soient conservés dans l’amour de Dieu parce qu’ils seront purifiés du Mal qu’ils ont accompli en confessant leurs fautes34 :

« Qu’est-ce qu’un cœur charitable ?
C’est un cœur qui s’enflamme de charité
pour la création entière,
pour les hommes, pour les oiseaux,
pour les bêtes, pour les démons,
pour les créatures.

Celui qui a ce cœur
ne pourra se rappeler ou voir une créature
sans que ses yeux ne se remplissent de larmes
à cause de la compassion immense qui saisit son cœur.
Et le cœur s’adoucit et ne peut plus supporter
s’il voit ou s’il entend par d’autres
une souffrance quelconque,
ne fut-ce qu’une peine minime infligée à une créature.

C’est pourquoi un tel homme ne cesse de prier
pour les animaux, pour les ennemis de la Vérité,
pour ceux qui lui font du mal,
afin qu’ils soient conservés et purifiés.
Il prie même pour les reptiles,
mû par une pitié qui s’éveille
dans le cœur de ceux qui s’assimilent à Dieu. »

Saint Isaac le Syrien.

Antoine Schülé,
La Tourette, le 4 septembre 2018
Pour tout contact : antoine.schule@free.fr

D’une façon médiévale, j’ajoute ce post-scriptum pour celles et ceux qui estiment plus facile de s’attribuer les écrits des autres sans mentionner l’auteur d’origine en notes :

En cas d’emploi de mon travail, merci de mentionner cette source,
tout plagiaire est un vautour, un charognard…
pour lequel on peut prier bien sûr 
afin qu’il ne le soit plus !

1 Une excellente synthèse avec une bibliographie est offerte in : Encyclopedia universalis 2018. Article Bestiaire de Daniel Poirion. 15 p.
2 Mathieu, 8, 32 : les démons sont envoyés dans des pourceaux.
3 Michel Pastoureau : Une histoire symbolique du Moyen Age occidental. Seuil. 2004. 452 p.
4 René Cintré : Bestiaire médiéval des animaux familiers. Ouest-France. 2015. 192 p.
5 Cerf altéré, aigle, choucas, etc. ou moins connu « Gardez-vous de ressembler au cheval et au mulet , qui n’ont point d’intelligence. » Ps 31,9.
6 Le rôle de l’Arménie, carrefour culturel, mériterait d’être mieux reconnue.
7 Avec les Confessions et la Cité de Dieu, il s’agit de la troisième œuvre majeure de saint Augustin, peut-être la moins connue mais pourtant si belle et si riche. Chez lui, il y a trois confessions : celle de foi, celle de louange et celle du péché. Ne retenir que la dernière, c’est ignorer complètement la pensée augustinienne.
8 Ce qu’il convient de garder à l’esprit car le Nouveau Testament éclaire l’Ancien Testament.
9 Le castor montrant au chasseur qu’il n’a plus les objets convoités ne sera ainsi pas tué.
10 Il affirme qu’il veut chanter l’ordre divin en découvrant la richesse de la création.
11 Son Histoire naturelle : série de publications de 1748 à 1789. Il est considéré comme un philosophe matérialiste.
12 Inventaire des oiseaux.
13 Abbé Louis Charbonneau-Lassay : Le bestiaire du Christ. Albin Michel. 2011. 1004 p. Le livre de référence sur cet aspect précis.
14 Car fondée par sir Thomas Bodley.
15 Fac-similé du manuscrit Bestiarium Ashmole 1511. Bodleian Library. Ed. Club du Livre. 1984. Avec un livre de commentaires de Xenia Muratova et Daniel Poirion. Trad. Française de Marie-France Dupuis et de Sylvain Louis.
16 La réalisation d’une enluminure prenait beaucoup de temps. Pour livre une copie dans un délai fixé, il fallait recourir à plusieurs mains.
17 Ex libris visible sur le fac-similé.
18 Ne pas donner ici un sens péjoratif : il s’agit d’une personne soit qui ne connaît pas la Parole de Dieu, soit qui ne maîtrise pas la lecture. Il y a un aspect catéchétique dans le bestiaire. Le plus savant des hommes est encore ignorant de bien des sujets… et c’est bien ainsi !
19 Vitraux, sculptures, œuvres peintes : nos édifices religieux abondent en moyens pédagogiques pour instruire le non croyant . D’ailleurs de nos jours, il est ridicule de ne plus en faire usage avec les jeunes enfants...
20 Ce qui inspirera Linné par exemple.
21 Une herbe ayant de nombreuses vertus.
22 Pâturage.
23 Franchissement des eaux.
24 Le serpent.
25 La source.
26 Le renoncement au vieil homme, limité par son seul ego, pour être et vivre en homme nouveau.
27 Lire la traduction de la TOB citée plus haut.
28 Ce complément à portée psychologique mérite une attention particulière.
29 Augustin : Discours sur les Psaumes. Coll. Sagesses chrétiennes. Cerf. 2 vol. 2007. 1592 p. et 1488 p. T. I, Ps 67, n°17-22, p. 1243-1250.
30 La clef du salut.
31 Le juste ne sera pas traité dans une autre vie comme celui qui ne s’est pas repenti de ses fautes.
32 Devenir un homme nouveau par le baptême, par le repentir.
33 Qui caractérise plutôt le XVIIe siècle et le puritanisme excessif de quelques-uns.
34 Et non en s’en glorifiant !

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