Propos d’infanterie
par Antoine Schülé
Mots-clefs : armée du peuple (milice suisse); chef; constantes, feu; formation; guerre; infanterie; ordres; principes; prospective; règlements.
Le métier militaire est une passion, mise au service de la défenses des siens. En tant qu’ancien officier suisse d’infanterie, j’ai aimé recueillir les expériences accumulées par des hommes de terrain, d’où ce petit florilège pouvant être utile à celui qui aura la dure tâche de conduire des hommes au feu et à affronter ou à infliger la mort ou les blessures, pour assurer la vie, en vue de la paix de tous. Quelques citations sélectionnées permettent de méditer sur des bases solides de l’action militaire, fruits de l’histoire militaire.
Le Prince de Ligne (né en 1735, mort en 1815) a écrit, dans ses "Mélanges militaires, littéraires et sentimentaires", un texte où il est possible de remplacer le qualificatif "militaire" par celui de "fantassin" :
Histoire militaire
"Aimer le métier militaire au-dessus des autres, à la passion, oui, passion est le mot. Si vous ne rêvez pas militaire, si vous ne dévorez pas les livres et les plans de guerre, si vous ne baisez point les pas des vieux soldats, si vous ne pleurez pas au récit de leurs combats, quittez vite un habit que vous déshonorez. Si l'exercice même d'un seul bataillon ne vous transporte pas, si vous y êtes distrait, si vous ne tremblez pas que la pluie empêche votre régiment de manœuvrer, donnez-y votre place à un jeune homme tel que je le veux : c'est celui qui sera fou de l'art de Maurice de Saxe et qui sera persuadé qu'il faut faire trois fois plus que son devoir pour le faire passablement. Malheur aux gens tièdes! Qu'ils rentrent au sein de leur famille !".
Armée du peuple
"La grande force de notre armée réside avant tout dans notre système de milices. L'armée, a dit Mao Zedong, doit être dans le peuple comme un poisson dans l'eau. Seule cette milice peut assurer valablement cette présence."
Olivier Pittet : Défense de la Suisse, Ed. 24 heures, 1980, 28 p., p.13.
"Le degré d'instruction d'une troupe de milices n'atteindra jamais celui d'une armée de métier. Chez nous, cet inconvénient est en partie compensé par le niveau intellectuel et technique du militaire."
Olivier Pittet : Défense de la Suisse, Ed. 24 heures, 1980, 28 p.
"L'art de la guerre ne présente point de problème plus difficile que le choix d'un système convenable à la défense de l'Helvétie."
Jomini (III, 328), cité par Daniel Reichel in La guerre et la montagne, Neuchâtel, 1988.
Chef
"L'étalon utilisé par l'armée pour promouvoir ses chefs de tout grade fait bonne figure à côté de celui utilisé pour les têtes politiques que le peuple se donne lui-même."
Général Wille, cité par Olivier Pittet, : Défense de la Suisse, Ed. 24 heures, 1980, 28 p., p. 15
"Des manœuvres toujours nouvelles rendent un général redoutable à l'ennemi; une conduite trop uniforme le fait mépriser."
Végèce, livre 3, chap. 25
"A la guerre comme à la chasse, de ne pas achever ce qui était commencé, c'est n'avoir rien fait !"
L'empereur Léon : Institutions militaires, Institution 14
"Etudiez-vous à connaître le degré de courage et de talents de vos officiers et de vos soldats, pour les employer où ils peuvent rendre le plus de service."
L'empereur Léon : Institutions militaires, Institution 20
"Les capitaines d'un courage médiocre ne conservent jamais leur jugement dans le danger."
Folard, Stratagèmes
Le chef de demain
"Une bataille sera désormais non plus gagnée par un général, mais plutôt par les cadres, supérieurs ou subalternes, par une équipe. […]
A l'évènement succédera l'action immédiate et brutale de tous les chefs qui conformeront leur attitude aux intentions du commandement supérieur, lesquelles devront être parfaitement connues.
Les intentions d'un chef seront, dès lors, plus liantes que ses ordres. Pour demeurer dans la ligne des intentions de ses supérieurs, un subordonné devra décider, cas échéant plus que par le passé, de son obéissance ou de sa désobéissance aux ordres.
Ce qui exigera du supérieur qu'il commande moins en donnant des missions qu'en exposant son idée de manœuvre et en faisant confiance à ses sous-ordres !"
Du choix du chef
"Peu importe la méthode employée pour détecter les hommes de caractère. Ce qui convient d'établir, c'est, par contre, l'absolue nécessité de disposer de telles personnalités pour commander demain.
Et ce, plus que ce ne fut jamais le cas à ce jour. Les bons subordonnés obéissants – ceux dont on a pu dire au jour où ils furent choisis: "Il fera un bon officier subalterne." n'ont plus place dans l'armée de demain.
Car il faut du caractère pour se décider seul.
Car il faut du caractère pour agir seul.
Car il faut du caractère pour maîtriser les paniques.
Car il faut du caractère pour se charger du commandement de son chef.
Car il faut du caractère aussi pour faire confiance à ses subordonnés et pour endosser leurs décisions.
Et ces hommes-là ne sont pas l'apanage d'une classe sociale. On les trouve dans toutes les couches de la population. Le caractère est marque de naissance – rarement de formation ou d'éducation."
Cap M.H. Montfort, Libre propos sur le commandement, RMS, 1964, p. 386
Constantes
"Herzog, Wille, Guisan, trois époques différentes, trois hommes différents: cependant, tous trois, dans leurs rapports, signalent les mêmes erreurs, discipline trop lâche, matériels en partie périmés ou inexistants, difficultés avec le pouvoir politique. "
Olivier Pittet : Défense de la Suisse, Ed. 24 heures, 1980, 28 p.,
"L'une des constantes de l'art de la guerre n'est-elle pas l'oubli chronique dans lequel tombent certaines expériences – pourtant acquises au plus haut prix."
Daniel Reichel in La guerre et la montagne, Neuchâtel, 1988, p. 168
"Plus on pratique l'œuvre historique de Jomini, mieux on peut se rendre compte que s'il existe des principes généraux en matière de tactique et de stratégie, chaque combat doit être considéré comme ayant une individualité propre. D'où la nécessité, pour l'expert militaire, de compléter sans cesse ses études théoriques par celles de nombreuses actions, toujours différentes des unes des autres."
Daniel Reichel in La guerre et la montagne, Neuchâtel, 1988, p. 184
Feu
"[En 1501,] en avance sur son temps, Schiner a compris l'importance croissante prise par le facteur du feu sur le champ de bataille: il encourage chez ses hommes leur entraînement au tir."
Daniel Reichel in Attice e Memorie della Società Savonese di Storia Patria. Nuova Serie. Vol XXV. Savonna. 1989. "Mathieu Schiner (v 1456 – 1522), cardinal et homme de guerre."
"Il est de règle incontestable que, pour l'offensive, il faut un mode qui réunisse mobilité, solidité et impulsion, tandis que pour la défensive, il faut la solidité réunie au plus de feux possibles."
Antoine Henri Jomini : Précis de l'art de la guerre, éd. Ivrea, Paris, 1994, 392 p., p. 311
"[…] un des points les plus essentiels pour conduire l'infanterie au combat, c'est de mettre ses troupes à l'abri du feu d'artillerie de l'ennemi autant que faire se peut, non en les retirant mal à propos, mais en profitant des plis de terrain ou d'autres accidents qui se trouvent devant elles, afin de les défiler des batteries. Quand on est venu sous le feu de la mousqueterie, alors il n'y a pas à calculer sur des abris; si l'on est en mesure d'assaillir, il faut le faire; les abris ne peuvent convenir dans ce cas qu'aux tirailleurs et aux troupes défensives."
Antoine Henri Jomini : Précis de l'art de la guerre, éd. Ivrea, Paris, 1994, 392 p., p. 316
Efficacité du feu
Le grand maître sur le champ de bataille, c'est le feu; le feu, qui désorganise le commandement (par la mise hors de combat des chefs et des agents de liaison), qui diminue le pouvoir d'action de la masse (blessés, tués, armes et matériel hors d'usage) et qui tend à isoler les exécutants. Le tir de guerre d'une arme quelconque n'a, de toute évidence, qu'une seule raison d'être : c'est son efficacité sur l'ennemi. Pouvoir apprécier d'avance l'efficacité approximative d'un feu, estimer la dotation en munitions nécessaire pour obtenir un certain résultat, donnent aux décisions tactiques des bases plus solides. Car la solution d'une mission de combat dépend en grande partie du rendement possible des armes dont le chef dispose. Celui-ci ne doit pas prendre de décision sans être parfaitement au clair sur les possibilités de rendement de ses armes. Le succès tactique dépend avant tout de l'utilisation rationnelle des armes dont on dispose.
Cap Pierre-Eugéne Denéréaz, La tactique du feu (RMS, no 10, oct. 48, p. 494)
Et une seule chose compte comme effet produit par le feu, c'est son efficacité réelle, matérielle et morale, plus ou moins raide ou plus ou moins grande, sur chacun des deux adversaires. Une grenade bien placée réduit une résistance que cinquante obus tombés ailleurs avaient laissée intacte. Douze coups de mousqueton froidement ajustés, partis on ne sait d'où, anéantissent un groupe à découvert dont le fusil-mitrailleur écrasait un buisson vide. Un obus de 47 arrivant à point nommé, démolit une mitrailleuse et supprime sur le champ sa gerbe infranchissable.
Cap Dénéréaz, La tactique du feu (RMS, no 10, oct. 48, p. 496)
Conduite du feu
Dans la force offensive ou défensive, le projectile est facteur commun. L'exploitation totale du potentiel du feu exige des conditions précises se rapportant à la fois au tir (condition technique) et au feu (condition tactique).
Le tir est l'art d'envoyer le projectile au but. Le feu est l'art d'employer le tir en vue d'un résultat précis de combat.
La conduite du feu est spécifiquement fonction des chefs subalternes. Elle implique décision de chef. Les éléments de cette décision sont, les uns généraux et fixes, les autres variables suivant le cas particulier.
a) Eléments fixes :
- propriétés balistiques propres à chaque arme : portée, trajectoires, dispersion, pouvoir destructeur,
- propriétés tactiques de chaque arme : poids, maniabilité, vulnérabilité;
- répartition organique des armes et munitions
- certaines lois fondamentales d'emploi du feu : prédominance absolue du tir à vue et du tir direct;
- la surprise multiplie l'efficacité;
- le feu n'est jamais trop puissant (concentrations!).
b) Eléments variables :
- aptitude de la troupe à utiliser ses armes au moment considéré;
- armes et munitions encore disponibles au moment considéré;
- nature de la force ennemie;
- conditions du terrain.
Pour chaque organe de feu, la mission se traduit toujours par une ou plusieurs missions de tir très précises dénommées suivant l'effet recherché sur l'objectif à battre :
- Destruction ou anéantissement s'il s'agit de mettre définitivement hors de combat un organe ennemi donné (personnel ou matériel).
- Neutralisation s'il s'agit de paralyser momentanément un ennemi posté, en l'empêchant d'utiliser convenablement ses moyens de feu ou d'observation.
- Arrêt s'il s'agit de participer à une mission de barrage.
- Harcèlement si l'on ne vise qu'à restreindre l'activité de l'ennemi dans une zone plus ou moins étendue.
Cap Pierre-E. Denéréaz, La tactique du feu (RMS, no 10, oct. 48, p. 507-8)
"La conduite du feu a pour but essentiel de déclencher seulement des tirs qui soient à la fois opportuns et efficaces."
Le lance-mines est destiné fournir les obus que l'artillerie donnerait trop tard. Il ne remplace pas l'artillerie. Sa très bonne précision et la rapidité de son tir lui permettent de donner une densité de feu écrasante sur un objectif de peu d'étendue entre 50 et 1500 mètres. Ses autres propriétés essentielles sont a courbure de sa trajectoire et la puissance de ses projectiles. Sa puissance de feu est strictement limitée en durée. Le lance-mines est là pour prendre part à une action décisive, immédiate, rapide et non pour un tir de longue préparation. A chacun son métier.
Cap Pierre-E. Denéréaz, La tactique du feu (RMS, no 10, oct. 48, p. 548-9)
Formation
"Nous découvrons […] que ce sont les échecs, surtout, qui offrent pour l'étude de l'histoire militaire l'intérêt le plus considérable, car ils font apparaître avec beaucoup de netteté toutes les difficultés inhérentes à la conduite de la guerre – et cela aux échelons où le commandement doit prendre des décisions très rapides, dans un climat d'incertitude souvent considérable."
Daniel Reichel in La guerre et la montagne, Neuchâtel, 1988, p. 184
"Chemin faisant avec Jomini, on peut acquérir une connaissance des hommes et des choses que l'on trouverait difficilement ailleurs."
Daniel Reichel in La guerre et la montagne, Neuchâtel, 1988, p. 184
"Si l'expérience m'a prouvé depuis longtemps, que l'un des problèmes les plus difficiles de la tactique de guerre était le meilleur mode de former les troupes pour aller au combat, j'ai reconnu aussi que de vouloir résoudre ce grand problème d'une manière absolue et par un système exclusif est chose impossible."
Antoine Henri Jomini : Précis de l'art de la guerre, éd. Ivrea, Paris, 1994, 392 p., p. 313
"En tout genre de combat, c'est de l'art et de l'expérience, bien plus que du grand nombre et d'une valeur mal conduite, qu'il faut attendre la victoire."
Végèce, livre 1, chap. 1
"On ne craint point de pratiquer ce qu'on a bien appris; c'est ce qui fait qu'une petite troupe aguerrie et disciplinée l'emporte toujours sur une plus nombreuse, mais moins disciplinée ou moins aguerrie : deux défauts qui exposent des combattants à la défaite la plus meurtrière."
Végèce, livre 1, chap. 1
Guerre
"C'est que la paix n'est qu'un système de conventions, un équilibre de symboles, un édifice essentiellement fiduciaire. La menace y tient lieu de l'acte, la paix y tient lieu de l'or, l'or y tient lieu de tout. Le crédit, les probabilités, les habitudes, les souvenirs et les paroles sont alors les éléments immédiats du jeu politique, car toute politique est spéculation, opération plus ou moins réelle sur des valeurs fictives. Toute politique se réduit à faire de l'escompte ou du report de puissance. La guerre liquide enfin ses positions, exige la présence et le versement des forces vraies, éprouve les cœurs, ouvre les coffres, oppose le fait à l'idée, les résultats aux renommées, l'accident aux prévisions, la mort aux phrases. Elle tend à faire dépendre le sort ultérieur des choses de la réalité toute brute de l'instant."
Paul Valéry : Regards sur le monde actuel, Paris, 1931, pp. 165-166
"La guerre n'est pas seulement, comme dit Cicéron, un débat qui se vide par la force mais encore par la ruse et le stratagème."
Folard, Stratagèmes.
Infanterie
L’étymologie réserve bien des surprises, les mots “infanterie” et “fantassin” viennent de l’italien et de l’espagnol pour signifier “enfant”, mot d’origine latine construit sur “in” (privatif) et “fari” (parler) : “infans” est donc celui qui ne parle pas. Dans le monde romain, il s’agissait de l’enfant jusqu’à l’âge de 7 ans. Toutefois, il a aussi désigné l’enfant par rapport à ses parents. Quels sont les parents du fantassin ? Sa mère est la patrie, son père, l’honneur. Il se doit de défendre l’une et l’autre.
Antoine Schülé
"L'infanterie est sans contredit l'arme la plus importante, puisqu'elle forme les quatre cinquièmes d'une armée, que c'est elle qui enlève les positions ou qui les défend. Mais si l'on doit reconnaître qu'après le talent du général, elle est le premier instrument de victoire, il faut avouer aussi qu'elle trouve un puissant appui dans la cavalerie et l'artillerie, et que sans leur secours elle se verrait souvent fort compromise, et ne pourrait emporter que des demi-succès."
Antoine Henri Jomini : Précis de l'art de la guerre, éd. Ivrea, Paris, 1994, 392 p., p. 306
Ce qu'il y a de spécial dans l'infanterie, c'est qu'elle renaît toujours de ses cendres. Alors que, pour d'autres armes, le vieillissement de leur moyen de combat principal correspond à un arrêt de mort, l'infanterie, elle s'adapte, change d'équipement et d'armement et connaît ainsi une nouvelle jeunesse. On pourrait presque dire, sans chauvinisme, que dans les armes spéciales, l'homme est serviteur du matériel, alors dans l'infanterie, c'est le matériel qui se trouve être au service de l'homme.
Lt-col Olivier Pittet, L'infanterie, RMS, no 12, déc. 64, p. 551
"L'infanterie a dans notre pays des racines très profondes. Hier elle fit notre force; elle le fera encore demain, pour autant qu'elle ait foi en son destin et la volonté incessante de s'adapter sans cesse aux situations nouvelles."
Lt-col Olivier Pittet, L'infanterie, RMS, no 12, déc. 64, p. 554
Il faut être animé par la flamme de la passion pour concevoir, instruire et employer l'infanterie cette arme humaine par excellence qui a vécu, vit et vivra en de multiples transformations qui se concrétisent partiellement par la modernisation de son matériel et se caractérisent par son sens de l'adaptation.
L'infanterie est par nature l'arme du combat rapproché à mener et mené à pied jusqu'au corps à corps.
L'infanterie doit maîtriser la force soit pour ne pas devoir l'utiliser (dissuasion rapprochée), soit pour défendre, soit pour attaquer.
La fin du combat appartient toujours à l'infanterie.
L'infanterie cultive et l'interarmes (génie, artillerie, les chars, sauvetage, garde-frontière, etc.) et la collaboration avec les civils (police, secouriste, pompiers, etc.).
L'infanterie doit garder la plus grande autonomie tactique : garder des feux lance-mines, assurer une puissance de feu par les armes collectives, assurer sa plus grande mobilité, conserver la précisons de son feu, cultiver une forte défense antichars, créer une cohésion interne capable de résister à toutes les épreuves.
Lt-col Olivier Pittet, L'infanterie, RMS, no 12, déc. 64
Ordres
Commander, c'est imposé sa volonté aux autres. C'est aussi les entraîner. On s'impose en ordonnant. Ou, autrement exprimé, on s'impose par l'ordre."
"L'ordre présuppose la décision. Autrement dit le choix. Autrement dit, le courage moral."
"L'ordre ne doit pas constituer une entrave que le supérieur impose à la liberté d'action du subordonné."
"Des ordres qui ne brident pas, mais qui créent la liberté. N'est-ce pas à quoi rêvait Patton, lorsqu'il recommandait à ses divisionnaires de ne jamais dire à leur subordonnés comment faire les choses, mais seulement ce qu'ils avaient à faire? Il ajoutait : "Ils vous surprendront alors par leur ingéniosité".
Créer l'indépendance de ses propres sous-ordres. Tâche difficile, qui prendra dans l'avenir toujours plus d'importance.".
"L'ordre – même sous sa forme idéale – qui ne sera pas donné à temps, sera sans valeur.
Or, commander tôt, c'est risquer. C'est risquer, car cela suppose souvent que le chef devra se décider alors qu'il se trouve encore dans l'incertitude. C'est risquer, car le chef doit établir sa décision sur des probabilités et que, selon le mot de Moltke, "la probabilité la plus invraisemblable est que, de toutes les mesures, l'ennemi prendra la plus juste.".
Disons-le, la chance constitue le 50% du génie militaire. Le chef est un joueur. Certes, on perd quelque fois quand on engage des paris, mais on perd toujours quand on hésite à le faire. Au seuil de toute grave décision, cette morale devrait constituer le nerf moteur du chef. C'est la morale de l'audace.
Ce qui exige autre chose aussi : qu'il assume ses pleines responsabilités ! Car elles sont grandes; dès lors plus grandes que s'il prévoyait tout, commandait tout, organisait tout. Elles s'augmentent de tout ce que les subordonnés entreprendront dans la vaste marge de liberté qu'il leur a délibérément consentie. Elles s'augmentent aussi de la part de risques qu'il a acceptée en commandant tôt. L'ironique définition est connue : "Un ordre bien rédigé n'engage que celui qui le reçoit." L'ordre du chef véritable est exactement le contraire : il engage la totale responsabilité de celui qui le donne, et, intrinsèquement, couvre à l'avance tous les exécutants.
Rien de plus écœurant à cet égard que la pléthore de mémoires et souvenirs que nous apportée le second conflit mondial et dont une bonne part ne vise à rien d'autre qu'à dégager les responsabilités que purent assumer leurs auteurs. "
Cap M.H. Montfort, Libre propos sur le commandement, RMS, 1964, p. 326-7
"Le véritable chef s'impose donc par ses ordres, tout d'abord.
En croyant ingénument à leur bien-fondé.
En ayant le sens du possible et de l'impossible.
En ordonnant uniquement ce que ses subordonnés doivent savoir pour atteindre un but donné, mais rien que cela.
En faisant preuve de courage moral, en osant risquer pour commander à temps.
En assumant toutes ses responsabilités et en couvrant ses subordonnés."
Cap M.H. Montfort, Libre propos sur le commandement, RMS, 1964, p. 327
"Figure unique aux yeux de ses subordonnés, le chef deviendra l'exemple dont on ne se contentera pas d'exécuter les ordres, mais qu'on sera prêt à suivre au travers de toutes les tourmentes.
Car le chef véritable, le chef idéal, c'est l'entraîneur; ce n'est pas seulement celui qui ne sait que se faire obéir, c'est surtout celui que ses subordonnés veulent suivre.".
Cap M.H. Montfort, Libre propos sur le commandement, RMS, 1964, p. 335
Principes
"Il n'y a point de meilleurs projets que ceux dont on dérobe la connaissance à l'ennemi jusqu'au moment de l'exécution."
Végèce, livre 3, chap. 25
"Celui qui juge sainement de ses forces et de celles de l'ennemi est rarement battu.
Végèce, livre 3, chap. 25
"La valeur l'emporte sur le nombre; mais une position avantageuse l'emporte souvent sur la valeur."
Végèce, livre 3, chap. 25
"La nature produit peu d'hommes courageux par eux-mêmes, l'art en forme un plus grand nombre."
Végèce, livre 3, chap. 25
"Qui laisse disperser ses troupes à la poursuite des fuyards, cherche à perdre la victoire qu'il avait gagnée !"
Végèce, livre 3, chap. 25
"Mettez en usage tout ce que vous pourrez imaginer pour abattre le courage des ennemis; mais ne les réduisez pas dans une situation où le désespoir leur donne plus de force et de valeur qu'ils n'en ont naturellement."
L'empereur Léon : Institutions militaires, Conclusion
Prospective
"On ne saurait avoir le sens de l'histoire si l'on n'a pas celui de l'avenir."
Karl Jaspers, Origine et sens de l'histoire, p.174
"Demain se cache dans hier et dans aujourd'hui. Nous l'y voyons, nous l'y trouvons par l'imagination; en fait nous nous sentons toujours portés par le sentiment de l'avenir."
Karl Jaspers, Origine et sens de l'histoire
"Ce qui importe, c'est de distinguer, dans la lutte quotidienne, ces combats plus secrets où se joue le destin de l'humanité."
Karl Jaspers, Origine et sens de l'histoire
"L'instant présent semble déterminé autant par nos vues sur l'avenir que par nos regards sur le passé."
Karl Jaspers, Origine et sens de l'histoire
"Nous ignorons complètement l'âme d'un homme d'il y a vingt mille ans; mais nous savons qu'au cours de notre histoire – cette brève période-, l'homme en général n'a guère changé, pour le biologiste ou le psychophysicien, et que ses pulsions élémentaires sont restées à peu près les mêmes."
Karl Jaspers, Origine et sens de l'histoire, p. 42
Règlements:
"Etant donné l'allure à laquelle se transforment les moyens matériels mis en œuvre sur les champs de bataille à notre époque, un règlement est déjà sinon périmé du moins sur le point de l'être lorsqu'il tombe dans le domaine public; les cadres dignes de ce nom n'y peuvent trouver que la consécration de conceptions qui leur sont déjà plus ou moins familières depuis un certain temps déjà : dès lors qu'elles sont devenues officielles, c'est que désormais on peut les prendre comme bases de départ pour échafauder de nouvelles plus "à la page"; un règlement tactique n'est pas un poteau d'arrivée mais un tremplin.”
Un bon usage des règlements !
Conclusion
La richesse de ces citations suffit pour tout homme en capacité de réfléchir : là, c'est une question de volonté personnelle !
Antoine Schülé
Contact : antoine.schule@free.fr
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