« Histoire et résiliences »
selon Arnold Toynbee, Alfred Weber et Daniel Reichel.
par Antoine Schülé
En hommage à Daniel
Reichel
Introduction
Trois auteurs Reichel, A.
Weber et Toynbee ont identifié des facteurs importants de résilience au sein
des grandes civilisations ayant existé ou existantes. L’ennui est qu’ils
n’utilisent pas le terme de résilience[1] :
toutefois ils offrent de nombreux exemples pratiques.
Ma motivation est double en
proposant les réflexions qui suivent.
Premièrement, elle repose sur
des discussions et des recherches menées par Daniel Reichel[2],
historien et penseur militaire suisse[3]. Depuis
la fin des années 1970, il s’interrogeait souvent sur ce qu’était la substance d’un peuple[4]
qui persistait, non sans certaines métamorphoses, à travers le temps :
pourquoi et comment des peuples ont survécu alors que d’autres ont
disparu, certains complètement (les Incas), mais d’autres ont des éléments
particuliers qui leur ont subsisté et qui se sont mêlés à des peuples vainqueurs
(la culture grecque et le droit romain qui ont façonné nos sociétés actuelles) ?
Il aimait débattre à ce sujet et deux auteurs ont alimenté sa recherche :
l’historien anglais Arnold Toynbee[5] avec
sa volumineuse étude «L’histoire, un
essai d’interprétation.»[6] et
le sociologue allemand Alfred Weber[7]
avec sa riche analyse titrée : «Kulturgeschichte als
Kultursoziologie »[8].
Avant de nous quitter en 1991,
il a partiellement finalisé sa recherche lors de deux colloques dont les actes
ont été publiés : «Quelques
influences ayant marqué la pensée militaire
de la Renaissance à nos jours»[9]
avec des tableaux très précieux afin que des chercheurs ultérieurs puissent
poursuivre sa démarche intellectuelle[10].
Il s’est attaché à démontrer l’importance de déceler les filiations de pensée à
travers les siècles : il y a, en matière de pensées, des héritages
acceptés ou refusés, se dissociant ou s’associant dans des mélanges complexes,
quelquefois bénéfiques mais aussi parfois maléfiques comme les différentes
formes de totalitarisme l’ont amplement démontré et le démontrent encore au XXIe
siècle. Pour nos auteurs, autant le dire tout de suite, c’est dans la pensée
qu’est la source de toute résilience qu’elle soit positive, neutre ou négative
selon les critères de valeur que l’on adopte pour la considérer.
Deuxièmement, en réfléchissant
sur les discussions eues avec Daniel Reichel, je me suis interrogé sur la
résilience de plus de sept siècles d’une petite Confédération d’Etats
souverains au cœur de l’Europe et entourée de grandes puissances : cette
Helvétie devenue la Suisse. En effet comment cette union progressive de 27
Etats souverains a pu résister et se constituer à travers le temps ? Il a
fallu attendre le XIXe siècle pour que cette Suisse connaisse enfin
ses limites actuelles alors que cette naissance a commencé au XIIIe
s. Ce phénomène est étonnant car ces Etats souverains que sont les Cantons,
avec cependant des statuts inégaux, avaient tout pour être hostiles les uns
envers les autres : cantons souverains, cantons sujets, cantons
alliés ; cantons ville et cantons campagne ; les protestants et les
catholiques ; les cantons favorables au service étranger, les autres
contre; trois cultures devant vivre ensemble : allemande, française et
italienne ; alliances avec des puissances voisines à la Confédération
souvent hostiles entre elles (Espagne-France ; Angleterre-France ;
Etats allemands-France ; etc.) ; richesses économiques inégalement
réparties entre eux ; des systèmes scolaires[11],
juridiques[12]
et monétaires qui ont eu ou ont encore beaucoup de peine à s’harmoniser… Cette
liste pourrait s’allonger ! Il suffit de demander à un Suisse sa
nationalité, il vous répondra qu’il est de tel ou tel canton et seulement après
qu’il est Suisse, ce label donné par
les étrangers à ces pays confédérés !
Dans le cadre de cette
présentation, il ne m’est pas possible d’exposer de façon complète nos trois
auteurs. Je tenterai tout au plus de souligner quelques traits saillants,
retenus par Daniel Reichel, chez chacun d’eux en fournissant quelques exemples et
ainsi offrir des pistes de réflexion au lecteur pour l’étude de la résilience. Reichel
a lu Toynbee et Weber de façon critique pour dégager une pensée
originale : il a rejeté certains éléments et, au contraire, en a développé
ou affiné d’autres. Parfois, je n’ai pas résisté à prolonger leurs pensées en
prenant des exemples depuis 1es années 1990 ou des illustrations de l’histoire
suisse.
1. Alfred Weber
Pour Weber, l’histoire n’est
pas seulement une recherche de causes et d’effets, c’est surtout repérer un
faisceau d’influences. Le principe wébérien de base est de confronter le
temps présent à l’histoire et l’histoire au temps présent. Ainsi que Toynbee, cependant
dans une moindre mesure, il analyse les grandes civilisations connues depuis
l’apparition de l’homme sur la terre : Egypte, Babylone, Chine et Inde,
pour finir avec les Perses, les Juifs, les Grecs païens, Rome, l’Antiquité
chrétienne. Avec « La Cité de Dieu »
de Saint Augustin, il identifie une nouvelle philosophie de l’histoire :
la recherche d’un plan divin dans l’histoire de l’humanité. Une révolution en
fait qui est trop ignorée car non sanglante.
La résilience de la
civilisation dite occidentale, chrétienne, même si ce qualificatif gêne
actuellement quelques esprits se voulant nouveaux, a son origine dans quatre
foyers de culture : égyptien, sumérien, chinois et hindou. Il est trop
restrictif de la réduire aux seules racines juives comme il est d’usage de le
proclamer, en ignorant ainsi les racines plus profondes. Une perte possible de
notre résilience serait dans l’oubli de nos origines culturelles. Pour
connaître nos racines et les sols qu’elles traversent, il convient d’identifier
ces différentes strates sédimentaires qui tantôt se couvrent l’une l’autre,
tantôt se mêlent de façon inextricable.
Weber se dissocie de Toynbee
en ce sens que si Weber reconnaît certaines analogies entre ces corps
historiques se développant dans la longue durée, il souligne l’originalité de
chacun d’eux : chaque civilisation a des caractères qui lui sont propres que
ne peuvent cacher des points communs.
1.1 Du 1er au 3ème
homme
L’humanité a ses racines dans
l’humus d’un monde primitif qui a produit, en trois phases de durée inégale,
une culture primitive, puis une demi-culture et ensuite une haute culture[13]. Selon
Weber, de nos jours, nous portons consciemment ou inconsciemment ces
fondamentaux primitifs. L’homme de la première phase, d’il y a 400 000 ans,
a marqué l’homme de la troisième phase de 3500 ans, cet homme du XXe
s[14].
La première résilience de l’humanité : pendant des millénaires, l’homme a
subi la nature, pour avoir, par la suite et après un temps très long, des
influences sur elle[15].
Weber crée une grille de
lecture simple mais qui permet des constructions plus complexes pour l’étude de
la résilience humaine. Ainsi que des plantes[16]
ayant résisté pendant des millénaires aux mutations climatiques extrêmes, il y
a eu des adaptations de l’homme depuis son apparition sur la terre.
L’homme de la 1ère
phase, d’il y a 400 000 - 120 000 ans, a subi la nature ; l’homme de
la 2ème phase, 120 000 à 10 000 ans, a lutté pour la
survie durant les glaciations[17] ;
l’homme de la 3ème phase a dominé petit à petit la nature.
De ce 2ème homme,
nous est resté un élément important que Weber nomme le substrat magique, c’est-à-dire, l’irrationnel : dans un
premier temps, la prédominance du chasseur avec la bête a favorisé le culte de
l’homme, du mâle ; dans un deuxième temps, celle de l’agriculteur, celui
de la fécondité avec le culte de la femme. Le rôle du sorcier cultive un savoir particulier où il peut associer le passé et
le présent comme l’avenir : c’est ainsi qu’il fait œuvre de visionnaire ou de magisme. La résilience de ce 2ème homme dépend d’un
savoir : il a su vaincre sa peur intérieure et celle de ses proches et il a su
vaincre le destin, cette force extérieure qu’imposait la nature. L’irrationnel
et le savoir qui dépend de la mémoire, sont deux facteurs de résilience à
prendre en considération. L’irrationnel fait partie de notre inconscient, de ce
vieil homme qui est au fond de chacun d’entre nous ; le savoir a précédé
la raison : pour raisonner, il faut comprendre. Trop de savoir tue
l’irrationnel et trop d’irrationnel tue le savoir : l’homme doit
trouver le juste équilibre.
Du 1er homme, nous
avons hérité du monde des instincts alors que le 3ème homme tente de
domestiquer ces instincts par sa volonté et son énergie. Les forces obscures[18]
sont maintenant[19]
moins dans la nature mais plus dans l’homme lui-même[20] !
Le magisme, qui a traversé les trois couches, a de l’importance : il ne
nous en reste que des vestiges de nos jours mais ces vestiges peuvent encore être
sources de résilience pour l’avenir !
Chaque phase a produit un
ensemble de croyances constituant un tout sur lequel l’homme pouvait se
construire et évoluer : la remise en question de l’une de ces croyances
provoque une ou des réactions en chaîne, une révolution ou un effondrement.
L’écrit a été une révolution : la mémoire orale a perdu son
importance ; l’imprimerie a permis la diffusion de la connaissance. Le
savoir initialement détenu par les brahmanes, les mandarins tient à une
lecture, à un déchiffrage mettant en relation les forces cachées et l’existence
de l’homme présent : leur sagesse est dans cet équilibre entre le mystère
et le savoir[21].
En prolongeant cette réflexion
au XXIes., une mémoire individuelle peut bénéficier d’une puissante
et prodigieuse mémoire collective avec Internet mais les sources de résilience
se multiplient et deviennent incontrôlables : quelles mémoires sortiront
victorieuses de cette tour de Babel des connaissances ?
Le 3ème homme
devient toujours plus rationnel en observant tout ce qui l’entoure mais il se
protège tout de même au moyen d’une part plus ou moins grande d’irrationnel, lui permettant ainsi d’évoluer. Divers
systèmes irrationnels se succèdent : Akhenaton renverse le panthéon des
anciens dieux pour le culte d’Aton. La Chine et l’Inde donnent une explication
différente du monde et cela joue un rôle dans la résilience ou parfois son
absence.
Prenons l’exemple de
l’Inde : avec ses tabous, il y a eu des castes, une notion de pureté à
préserver, le karma… Soulignons les conséquences pour l’être humain d’une
croyance en un destin prédestiné sur lequel l’homme n’a pas d’influence. Sur
cette base, il subit son destin et ne résiste pas au profit de castes dominantes :
ce culte du destin devant être accepté est une forme de ce fatalisme que nous
trouverons, sous des façons différentes, chez les Orthodoxes (pouvant conduire
jusqu’à un refus de l’action) et les Musulmans et chez des Chrétiens convaincus
de la prédestination… Le point commun est cette conviction que la révolte
contre le malheur coupe la relation existant entre l’homme et le ciel.
La Chine a développé un sens
aigu de la chronologie pour la gestion de l’Etat et pour vivre aux rythmes de
la nature. N’oublions que le rythme de la nature a donné le calendrier, le calcul
du temps : des cycles naturels ont été identifiés. La répétition de ces observations
sur la longue durée a créé une base de données identifiables et repérables.
L’irruption de la culture occidentale en Chine a détruit en partie cette forme
de culture sans la remplacer par quelque chose ayant une force
équivalente !
L’esprit grec a libéré l’homme
des entraves de la nature[22]
mais la philosophie hindoue l’avait anticipée avec plus de force encore. Le
substrat irrationnel est beaucoup plus fort chez les Latins que les Grecs. Les
Slaves ont cultivé une foi du charbonnier contrairement à Byzance dont l’excès
d’intellectualisme a tué toute forme de spontanéité. Les Slaves ont cultivé la
poésie lyrique qui est un des facteurs de résilience. La littérature russe a
joué un rôle aussi important que la religion pour permettre à des peuples de
survivre au régime communiste : l’âme russe existe toujours mais au
service de quel idéal servira-t-elle ?
L’antiquité chrétienne s’est
construite sur un fondement culturel perse et juif avec des influences grecques
(altruisme), germaniques (solidarité), slaves (poésie) et arabes (connaissances
des auteurs grecs par leur intermédiaire). Pour ma part, en prendre conscience
serait peut-être une des meilleures formes de résilience de nos jours pour
éviter l’implosion que nous risquons de connaître en 2014. L’Eglise d’Occident
s’est développée en pratiquant un augustinisme vivant alors que l’Eglise d’Orient
s’est figée : toute la différence entre une tradition vivante et une
tradition figée.
La naissance des nationalismes
a son origine dans la genèse des littératures : le rôle de l’écrit se
développe en Occident. Chaque littérature nationale est une sorte de récipient
de pensées pouvant engendrer les pires tensions, c’est le revers de la
médaille, mais aussi une extraordinaire richesse d’invention, c'est sa face
lumineuse.
1.2 La Réforme et la
responsabilité de l’individu
La lecture de la Réforme par
un Allemand protestant a son intérêt : Weber considère que la Réforme
vient d’un pays qui ne connaît pas l’antiquité, un pays socialement neuf ayant
vécu une croissance trop rapide et qui a coupé ses racines que plonge l’Eglise
romaine dans la culture antique. La Réforme allemande a suscité un
bouleversement de vie, une révolution universelle, inachevée à cause de son
morcellement en plusieurs grandes villes : Strasbourg, Bâle, Zurich,
Nuremberg. Le communisme a pris naissance dans la paysannerie protestante avec
Thomas Münzer[23].
La révolution est d’essence religieuse : que ce soit les cultes des dieux,
de Dieu ou de l’Homme-Dieu.
Calvin diffère de Luther en ce
sens qu’il n’a pas coupé les racines de l’antiquité. Le luthérianisme a
développé une religion du travail, la métaphysique du travail, favorisant ainsi
une forme de capitalisme[24].
La Réforme a eu un effet
commun pour l’Occident : le développement de la responsabilité de
l’individu. L’Allemagne a été emportée par son dynamisme et a pris la fuite en
avant : elle en a oublié la vie contemplative et pourtant elle avait eu
Maître Eckart. Il y a eu des regrets et la chute dans un nouveau paganisme à la
fin du XIXe s., favorisé par un courant romantique qui a été une
recherche pour retrouver ce temps perdu et éviter de sombrer dans le nihilisme :
le résultat nous est connu.
Depuis le XVIe
siècle, l’expansion de l’Occident ne cesse de progresser. Il y a une européanisation de la planète. Mais un
rideau de fer tombera sur cette expansion avec le calvinisme et le jansénisme
que Weber place sur le même pied. La culture européenne a atteint
l’universalité pour imposer sa culture développée et sa technicité. Le XVIIe
s. est une mise en ordre de l’espace par les Européens et le XVIIIe
s. sera celui de la libéralisation. Le capitalisme naît en Italie, en Flandres,
Angleterre et les villes allemandes. Il y a une sorte de cristallisation qui se
révèlera dans l’idée nationale.
Un rôle primordial est accordé
à la littérature, le véritable creuset des idées. Par exemple, Cromwell
n’aurait pas pu accomplir sa révolution s’il n’y avait pas eu des courants
d’idées qui lui servirent de vecteurs. Retenons que la littérature, une expression
de la culture, est un facteur de résilience. L’importance de la Bible accrédite
cette approche pour les Juifs comme pour les Chrétiens[25].
Le christianisme a produit l’humanisme et tout ce qu’il en est issu (où le bon
côtoie le pire). L’Angleterre a été persuadée longtemps d’accomplir un rôle
messianique : au XIXe s. elle a créé tous les pôles de tension[26]
qui perdureront jusqu’en 2014 et qui ne sont pas prêts de s’éteindre. Un
courant du puritanisme américain poursuit dans cet esprit de nos jours…
L’astrologie chinoise ou
hindoue avait servi à rapprocher l’homme de Dieu mais la théorie cosmique de
Newton a produit un effet inverse : l’homme s’éloigne de Dieu. Les progrès
des sciences changent le regard sur la foi : la religion est supplantée
par la science. De plus en plus, l’individualisme se développe : chacun
croit déceler en lui-même ce qui est bien, ce qui est mal (produit par une des lectures
possibles de Rousseau). Les révolutions de la connaissance ont provoqué les
révolutions des hommes. Le droit naturel se construit avec Descartes, Spinoza,
Hobbes et Grotius : les Pays-Bas formeront le premier pôle de liberté en Europe et au sens que nous
l’entendons aujourd’hui.
A la fin du XVIIIe
s., l’Allemagne cultive l’optimisme que l’on retrouve dans les œuvres de Bach,
de Lessing, de Goethe sur un substrat culturel cultivé par Kant, Fichte et
Hegel. Cet optimisme est un facteur de résilience. En France, selon Weber, Rousseau
a favorisé une société pessimiste : ce pessimisme a conduit aussi bien à
une non-résilience par un défaitisme fataliste qu’à une terreur sans limite,
avec Robespierre que quelques contemporains considèrent encore comme un modèle
incompris…
Du XIXe au XXe, nous assistons
à la naissance de la sécularisation, le fruit naturel du rationalisme.
1.3 La sécularisation
Les masses se
sécularisent : il y a une naissance de l’homme géométrique ; la seule
liberté qui subsiste est une liberté intérieure[27].
La Révolution française éclate et se diffuse mais deux Etats résistent malgré
cette vague déferlante : la Prusse et l’Autriche.
Avec le romantisme, un des
effets de la sécularisation, l’individu retrouve ce lien qui lui faisait
défaut, avec l’universel : le microcosme confirme un cosmos[28].
Le XIXe s. se
caractérise selon Weber par trois phénomènes :
1.
L’ouverture au monde et à l’espace ;
2.
En 1830, il y a une inversion dans les
conventions psychiques[29] ;
3.
Dès 1880, il y a une expansion, sans limites, du
capitalisme avec toutes les conséquences que nous retrouverons dans le XXe
siècle.
Dès 1880, l’optimisme
évolutionniste meurt : les guerres impérialistes commencent avec le
bombardement d’Alexandrie et l’occupation de l’Egypte par les Anglais (1882),
en un temps rapide. Avec le capitalisme, nous assistons à la fin des cités, où
il est pourtant né, pour une prédominance des marchés : le développement
des industries s’accompagne d’une protection des sources de production et
d’exportation. Les relations interétatiques seront de ce fait complètement
bouleversées. La politique de l’Etat devient une politique de puissance et de
domination : l’Angleterre empêchera toute grande puissance sur le continent
(ce qu’elle pratiquait depuis longtemps par un soutien aux Etats plus faibles
face à l’Espagne, à la France ou à l’Allemagne, selon l’évolution de ses
intérêts et des alliances pouvant la menacer).
La Première guerre mondiale
révèle les frictions de l’européanisation
mais Weber préfère le terme plus juste de capitalisation
de la planète : ne confondons pas la
culture liée au premier terme et l’économie
lié au deuxième. L’unité de l’Occident a été voulue par Charlemagne, Charles
Quint[30]
mais le chaos l’a emporté. Napoléon a effectué une nouvelle tentative pour rompre avec l’assemblage médiéval
européen. La Sainte Alliance fut une deuxième tentative et au final, il y a eu
les chaos de 1870 à 1945.
Trois phénomènes concomitants
perturbent cette unité selon Weber. La Russie tente de s’insérer dans le
système européen. Le poids de l’Allemagne s’accroît en Occident. Les
occupations coloniales de l’Angleterre[31]
et de la France[32]
inquiètent l’Allemagne coincée entre des grandes puissances qui ne cessent de
s’agrandir car, en même temps, la Russie développe sa puissance sur les Etats
qui lui sont limitrophes[33]. La
puissance économique exigeant une puissance impériale, cette lutte pour la
puissance impose la mise au ban de tout adversaire. Ainsi la propagande, pour
créer une unité nationale au service d’une cause devenue sacrée, avait sa voie
toute tracée pour accomplir son œuvre sur les esprits des masses, chez chacune
des puissances[34].
En Allemagne et selon Weber,
Wagner active une vision pessimiste de la vie à la façon de Schopenhauer. Nietzsche
reprend le débat sur le sens de l’existence. Un certain nihilisme prend
naissance et suscite un retour à une forme ancienne de paganisme, une résilience
nullement prévue. Ainsi c’est allumé un nouveau feu d’une ancienne flamme, idéologisée
par le nazisme. Nietzsche a créé un retour à des couches profondes et ce fut un
séisme intellectuel pour retrouver le feu
sacré. L’effondrement de l’Allemagne trouve là, pour Weber, ses racines.
Les deux guerres mondiales provoquent la désintégration de l’Occident.
Depuis, la compréhension
mutuelle est prônée mais on se comprend toujours moins : au lieu de
compréhension, nous assistons à un nivellement[35],
baisse de nos résiliences potentielles mais des minorités conservent des forces
insoupçonnées pouvant ressurgir n’importe quand : le faible apparemment de
ce jour peut devenir le fort de demain[36].
En cela, il est possible d’établir une prospective.
Weber distingue les profonds
bouleversements de la façon suivants dans le monde :
·
Orient : abdication de l’individu en un
tout, identification totale avec un ensemble[37] ;
·
Occident : éthique apparente, juridiction excessive
et action veulent prédominer[38];
·
Islam : enkystement et cloisonnements[39]
divers.
1.4 La raison et
l’irrationnel
La production et le
mercantilisme règnent en maîtres mais où est la culture ? La dynamisation
du savoir antique par le progrès a produit un super Prométhée. La nature est
domestiquée : il ne reste plus qu’à domestiquer comme force dans la
nature, l’homme lui-même.
L’homme cultive cependant les
anciens mythes de façon plus ou moins consciente chez les uns ou les autres. A
la façon du Grec ou du Romain, il aime toujours le tragique. Que fait l’homme
quand il ne connaît plus le danger ? Quel est l’engagement héroïque
lorsque ce n’est plus pour lui-même mais pour son peuple ? Son engagement
héroïco-guerrier peut le conduire à l’absurde[40] que
le XXe s. a démontré amplement : le côté magique et mythique de l’apocalypse le
fascine toujours…
L’irrationnel est resté un
élément central des religions révélées qui, alliées à la logique
aristotélicienne puis au rationalisme cartésien, puis aux catégories
kantiennes, ont abouti à la deuxième grande synthèse : celle de Hegel,
avec le sens de l’histoire. L’erreur
commise se révèle dans la question que Weber pose en ces termes[41] : pourquoi
chercher dans ces systèmes, qui peuvent toujours éclairer, un but alors qu’ils
ne sont qu’un moyen de s’orienter[42],
un réseau de coordonnées[43] ?
Pour Weber, il n’existe pas un
sens de l’histoire comme l’affirme Toynbee : il y a une nature immuable qui
est l’homme vivant des variations sur un même socle. Maîtriser extérieurement
la nature ne signifie pas nécessairement
pouvoir expliquer la nature et le monde : oui, la nature garde ses secrets ;
acceptons-le et repoussons plus loin les limites de la connaissance. En Chine,
l’irrationnel prédomine : le mythique a été préféré à la métaphysique.
Avec l’intellectualisme en Europe, Reichel déclare que nous en sommes revenus
au point où en était Socrate : Nous
ne comprenons pas !
Des connaissances sont
devenues des mythes modernes, des idées auxquelles l’homme s’attache pour
accéder à quelque chose d’élevé mais indéfini. Les dieux et leurs mythes ont
cessé d’exister selon Weber. « Il
reste encore la poésie » lui répliquait Reichel : cette poésie
qui avait révélé les dieux grecs. La racine grecque de poésie est poiein qui
signifie faire, agir car la poésie, selon lui, entraîne à l’action !
Dès que l’intellectualisme
annihile la métaphysique, il n’y a plus de transcendance possible, plus moyen
d’accéder aux portes de la transcendance et de les ouvrir : l’homme reste
devant ces portes couvertes de chiffres. Nous aurions là une perte de
résilience. Les philosophies ont remplacé les religions sans offrir cette
sécurité que les âmes recherchent ! Reichel, quant à lui,
s’interrogeait de la façon suivante : la compréhension de l’histoire, avec
touts ses lacunes, ne s’est-elle pas substituée aux spéculations
métaphysiques ? La véritable intelligence du monde ne se trouve-telle pas
dans la recherche historique elle-même ?
1.5 Le 4ème
homme
Weber constate dans les années
1950[44]
que nous sommes à la fin d’une civilisation qui a débuté en 3500 av. J. C. et qu’une
civilisation se forme avec des éléments de culture primitive qu’il s’agit de
repérer. Il parle de la naissance d’un 4ème homme car la technique a
remplacé l’intellectualisme : le 4ème homme est le technicien ou
le fonctionnaire. L’homme devient le rouage d’un système dans un monde qui se
déshumanise, pas seulement dans les dictatures car la révolution managériale à
l’américaine en est aussi une illustration. La responsabilité collective
supplante la responsabilité individuelle. Il considère les deux religions sociales avec les mêmes notions invoquées « Droits de l’homme », « socialisme démocratique », « démocratie » mais appliquées de deux
façons différentes : les Etats-Unis et l’URSS[45] marqueront
durablement l’Europe et l’Occident, à l’exception de l’Islam. La force des
Etats-Unis réside dans son optimisme en conservant un fonds de puritanisme qui
ressurgit de temps en temps alors que l’URSS a vécu dans une fièvre
technocratique mais en gardant sa marque profonde de christianisme, si bien décrit
par Dostoïevski, sans toutefois l’afficher officiellement. Le parti communiste
soviétique a instauré un fonctionnarisme terroriste. En France, une
bureaucratie a produit le « bon
fonctionnaire » et, dans le même temps, le travail de bureau a tendu
lui-même à la mécanisation. En Chine, la culture préexistant à l’avènement du
maoïsme est trop prégnante : sa culture cosmique reste vivante au sein des
populations malgré toutes les tentatives des gouvernements pour l’extraire. La
Chine exprime une forme de capitalisme en Afrique de nos jours qui n’était pas
prévisible au temps de Weber.
Pour un avenir meilleur, Weber
souhaite que l’homme retrouve les forces transcendantales que lui offre le
christianisme. Il s’agit de retrouver ces « anticorps » comme les appelle Reichel qui affirme que
« seules les religions
transcendantales, momentanément éclipsées par les religions sociales, peuvent
les fournir ». Elles s’exprimeront en retrouvant la nature de l’homme
dans les tragédies grecques, l’art d’un Michel Ange, une tragédie de
Shakespeare ou les sons d’une musique classique. C’est avec le Geist, l’esprit, que l’homme pourra
survivre et sa faculté de résilience réside dans ses forces spirituelles.
Reichel était en accord avec cette affirmation et
pensait que ce temps est favorable à la naissance de nouveaux
mysticismes : un renouveau du christianisme est toujours possible.
A mon avis, d’autres religions
peuvent nous surprendre (pensons au bouddhisme) et c’est l’avenir qui le dira.
1.6 La culture[46]
Analysons les éléments qui ont
résisté aux grands chaos du XXe siècle : des pièces ont
résisté. Ce n’est pas dans le fanatisme moderniste de l’URSS avec l’emploi
capitaliste des masses laborieuses que se trouve la solution :
l’effondrement de l’URSS a donné raison à Weber. La Chine cultive un magisme
cosmique mais l’influence américaine se consolide, ce que Weber n’a pas pu
constater. Un capitalisme chinois, à la sauce américaine mais sans en accepter l’esprit,
prend le pas de nos jours. Si le communisme a officiellement disparu, les
idéaux communistes sont prêts à renaître. Le capitalisme a montré toutes ses
limites : les crises successives le démontrent. Pour survivre, il devra
trouver d’autres formes : à travers ses multiples faiblesses, sa capacité
de résilience est maximale en raison de la culture dont elle est issue.
Les cultures européennes sont
ce qui a le mieux résisté aux chaos : la force de l’Europe réside dans sa
richesse littéraire, philosophique, artistique et scientifique. Pour Weber,
dans les années 1950, l’avenir culturel est en Occident : notre résilience
possède ses racines dans ces couches culturelles, accumulées depuis des
millénaires, qui sont l’humus de notre identité européenne. Encore faut-il en
avoir conscience et cultiver un certain savoir !
Qu’en est-il en 2014 et
que pourrait-il nous dire ? Cela serait un autre débat. Pour ma part, je vois
une solution idéale en un monde vivant dans le respect des traditions
culturelles diverses de la planète, en refusant toute forme de fatalisme (cette
abdication de l’esprit) et toute prédominance sur l’une d’entre elles
(l’impérialisme culturel) : en chacune, dans tous les continents, il y a une
richesse irremplaçable, un socle sur lequel peut se construire l’avenir dans
une unité, non uniforme mais diverse, à l’image des cantons suisses
dans une Confédération. Par contre, il pourrait y avoir des influences
mutuelles bénéfiques, cela est de l’optimisme.
Exemple suisse :
La naissance de la
Confédération helvétique aurait pu servir de modèle à Weber. Paul de Vallière,
dans son livre « Honneur et fidélité »[47],
donne dans cet extrait une illustration qui mérite notre attention sur ce
terreau complexe, aussi complexe qu’un mécanisme d’horlogerie, que forment les
peuples suisses qui fourniront les armées européennes du XVIe s. au
XIXe s. :
« …Tous [les Suisses] avaient hérité de leurs ancêtres communs, les
Celtes, ce courage qu’admirait déjà César. Ils possédaient ces vertus
germaniques qui sont l’opiniâtreté, la discipline, l’endurance, la fidélité.
L’appoint du sang gallo-romain leur avait transmis la hardiesse, l’esprit
d’offensive et cette vivacité d’allure qu’on trouve en Suisse romande et aussi
dans certaines régions de la Suisse
orientale, le canton de Zurich, le Rheintal, l’Appenzell. Les paysans libres
des cantons primitifs descendaient, disait-on, des colons militaires romains
chargés de la garde des passages alpestres. Ils tiraient orgueil de cette
origine. Les Rhèto-Romanches des Grisons et les populations des baillages
italiens se rattachaient à l’antique civilisation étrusque. Latinisés, dès le
premier siècle, ils avaient à la fois les traits de plusieurs races :
superbes comme les Romains, rudes comme les Germains, querelleurs comme les
Celtes et braves comme les Ligures. Tous les Suisses, produits d’une sélection
étendue à tout un peuple, pendant une longue suite de générations,
représentaient un type de guerrier admirablement préparé au métier dont ils
allaient vivre pendant plus de trois siècles.».
Derrière un certain lyrisme de
notre auteur, des vérités utiles se révèlent.
2. Arnold J. Toynbee
Arnold Toynbee est un
historien anglais quelque peu oublié de nos jours car il a développé une sorte
de philosophie de l’histoire mettant en valeur son pays, menant une mission
messianique dans le monde[48].
Il a eu le mérite de mener une recherche historique hors du regard purement
national en insérant le passé de son pays dans l’histoire internationale. Pour
quelle raison Daniel Reichel se réfère à son œuvre ? Toynbee offre une
histoire comparative qui souligne l’interdépendance des histoires des
civilisations[49]
pour en comprendre une, l’anglaise en l’occurrence.
Toynbee a écrit dans les années
1910-1930 : sa conception évolutionniste[50]
de la destinée des civilisations est empreinte d’une certaine désillusion. En ce sens, il ne peut pas être suivi quoiqu’il
ne manque pas d’auteurs traitant du déclin des civilisations de nos jours. Par
contre, en ce temps où le regard historique privilégie deux prismes de
façon quasiment exclusive, le politique et l’économie, Toynbee souligne en plus
les liens forts entre l’histoire politique et l’histoire culturelle. Reichel ne
pas l’a suivi en raison de son schématisme et de sa périodisation[51]
mais pour les pistes de réflexion que son histoire comparative peut ouvrir.
2.1 Rupture apparente et
continuité de fonds
Derrière ce qui apparaît comme
des ruptures dans l’histoire, il y a toujours une continuité : rien ne meurt totalement. Finalement, comme
en génétique, il y a des caractères récessifs et dominants : les récessifs
peuvent ressurgir quelques générations plus tard[52] en
présence d’autres gènes, les surprises de l’histoire ! Percevoir les
imbrications complexes exige de sortir d’analyses historiques officielles trop
simplistes.
Une société, une civilisation
s’efface mais la suivante en reprend des éléments en les transformant. Avec
justesse ce précepte de Loa Tseu s’applique : « Quand la chenille voit sa fin
arriver, le papillon commence à naître. ».
Pour ne choquer personne,
prenons des exemples de l’étymologie. Il y a des mots dans la langue française
qui ont résisté dans le temps : les plus anciens sont qualifiés
d’indoeuropéens ; des mots grecs et latins s’entendent encore dans notre
vocabulaire ; il y a des mots celtes et germaniques que certains linguistes
se refusent à reconnaître[53] par
fierté nationale et rejet systématique de ce qui pourrait provenir d’une racine
ayant pourtant bel et bien existé !
Des civilisations ont résisté
ou résistent à l’européanisation : les Aborigènes (Australie), les
Amérindiens[54],
de nombreuses tribus «primitives» et
parfois monarchiques en Afrique (Cameroun par exemple avec les Bamouns[55]).
Leur résilience tient non seulement à une langue vivante, des chants, de la
musique, des coutumes, d’autres notions du temps et de différentes formes de
prise de contact avec les esprits d’un au-delà terrestre comme une relation
particulière avec la mort mais encore à un refus total ou partiel[56]
de tout ce qui est occidental[57].
Parfois, il y a des
assimilations diverses : ne pourrait-on pas regarder l’islamisme de façon
différente si on le considérait comme une version arabe de l’Ancien
testament ?
2.2 David et Goliath
Toynbee s’interroge sur ce
petit mammifère, cet homme qui survit au massif reptile, ayant disparu quoique
pourvu d’une solide armure. Il commente cette forme de résilience avec le
fameux duel opposant David à Goliath[58].
Goliath trop confiant en son
armement n’a pas imaginé devoir subir au combat une autre stratégie que la
sienne. David avait compris qu’il ne pouvait pas rivaliser avec le même
équipement. Goliath n’a pas été surpris par le comportement de David et il
fut terrassé.
A contrario, l’hoplite fut
écrasé par la phalange des Myrmidons, cette multitude de guerriers, serrés
épaule contre épaule et bouclier contre bouclier : victoire d’une masse
disciplinée sur des champions bien armés mais luttant de façon éparpillée.
L’histoire militaire offre une succession de tactiques qui évoluent :
bonnes pour un temps, elles se voient supplantées par l’imagination de
l’adversaire qui tantôt utilise la masse, tantôt la troupe réduite mais, chaque
fois, avec une innovation qui lui permet de dominer.
Le danger qui guette la grande
puissance guerrière du moment est le « repos
sur ses lauriers » : le succès corrompt l’homme[59]. Tout
cela ne dure qu’un temps et les Américains peuvent y penser de nos jours. Gardons
en mémoire cette citation tirée des Lois de
Platon : « Si quelqu’un
pèche contre les lois de la mesure et impose un poids trop lourd à quiconque
est trop petit pour le porter – de trop grandes voiles à un petit bateau, une
trop riche nourriture à un corps faible, de trop grands pouvoirs à une âme
débile – il en résultera fatalement un déséquilibre complet.»[60].
Goliath est celui qui se croit
invincible ; David celui qui observe et trouve une nouvelle solution, grâce
à sa force d’imagination ; David c’est la confiance en lui en raison de
son sens de l’adaptation et sa foi en Dieu alors que Goliath est confiant par
la force de l’habitude, en sa routine. Peut-on trouver mieux pour étudier la
résilience ?
L’histoire militaire démontre
qu’un vainqueur peut apprendre du vaincu[61] :
les Romains, selon Polybe, abandonnèrent leur équipement traditionnel de
cavalerie pour adopter celui des Grecs qu’ils étaient en train de
conquérir ; les fondateurs thébains du « Nouvel Empire »
d’Egypte empruntèrent le char hippomobile à leurs ennemis vaincus, les nomades
Hyksos ; les Osmanlis victorieux profitèrent de l’invention occidentale
des armes à feu et quand la roue de la fortune changea, le monde occidental
emprunta aux Osmanlis une infanterie de métier entraînée et disciplinée. De
même, François 1er a vaincu les Suisses mais il a bâti avec eux son
infanterie.
2.3 Archaïsme et futurisme
Deux dangers selon
Toynbee guettent une civilisation : l’archaïsme et le futurisme. L’archaïsme
est un retour à un état de société considéré comme idéal, un âge d’or. C’est
une défaillance du dynamisme qui rétrograde dans une condition statique
primitive. Le futurisme est une dynamique généralement pacifique à son
commencement mais aboutissant à une violence autodestructrice. Dans les deux
cas de figure, il y a une lutte pour une utopie. Une solution médiane existe
: le détachement à la façon soit des stoïciens se sentant invulnérables, soit des
épicuriens se voulant imperturbables, soit encore des bouddhistes à la
recherche de la sérénité parfaite[62]. L’individu
choisit souvent ou la désertion[63] ou
le martyre[64].
Un sentiment de fatalité règne chez ceux qui croient plus en la créature qu’au
créateur : le hasard et la nécessité sont dominants, il n’y aurait donc
plus rien à faire.
Il analyse les conséquences de
la Révolution industrielle : les rapports sociaux changent en raison du
volume et des techniques de production ; les guerres d’extermination n’ont
jamais aussi bien mérité leur nom. Il permet d’identifier des traits permanents
dans l’histoire car l’homme à travers le temps est toujours un homme, une pâte
humaine avec des passions individuelles et collectives. Les troubles de la société
révèlent les troubles de l’âme.
2.4 Les sauveurs
Le sauveur[65],
actif par nature, possède cette faculté de susciter un mimétisme de la masse,
passive, à sa volonté d’action. Les individus créateurs proviennent d’une
minorité créatrice. Naissance de personnalités exceptionnelles qui adoptent une
opposition au pouvoir établi dans les temps de désagrégation ou de déclin. Le
créateur doit être un conquérant qui relève le défi pour lui apporter une
conclusion victorieuse. Il est appelé un sauveur.
Il distingue quatre sauveurs
possibles. Le sauveur au glaive n’a
finalement jamais réussi car tôt ou tard, son œuvre a été réduit à néant
(Napoléon). Le sauveur archaïque
essaye de reconstituer un passé imaginaire, idéalisé. Le sauveur futuriste tente un bond dans l’avenir de ses rêves. Le philosophe se met à l’abri avec un
détachement des affaires du monde. La voie la plus originale est celle de la transfiguration : le Christ, Dieu
incarné en homme, en est l’exemple le plus parfait. Les archaïstes et les futuristes n’arrivent
pas à réussir et tombent dans la violence : « Pour le monde occidental
du XVIIIe siècle, l’évangile de l’archaïsme est condensé dans
la maxime qui ouvre le Contrat social
de Rousseau : « L’homme est né libre et partout il est dans les
fers ». Le plus fameux disciple de
Rousseau fur Robespierre, considéré communément comme le principal artisan de
la terreur de 1793-4. »[66]
Autres exemples : L’idéalisation de la race nordique, primitive et
païenne, a favorisé le nazisme ; les futuristes, comme Condorcet avec la
« doctrine du progrès »,
n’ont pas mieux réussi au XXe s.
Dans les années 1930, Toynbee
invite à se méfier du futur enrobé avec un vernis d’ancien par la
propagande :
« Le futur, dépouillé des parures dont on veut bien le revêtir, offre
toutes les angoisses de l’inconnu tandis que le passé peut être représenté come
une patrie intime depuis longtemps perdue, hors de laquelle la société en
désagrégation s’est égarée dans le désert du présent. »[67].
Toynbee pense au socialisme corporatif en Angleterre pendant
l’entre-deux-guerres. Le roi philosophe est tôt ou tard obligé d’user de la
contrainte : Frédéric II est Orphée transformé en sergent-instructeur;
la force armée est nécessaire et Machiavel l’avait abondamment démontré.
L’homme se prenant pour dieu :
des sauveurs au temps de Rome se sont fait passer pour des dieux. Masque utile
pour asseoir un pouvoir en répondant à un besoin inconscient des peuples. Pour
Toynbee, il existe un seul Sauveur, Dieu fait homme : le Christ annoncé
par Isaïe et proclamé par les Evangiles. Tout défi se posant à l’homme peut
être surmonté grâce à la foi. Il suffit de garder une espérance à l’heure
critique.
Le schisme de l’âme se
traduit dans le monde par une uniformité de comportement, de sentiment et de
mode de vie. La standardisation serait une des causes d’absence de résilience.
Un exemple de résilience que Toynbee ne mentionne pas mais qui aurait
illustré son propos : la Suisse a trouvé une unité respectant les diversités de
chacun des cantons. Une tradition non figée permet de créer une dynamique qui
ne cherche pas une renaissance de quelque chose qui a déjà vécu mais une
naissance de quelque chose de neuf à partir de ce tissu du passé qui fait notre
présent.
Toynbee s’interroge sur
l’avenir d’une Eglise universelle et d’un Etat universel : la question est
ouverte mais ne peut être étudiée dans le cadre de cette communication.
2.5 Les mémoires
Pour Toynbee, la faculté de
résilience de l’homme de demain réside dans sa mémoire : les pandits en
Inde, les druides chez les Celtes ont cultivé une prodigieuse mémoire orale qui
a passé par un refus de l’écrit[68]. Finalement
l’écrit n’a conservé que des bribes de ces cultures. Dans l’écrit, il faut
aussi comprendre son origine dans le dessin, dans la sculpture, la
peinture : en fait, nos premiers écrits passent par l’art. Des outils
chirurgicaux de l’âge de la pierre et des analyses de crânes démontrent que des
opérations complexes ont pu se pratiquer sans la possession de tout ce savoir
réacquis depuis la Renaissance en matière chirurgicale. Il y a avait des
techniques médicales[69]
qui ont été perdues puis retrouvées. L’astrologie a donné naissance à
l’astronomie...
Nous vivons dans un monde où les
forces des idées, bonnes ou mauvaises, perdurent : il convient de les
identifier pour constater leurs permanences, ce qui les rend durables, leurs
ruptures, parfois qu’apparentes, car, comme pour l’eau, il y a des résurgences
toujours possibles.
Cultiver la rationalité en
acceptant cette part de mystère que l’on qualifie d’irrationnel, pour un instant
seulement car l’homme ne cesse de faire reculer les limites de la connaissance,
tout en constatant au final comme Pascal : « Je ne sais qu’une seule chose c’est que je ne sais rien. ».
Reichel et la substance
d’un peuple[70]
Pourquoi Reichel préfère
utiliser la notion de substance d’un peuple plutôt
qu’une ethnie ou une nation ? C’est dans l’œuvre de Voltaire «Histoire de Charles XII» qu’il a trouvé pour
la première fois cette appellation pour déterminer cette vie d’une population
qui survit tant bien que mal à la famine, à la peste et aux guerres, ces
catastrophes politiques. Et c’est chez Weber que cette notion est développée. Reichel
considère qu’un pays est composé la plupart du temps d’ethnies différentes
partageant cependant une même identité : la Suisse en est l’exemple le
plus typique. Il rappelle souvent qu’au nom de la Nation, de nombreuses guerres
saintes ont été livrées alors que ces guerres n’avaient rien de religieux. Il
arrive à la conclusion que les hécatombes immunisent en quelque sorte les
survivants en les rendant soit religieux[71]
(orthodoxes ; communistes), soit fatalistes (Islam ; bouddhisme) :
là il reprend une idée chère à Toynbee.
Reichel aimait à dire : «La substance d’un peuple est longtemps
apparue dans l’histoire comme une source qui jaillissait malgré les décombres
et dont la force vive était fruit des influences les plus diverses.». Sans
employer le mot résilience, c’est
ainsi qu’il a abordé notre thématique.
Pour accomplir cette étude sur
la substance d’un peuple, il s’agit de comparer les documents culturels de tous
les peuples connus pour tenter des interprétations. La nécessité d’une histoire
comparative s’impose : analyse des matériaux laissés par le temps et sur
lesquels se sont construites nos civilisations. A travers les évènements, il
s’agit d’identifier les grands courants de pensée qui leur ont permis d’exister.
L’étude doit être pluridisciplinaire : ethnologues, historiens,
sociologues, psychologues repèrent ces forces immanentes, transcendantales qui
ont toujours animé l’homme d’hier, d’aujourd’hui comme celui de demain !
Il est des déclins et des
régénérescences : pour les populations, il distingue ainsi des rythmes et
des cycles naturels, familiers aux biologistes et aux écologistes, tout en
gardant à l’esprit que ces cycles peuvent être perturbés. Restant dans l’esprit
d’Alfred Weber, Reichel a craint que l’avènement des masses ait compromis la
renaissance des peuples. En suivant Toynbee, il estime que les empires ont pu
percer dans l’histoire en créant un sens : que ce sens se perde et
l’empire cesse d’exister. En parlant des peuples, comme le dit Weber, il faut
cesser de confondre un peuple avec une surface géographique, coloriée dans les
atlas politiques. La Suisse est un bon exemple : plusieurs peuples derrière
un drapeau rouge à croix blanche.
Comme métaphore, il préfère une
vision géologique que nous trouvons déjà chez Weber et qu’il affine plus :
les peuples se sont constitués de divers éléments, se mêlant petit à petit et
sous différentes pressions comme les couches géologiques d’un sol. Dans la vie
d’un peuple, il y a des phases de rupture, des évènements divers dont certains
provoquent d’inévitables érosions de surface et d’autres qui perturbent les
couches profondes. Il convient chez un peuple d’identifier ces couches
profondes, ces matériaux historiques qui ont subi les plus fortes
pressions : il y a des cristaux, des roches pourries, des sédiments et des
alluvions...
C’est ainsi qu’il entend
étudier la substance d’un peuple, des groupes humains, capables d’offrir une
résistance, une résilience plus ou moins grande aux évènements : il s’agit
surtout de repérer cette relative invulnérabilité à ce qui passe en surface. Il
souligne surtout l’existence de composants hétérogènes. Si certains matériaux
résistent admirablement aux plus hautes pressions, ils peuvent aussi éclater à
la suite d’un choc, alors que des mesures préalables pouvaient a contrario amortir celui-ci. Ainsi une
prospective peut se construire.
La substance d’un peuple pourrait être assimilée à une
organisation spécifique autour d’une masse centrale constituée d’éléments
hétérogènes à identifier. Ces différentes sous-couches peuvent connaître des
effondrements mais sous les ruptures apparentes constatées, il y a un phénomène
de continuité. Reichel émettait comme hypothèse que la substance d’un peuple
serait identique avec sa pensée, une pensée qui donnerait leur unité aux
éléments hétérogènes et son énergie à la masse. Ainsi la résilience d’un peuple
pourrait être appréciée avec des critères utiles à défaut d’être mesurée d’une
façon quantitative.
Dans nos cultures diverses se
trouvent les forces de résilience de demain. Le rationalisme à outrance a produit
le technicien. Pour ma part, j’ajoute que notre actualité apporte un élément
complémentaire : l’irrationnel, de religieux est devenu émotionnel. La
solution se trouve peut-être dans cet humanisme médiéval où l’homme accepte sa
condition humaine en faisant le bien qu’il peut tout en conservant le respect de
ce mystère que seul Dieu connaît. La religion est la solution médiane entre un
trop humain ou un trop divin : cet aspect n’explique-t-il pas la longévité
et l’universalisme du christianisme ? Là est peut-être le rôle de la
religion pour sauver l’homme du nihilisme le plus complet : libre à vous
de conclure selon vos convictions.
Reichel a voulu ainsi établir,
suite à une discussion avec le Professeur Courtes de Montpellier, ce lien qui
existe entre les courants philosophiques et les doctrines militaires. Cela
s’est concrétisé en deux colloques dont plusieurs tableaux synoptiques[72]
en donnent des synthèses qui permettent d’établir une solide base de réflexions,
le sujet étant par nature inépuisable. Avec le Professeur Motte, divers colloques
« Guerre et littérature »
ont voulu poursuivre un des axes que Reichel avait proposé. Cette thématique offre
encore de multiples pistes de recherche à explorer.
Conclusion
A l’origine de l’homme, la
résilience résidait dans son instinct de survie, cet instinct de survie existe
encore de nos jours au cœur de l’engagement armé du fantassin confronté
directement à un adversaire. Cette résilience individuelle est à la fois physique
et spirituelle, elle est animée par une conscience exacte de son rôle pour soi
et pour autrui.
La résilience pour une société
n’est pas de nature unique : il s’agit d’un mélange de religion, de
tradition politique et de culture. La résilience d’une société dépend de sa
mémoire du passé qui lui permet de vivre le présent et de construire l’avenir.
Le temps renforce ou affaiblit cette faculté de résilience par des
assimilations et des rejets, totaux ou partiels. La résilience est un terme
qui, à l’origine, était réservé plutôt à la métallurgie : en fait,
j’aurais préféré recourir à la génétique, à cette chaîne hélicoïdale complexe
avec des gènes multiples dominants ou récessifs pouvant s’associer ou se
dissocier.
La victoire de l’empire romain
n’a pas empêché la culture grecque de prospérer. La culture juridique romaine
et le droit germanique ont produit un droit coutumier. La culture perse perce à
travers la culture juive. Le monde des chiffres vient de l’Inde, passe par le
monde arabe pour triompher en Occident. Nos langues mêmes témoignent des
brassages de peuples qui font ce que nous sommes aujourd’hui. La mémoire de ce
passé ne peut que renforcer notre résilience face aux défis futurs,
c’est-à-dire face à d’autres résiliences dont il ne faut pas sous-estimer les
forces de résurgence : pourra-t-on créer un nouvel humus, sans détruire
les couches profondes, permettant de développer toutes les racines, en
favorisant ce que chacune d’entre elles a de meilleur ?
La résilience d’une société
est le fruit d’un alliage d’éléments de natures différentes et dans des
proportions différentes, le temps faisant son œuvre, certains élément se
désagrègent ou se purifient….
L’histoire humaine s’étudie
dans sa globalité sans valoriser une civilisation plutôt qu’un autre. Weber,
Toynbee et Reichel sont des éveilleurs, des affuteurs de regard, des
incitateurs à comprendre ces révolutions qui paraissent des ruptures mais qui
sont en fait des continuités de mouvements sous-jacents, invisibles à première
vue. Identifier ces lames de fonds qui pourront bouleverser demain notre
quotidien permet d’établir une prospective.
La Tourette, le 8
décembre 2014.
Annexes[73] :
1 Reichel : Courants de pensée du XVIe au
XVIIIe s.
2 Reichel : Courants de pensée du XVIIIe
au XXe s.
3 Reichel : Courants de pensée : les idées
forces.
[1]
Ce terme, appliqué initialement aux alliages de métaux au XIXe s., à
la psychologie scolaire pour ensuite s’étendre à la biologie, à l’écologie et à
de nombreux autres domaines, ne me plaisait guère. Finalement, je l’ai adopté
avec moins de réticence en étudiant son étymologie. Le mot résilience provient du sanscrit, avec cette racine sal pour aller, avancer qui a donné
en latin salio signifiant sauter, bondir. In : Francisco Bopp : Glossarium comparativum linguae sanscritae. Berolini. 1867. 492
p. (p. 415 a). L’étymologie révèle la résilience de certains mots à
travers les temps, les civilisations.
[2]
Neuchâtelois, officier de carrière de l’Armée suisse, directeur de la
Bibliothèque militaire fédérale, fondateur du Centre d’histoire et de
prospective militaires (CHPM), Daniel Reichel (1925-1991) a renouvelé
l’histoire militaire suisse dans les années 1960, en cultivant la
pluridisciplinarité et, ce qui est plus original, en y ajoutant une dimension
nouvelle : la prospective.
[3]
Il m’a choisi comme collaborateur scientifique et archiviste au Centre d’histoire et de prospective
militaire (CHPM) où, de 1983 à 2005, j’ai réalisé, seul ou en équipe, de
nombreux projets de publications, de colloques et d’expositions.
[4]
Pour employer son expression.
[5]
1889-1975.
[6]
Arnold Toynbee (trad. de l’anglais par Elisabeth Julia) : L’Histoire, un essai d’interprétation.
Bibliothèque des Idées. NRF. Gallimard. Paris. 1961. 652 p.
Il s’agit d’un
abrégé par D.C. Somervell des volumes I à VI de A study of History, validé par Toynbee qui en a établi la préface.
[7]
1868-1958 et à ne pas confondre avec Max Weber, son frère d’ailleurs souvent
cité dans son ouvrage.
[8]
Daniel Reichel a utilisé deux éditions : 1ère éd., Alfred
Weber : Kulturgeschichte als
Kultursoziologie. Sijthoff’s Uitgeversmij N.V. Hollande. Leiden.1935. 424
p.; 2ème éd., Alfred Weber : Kulturgeschichte als Kultursoziologie. Piper Verlag. München. 1951.
512 p. Ayant lu la version allemande, car je n’en connais pas de version
française, je témoigne qu’il n’est pas toujours facile de traduire ces mots
composés allemands qui nécessiteraient des phrases pour exprimer la même idée.
A partir de la
p. 445 de la 2eme éd., A. Weber apporte des éléments complémentaires
en intégrant la nouveauté de l’arme de destruction massive que peut être le
nucléaire et son vécu de la Seconde guerre mondiale.
[9]
CHPM Actes du Symposium 1989 «Quelques
influences ayant marqué la pensée militaire de la Renaissance à 1789 ».
Pully Suisse. 1990. 112 p. et 3 planches.
CHPM Actes du Symposium 1990 «Quelques influences ayant marqué la pensée militaire de 1789 à nos
jours ». Pully. Suisse. 1992. 100 p. et 3 planches.
[10]
Pour le XIIe symposium du CHPM en 2002, Guerre, Armées et sociétés, j’ai fait en sorte que les documents
Reichel « Courants d’influence sur
la pensée militaire, de l’Antiquité à nos jours. » soient dactylographiés
et réédités. Voir annexes.
[11]
Les cantons romands actuellement mènent des luttes pour leurs universités
respectives : de difficiles compromis voient le jour.
[12]
Le droit successoral varie d’un canton à l’autre pour la fiscalité par exemple.
[13]
Ce critère germanique peut choquer de nos jours : il n’y a pas de
considération dépréciative chez Weber, il veut offrir une graduation entre
divers stades d’évolution, sans plus.
[14]
Dans la deuxième édition de son livre, Weber parle d’une quatrième phase :
le fonctionnaire et le technicien.
[15]
Exemples : l’irrigation (les canalisations du Nil, du Tigre et de
l’Euphrate) qui a permis la naissance de la civilisation sumérienne ;
l’élevage : les forêts ont régressé avec les troupeaux de moutons pour
créer des prés ; du nomadisme des chasseurs, l’élevage a suscité le
semi-nomadisme avant que l’agriculture favorise le sédentarisme.
[16]
Ginkgo Biloba, prêle, fougères.
[17]
Les mutations climatiques sont une des premières causes d’une forme de
nomadisme, dicté par la survie : vers 2000 av. J.C., les Achéens, vers la
Grèce ; les Hittites en Asie mineure ; les Hyschos en Egypte. Lors de
la deuxième mutation climatique, les Goths se déplacent vers le Sud, se
heurtent aux Huns qui sont déviés vers l’ouest.
[18]
Symbolisées par les dragons dans les peintures médiévales.
[19]
Le XXe siècle a connu plus d’horreurs à l’échelle de la
planète qu’au temps des barbares ou de ces périodes de l’histoire si vite
qualifiées, non sans une certaine superbe, d’obscurantistes : cela jette
une autre lumière sur le passé…
[20]
Le lion médiéval qu’il convient de dompter : l’ennemi à vaincre non par
les armes mais par la compréhension. Le lion de saint Jérôme était dangereux en
raison d’un épine qu’il avait dans le pied ; st Jérôme lui l’enlève est le
lion vit en paix avec les hommes ; chercher à comprendre les raisons de la
violence permet d’avoir la paix... Ce lion peut être un ennemi intérieur à
l’homme !
[21]
Viollet-le-Duc a traduit cela en un motif à caractère médiéval à la base de la
colonne centrale d’entrée du portique de Notre Dame de Paris : la Sagesse
tient un livre ouvert et un livre fermé et une échelle symbolisant la force
transcendantale.
[22]
Avec Homère, l’héroïsme donne sens à la vie.
[23]
Disciple de Luther.
[24]
Différente de celui né dans les Etats italiens : un point commun,
naissance dans les grandes villes.
[25]
De même que le Coran ne serait en fait qu’une version arabe de l’Ancien
Testament.
[26]
Sans connaître cette culpabilité si bien cultivée pour d’autres pays, au nom du
devoir de mémoire.
[27]
Weber : 1ère éd. op cit p. 370.
[28]
Il y a là un lien avec la pensée chinoise.
[29]
Un sens nouveau est donné à l’histoire, au niveau de la collectivité, et à la
vie, au niveau individuel : les relations sociétales ne sont plus les
mêmes.
[30]
Henri IV en France l’a aussi envisagé.
[31]
Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Canada.
[32]
Algérie, Cochinchine, Cambodge, côtes malgaches.
[33]
Turkestan, Turkménistan, Samarkand
[34]
Propagande trop souvent basée sur le mépris de l’autre : aucune puissance
n’y a fait exception, même s’il est une tradition bien implantée d’admirer
celle de la puissance victorieuse parée de toutes les vertus alors que celle adverse et vaincue n’a que des vices dont il convient de cultiver la
mémoire de façon quasi religieuse…
[35]
Weber, 1ére éd., op cit, p. 382
[36]
Deux pays vaincus, l’Allemagne et le Japon, se sont relevés plus vite que
d’autres nations.
[37]
Du maoïsme à un communisme capitaliste, aussi étrange que puisse paraître la
qualification de ce nom.
[38]
De la responsabilisation de l’individu, le compassionnel a pris le
dessus : nous sommes à l’ère de la victimisation mais avec un racisme des
victimes : celles qui ont droit à la médiatisation et celles qui ne
méritent au mieux aucune attention particulière (les Masaï, les Touaregs) ou
même qui sont médiatisées comme étant « un juste retour des choses»
(les migrations allemandes dues à l’URSS et la Pologne entre autres).
[39]
Après avoir connu une apogée au XIIe –XIIIe s : d’un
Islam éclairé, a succédé un Islam figé en apparence ; il existe de
nombreux courants divers au sein de l’Islam mais trop mal identifiés par les
Occidentaux.
[40]
Weber écrit cela en 1931-2.
[41]
Weber, 1ère éd, op cit, p. 395.
[42]
Expression de Weber.
[43]
Expression chère à Reichel. Voir les annexes qui le démontrent.
[44]
Il faut se référer à la deuxième édition à partir de la p. 455.
[45]
Weber compare le Politburo de l’URSS au collège cardinalice du Vatican !
[46]
Pour ma part, j’aurais préféré dire : Les cultures.
[47]
Paul de Vallière : Honneur et fidélité. Histoire des
Suisses au Service étranger. 2e
éd. Art suisse ancien. Lausanne. 1940. 774 p. (p. 84)
[48]
A l’image du peuple d’Israël.
[49]
Il en privilégie 34 dans la longue durée.
[50]
Systématiquement : naissance, croissance et déclin sont disséqués.
[51]
Utile pour une première approche mais dont il faut savoir se défaire lorsqu’on
acquiert une meilleure connaissance de ces civilisations (ce qui peut prendre
du temps pour celui qui adopte un peu plus qu’un vernis superficiel de savoir).
[52]
L’actualité démontre que si l’URSS est morte, la Russie de 2014 a encore des
germes actifs de la Guerre froide
(froide si, comme on l’a fait jusqu’à la chute de l’URSS, on veut ignorer
pendant des décennies les souffrances des peuples dominés pour préserver un
sentiment de paix dans la Vieille Europe) qui risque toutefois de devenir chaude (si l’on veut vraiment que les
peuples aient le droit de disposer d’eux-mêmes autrement que dans des discours
onusiens ou pour nobélisables).
[53]
Dans le Sud de la France, l’occitanisme conduit à ce refus volontaire d’une
origine autre que locale. A chacun ses œillères !
[54]
En voie de disparition, malgré ce droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes propre au discours de tout chef d’Etat
américain. Le mot « liberté » a
une saveur très amère pour certaines minorités qui l’entendent mais ne la
vivent pas du tout, dans une indifférence occidentale habitudinaire.
[55]
Avec le sultan Ibrahim Njoya.
[56]
Refus de la capitalisation,
acceptation d’éléments culturels (cultivés par le christianisme et ensuite par
l’humanisme, sous différentes formes).
[57]
Surtout quand il oublie qu’il y a un monde visible et invisible.
[58]
Toynbee, op cit, p. 363
[59]
Alors que celui qui surmonte les obstacles que sont ses échecs momentanés se
renforcent, progressent dans la mesure où sa volonté est assez forte jusqu’à la
victoire.
[60]
Cela est aussi juste en politique !
[61]
Toynbee, op cit, p. 500
[62]
Nirvâna.
[63]
Un refus d’agir.
[64]
Qui est une violence non envers l’autre mais envers soi-même : la
motivation seule lui donne un sens.
[65]
Toynbee, op cit, p. 582
[66]
Toynbee, op cit, p.588
[67]
Id, p. 589
[68]
L’oralité assurait un savoir ainsi aux seuls initiés.
[69]
Acquises de façon empirique mais beaucoup plus évoluées que l’on a bien voulu
le croire.
[70]
Je me réfère à la copie d’un texte manuscrit de Daniel Reichel qu’il m’a remis
suite à une discussion : «Peut-on
encore défendre la substance d’un peuple ?», daté du 05.08.1978, 11 p.
[71]
Avec ou sans dieux ou Dieu.
[72]
Voir les annexes.
[73]
Elles vous offrent une synthèse de la pensée de Reichel et vous ouvrent des
pistes de recherche fondamentale : tout est ouvert, rien n’est clos. Pour
les citer, voir Actes du CHPM, mentionnés à la note 9 dans le présent article.
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