Chapelle de la
chartreuse de Valbonne (Gard, France)
Antoine Schülé de Villalba
Introduction à la symbolique
La symbolique par nature est sujette à plusieurs lectures : des symboles
accompagnent déjà les plus anciennes origines de l'humanité et se retrouvent
dans de nombreuses civilisations, religions ou philosophies.
Toutefois,
il serait un véritable non-sens de donner à ces symboles une lecture autre que
celle voulue par ses commanditaires : les Chartreux. Ils portaient une
attention toute particulière à chaque détail d'une oeuvre sacrée, ainsi qu'en
témoignent plusieurs contrats qui liaient les Chartreux et l'artiste ou
l'artisan.
Aussi,
voici une lecture cartusienne des symboles qui ornent l'ébénisterie des
boiseries de la chapelle en correspondance avec les motifs principaux de la
voûte de l'abside dont l'étoile. Les symboles offrent une double lecture par
références aussi bien à l'Ancien Testament (Genèse, Cantique des Cantiques,
Psaumes, Livre de la sagesse) qu'au Nouveau Testament (Evangile de Jean tout
particulièrement et Apocalypse) : toutefois, l'Ancien Testament ne se lit qu'à
la lumière du Nouveau Testament et, non pas, l'inverse comme cela arrive trop
souvent … Le Nouveau Testament a une plénitude que l'Ancien Testament ne fait
que balbutier… Il y a ainsi, et seulement ainsi, une continuité entre les deux
testaments ou alliances de Dieu avec celles et ceux qui Le choisissent. Pour
expliciter certains symboles, des hymnes fort anciens (du IXe siècle parfois)
accompagnent ce texte : ils sont encore chantés lors de moments solennels de la
vie religieuse et la chapelle à la si bonne acoustique, a vibré sur leurs
paroles en latin. Ces symboles peuvent vous parler à vous aujourd'hui et, si
cela reste dans le respect de l'esprit du lieu – mais à cette seule condition-
, votre lecture en vaut une autre !
L'Art
sacré des symboles est un mode d'expression qui a pour fonction de rendre
véritablement présent les réalités célestes, spirituelles. Dans le monde du
silence adopté par les Chartreux (rompu seulement pour louer et bénir Dieu), le
travail d'ébénisterie de la chapelle veut communiquer à l'âme du contemplatif
de manière sensible ce qui se perçoit à travers une recherche mystique,
éclairée par les Ecritures (Ancien Testament) et la Parole (Nouveau Testament)
de même que par les hymnes qui synthétisent une longue et ancienne tradition
inspirée. Les symboles rendent présents les mystères du Salut pour leur donner
un caractère sacramentel en vue de la sanctification, de la transfiguration de
l'homme appelé à partager la gloire de Dieu comme cela est annoncé dans
l'Apocalypse.
Il
est possible de développer plus longuement chacun des éléments traités dans
cette notice. En notre époque où la symbolique chrétienne est méconnue ainsi
que cela se constate si souvent, il a paru utile à l'auteur de ce texte de
faire partager le message cartusien de la façon la plus simple qui soit. Son
but sera atteint si votre regard se laisse illuminer par la Lumière si souvent
figurée dans cette chapelle.
La
Tourette, le 25 août 2006
1. Soleil rayonnant, triangle, tétragramme et eau
Le
soleil rayonnant traduit la lumière apportée au monde par le Christ : c'est le
resplendissement du Verbe de Dieu qui s'est fait chair. Le monde a été créé par
le souffle de Dieu (lire la Genèse, l'Esprit existait avant la création du
monde) et l'évangile de Jean débute par :
"1:1
Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu,
et
le Verbe était Dieu. Il était au
commencement tourné vers Dieu.Tout fut par lui, et
rien de ce qui fut, ne fut sans lui. En lui était la vie et la vie était
la lumière des hommes, et la lumière brille dans les ténèbres, et les
ténèbres ne l'ont point comprise."
De
nombreux hymnes chrétiens présentent le Christ comme le "Soleil des
Nations" : Il est la Lumière qui illumine tout homme: C'est le symbole de
Noël, la naissance de Jésus, le "sol invictus", le soleil invaincu
qui pourfend les Ténèbres…
La
lumière qui éclaire l'intelligence de l'homme est la Foi. Apprendre la
véritable réalité qui est Dieu en tout, pour tout et partout : c'est le but de
la contemplation. La contemplation, c'est se placer dans la lumière de Dieu de
sorte que toutes choses parlent de Dieu. Pour arriver en cet état de
contemplation, cela commence par se détacher de son "moi", à prendre
une distance et un autre regard sur les réalités terrestres pour percevoir
d'une façon particulière cette force invisible qui est Dieu…
La
lumière est le thème principal du récit de la Transfiguration (Matthieu ch.17,
v.1-9). Et elle est tout particulièrement rappelée dans cette boiserie.
Le triangle
exprime la Foi en la Trinité: Père, Fils et Saint-Esprit. La pointe du triangle
vers le haut désigne Dieu le Père dont tout est issu. Ce triangle symbolise
tout à la fois le feu (celui de l'Esprit Saint) et le cœur du Christ (nourri du
feu de l'Esprit). Ce triangle exprime la nature tout à la fois divine et
humaine du Christ.
En
lettres hébraïques figure le tétragramme Jéhovah : il faut lire le mot,
imprononçable par les Juifs pratiquants (si ce n'est par le Grand Prêtre, une
seule fois dans l'année) de droite à gauche.
Le
premier petit signe à droite est le "iod" (symbole du chiffre dix),
le deuxième est le "hé" (chiffre cinq), le troisième est
le"vau"(chiffre six), avec un jambage de lettre plus long que celui
du "iod", et nous retrouvons en quatrième place le "hé" :
il est donc écrit EVEI qui se lit IEVE, mot que nous prononçons Jéhovah.
Ce
mot désigne Dieu ou plutôt la nature même de Dieu. Il faut savoir qu'il ne
s'agit pas d'un nom en hébreux mais d'un verbe le EVE = être, l'étant
et le "iod" exprime un espace temps
: le présent éternel.
Ce
verbe se traduit exactement par : l'Etre qui est, qui fut et qui sera.
Au
Moyen Age, ce motif triangulaire était appelé le triangle mystique :
Le
"iod" = le Père,
le "iod et le "hé" "= le
Fils,
le
"iod", le "hé" et le "vau" = l'Esprit Saint
le
"iod", le "hé", le"vau" et le "hé" =
l'Univers Vivant, expression même de Dieu universel, intemporel, n'ayant ni
fin, ni commencement. Le Père est source même de la trinité contenant dans le
triangle tout ce qui est, fut et sera.
Une
particularité originale de ce triangle est l'eau figurée par des vagues.
L'eau a toujours été tout d'abord un symbole de vie. Très souvent, un point
d'eau a été et reste un lieu sacré pour les premiers hommes comme pour les
Chrétiens. Il est aussi le symbole de l'origine de la création : chaque homme
naît dans l'eau matricielle comme le Christ qui s'est fait homme.
Et
le Christ est né de la Vierge Marie, engendré par l'Esprit Saint. L'eau est un
symbole de vie spirituelle pour les premiers chrétiens et cela jusqu'à nos
jours : pensons à l'eau du baptême, eau de mort et de vie ! De mort quand elle
efface le passé et de vie lorsqu'elle rétablit l'homme dans un état nouveau.
Les eaux ont précédé la création de l'homme et elles demeurent présentes pour
sa recréation, lors du baptême. Le baptême a un double sens.
L'immersion rappelle la mise au tombeau du Christ et, après être descendu dans
les entrailles de la terre pour sauver les morts d'avant sa vie incarnée, Il
est ressuscité : l'eau du baptême exprime la régénération de la terre par le
Christ. C'est pourquoi l'eau baptismale est une renaissance.
Jean,
chap.4 et v.14: "[…] celui qui boira de l'eau que je lui donnerai
n'aura plus jamais soif: l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source
d'où jaillira la vie éternelle."
Le
cœur du Christ est animé du feu de l'Esprit-Saint comme le cœur du sage est
alimenté par l'eau du baptême : il devient ainsi une fontaine d'eau vive lui
aussi. Ainsi, le sage devient semblable à une source ou à un puits auquel
chacun peut étancher sa soif. C'est une source où les fleurs de la sagesse
(abondance de fleurs sur différentes ébénisteries de la chapelle) expriment le
sourire de Dieu. A l'homme nouveau correspond l'apparition d'un autre monde :
le nouveau jardin que préfigurait le jardin d'Eden (voir les stalles).
Guigues
II le Chartreux parle de la rencontre en
Christ des eaux supérieures (eau douce, pure, créatrice et purificatrice
: il est ainsi fait référence à la mer de Galilée, la mer vivante) et des eaux
inférieures (eau de mer, amère, celles du déluge ou encore de la Mer Morte).
Les eaux de la mort ne concernent que les pécheurs, les justes connaissent
quant à eux les eaux de la vie. Richard de saint Victor (De statu interioris
hominis, 1,10, P.L., 196,124) affirme que tout homme doit passer par les eaux
amères lorsqu'il prend conscience de sa propre misère et cette sainte amertume
se change en joie en découvrant et en vivant la Parole de Dieu incarnée en son
Fils : joie de la lumière de la Transfiguration, de Pâques, joie de la
Résurrection, joie de l'Ascension, joie de l'Apocalypse (en effet l'Apocalypse
n'est une fin tragique que pour ceux qui ne font pas partie des justes alors
que ces derniers connaissent la vie éternelle en se fondant dans la gloire de
Dieu).
Jean,
ch. 7, v. 37-39 : " Le dernier jour de la fête était le plus solennel.
Ce jour-là, Jésus, debout, s'écria: <<Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à
moi et qu'il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive jailliront
de son cœur, comme dit l'Écriture.>> Jésus parlait de l'Esprit de
Dieu que ceux qui croyaient en Lui allaient recevoir. A ce moment-là, l'Esprit
n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'avait pas encore été élevé à la
gloire."
Un
hymne de la Pentecôte le Veni creator spiritus, écrit par Raban Maur au
début du IXe siècle, exprime en huit strophes symbolisant par des mots les sept
dons de l'Esprit (sagesse, discernement, conseil, savoir, force d'âme, piété,
peur du Seigneur[1])
que nous retrouverons encore une fois ensuite :
Viens,
Esprit créateur,
Visite
les cœurs des tiens,
Emplis
de la grâce céleste
Les
âmes que tu créas!
Tu
es appelé consolateur,
Don
du Très Haut,
Source
vive, feu, amour
Et onction
vivifiante :
Toi
qui verses les sept dons,
Tu
es le doigt de la main de Dieu,
Celui
que le Père a promis,
Qui
met sa parole sur nos lèvres.
Eclaire nos âmes,
Répands
l'amour dans nos cœurs,
Fortifie
nos corps
Afin
qu'ils endurent avec courage.
Eloigne
de nous l'ennemi,
Accorde-nous
la paix perpétuelle,
Marche
devant nous
Afin
que nous évitions tout mal !
Par
Toi, puissions-nous connaître
Le Père
ainsi que le Fils et Toi,
Esprit
qui procède des Deux,
En
qui nous croyons à tout jamais !
Donne-nous
la récompense du bonheur,
Donne-nous
le présent de ta grâce,
Romps
les entraves de la discorde
Et
renforce les pactes de paix !
Montre-nous,
ô Père très aimant,
Le
Seul qui soit égal au Père
Régnant
avec l'Esprit consolateur
Dans
les siècles de siècles.
L'eau
est aussi un symbole d'éternité dans la mesure où, par le baptême, elle
purifie, guérit, rajeunit et introduit dans l'éternel.
Ce
panneau est une véritable profession de foi que poursuivent, complètent et
confirment les autres panneaux.
2. L'agneau
et le livre aux sept sceaux
L'agneau est de couleur blanche, il symbolise la douceur, la simplicité,
l'innocence, la pureté et l'obéissance. C'est l'image du Christ vis-à-vis de
son Père. Il obéit jusqu'à la mort et une mort ignominieuse, la mort sur la
Croix. C'est le rôle salvateur de l'agneau sacrifié qu'offraient déjà les
tribus nomades subsistant de leurs troupeaux. La mort du Christ accomplit
parfaitement l'Agneau pascal.
Tout chrétien est appelé à être un agneau du troupeau de Dieu sous la
conduite de ses bergers. Images fréquentes comme dans l'Evangile de Luc, ch.10,
v.3 et suivants : " En route! Je vous envoie comme des agneaux au
milieu des loups. " et encore
au ch.15, v.3 et s. " Jésus leur dit alors cette parabole: <<Si
quelqu'un parmi vous possède cent moutons et qu'il perde l'un d'entre eux, ne
va-t-il pas laisser les quatre-vingt-dix-neuf autres dans leur pâturage pour
partir à la recherche de celui qui est perdu jusqu'à ce qu'il le retrouve? Et
quand il l'a retrouvé, il est tout joyeux: il met le mouton sur ses épaules, il
rentre chez lui, puis appelle ses amis et ses voisins et leur dit:
<Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé mon mouton, celui qui était
perdu!>."
De même dans l'Evangile de Jean ch. 21, v.15-17 :
" Après le repas, Jésus demanda à Simon Pierre: <<Simon,
fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci?>> -- <<Oui, Seigneur,
répondit-il, tu sais que je t'aime.>> Jésus lui dit: <<Prends soin
de mes agneaux.>> Puis Il lui demanda une deuxième fois: <<Simon,
fils de Jean, m'aimes-tu?>> -- <<Oui, Seigneur, répondit-il, tu
sais que je t'aime.>> Jésus lui dit: <<Prends soin de mes
brebis.>> Puis Il lui demanda une troisième fois: <<Simon, fils de
Jean, m'aimes-tu?>> Pierre fut attristé de ce que Jésus lui avait demandé
pour la troisième fois: <<M'aimes-tu?>> et il Lui répondit:
<<Seigneur, tu sais tout; tu sais que je t'aime!>> Jésus lui dit:
<<Prends soin de mes brebis. >>."
Le Christ est l'Agneau selon l'Evangéliste Jean ch.1, v.29 et s. :
"1:29 Le lendemain, Jean[2] vit Jésus venir à lui,
et il dit: <<Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.
C'est de lui que j'ai parlé quand j'ai dit: <Un homme vient après moi, mais
il est plus important que moi, car il existait déjà avant moi.> Je ne savais
pas qui ce devait être, mais je suis venu baptiser avec de l'eau
afin de le faire connaître au peuple d'Israël.>> Jean déclara encore:
<<J'ai vu l'Esprit de Dieu descendre du ciel comme une colombe et
demeurer sur lui. Je ne savais pas encore qui il était, mais Dieu, qui
m'a envoyé baptiser avec de l'eau, m'a dit: <Tu verras l'Esprit
descendre et demeurer sur un homme; c'est lui qui va baptiser avec le
Saint-Esprit.> J'ai vu cela, dit Jean, et j'atteste donc que cet homme est
le Fils de Dieu.>> Le lendemain, Jean était de nouveau là, avec deux
de ses disciples. Quand il vit Jésus passer, il dit: <<Voici l'Agneau
de Dieu ! >>."
L'agneau
de la chapelle fait référence avant tout à celui de l'Apocalypse, tout
particulièrement celui dont il fait mention dans les chapitres 5 à 8. L'agneau
est sur la montagne de Sion, cela symbolise non pas Jérusalem, la ville
historique – comme cela a été la source malheureusement de tant de déchirements
et donc de pertes humaines-, mais la Jérusalem céleste, la seul véritable cité
de la paix qui n'est d'ailleurs pas de ce monde mais qui demeure un but, une
finalité à atteindre.
Il
a fallu attendre le concile de Constantinople de 692 pour que le Christ soit
plutôt représenté en croix et non sous la forme de l'agneau. Cependant jusqu'au
XIXe siècle, l'Agneau de l'Apocalypse reste encore un symbole très fort.
L'Apocalypse
désigne jusqu'à vint-huit fois le Christ par le mot "Agneau".
Toutefois, cet Agneau exerce sa colère (ch. 6, v.16 et suivant), fait la guerre
et remporte la victoire (ch.17, v.14). L'Agneau est immolé mais Il est
victorieux en un Christ ressuscité et glorifié. Agneau vainqueur de la mort
(ch.5, v.5-6), des puissances du mal (ch.17,149) : " Ils combattront
l'Agneau, mais l'Agneau les vaincra, parce qu'Il est le Seigneur des seigneurs
et le Roi des rois; Il les vaincra avec ceux qu'il a appelés et choisis, ses
fidèles[3].". Il est tout à la fois le Tout-Puissant,
le Divin (ch.5, v.7-9) et Juge (ch.6, v.16 et suivants). Le Livre est dans la main de Dieu. Il est
fermé: Seul, le Christ peut l'ouvrir et donner un libre accès à son contenu. Le
livre pourra être lu comme il doit être lu, ce qui est le plus ardent désir de
l'homme spirituel.
Le
Christ dévoile l'Ecriture sainte constituée par l'Ancien Testament et révèle
tout un sens déjà donné par les Evangiles, par sa Parole. Le livre fermé est
donc l'Ancien Testament. Le Pentateuque ou la Tora ne s'éclaire qu'à la seule
lumière du Christ.
C'est
l'Agneau qui ouvre les sept sceaux pour révéler ce qui suit :
- Cheval blanc monté par
un archer, victorieux du mal. Il porte un arc ses flèches sont les
jugements et châtiments de Dieu. Jugement de Dieu à la fin d'un temps.
- Cheval couleur de feu,
rouge, monté par un homme muni d'une épée. Temps de la guerre.
- Cheval noir, monté par un homme tenant une balance.
Celui qui se joue des prix lorsque les denrées se font rares, temps de
famine.
- Cheval blême, monté
par la mort. Temps de la peste.
- La prière des martyrs,
vêtus de la robe blanche.
- Tremblement de terre :
tout le cosmos est ébranlé. Cette fin concerne les croyants comme les
non-croyants. Personne ne peut se soustraire au jugement de Dieu.
- Le temps humain
s'arrête pour laisser place au temps de Dieu, l'Eternel. Les forces
invisibles - les anges - soufflent
sur la terre. Les Elus, ceux marqués par le sceau de Dieu, - par le don de
la robe blanche du baptême -, forment son peuple (ch.7, v.9 "C'était
une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, de toutes nations,
tribus, peuples et langues[4]."). Ayant
accompli les commandements de Dieu, ils sont ou seront sauvés tout d'abord
par la grâce de Dieu et ensuite par leurs œuvres (qui en découlent comme
l'eau d'une source jaillissante) : la vie éternelle leur est assurée car
ils ont gardé la foi vivante et la fidélité confiante en Dieu pendant le
temps de l'épreuve qu'est la vie terrestre. Le jugement de Dieu reste pour les
hommes un mystère jusqu'à la fin : en ce sens, l'homme ne doit pas juger
car cela appartient à Dieu seul mais il doit discerner ce qui est
de Dieu ou contre Dieu : c'est la raison même de la proclamation de la
Parole, du Nouveau Testament. Chaque homme est libre en son âme et
conscience mais il doit établir des choix de vie ou de mort. Mathieu ch.25
: le jugement n'est pas la manifestation de l'indulgence bonasse d'un Dieu
paternaliste. Il y a des exigences auxquelles il est impossible de se
dérober si l'on veut rester dans le troupeau de Dieu. Le combat spirituel
pour la Foi est aussi une exigence qui ne passe pas par une acceptation
passive de tout et n'importe quoi. Au nom de la lâcheté, de la non prise
de décision, que de crimes commis et dont il n'est jamais fait mention,
mémoire… La miséricorde de Dieu est acquise à celui qui se repent mais pas
à celui qui persiste et signe dans son erreur (pensez au bon et au mauvais
larron de par et d'autre de la Croix : le premier est sauvé, le deuxième
ne l'est pas). Le Christ pardonne encore à ceux qui ne savent pas ce
qu'ils font mais, à ceux qui savent ce qu'ils font, il n'est nullement dit
qu'ils seront sauvés …
Encore ne faut-il pas l'oublier !
Il
y aurait encore plus à dire mais cela n'est pas le but de cette notice. La
forme de poisson de cet agneau laisse aussi songeur…Les pattes de l'agneau sont
de la couleur du livre fermé dont il semble ainsi issu…
3. Esprit-Saint
La
colombe de l'Ancien Testament a apporté le rameau d'olivier, elle apporte la
paix et l'harmonie, se dirige vers l'homme et symbolise le Saint-Esprit. Elle
s'empare, avec ses serres, de l'âme du juste pour l'élever vers Dieu. Cette
colombe semble vouloir s'emparer de la personne qui la regarde… La colombe
porte le Soleil rayonnant : le corps même du Christ. La blancheur de la colombe
symbolise la pureté nécessaire pour d'un coup d'ailes se dégager des liens
terrestres et se laisser entraîner de beauté
en beauté vers la nature divine de Dieu qui a créé l'univers et fait l'homme à
sa ressemblance. L'homme atteint cette ressemblance lorsqu'il se laisse
illuminer par la Parole du Christ et abandonne son cœur au souffle de l'Esprit.
Cet
hymne du XIIIe siècle exprime le mieux quelle place est donnée par les
Chartreux à l'Esprit-Saint :
Veni, sancte Spiritus
Viens,
Saint-Esprit,
Et
émets du haut du ciel
Le
rayon de Ta lumière.
Viens,
Père des pauvres,
Viens
Dispensateur des dons,
Suprême
Consolateur,
Doux
Hôte de l'âme,
Doux
Réconfort;
Délassement
dans le labeur,
Modération
dans la fièvre,
Consolation
dans les larmes.
O
Lumière bienheureuse,
Emplis
le fond des cœurs
De
tes fidèles;
Sans
la volonté
Rien
n'est dans l'homme, rien n'est innocent.
Lave
ce qui est souillé,
Arrose
ce qui est desséché,
Redresse
ce qui est dévié;
Ranime
ce qui est languissant,
Plie
ce qui est rigide,
Guéris
ce qui est blessé.
Donne
à tes fidèles
Qui
croient à Toi
Le
septénaire sacré;
Donne-leur
le prix de la vertu,
Donne-leur
l'issue de salut,
Donne-leur
le bonheur éternel.
5. La
coupe, le Soleil corps du Christ et la croix qui s'incline
Ce
panneau exprime le moment le plus solennel de la messe, le récit de
l'institution eucharistique dont le texte est le suivant :
La nuit même où le Christ fut livré, Il prit le pain, en rendant grâce
à Dieu, Il le bénit, Il le rompit et le donna à ses disciples en disant :
"Prenez et mangez-en tous
ceci est
mon corps livré pour vous."
De même à la fin du repas, Il prit la coupe, en rendant grâce à Dieu, Il
la bénit et la donna à ses disciples en disant :
"Prenez et buvez en tous,
car ceci est la coupe de mon sang,
le sang de l'Alliance nouvelle et éternelle,
qui sera versé pour vous et pour la multitude
en rémission des péchés.
Vous ferez cela en mémoire de moi."
L'Eucharistie est le mémorial de la Passion, de la Mort et de la
Résurrection du Christ. Ce rite actualise à chaque messe la protection de Dieu
et rappelle le sacrifice consenti de son Fils. Il y a ainsi un rappel de
l'intervention de Dieu qui envoyé son Fils. L'eucharistie est aussi une demande
d'intercession pour renouveler aux hommes le Salut et proclame en même temps
une action de grâce. L'événement devient, par les sens, présent à travers ce
rite de l'eucharistie.
La coupe a servi à recueillir le sang du Christ – l'Agneau immolé –
versé sur la croix pour sauver touts les hommes, du moins ceux qui veulent être
sauvés ou qui ont œuvré dans le sens des "Commandements" de l'Ancien
Testament, et donnés par Dieu, comme ceux qui vivent les "Béatitudes"
du Nouveau Testament, proclamées par le Christ. Avant le christianisme, la
coupe représentait le croissant lunaire symbolisant le lait de vie, le lait
maternel. Le symbole de nourriture essentielle subsiste encore mais prend une
accentuation plus forte. Le sang du Christ recueilli devient le breuvage
d'immortalité. Le chrétien voit la coupe sous deux aspects : la coupe
eucharistique, la coupe de bénédiction.
Le soleil rayonnant domine la coupe comme le prêtre le figure au moment
de l'élévation en plaçant l'hostie au-dessus de la coupe et lorsqu'il dit :
"Par Lui, avec Lui et
en Lui,
à Toi Dieu le Père
tout-puissant,
dans l'unité du
Saint-Esprit,
tout honneur et toute
gloire,
pour les siècles des
siècles."
L'essentiel est dans cette union coupe et corps du Christ Ressuscité :
cette union efface la croix du châtiment vécu (voyez comme la croix s'incline
en arrière du motif principal) pour devenir la croix qui libère : le Christ qui
s'offre à tout communiant. Cette union lie le croyant quasi charnellement à
Dieu par son Fils qui se donne à chacun d'entre nous au moment de la communion.
Cela se produit grâce à l'acceptation de ce mystère de la Foi qui se vit et ne
s'explique pas : l'intelligence perçoit la grandeur du mystère et seul le cœur
le comprend, non par des mots mais par une transformation intérieure et
individuelle qui élève vers Dieu. Celui qui vit cet instant prodigieux de tout
cœur est tout simplement animé par l'Esprit-Saint et vit un instant d'éternité.
6. L'ancre
avec une corde passant par une boucle
C'est
l'illustration même de l'Epître aux Hébreux, chap. 6, versets 18 à 20 :
" Ainsi, deux actes irrévocables, dans lesquels il ne
peut y avoir de mensonge de la part de Dieu, nous apportent un encouragement
puissant, à nous qui avons tout laissé pour saisir l'espérance proposée. Elle
est pour nous comme une ancre de l'âme, bien fermement fixée, qui
pénètre au-delà du voile, là où est entré pour nous, en précurseur, Jésus,
devenu grand prêtre pour l'éternité à la manière de Melchisédech."
Les
deux actes irrévocables sont Melchisédech (Ancien Testament) - cette portion de
corde qui descend - et le Christ (Nouveau Testament) - cette portion de corde,
toujours la même d'ailleurs, qui remonte vers Dieu-.
L'ancre
figure l'espérance. Dans les catacombes, ce symbole d'origine grecque se
retrouve fréquemment pour exprimer un élément essentiel de la foi chrétienne.
Si nous ne voulons pas aller à la dérive, nous devons écouter la Parole de Dieu
exprimée par son Fils : Elle est notre ancre de salut. Dans les multiples
difficultés de la vie qui nous assaillent parfois comme des tourbillons d'eau
voulant nous entraîner dans des abîmes, l'espérance en Christ assure fermeté,
tranquillité et fidélité. C'est garder calme, sérénité et lucidité alors que
tout vacille : pour l'homme spirituel, dans les passions humaines, il convient
d'ancrer son âme dans le Christ pour éviter tout naufrage spirituel. La vie de
moine est une lutte intérieure dont il est difficile de mesurer toute
l'intensité, toutes les difficultés. Cette lutte intérieure se vit au quotidien
dans le secret du cœur. A travers les doutes, les chutes, les nuits obscures,
l'espérance prédomine : le désespoir serait une victoire du Mal et deviendrait
une cause de chute (comme le suicide par exemple car c'est le signe que l'on ne
croit plus en la vie mais seulement à la mort, au néant). Et nos sociétés
connaissent une forme de mort toute particulière, les morts vivants. En effet,
plus aucune flamme ne les anime mais cela vit sans vivre, d'une façon
végétative, tout est sec, triste, triste à l'infini… L'ancre symbolise la grâce
de Dieu qui peut tout : la source de la grâce se trouve dans la Croix portée et
acceptée par le Christ qui est ainsi l'Agneau.
La
corde descend du ciel et c'est la grâce de Dieu qui descend sur nous et nous
permet ainsi de s'ancrer dans le Christ. La même corde monte vers le ciel :
cela symbolise l'ascension à laquelle nous sommes tous appelés. Cela exprime
non une solidarité humaine mais la solidarité de Dieu avec les hommes et avec
chaque homme, sans aucune exception mais dans le respect de la liberté
individuelle. Dieu est pour tous et pour chacun : encore faut-il accepter de le
recevoir! Il ne force pas nos portes. La corde n'est pas une chaîne… Dans le
but de grimper un sommet, l'alpiniste met sa confiance en sa corde qui entoure
ses reins et il accomplit ainsi des prouesses : il y a pour chacun d'entre nous
des sommets spirituels à conquérir, c'est aussi enivrant que de "se faire
l'Everest ou un sommet de l'Himalaya".
Cette
corde flotte dans l'espace tenue par le souffle de l'Esprit. Cette corde passe
par une boucle : un rond parfait qui protège et fait lien avec le rond du
Soleil christique. La boucle symbolise toutes les grâces fécondantes provenant
de Dieu, l'Alliance de Dieu avec les nations. Et elle est donc ainsi en
correspondance avec l'eau jaillissant de la source, celle de lumière comme
d'eau vivante. Cette corde est finalement symbole de force, de sainteté et
d'immortalité.
Les
veines du bois forment un feu victorieux jaillissant vers le ciel…
7. Le Cœur et le Feu de sept flammes
Le
cœur est le symbole même de l'homme intérieur :
le cœur peut être la source de tout mal (symbolisé par les six[6] flammes foncées) comme de tout bien (les sept flammes claires). Le cœur
est source de bien lorsqu'il animé par les sept dons de l'Esprit Saint. Seuls
les sages de cœur possèdent l'esprit de sagesse, la flamme principale et
dominante, parmi les autres cependant[7].
Le
plus beau texte chantant l'amour représenté par le cœur est le Cantique des
cantiques. Les chartreux ne le lisaient pas comme un chant de l'amour conjugal
unissant deux corps mais comme l'Esprit s'unissant à Marie, comme le Christ
s'unissant à son Eglise, comme Dieu faisant alliance avec ses fidèles en donnant chair à son Fils. Pour les
Chartreux, l'union de l'âme avec la Trinité est sans aucun doute possible la
signification première : le résultat est un état de grâce spirituel. Le
Cantique des cantiques célèbre un jardin que nous retrouvons dans cette chapelle.
Ce
chant peut se lire de différentes façons. Il est beau car il n'est pas plus
d'un ascétisme absolu que d'un érotisme absolu : il célèbre une union, un
couple qui s'aime et qui devient ainsi image de l'amour de Dieu pour le peuple
des croyants. Le Cantique des cantiques
connaît des prolongements dans le Nouveau Testament qu'il n'est pas possible de
développer dans cette notice car ils ne l'allongeraient que trop. Ce temps de
l'amour partagé rappelle le temps d'Adam et d'Eve d'avant la chute, ce temps où
le monde était un paradis de paix comme il devra le redevenir lorsque le temps
de l'Apocalypse reviendra. Un extrait permet de percevoir cette poésie tout à
la fois charnelle et spirituelle même si cela peut surprendre des personnes
dont les préjugés sont forts…
Cantique
des cantiques, ch.4, v.1 au ch.5, v.1 :
"[…]
<< 4:1 (Lui) Que tu es belle, ma compagne! Que tu es belle! Tes yeux sont
des colombes à travers ton voile. Ta chevelure est comme un troupeau de chèvres
dégringolant du mont Galaad. Tes dents sont comme un troupeau de bêtes à tondre
qui remontent du lavoir: toutes ont des jumeaux, on ne les arrache à aucune.
Comme un ruban écarlate sont tes lèvres, et ta babillarde est jolie. Comme la
tranche d'une grenade est ta tempe à travers ton voile. Comme la Tour de David
est ton cou, bâti pour des trophées: un millier de boucliers y est pendu,
toutes sortes d'armures de braves. Tes deux seins sont comme deux faons,
jumeaux d'une gazelle qui paissent parmi les lis. D'ici que le jour respire et que
les ombres soient fuyantes, je m'en irai au mont emmyrrhé et à la colline
encensée. Tu es toute belle, ma compagne! De défaut, tu n'en as pas! Avec moi,
du Liban, ô fiancée, avec moi, du Liban tu viendras; tu dévaleras du sommet de
l'Amana, du sommet du Senir et de l'Hermon, des retraites de lions et des
montagnes à panthères. Tu me rends fou, ma sœur, ô fiancée, tu me rends fou par
une seule de tes oeillades, par un seul cercle de tes colliers. Que tes
caresses sont belles, ma sœur, ô fiancée! Que tes caresses sont meilleures que
du vin, et la senteur de tes parfums, que tous les baumes! Tes lèvres
distillent du nectar, ô fiancée; du miel et du lait sont sous ta langue; et la
senteur de tes vêtements est comme la senteur du Liban. Tu es un jardin verrouillé,
ma sœur, ô fiancée; une source verrouillée, une fontaine scellée! Tes surgeons
sont un paradis de grenades, avec des fruits de choix: le henné avec le nard,
du nard et du safran, de la cannelle et du cinnamome, avec toutes sortes
d'arbres à encens; de la myrrhe et de l'aloès, avec tous les baumes de première
qualité.
4:15
(Elle) Je suis une fontaine de jardins, un puits d'eaux courantes, ruisselant
du Liban! Éveille-toi, Aquilon! Viens, Autan! Fais respirer mon jardin, et que
ses baumes ruissellent! Que mon chéri vienne à son jardin et en mange les
fruits de choix!
5:1
(Lui) Je viens à mon jardin, ma sœur, ô fiancée; je récolte ma myrrhe avec mon
baume; je mange mon rayon avec mon miel; je bois mon vin avec mon lait!
(Chœur)
"Mangez, compagnons; buvez, enivrez-vous, chéris! >>"
Les
sept dons de l'Esprit sont aussi appelés la grâce septiforme, le septénaire
sacré :
- Intelligence ou Foi
- Conseil ou Douceur
- Force ou Docilité
- Science
- Pitié
- Crainte de Dieu
- Sagesse
Cela
nous renvoie au texte de l'Apocalypse : les sept lampes ardentes ou les Sept
Esprits devant le trône de Dieu (voir ch.1, v.12, 20; ch.4, v.5).
Aux
sept dons de l'Esprit, furent plus tard ajoutés les sept dons de l'âme:
amitié, sagesse, concorde, honneur, puissance, sécurité et joie. Les sept
dons du corps, car le corps n'est pas honni par le religieux médiéval, sont
: beauté, agilité, force, liberté, santé, volupté[8],
longévité.
Les
douze fruits du Saint-Esprit, douze fleurs différentes, sont : charité,
joie, paix, patience, longanimité, bonté, bénignité, mansuétude, fidélité,
modestie, continence, chasteté.
La
sainteté ne dépend pas des œuvres mais se révèle par les œuvres de miséricorde.
Les
sept œuvres de miséricorde corporelle sont :
1. Donner à manger à ceux qui ont faim
2. Donner à boire à ceux qui ont soif
3. Vêtir ceux qui sont nus
4. Loger les pèlerins
5. Visiter les malades
6. Visiter les prisonniers
7. Ensevelir les morts
Les
sept oeuvres de miséricorde spirituelle sont :
- Conseiller ceux qui
doutent
- Enseigner ceux qui
sont ignorants
- Réprimander les
pécheurs
- Consoler les affligés
- Pardonner les offenses
- Supporter patiemment
les personnes importunes
- Prier Dieu pour les
vivants et les morts
Le
cœur est le symbole même de la charité mais encore celui de la
vigilance : "Je dors mais mon cœur veille." . Le cœur est
le premier organe qui se forme et le dernier à mourir. "Aimer Dieu de
tout son cœur" signifie pour le croyant aimer Dieu jusqu'au dernier
soupir !
Un
Chartreux Jean Vesly, mort en 1600, a écrit en 1598 dans le Psalterium
decachordum cette prière pour obtenir l'amour de Dieu :
Accorde-nous
la charité envers Toi
Par
laquelle à cause de Toi seul,
Et
par tout ce qui en Toi seul,
Nous
n'aimions que Toi
De
tout notre cœur, de tout notre désir,
De
toute notre affection
Et
toute notre volonté,
De
tout notre esprit,
De
toute notre intelligence,
Notre
raison et notre intention,
De
toute notre âme, de toutes les forces
De
notre corps et tous les sens
De
notre âme, ne recherchant
Et
ne nous appliquant à travers tout
Qu'à
Ton bon plaisir.
Ainsi, nous T'aimerons agréablement
Sans contradiction, véritablement
Sans aucune erreur, prudemment sans partage,
Efficacement en démontrant notre amour
Par nos œuvres, avec ferveur
En désirant Te plaire et T'obéir,
Fortement
et avec constance en accomplissant ce qui te plaît.
8. Les deux clefs couronnées d'olivier
Le
pouvoir des clefs est celui qui a été donné par le Christ à saint Pierre : une
clef pour lier (se lier à Dieu) et une clef pour délier (être délié du péché)
afin de pouvoir s'ouvrir à Dieu par la méditation, par l'entrée dans une vie
spirituelle. Le pêne de la clef est marqué par la croix, cette croix qui
rachète et sauve les nations. Les clefs permettent d'ouvrir cette porte étroite
qui ouvre ce chemin parfois difficile conduisant à Dieu.
Ce
symbole de l'olivier est de tout temps : paix, fécondité, purification, force,
victoire et récompense. Le Moyen Age chrétien y voyait le symbole de l'Amour.
De tous les arbres, il est l'arbre béni.
Les
deux branches d'olivier, se confondant en leurs extrémités supérieures, forment
un rond qui reprend le symbole de la boucle de l'ancre ou du soleil christique
ou de la rose en son centre.
L'huile
d'olive parfumée est l'huile de la guérison, de l'onction du baptême, de
l'ordination, du dernier sacrement…
9. Etoile à huit branches
L'étoile
à huit branches : c'est le symbole même de la résurrection à laquelle chaque
croyant est appelé. Le huit est le chiffre du Nouveau Testament alors que le
sept est celui de l'Ancien. Cette étoile annonce la béatitude future alors que
l'étoile de Marie annonce le Salut. Il y a là une correspondance spirituelle
très forte.
Au-delà
du septième jour, vient le huitième qui est annoncé par l'Apocalypse : joie
pour les justes selon Dieu, le seul juge et jour de condamnation pour les
impies, les auteurs du mal qui n'ont pas recherché la miséricorde de Dieu, ne
serait-ce que par un simple cri de repentance comme le bon larron sur la croix
à côté de Jésus.
Cette
étoile symbolise la résurrection du Christ et sa promesse de résurrection pour
l'homme qui accepte de se laisser transfigurer par la grâce de Dieu. C'est
l'aboutissement du chemin de la Foi.
10. Les fleurs, les arbres, les
feuillages
Les
grâces reçues par Marie sont symbolisées par des fleurs : des roses de façon
usuelle. La Croix est aussi assimilée à un Arbre fécond ayant produit son fruit
avec le crucifié, Jésus.
Le
jardin, représenté par la multiplication de fleurs et d'arbres, symbolise le
Paradis, c'est-à-dire le séjour dans l'au-delà.
Il
s'agit du jardin de la Genèse comme du Cantique des Cantiques (ch.4, v.12-16 et
ch.5, vv.1).
11. La rose
Symbole
même de la Vierge. La rose est une coupe ou un calice. Elle symbolise le
réceptacle des influences célestes. La rose exprime le miracle de
l'Esprit-Saint engendrant Marie. Elle reçoit le Verbe divin ou le Saint-Esprit
et rend possible l'épanouissement du Verbe incarné, c'est-à-dire l'Enfant
Jésus.
La
rose est liée aussi au sang de Jésus : le sang de Jésus se répandant au sol
donne une fleur. De nombreux vitraux ou objets présentent le sang des plaies du
Crucifié tombant en gouttelettes et se transformant en roses. Cinq roses
évoquaient les cinq plaies du Christ sur la Croix.
Cette
rose a une forme de roue figurant le monde et dont le centre est Dieu dont tout
est issu. Les pétales sont les créatures qui proviennent du centre, de l'Unité
divine. Remarquons aussi les rayons des côtés de l'octogone (voir la symbolique
du chiffre huit) qui reviennent vers le centre, c'est-à-dire vers Dieu car
"Jésus devait mourir… afin de réunir en un seul corps les enfants de Dieu
qui sont dispersés: " (Jean ch.11, v.52). Tout vient de Dieu, tout
retourne à Dieu.
12. L'Etoile
Un
hymne très connu des croyants explicite en totalité ce symbole inscrit dans un
cercle rayonnant en un octogone :
Ave, maris Stella
Salut,
Etoile de la mer,
O
très sainte Mère de Dieu,
Toi
qui es Vierge à tout jamais,
O
Porte du ciel bienheureuse.
Toi
qui accueilles cet Ave
De
la bouche de Gabriel,
Affermis
nos cœurs dans la paix :
Des
coupables, brise les liens,
Donne
aux aveugles la clarté,
Eloigne
de nous tous les maux,
Demande
pour nous toutes grâces.
Tu
es Mère, montre-le nous !
Que
Celui qui pour nous est né
En
acceptant d'être ton Fils
Accueille
par Toi nos prières.
O
Vierge unique, Toi qui es
De
tous les êtres le plus doux,
Fais
que, déliés de nos péchés,
Nous
soyons toujours doux et chastes.
Accorde-nous
de vivre purs,
Prépare-nous
un chemin sûr,
Que,
dans la vision de Jésus,
A
jamais nous soyons en liesse.
Louange
au Père, notre Dieu,
Gloire
à Jésus Christ, le Très-haut,
Rendons
honneur à l'Esprit Saint,
Un
seul hommage aux trois personnes !
Il
s'agit d'un hymne de l'Annonciation qui est chanté aux Vêpres. Il est d'un
auteur anonyme et a été écrit, au plus tôt, à la fin VIIIe, voire au début du
IXe siècle. Il existe au moins cinq hymnes s'adressant à la Vierge en
l'appelant Etoile.
L'Etoile
à cinq branches symbolise la Vierge Marie. Bien sûr, il s'agit d'un signe de
lumière. Luminaire de la nuit qui annonce le soleil christique. L'étoile était perçue comme un symbole
d'espérance. L'étoile a annoncé la venue du Christ aux mages. L'étoile mère
peut contenir l'homme qui doit renaître par le baptême : Léonardo da Vinci l'a
si bien dessinée dans son sens religieux et naturel en son temps[10]. Elle nous dirige vers le haut.
Sa
position en clef de voûte du chœur est toute particulière. L'abside, nous
l'oublions que trop, a la forme d'un œuf (celui de Pâques) et l'étoile mariale
se trouve au point le plus haut pour nous inviter à renaître dans le Christ, à
devenir un homme nouveau, resplendissant de la lumière du Christ. L'autel où se
célèbre l'eucharistie se trouve juste en dessous de cette étoile : ce Christ
qui se donne en son corps et en son sang à la table de communion se situant à
la base de l'œuf formé par l'abside.
Du Bréviaire
de la chartreuse Saint-Barthélemy de Trisulti, voici un hymne marial
s'adressant à Marie, claire étoile en mer :
Marie, mère du Salut
Ave,
Mère de tout salut,
Epouse
du Christ entre toutes,
Ecoute,
claire étoile en mer;
Ecoute,
pleine de la grâce.
Bénie
es-Tu dans tous les cieux,
Toi,
du Christ la Mère fidèle;
Notre
avocate, que Tu veuilles
Etre
pleine de toutes grâces.
A
tous Tu es toujours amène,
ô
douce Vierge, ô très sereine;
Tu
es remplie de tous les dons,
Ô Dame
de toute beauté.
Des
anges Tu fus saluée,
Bonne
Mère, à tous agréable,
Demeurée
vierge ayant conçu;
Salut,
ô Mère de la grâce.
13.
Devise
des Chartreux
Stat
Crux dum orbis volvitur !
Que
la Croix s'élève aussi longtemps que la terre tourne !
Les
sept étoiles (plénitude de Dieu dans l'univers), comme les sept dons
l'Esprit-Saint (plénitude des grâces données par l'Esprit-Saint), marquent
chaque fois la plénitude. Le chiffre sept (sept jours de la semaine, sept miracles,
sept tentations) se retrouve souvent dans l'Ancien Testament comme dans le
Nouveau Testament. Le sept indique la perfection.
C'est
une référence explicite au texte de l'Apocalypse (ch.1, v.12-20) :
"1:12
Je me retournai pour voir qui me parlait. Alors je vis sept lampes d'or. Au
milieu d'elles se tenait un être semblable à un homme; il portait une robe qui
lui descendait jusqu'aux pieds et une ceinture d'or autour de la taille. Ses
cheveux étaient blancs comme de la laine ou comme de la neige et ses yeux
flamboyaient comme du feu; ses pieds brillaient comme du bronze poli, purifié
au four, et sa voix résonnait comme de grandes chutes d'eau. Il tenait sept
étoiles dans sa main droite, et une épée aiguë à deux tranchants sortait de sa
bouche. Son visage resplendissait comme le soleil à midi.
1:17
Quand je le vis, je tombai à ses pieds comme mort. Il posa sa main droite sur
moi et dit : << N'aie pas peur ! Je suis le premier et le dernier. Je
suis le vivant. J'étais mort, mais maintenant je suis vivant pour toujours.
Je détiens le pouvoir sur la mort et le monde des morts. Écris donc ce que tu
vois: aussi bien ce qui se passe maintenant que ce qui doit arriver ensuite.
Voici quel est le sens caché des sept étoiles que tu vois dans ma main droite
et des sept lampes d'or: les sept étoiles sont les anges des sept
Églises, et les sept lampes sont les sept Églises.>>. "
Le
six exprime le manque, le manque de divin, et, répété trois fois, il forme le
nombre de la Bête. Le cœur du Chartreux purifié par la contemplation efface de
sa vie l'imperfection du six dans la solitude du cloître pour vivre dans la
plénitude du sept, communion avec le divin par la contemplation. Il se prépare
ainsi à connaître le huitième jour, non dans la crainte de l'Apocalypse mais dans
l'espérance du plein accomplissement de la Parole de Dieu, effaçant toutes
ténèbres.
Chaque
étoile possède cinq branches comme celle symbolisant la Vierge que les
Chartreux honoraient tout particulièrement. La Vierge sert son Eglise comme
elle a servi son Fils.
La
branche de la croix sur la marqueterie est constituée de cercles et je ne
répéterai pas la symbolique des nombres : sur la barre horizontale, il y a sept
perles; sur la verticale, neuf perles; les trois bras de la croix ont chacun
trois perles et le bras inférieur celui fiché dans le globe terrestre possède
cinq perles.
Le
neuf est le trois au carré : c'est la
finalité, l'accomplissement unissant le haut et le bas dans le divin comme
l'annonce l'Apocalypse.
Antoine
Schülé
août
2006, La Tourette.
Contact :
antoine.schule@free.fr
Sources
:
Ancien
Testament, éd. TOB
Nouveau
Testament, éd. TOB
Henry
Spitzmuller : Poésie latine chrétienne du Moyen Age, IIIe -XVe siècle,
éd. De Brouwer. 1971
Nathalie
Nabert : 100 prières de chartreux, éd. Salvator, 2006
A
consulter :
Jean
Chevalier et Alain Gheerbrandt : Dictionnaire des symboles, 6e
éd., 1969, 4 vol.
Marie-Madeleine
Davy : Initiation à la symbolique romane. Éd. Flammarion, Champs, n°19,
1977
Michel
Pastoureau : Une histoire symbolique du Moyen Age occidental, éd. Seuil,
2004.
[1]
Peur de perdre la miséricorde de Dieu et non autre chose comme cela a si
souvent été mal compris par une lecture de l'Ancien Testament ne tenant pas en
compte du message du Nouveau!
[2]
Il s'agit de saint Jean le Baptiste.
[3]
Ce qui implique une lutte spirituelle et non une lâcheté passive ou une
hypocrisie à caresser le mal pour s'abstenir de lutter au nom d'un amour
égoïste, pour ne pas avoir de complications…
[4]
Nous le soulignons tout particulièrement car, au vu de l'actualité, il n'est
vraiment pas "un" peuple élu mais toutes les nations sont appelées à
être sauvées
[5]
Lire commentaire sur le cœur. Remarquer comme ces symboles se renvoient de l'un
à l'autre pour celui qui les lit !
[6]
Six était le chiffre donné à Néron.
[7]
La sagesse seule ne suffit pas, elle a besoin des autres dons pour éclore de
façon dominante !
[8]
Il s'agit du plaisir des cinq sens : vue (vision contemplative, beauté de la
Création), odorat (encens, fleurs, etc.), ouïe (chant sacré, chant des oiseaux,
silence), toucher (travail manuel, production artisanale), goût ( simplicité
met en valeur des goûts d'une nourriture soigneusement choisie). Réduire ce mot
"volupté" à la seule sexualité est un fait de notre temps mais pas du
Moyen Age !
[9]
Le texte d'origine est en latin et l'auteur fait une anagramme qui ne se
comprend que dans cette langue. EVA est le nom d'Eve, la première femme, celle
qui a entraîné la perte du Jardin d'Eden et son anagramme : VAE signifie
"malheur". Mais le Sauveur, le Christ, est né de la Vierge et l'AVE,
"salut" en latin, efface le malheur apporté par EVA ou Eve. La femme
n'a jamais été perçue négativement au Moyen Age, contrairement à de vieux et faux
clichés que l'histoire d'après la Révolution et tout particulièrement du XIXe
siècle, a voulu imposer.
[10]
Les
amateurs d'occultisme ont repris ce symbole pour en faire oublier la lecture
originelle. D'ailleurs, le sceau de Salomon, utilisé par les francs-maçons par
exemple, est une étoile à six branches…
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