Jordis Heinrich von Lohausen
(1907-2002)
par Antoine Schülé[1]
« L’expérience nous enseigne que l’histoire du
monde est
une succession ininterrompue de surprises.
Toujours est arrivé l’invraisemblable.
Qu’un message nouveau soit lancé en un point quelconque
de la planète,
et tout change
car « l’esprit souffle d’où il veut ». »[2]
J. von Lohausen[3]
Il est utile de découvrir un regard original,
porté par un Autrichien, celui de Jordis von Lohausen, sur la géopolitique. Son
œuvre majeure est "Mut
zur Macht. Denken in Kontinenten" et il existe une traduction française intitulée "Les Empires
et la puissance"[4]. Elle
paraît en 1979 alors qu'il est âgé de 72 ans. En 2007, ses considérations sur
l'Europe ont trouvé corps et sa vision prospective, en dehors des sentiers
battus et prenant en compte des réalités historiques parfois oubliées en Europe
de l’Ouest, mérite une attention plus
particulière. L'Europe centrale est une entité complexe mal perçue par l'Europe
occidentale au XXe siècle, pour différentes raisons dont les principales sont
politiques. Cet article vise à offrir une brève synthèse de sa vision, sans
ouvrir de débats sur les convictions qu’il développe.
Il débute sa carrière d'officier en 1926 dans
l'armée de la nouvelle République autrichienne. Lors de l'Anschluss, en 1938, il est capitaine et son
unité est intégrée à la Wehrmacht. Il participe aux campagnes de Pologne, de
France, de Libye. En 1942, avec le grade de major (Commandant en France), il
combat en Russie. En 1947, il est journaliste radiophonique (à l’ « Alpenland » et à la radio de Brême en RFA). En
1955, les Alliés quittent l'Autriche. Pour le Ministère de la défense fédérale,
il devient attaché militaire aux ambassades de Londres et Paris, avec le double
titre de Général et de Baron. A la fin de sa carrière militarodiplomatique, il
écrit de nombreux articles et livres de géopolitique.
Son originalité est d'allier dans sa
démarche intellectuelle plusieurs approches : économique, démographique,
écologique (dont il perçoit très tôt les conséquences: le manque d'eau ou le
défaut de cultures vivrières, par exemples), sans ignorer les influences des
idéologies et des religions. Si le marxisme a été, selon son approche, un
moteur idéologique qui a complètement ignoré la géopolitique au nom de
l'idéologie, il estime que le communisme en Asie, en Afrique comme ailleurs
dans le monde, a transformé des intentions politiques en objectifs
géostratégiques.
L'exemple des Etats-Unis est pour von
Lohausen le modèle à ne pas suivre : au nom de la sécurité nationale, et cela déjà
dès XIXe s. comme pendant tout le XXe s., les Etats-Unis ont appliqué avec
constance les principes établis par Ludendorff : pour exemples, lors de l’élimination
des Indiens, de la guerre de Sécession, avec Hiroshima, avec Nagasaki, entre
autres faits majeurs.
Il défend l'idée que, depuis que l'homme a
compris qu'il dépend de la terre, en y comprenant toutes les surfaces
aquatiques, les peuples ont pratiqué la géopolitique. Les évolutions des cartes
géographiques, dans le temps et selon l'histoire de nos frontières, témoignent
des préoccupations géopolitiques des gouvernants.
Toutefois, il signale que de nombreux tracés de
frontière restent des énigmes. Par exemple, la frontière de l'Oural est pour
lui une "frontière" de savant ne correspondant à rien et, en fait, il
préfère parler d'un tout que forme l'Eurasie. Trop de frontières répondent à
des choix économiques ou à des abandons politiques délibérés, parfois lourds de
conséquences, et elles ignorent trop souvent les langues, les peuples comme les
religions[5].
L'expansion territoriale soviétique de 1940 à 1948 et l'Europe centrale,
devenue butin de guerre pour Staline, en sont des illustrations éloquentes.
L'Europe a trop longtemps ignoré cette amputation consentie suite à la Seconde
guerre mondiale : les populations transférées de force, les biens confisqués,
les habitants transformés en esclaves, les opposants envoyés dans les goulags
n'ont pas choqué l'Europe occidentale qui a préféré garder un silence que le
lecteur peut qualifier lui-même: au nom de la paix pour les uns mais à quels prix
pour les autres ?
Pour Jordis von Lohausen, l'histoire est le
domaine spécifique de l'inattendu. Par contre, l'espace reste le seul élément
stable de l'équation politique mondiale. C'est pourquoi il conclut que la
puissance d'un Etat est sa force multipliée par la situation géographique.
Alexandre le Grand, Gengis Khan, Gladstone, Pierre le Grand, Napoléon, les
Présidents des Etats-Unis, Hitler, Staline, les grands Conquérants anglais, portugais,
espagnols, français ou génois comme vénitiens ont compris et réalisé que tout
besoin d'expansion territoriale est une nécessité de puissance : assurer un
Empire, c'est posséder le sens des espaces.
Si toutefois, notre auteur rejette tout
déterminisme géographique, il affirme qu'il existe des contraintes
géographiques indéniables : la géographie prédispose et c'est ainsi qu'elle
peut servir de base pour une prospective. Le mot "puissance" ne doit
pas faire peur. Il s'agit de reconnaître précisément ce qui est fait au moyen
de cette puissance. La puissance appartient à des Etats aussi bien démocrates
(avec les nuances multiples que cela peut recouvrir, de la simple étiquette à
un système où le peuple se détermine véritablement lui-même), totalitaires, monarchiques
que religieux ou revendiquant un athéisme, voire où l'Etat devient un Dieu. La
puissance ne détermine sa valeur que selon la conscience ou l'absence de
conscience de celui qui en a l'usage.
L'originalité de son approche est de
privilégier une géographie comparative comme une histoire comparative. Il
rejette cette périodisation trop étroite qui limite la réflexion aux
particularismes pour élargir le regard sur l'essentiel, ayant des
caractéristiques communes. Pour l'Europe, les Grandes Invasions de 370 à 520
sont les reflets de phénomènes antérieurs, les conquêtes de l'Ouest de l'époque,
jusqu'à ce que Charlemagne pousse vers l'Est. Il faut attendre 1940-8 pour voir
surgir à nouveau la poussée vers l'Ouest.
Les Etats-Unis ont aussi connu les conquêtes
de l'Ouest, avec la disparition de cultures et de peuples, les oubliés de
l'histoire, mais la Déclaration Monroe de 1823 qui annonçait le droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes, reste une magnifique déclaration à laquelle ne
manquait qu’une application régulière et pour tous dans les faits et pas uniquement
pour satisfaire quelques opportunismes de politique étrangère au gré des
évènements, comme Wilson le confirmera en 1918 !
Europe : le centre du monde habité
Les trois quarts de la surface terrestre
sont recouverts par les eaux et un quart est formé de terres : ce ne sont pas
les continents qui relient les océans mais les océans qui relient les
continents. Les Etats-Unis sont aux océans ce que l'Europe est aux terres.
Les raisons profondes de la puissance
mondiale de l'Amérique du Nord sont :
1.
Sa prépondérance incontestée
sur le continent nord-américain au prix de la disparition ou de la mise en
ghettos des Indiens et grâce à une forte émigration européenne (le Canada p.e.
a encore un réel besoin d'émigrants dans son pays, émigrants sélectionnés selon
les besoins du pays).
2.
Une disposition presque
illimitée de matières premières.
3.
Une situation imprenable entre
deux grands océans; sa position entre le Pacifique et l'Atlantique lui facilite
une domination sur toutes les mers du globe terrestre.
Amérique du Nord : position centrale
maritime[6]
La géographie la prédisposait à être une
puissance maritime et c'est bien ce qu'elle est devenue.
Le rayonnement de l'Europe dans
l'histoire du monde s'explique par sa position géographique. L'Europe, et tout
particulièrement, le Nord de la France, constitue le centre de l'hémisphère le
plus couvert de terres. L'Atlantique nord est la voie la plus courte, libre de
glaces, entre l'Ancien et le Nouveau Monde. Dans cette perspective, les
continents forment un cercle autour de l'Europe comme les océans entourent son
pendant, la Nouvelle Zélande. Dans
l'hémisphère sud, nous trouvons seulement l'Australie, la Nouvelle Guinée, le
Chili, l'Argentine et la zone inhabitée de l'Arctique.
Europe : une position continentale
centrale
Dans sa perspective, Jordis von Lohausen
associe la vision de l'Eurafrique de Haushofer et celle de l'Eurasie de
Mackinder. Il conclut que le rayonnement de l'Europe ne peut exister que dans
une entente germanofrancobritannique. Von Lohausen n'a pas de mot assez dur
pour condamner les conflits internes à l'Europe. Chaque pays a eu sa part des
responsabilités. L'Europe occidentale a explosé en raison de l'intervention de
grandes puissances territoriales extra-européennes.
Militairement, il donne trois axes. A la
flotte britannique, il conviendrait d'assurer le caractère inattaquable de
l'Europe par la mer. A la Prusse (n'oublions pas que ce territoire a changé de
nom pour des raisons plus politiques qu'historiques), l'Allemagne et
l'Autriche, il faudrait qu'elles assurent l'Europe de toute attaque provenant
de l'Est (pour mémoire : les Grandes Invasions, les Turcs, les Mongols,
l'URSS). A la France, l'Espagne et l'Italie, il appartient de contrôler la
Méditerranée.
L'Europe a trois physionomies bien
typées. Pour le Portugal, l'Angleterre et la Norvège, elle est de caractère
atlantique. Pour l'Italie et la Grèce, elle a les traits méditerranéens. Pour
la Suède, la Prusse et la Hongrie, elle a un aspect continental. Pour la France
et l'Espagne, elle a des caractéristiques atlantiques et méditerranéennes alors
que, pour l'Allemagne, elles sont atlantiques et continentales. Pour certains
pays, il existe des frontières naturelles pour la majorité, si ce n'est la
totalité, de leurs territoires. Par contre, l'Allemagne et l'Autriche ont plus
de peine à trouver des limites dites naturelles : toute leur histoire et les
difficultés de leur histoire ont consisté à les trouver. En ce sens-là, la
géographie les prédisposait à des luttes territoriales. La vie culturelle a
forgé l'Europe qui se reconnaît avant tout par ses œuvres artistiques : l'union
européenne a ses fondements les plus solides sur ses créations culturelles.
Notre auteur s'interroge pour savoir où
finit véritablement l'Europe et si la Russie est encore l'Europe. L'histoire de
ce vaste pays lui fait conclure que la Russie a un double visage. Elle a une
face européenne tournée vers l'Est, sa recherche de l'expansion vers l'Est est
le fait de l'Europe. Elle a une face asiatique indiquant l'Ouest car la
pénétration à l'Ouest est le fait de l'Asie. Son histoire est marquée par cet
effet de pendule qui tantôt l'a fait pencher vers l'Europe, tantôt vers l'Asie.
Effacer ce désaccord interne à la Russie
dépend de l'Europe.
Pour la couverture Est de l'Europe, les
frontières de l'époque moderne, en 1772, sont celles de la Prusse et de
l'Autriche. L'Autriche disposait sur les Carpates d'une frontière naturelle.
Les capitales Vienne et Berlin se trouvaient à mi-chemin entre Moscou et Paris.
Von Lohausen insiste sur le fait que la spécificité de l'Autriche était de ne
pas posséder le sentiment de former une nation. Selon lui, il n'y a pas eu à
proprement parler de peuple autrichien comme il y a un peuple anglais ou un peuple français. Il
signale toutefois, dans le Royaume-Uni et en France, le poids des régions qui
ont tendance à réapparaître de nos jours, face à une capitale jugée trop
centralisatrice. A travers l'histoire de l'Autriche, il étudie le rôle du bassin
danubien qui aurait dû correspondre à une monarchie danubienne dont le centre
aurait été Budapest et non Vienne. Le démembrement de l'Autriche a commencé au
Congrès de Vienne pour s'achever à la fin de la Seconde guerre mondiale. Le
résultat est que l'espace danubien est devenu une source de guerres. L'été
1968, lorsque les Russes sont entrés pour la seconde fois en Bohême et en
Moravie et en Slovaquie, a confirmé la mutilation définitive de l'Autriche. Les
Tchèques ont fait cause commune avec les vainqueurs de l'Autriche en arrachant
le tiers de la population autrichienne contre sa volonté, contre le droit à
l'autodétermination proclamée pourtant par Wilson[7] et
contre tous les principes de liberté.
Résultats de la Seconde guerre mondiale pour l'URSS :
A Téhéran et à Yalta, Staline fort des
connaissances du passé, est le seul homme à réussir à assurer des conquêtes
territoriales et stratégiques à son pays. Lorsque Roosevelt et Churchill ont
accepté que l'Oder et la Neisse soient la nouvelle frontière, ils ont accepté
que vingt-trois millions de personnes dont dix-sept millions de langue
allemande, soient expulsées. L'URSS prend la maîtrise des accès à l'Atlantique,
sans tenir compte des volontés des peuples existants. La poussée slave vers
l'Ouest (voir la carte ci-dessous) avait été bloquée par trois tenailles
jusqu'en 1945, avec au Nord : les Allemands du Nord-Est, les Lithuaniens, les
Lettons, les Estoniens et les Finnois;
avec au Sud : les Allemands du Sud-est, les Hongrois, les Roumains. Les
Allemands prenaient en tenaille les Tchèques entre la Basse-Autriche et la
Silésie, les Polonais entre la Silésie et la Prusse orientale.
Les trois
tenailles qui bloquaient l’avance de l’URSS
Depuis Charles XII de Suède jusqu'à
Napoléon et Hitler, cette réalité était bien perçue mais seul Staline a réussi
à éliminer la Prusse orientale, à expulser les Allemands de Poméranie, de
Silésie et isoler les Estoniens, Lettons et Lithuaniens : il a fait ainsi
tomber les trois tenailles qui pouvaient l'enserrer. De plus, l'URSS avec l'appui des pays
occidentaux et des Etats-Unis, a reçu la RDA comme tremplin vers l'Europe.
D'un point de vue géopolitique, l'URSS a
soumis tout l'espace entre la Baltique et la Mer Noire; l'expansion vers l'Est
des Allemands comme des Polonais est stoppée pour se trouver même inversée par
les expulsions; la Pologne devient le verrou imposé à l'Europe; la citadelle
que constitue la Bohême est conquise par l'URSS. L'Europe se retrouve avec un
front impossible de 4 7000 Km, du Nord au Sud, sans aucune profondeur.
La RDA tremplin vers l’Europe
Corollaire : un front défensif trop
long pour l’Europe
Pourquoi l'URSS n'a pas réussi à maintenir ses acquis de 1940 à 1948
?
Staline a obéi à des idées panslavistes. L'idée d'un empire
slave d'un Océan à l'autre existe encore dans l'esprit de quelques militaires,
dit russes actuellement. Si l'idée panslaviste n'a pas réussi, ce n'est pas
grâce à la politique européenne qui l'a plutôt favorisée par son comportement.
C'est le facteur humain qui a manqué aux
panslavistes : ces peuples différent ethniquement. Ils ont connu des évolutions très diverses et ils ne
partagent pas un passé qui pourrait les unir. Le plus grave est qu'ils se sont
persécutés mutuellement et les fruits de la haine sont toujours partagés comme
les années 1990 l'ont démontré : cette hostilité réciproque a été même
supérieure à celle qu'ils vouaient à leurs voisins non slaves. Les Tchèques ont
connu la haine des Slovaques, les Serbes la haine des Bulgares et des Croates
comme une partie des Slovènes; les Grands Russiens ont connu la haine des
Ukrainiens et surtout des Polonais. Il ne faut pas oublier que, pendant plus de
six siècles, la Pologne et la Russie se sont disputés des territoires et que
c'est sous la pression russe que les Polonais ont quitté les territoires
biélorusses, ukrainiens et baltes. Pour les Croates, les Slovènes et les
Bulgares, les Serbes ont remplacé les Turcs, leur ennemi héréditaire. Les
Mazures qui voulaient rester attachée à l'Allemagne en 1920 (à 97%), ont été
rattachés sans aucune consultation à la Pologne en 1945. Il convient de prendre
acte de ces nombreuses blessures non cicatrisées alors que l'Europe actuelle
redécouvre avec surprise ces réalités qui ressurgissent et qu'une certaine
historiographie a couvertes d'un voile de silence.
L'URSS a conquis les espaces en
saisissant les opportunités d'un moment mais n'a pas su faire fructifier ses
acquis inespérés: ses erreurs économiques ont détruit ses gains territoriaux.
Il a fallu la longue durée pour que cette réalité apparaisse au grand jour et
explique la chute de l'URSS qui s'est produite. Grâce aux expulsions des
peuples, voulues par Staline, l'Allemagne a reçu plus de bras mais elle en a eu
besoin pour sa reconstruction : cet aspect, Staline ne l'avait pas prévu.
Interdépendance des Etats du monde
Prendre conscience que les Etats du monde sont
interdépendants est la préoccupation majeure de Jordis von Lohausen. Les
matières premières et les énergies ne
sont plus en Europe occidentale. Les industries européennes ont amélioré nos
conditions d'existence et nous font vivre mais, en même temps, elles ont
augmenté nos liens de dépendance avec le reste du monde. Cette interdépendance
se vit économiquement. Elle a modifié les relations entre les Etats au point
d'étouffer parfois leurs principes dressés en valeurs universelles (le cas du
Congo).
L'hémisphère Nord contient les puissances
mondiales : Amérique, Europe occidentale, Russie, Chine, Japon. Le potentiel de
destruction nucléaire est le plus fort dans cette partie du monde. Le risque de
l'enjeu nucléaire est trop fort et par conséquent la lutte se fait plus au Sud.
Ainsi, les pays les plus lointains deviennent des champs de bataille réels ou potentiels : le facteur décisif dépend de
leurs ressources et de leurs nécessités pour l'hémisphère Nord.
Chaque puissance a son ventre mou : pour
la Chine, c'est la Birmanie et le Vietnam; pour la Russie, c'est l'Iran et la
Turquie; pour les Etats-Unis, c'est le golfe du Mexique; pour l'Europe, ce
n'est pas la Méditerranée mais le Cap de Bonne Espérance. Les théâtres d'opération secondaires actuels
sont les préludes à un conflit d'envergure pouvant devenir un affrontement
décisif. Géographiquement et économiquement, il est possible d'établir une
prospective en espérant que la raison et d'autres logiques viennent déjouer ce
qui lentement se dessine à l'horizon.
Cette situation détermine trois paliers
de conflit :
·
La guerre atomique
intercontinentale est un danger peu probable aussi longtemps que les territoires
sont utiles à celui qui veut les prendre.
·
La guerre conventionnelle est
praticable hors du champ principal d'intérêt du monde.
·
La guérilla dans toutes les
autres zones : la plus limitée est celle réduite à une zone géographique
précise et la plus ouverte, celle qui ignore toute frontière. Avec la vitesse
actuelle des connaissances, une guérilla a les moyens techniques et les
matières pour utiliser la menace atomique comme la pratiquer à petite échelle,
sans dépendre d’une grande puissance attitrée.
Jordis von Lohausen parle d'une guerre
permanente que nous vivons à travers aussi bien des conflits ouverts que de
grandes luttes économiques pour maîtriser ou pour garder la maîtrise de
ressources vitales (énergie ou métaux rares nécessaires à la technologie). Une
arme redoutable, « l'artillerie de cette guerre permanente », est la
guerre psychologique. Son rôle en Allemagne suscite de vives réactions chez
notre auteur qui affirme : "La psychologie conquiert. Les blindés
occupent.".
La guerre psychologique vise à atteindre
quatre renoncements essentiels dans le camp à considérer comme ennemi :
·
Renoncement à la vérité
·
Renoncement aux modèles de
comportement
·
Renoncement à l'histoire, dans
sa plénitude
·
Renoncement au courage d'être
soi
Ce sujet est d'actualité en ce moment où
l'histoire est bien souvent un champ de bataille idéologique au lieu d'être un
lieu de débats historiques. Les thèmes faisant polémiques ne manquent pas et
chaque pays a les siens et certains
peuvent être communs à plusieurs. En prendre conscience, c'est déjà se prémunir
contre des demi-vérités si bien manipulées qui discréditent leurs auteurs,
malgré tous les titres qu'ils peuvent arborer ou les honneurs dont on les
couvre !
Situation actuelle[8]
Les deux superpuissances, Etats-Unis et
Russie, agissent encore et toujours sous la dictée de leur situation
géographique : Il ne faut se laisser abuser par de fausses luttes idéologiques,
au nom de valeurs vite oubliées selon les besoins spécifiques aux Etats. Les
cinq handicaps géostratégiques sont les suivants :
1.
Si les Américains sont les
maîtres incontestés du continent nord-américain, la Russie n'est pas maîtresse
du sien, le continent eurasien. Elle doit partager la puissance avec les
Européens et les Asiatiques.
2.
La Russie appartient au monde
arctique. Géographiquement, elle est le pendant du Canada et non des
Etats-Unis. Une partie de son territoire appartient à la zone tempérée. La
conséquence la plus défavorable est que les coûts des prospections (gaz,
pétrole et autres) sont multipliés par cinquante.
3.
La partie habitée de l'Amérique
du Nord forme un rectangle compact de 4 000 Km de long sur 2 000 Km de
large. La surface réellement habitable de la Russie forme une bande de 7 000 Km
de long mais dont la largeur, qui est supérieure à 1 000 Km à la hauteur de
Moscou, n'atteint pas la centaine de kilomètres sur les rives de l'Amour.
4.
Si l'Amérique est flanquée de
deux océans, la Russie se voit isolée par trois masses compactes : l'Europe
occidentale l'isole de l'océan Atlantique, l'Asie mineure de l'océan Indien, la
Chine et le Japon de l'océan Pacifique. Les rares ports russes, mis à part
Mourmansk, non bloqués par les glaces sont, tous, situés sur des mers
secondaires : mer Noire, Mer de Japon, Mer Baltique contrôlées par des
puissances étrangères, respectivement Suède et Danemark, Japon, Turquie. Odessa
est le premier et le seul grand port de la Russie car non bloqué par les glaces
mais il est aussi éloigné de l'Atlantique que Chicago en Amérique.
5.
La Russie possède les
frontières terrestres les plus nombreuses et les plus longues du monde : c'est
une des composantes géostratégiques qui a le mieux protégé l'Europe
occidentale. La façade qui jouxte la Chine s'étend déjà sur 6 000 Km (alors que
les Etats-Unis n'ont des frontières communes qu'avec le Canada et le Mexique).
Le Canada est le glacis arctique des Etats-Unis. Le Mexique ne peut pas servir
de déploiement ou de tremplin à une grande puissance hostile aux Etats-Unis.
Les Soviétiques sont cernés, de la Corée du Sud à la Norvège, par un cordon
d'Etats non inféodés à Moscou qui, de plus, peuvent être protégés du côté de la
mer. La guerre de l'Afghanistan en 1978 et la chute de la monarchie iranienne ont
rompu l'encerclement des puissances côtières. Or les hautes terres d'Iran sont
la plaque tournante entre l'Inde et la Russie, entre la Chine et l'Arabie, entre la Steppe et les Océans.
L'Iran surplombe les plaines de l'Indus, de la Mésopotamie, de l'Oxus et la Mer
Caspienne, le Golfe Persique. Une percée réussie vers l'Océan Indien
permettrait à la Russie de reprendre toute la puissance détenue autrefois par
les Britanniques dans cette zone du monde. La Russie aurait ce port en mer
ouverte dont elle a tant besoin.
La lutte pour la possession des détroits
Cette configuration a offert à l'Europe
occidentale trois situations :
A. Sa
neutralisation au profit de la Russie par une sorte de
"finlandisation". Ce danger a existé et s'il ne s'est pas produit, il
s'agit de ne pas l'oublier.
B. Son indépendance par un recouvrement de son rôle
géographique.
C. Le risque
d'être le champ de bataille le plus "économique" pour les Etats-Unis
contre la Russie.
Jordis von Lohausen souhaite une entente
qui ne soit pas celle du loup et de l'agneau mais celle de partenaires pouvant
avoir des complémentarités, en raccrochant les idéologies au vestiaire. Il
verrait un échange sur cette base : accès possibles à l'Atlantique aux Russes
contre des peuples retrouvant leur autonomie et leurs alliances historiques.
Les Etats-Unis ont trois têtes de pont
contre l'ancienne URSS : la Chine, le Moyen-Orient et l'Europe. Les Etats-Unis
ont comme meilleurs défenseurs l'Atlantique et le Pacifique. La Russie n'a rien
de tout cela. Ce que la géographie a donné gratuitement aux Etats-Unis, la
Russie doit le compenser par un surarmement qui a ruiné et ruine son économie.
La Russie qui s'est assurée, par ses conquêtes territoriales, les greniers à
blé de l'Europe ne sait pas produire ce dont elle a le plus grand besoin, les
productions alimentaires. Une économie suradministrée, hyperétatisée est une
catastrophe qui l'assassine quotidiennement. Les peuples non russes, des
religions diverses empêchent la Russie de pouvoir mener de longues guerres.
Elle ne maîtrise pas ses peuples même si elle les asservit.
Par le seul combat idéologique (avec une
guerre psychologique[9]
pourtant efficace), l'Europe aurait pu tomber dans le panier territorial
soviétique. Le communisme a subi de dures défaites depuis 1990[10] et
ne peut pas être considéré comme mort car il renaît de façons diversifiées, les
« milieux dits de la culture » en témoignent amplement. Des questions
peuvent se poser : Les Etats européens ont-ils encore une force morale ?
La démocratie survit-elle mieux que le communisme au sein des pays non
occidentaux ? A-t-on perçu les dangers de l'oubli volontaire de certains passés
pourtant proches ?
La Russie n'a pas pu éliminer la menace
chinoise. L'Europe et la Chine peuvent prendre en tenaille la Russie.
L'explosion démographique que connaît la Chine est un facteur latent de guerre. La Russie peut
percer au Sud par l'Afrique. L'Inde est trop difficile à dominer. L'Afghanistan
et l'Iran sont des proies possibles mais le facteur religieux reste l'obstacle
majeur.
L'Afrique du Sud
Un point d’appui pour soulever le monde
Pour assurer une certaine maîtrise de
l'Europe, la Russie porte un regard sur l'Afrique du Sud car, en prime, elle
contrôle tout l'hémisphère Sud. L'Afrique, conglomérat d'Etats créés dans
l'arbitraire le plus total, a été un terrain favorable pour l'URSS. Les
réalités ethniques, tribales et les structures naturelles d'un continent noir ont été complètement ignorées.
J. von Lohausen souhaiterait qu'une Afrique des peuples soit effectivement
voulue et que l'autodétermination soit réelle. La politique africaine de Moscou
a su utiliser habilement des complexes inculqués aux Européens. Les pays
africains, déclarés libres, ont connu de nombreux massacres et des guerres
ethniques depuis le départ des Européens. Les ethnies sont manipulées avec des
slogans, des armes livrées contre des bases militaires et des monopoles établis
en faveur de Moscou[11].
Cuba a œuvré et œuvre encore de façon efficace, quoique de nouveaux intérêts
ont modifié les enjeux.
La position géographique de l'Afrique du
Sud (voir la carte qui précède) lui donne toute sa force et en fait un enjeu
pour les grandes puissances. Sa dimension territoriale n'est rien face à sa
position qui lui permet de contrôler : la route du Cap, d'être le pôle Sud de
tous les centres mondiaux importants. Comme l'Europe domine l'hémisphère Nord,
l'Afrique du Sud domine géostratégiquement l'hémisphère Sud. Ce pays est presque équidistant de l'Inde et
du Brésil, de Singapour et du Canal de Panama, de Pékin et de Washington, de
Londres et de Paris, de Bonn et de Moscou. Le bastion "sud-africain"
est constitué de la République sud-africaine, du Transkei, du Sud-ouest
africain, de la Rhodésie et du Botswana. Ces atouts sont déjà décisifs pour
celui qui les possède mais cela n'est pas tout. Le sous-sol sud-africain, c'est
le 60% du platine mondial, le 50% des réserves de manganèse et de vanadium, le
25% d'uranium, le 65% de l'or, une profusion de mines de diamants. Le fait
essentiel est que l'Afrique australe possède le 72% des réserves mondiales de
chrome. L'Afrique du Sud est, avec l'URSS, le seul pays du monde producteur de
chrome[12]. Si
les Russes parvenaient à contrôler la Rhodésie : le 62% des ressources
mondiales et de la meilleure qualité, la Russie pourrait étrangler l'économie
de guerre de leurs adversaires car, sans chrome, pas d'acier inoxydable, sans
acier inoxydable, pas d'armement moderne et surtout nucléaire. Si l'Europe est
privée du pétrole transitant par le Cap, elle ne pourrait pas se défendre
longtemps.
Contrôle des matières premières
J. von Lohausen démontre que le contrôle
des matières premières est plus important que celui des capitaux. En cas de
basculement de puissances à l'avenir, cette affirmation se trouverait
confirmée. Depuis les années 1950 jusqu'à nos jours, des crises et des
guérillas ont apporté de profondes modifications à la carte du monde. L'Europe
n'a pas toujours pris conscience des conséquences de celles-ci. L'Europe peine
à porter ses yeux plus loin que son proche horizon, à l'exception notable de la
Grand Bretagne. Par contre, les décideurs du monde économique s'aperçoivent que
la maîtrise des matières premières, des
énergies comme de leurs transports et des mers révèle les véritables détenteurs
de la puissance. Les lois économiques ne présideront pas toujours à leur gestion.
Il y a eu durant un temps long, chez les militaires particulièrement, une sorte
de concentration braquée sur les panoplies guerrières de chacun. Or l'important
ne réside pas dans cet aspect. L'arme par excellence est le blocus économique :
cette arme est de nos jours entre les mains de non Européens. Cette arme, plus
dangereuse que le nucléaire qui lui serait un anéantissement pour tous,
pourrait donner un pouvoir à des décideurs ayant d'autres critères de valeur
que ceux des Européens. Le XXIe
siècle sera le siècle où de nouvelles puissances pourraient émerger et
ce sera la fin du système euraméricain qui donnera naissance à un nouveau
système : chinafricain ? Voilà un paramètre utile à étudier en matière de
prospective.
Géographiquement, la Chine a des atouts.
Sa révolution villageoise a mieux réussi que la révolution urbaine
soviétique. Sa démographie est
florissante. Un besoin d'expansion lui sera inévitable et nécessaire. La langue
comme son écriture sont un bon rempart contre toute influence idéologique non
reconnue par l'Etat. Elle connaît un passé qui unit plus qu'il ne la divise. La
Chine peut s'intéresser à l'Afrique du Sud pour réussir ce que ni l'Europe
centrale, ni la Russie n'ont réussi à faire jusqu'à maintenant. Cela est dans
le domaine du possible et l'actualité des années 2000 en Afrique démontre que
cette analyse de Jordis von Lohausen est pertinente.
Prospectives :
Pour ce XXIe siècle, Jordis
von Lohausen envisage des bouleversements géopolitiques qui auront pour
origines :
1. l'explosion
démographique dans l'hémisphère Sud et en Asie
2. les
mutations climatiques ou écologiques en milieu aquatique comme terrestre
3. les
ressources alimentaires mondiales
4. les
véritables détenteurs des matières premières
5. les maîtres
de voies navigables
Les mouvements d'émigration ne pourront
que s'accentuer aussi longtemps que des Etats ne connaîtront pas une certaine
autarcie alimentaire qu'ils pourraient d'ailleurs disposer s'ils avaient une
volonté commune ! Les sens de ces migrations sont bien définis : direction du
Nord et de l'Ouest, les boat people en Extrême Orient, les Mexicains aux
Etats-Unis et les Asiatiques avec les Africains en Europe.
La population chinoise peut trouver un
espace dans le vide sibérien. Une simple augmentation du niveau des mers peut
avoir des conséquences directes et immédiates au Bengladesh et en Egypte.
Si l'Europe occidentale veut subsister,
elle a besoin de redécouvrir ses interdépendances internes et sa dépendance
envers l'Afrique qui est son complément naturel. La Troisième guerre mondiale
s'est achevée à la Chute du Mur de Berlin avec les 350 conflits de
l'après-guerre. Les peuples d’Europe occidentale y ont été peu sensibles et
redécouvrent avec stupeur la réalité de la guerre à quelques kilomètres de leurs
frontières.
L'élan de puissance qui anime les Etats
est un outil à double tranchant, selon le choix des buts et le choix des
moyens. Cette volonté de puissance qui s'exprime dans le droit du plus fort
peut parfois se fondre dans le moule de la morale mais elle peut être, aussi
malheureusement, être l'oppression des droits des faibles dans une lutte
inhumaine. Pour Jordis von Lohausen, la
puissance d'un éventuel agresseur réside dans ce qu'il convoite et non dans ce
qu'il possède.
L'Europe a bénéficié d'un accroissement
de bien-être en même temps qu'elle a perdu une conscience de soi. Le parapluie
nucléaire américain lui a fait perdre sa volonté de défense. Sa substance
morale est atteinte. Elle possède une richesse mais une richesse sans défense
est une invitation au rapt et au pillage.
L'Europe, comme d’autres continents, doit
redécouvrir les ethnies qui la composent. Une histoire millénaire a uni des
peuples qui doivent véritablement retrouver et leur réelle autodétermination,
et leurs obligations mutuelles.
Face à l'avenir qui reste toujours une
inconnue, nous vivons des développements non encore parvenus à échéances et qui
ne doivent pas nous faire oublier que la puissance est comme l'eau, elle ne
connaît pas d'espaces vides.
Son étude sur la puissance, le courage
d’être ce que l’on doit être, ne vise pas à justifier la guerre. Il voudrait
que la force morale qui a animé l'Europe la soude dans une paix où il n'y ait
plus de victimes souffrant dans le silence. Il veut retrouver cette paix que
définit Valéry en 1919 dans "La crise de l'esprit" :
"Et qu'est-ce que la paix? La paix
est, peut-être, l'état des choses dans lequel l'hostilité naturelle des hommes
entre eux se manifeste par des créations au lieu de se traduire par des
destructions, comme le fait la guerre.".
A travers quelques citations[13] :
« Toute politique tente à manipuler
des hommes et à combler des espaces. Il n’y en a pas d’autre. L’âme de l’homme
et l’espace, tels sont ses champs de bataille. La géostratégie et la
psychostratégie ne sont que les deux faces de la même médaille. », p. 16
« Les inventions peuvent vaincre
l’espace et le temps ; les inventeurs ne le peuvent. Malgré les fusées et
les vaisseaux spatiaux, l’homme est enchaîné par les besoins de son corps. Son développement
physique, sa formation professionnelle exigent une durée de vingt ans, parfois
plus. Le délai d’une récolte à l’autre compte toujours un certain nombre de
mois, voire une année. Et pour nourrir convenablement un million d’hommes, il
faut bien encore des milliers de lieues de terre arable ou dix mille lieues
d’océan se prêtant à la pêche. Chaque minute de la vie de l’homme a besoin
d’une quantité suffisante d’air frais, non pollué. Chaque jour de sa vie
réclame de l’eau potable. Ces faits déterminent la vie de l’humanité bien plus
que chaque progrès technique. Même la seconde révolution industrielle ne peut
rien y changer. », p. 54
« Le surpeuplement est un facteur
d’incertitude, même pour le pays le plus riche et techniquement le plus avancé.
Il signifie une aggravation du danger non seulement en temps de guerre, mais
aussi en cas de crise économique sur le marché mondial. Cette sensibilité à la
crise évolue d’une situation de danger latent vers une misère plus durable,
lorsqu’un accroissement continu de la population la met hors d’état de se procurer
par ses propres moyens les vivres nécessaires. C’est le cas de l’Inde. Chaque
habitant d’une telle contrée n’est plus alors une force mais une
faiblesse. », p.56
« Pour une puissance maritime la mer
est l’espace vital et non une frontière. Ses frontières se trouvent sur les
rivages opposés. », p. 93
« L’Europe - et plus précisément le
Nord de la France, l’espace entourant Paris - constitue le centre géométrique
de l’hémisphère du globe le mieux fourni en terres. L’Europe ne peut se dérober
à cette position centrale, ni au voisinage de la Russie ou de l’Afrique.
L’Europe doit vivre avec pareille situation. Que ce soit dans son intérêt ou à
son désavantage, cela ne tient qu’à elle. », p. 102
« Si les deux guerres mondiales ont
démontré l’absurdité de l’inimité franco-allemande et la deuxième le non sens
de l’hostilité sino-japonaise, elles confirmèrent d’autre part l’insuffisance
de la collaboration, entre l’Europe et l’Asie orientale en vue du maintien de
l’équilibre mondial. », p. 129
« Bien des peuples sont fatigués
d’eux-mêmes. Etre libre, cela demande des efforts. Etre un peuple, cela exige
des sacrifices. Rien de moins exigeant, en revanche, que d’appartenir à un Etat
(quel qu’il soit) ou à une quelconque « communauté économique »
(comme la République fédérale d’Allemagne). On ne vous demandera rien - sauf
payer vos impôts. Il n’y a plus alors de peuple, seulement une population, et,
au sommet, non plus des dynastie mais des partis. L’on est « chez
soi », là où l’on touche sa fiche de paie et où l’on cotise à la Sécurité
Sociale. Ici, comme partout dans le monde de l’habitant déraciné des grandes
villes, l’accompli prime l’évolutif, le passeport prime l’origine, la mode
prime l’histoire. », p. 189
« Les Etats de faible superficie
doivent conquérir pour monter en puissance Ils ont besoin d’espace et de
matières premières. Les Etats étendus, eux, ont besoin d’hommes. Leur conquête
consiste à recruter. Leur gain de puissance, c’est l’immigration. C’est par
elle, et par elle seule, que les Etats-Unis sont devenus, en un siècle et demi,
la première puissance du globe. », p. 236
« ‘’L’artillerie conquiert,
l’infanterie occupe’’ pouvait-on lire, au lendemain de la grande bataille du
matériel de la Première guerre mondiale, dans un manuel d’instruction de
l’Armée française. Aujourd’hui le même manuel pourrait écrire : ‘’La psychologie
conquiert, les blindés occupent.’’. Il y a longtemps que la stratégie n’est
plus l’art de briser par la violence la volonté de l’adversaire. Désormais,
elle consiste à amener celui-ci à ne plus envisager la possibilité même d’une résistance
ou, mieux encore, à ne plus vouloir résister, et donc à ne plus en voir la nécessité.
Cet objectif atteint, le moment est venu d’envahir. », p. 270
« Bien appliquée, la méthode de
guerre psychologique de Sun Tsu entraîne dans le camp ennemi, quatre
renoncements essentiels : - renoncement à la vérité, -renoncement aux
modèles de comportement, - renoncement à l’Histoire, - renoncement au
courage. », p. 276
Bibliographie :
Jordis von Lohausen : Les Empires et
la Puissance, La géopolitique aujourd’hui, Nouvelle édition augmentée
d’une postface, traduction : Elfriede Popelier et Jean-Louis Pesteil, Ed.
du Labyrinthe, 1996, Arpajon, 326 p.
Traduction
de son ouvrage : « Mut zur Macht, Denken in Kontinenten », 1979 et
1981. La première édition du Labyrinthe (Paris, 1985, 312 p., 41cartes) est celle
d’où proviennent les cartes et
les références de page pour cet article.
Autres publications :
Biographische Essays, 1954
Strategie der
Entspannung, 1972 et 1979
Ein Schritt zum
Atlantik, 1973 et 1974
Entscheidung im
Süden, 1974
Russland Kampf
um Afrika, 1975
Strategie des
Überlebens, 1981
Denken in
Völker, Die Kraft von Sprache und Raum in der Kultur- und Weltgeschichte,
d.i.
Reiten für
Russland, Gespräche im Sattel, 1998
En collaboration:
Zur Lage der Nation, 1981
Articles dans „Nation Europa“ et
plusieurs autres publications.
[1]
Historien, collaborateur scientifique pour recherches sur l’histoire de la
sécurité et de la défense, officier d’infanterie et actuellement officier
d’Etat-major d’« Armée suisse ». A présenté divers travaux sur J. von
Lohausen depuis 1997 ainsi que sur l’histoire de la géopolitique.
[2]
J. von Lohausen : Les Empires et la Puissance, Ed. du Labyrinthe, 1996, 2e
éd., p. 321.
[3]
Né le 6 janvier 1907, à Klagenfurt.
[4]
Le titre en français ne traduit pas la dynamique du titre en allemand.
[5]
Le Kenya est un tragique
exemple où les Maasai, parmi d’autres ethnies, ont été refoulés par les
Britanniques alors qu’ils étaient des semi-nomades. Les tribus nomades ont été
les victimes du XIXe de façon générale pour des puissances voulant
s’assurer des espaces.
[6]
J. von Lohausen : Les Empires et la Puissance, Le Labyrinthe, Paris, 1985.
Toutes les cartes proposées proviennent de cette édition.
[7]
Les quatorze points du 8 janvier 1918 : une analyse comparative entre les
faits et les principes énoncés est riche d’enseignements.
[8]
L’auteur écrit en 1979.
[9]
Il y comprend la propagande directe (politique étrangère affichée) ou indirecte
(par des groupes manipulés).
[10]
Selon la nouvelle édition française 1996 de «Les Empires et la
puissance ».
[11]
En 2007, la Chine étend son influence en force sur l’Afrique ; les
Américains cherchent à modifier à leur profit les relations africaines
traditionnellement établies avec l’Europe.
[12]
La Chine s’y intéressera donc plus particulièrement au vu du développement de
ses industries.
[13]
Les renvois de page se réfèrent à l’éd. française 1985 du Labyrinthe. Ces
citations illustrent les divers aspects de la pensée de J. von Lohausen,
synthétisée dans cet article.
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