Saint-Gervais (F-30 200)
Jean-Baptiste Charavel
(1873-1954) :
l’inventeur d’un ossuaire
néolithique.
Antoine Schülé de Villalba
Ossuaire St. Gervais (photo. A. Schülé)
Diverses collines atténuent la force du mistral sur le village de Saint-Gervais.
Coste-Rigaude est cette crête rocheuse qui domine la bergerie Charavel, bien
située sur un replat, au-dessus de la route qui conduit aux Célettes. En mai
1937, un événement rare surgit dans la vie d’un Saint-Gervaisien, observateur
et aussi curieux qu’amoureux de sa terre. Jean-Baptiste Charavel fut intrigué
par des pierres qui dépassaient le sol d’une quinzaine de centimètres. Ces
pierres formaient quatre parallèles entre lesquelles rien ne poussait si ce n’était
un maigre églantier. Sa saine curiosité lui fit découvrir un ossuaire
néolithique.
Jean-Baptiste Charavel
Il est né le 27 décembre 1873, au
hameau de Cornillon, Cazernau, dans le moulin Privat. Il est le dernier de cinq
enfants. Son père Joseph Charavel était meunier et sa mère se prénommait Philomène.
La famille Charavel est de Saint-Gervais : nous y trouvons de
nombreux maçons, charpentiers, très souvent des agriculteurs - artisans. Deux
frères François et Pierre Charavel avaient construit, en mai 1797, la tour de
l’horloge qui est accolée à l’église communale. En 1859, un autre Pierre
Charavel et son frère Louis - Isidore Charavel étaient les meuniers du moulin
de Bayne.
Revenons à Jean-Baptiste. Il étudie à l’école primaire de La Roque qui
est tenue par des Frères. Il devait chaque jour d’école parcourir deux fois
trois kilomètres. A douze ans, mais sachant lire, écrire et compter, il doit
arrêter ses études. Pensons que de nos jours, à vingt ans quelques jeunes
n’arrivent pas encore à maîtriser ces connaissances de base ! Il a un
grand regret de quitter l’école mais il lui faut seconder ses parents autour
des meules.
Les moulins à eau ont des difficultés pour perdurer, la concurrence des
machines à vapeur et les caprices des eaux de la Cèze rendent le travail
difficilement rentable. Il choisit un autre avenir professionnel que celui de
meunier. Il effectue un apprentissage de menuiserie à Bagnols, chez Maître
Bouzigues de la rue d’Avignon. En 1902, il a refait des charpentes de l’église
du temps de l’abbé Ducros.
Il rachète au début du XXe siècle l’atelier d’un menuisier de
Saint-Gervais, appelé à prendre sa retraite. Il s’installe à la Rue du
presbytère.
Il produit chaises, brouettes, fenêtres, ridelles, mangeoires, petits
meubles, tabourets, outils de bois, croix de bois, cercueils. Dans certaines
maisons, il doit exister encore des objets de sa production.
Il est renommé pour la qualité de son travail. Sa passion est de lire,
de prendre connaissance de tout ce qui peut l’instruire, le cultiver. Atlas,
dictionnaire, revue de vulgarisation nourrissent son esprit et son insatiable
besoin de savoir. Avec le temps, il est approché comme un homme de bon conseil
et dont l’avis est écouté de tous : un sage comme il en manque trop de nos
jours.
Il aime rédiger des poésies, il s’intéresse au captage d’une source. Il
répare la vieille horloge municipale. Il construit une bergerie à
Coste-Rigaude et y place un cadran solaire avec une devise : SOL LUCET
OMNIBUS : « Le soleil luit pour
tous ». Et c’est certainement en parcourant les pâturages qui dominent
la barre rocheuse au-dessus de sa bergerie qu’il observe ces pierres qui
l’intriguent en mai 1937. Il creuse.
Dès qu’il s’aperçoit qu’il y a des ossements comme des objets, il
s’adresse à l’abbé Pierre Béraud qui est un historien local, connu et féru
d’archéologie. Tous deux montent régulièrement pour établir une fouille et pour
effectuer un inventaire minutieux (du moins pour cette époque) des découvertes.
Les restes humains et d’animaux sont placés dans des caisses (diverses
photographies en témoignent). Pierre Béraud se passionne et des articles
communiquent la découverte.
Baptiste Charavel touche et observe les objets : sa soif de savoir
n’est pas toujours satisfaite. Pierre Béraud n’est préoccupé que par la
recherche qui lui suffit. Lors d’une présentation orale, un mot malheureux
s’échappe de la bouche de Béraud (qui en parlant de lui le nomme « fossoyeur ») ; dans le public,
Baptiste se vexe et ce sera désormais la brouille entre les deux. Le maire de
l’époque, M. Adolphe Rieu, autorise Baptiste à conserver toutes les découvertes
à son domicile et celui-ci reçoit les visiteurs qui désirent les voir. Il faut
savoir que l’ossuaire se situe sur une parcelle propriété de la commune.
Son ami, le photographe spiripontain, Albert Perret, effectue six cartes
postales qui commémorent l’évènement. Finalement, il confie au « Muséum d’histoire naturelle » de
Nîmes, et non au Musée d’archéologie, sa collection.
Par contre, il lui reste quatre à cinq caisses d’ossements. Il est âgé
de soixante-sept ans en 1939. Il décide de créer son caveau au cimetière
communal. Et là, il place dans le haut les restes humains qu’il a déterrés dans
la position où il les avait découverts. Par des pierres verticales et
horizontales placées sur sa tombe, il a voulu rappeler symboliquement la
disposition particulière des pierres qui avait éveillé sa curiosité, ainsi que
cela est encore visible de nos jours.
Pour lui et sa famille, il se réserve le bas du caveau. Le 3 mai 1954,
il meurt à l’âge de quatre-vingt un ans. Il rejoint les hommes qui étaient mort,
avant lui, il y a déjà plus de quatre mille ans.
Et c’est ce que je vous invite à découvrir maintenant plus en détails,
en recherchant ce que Baptiste Charavel aurait tant voulu mieux savoir de sa
découverte. C’est ainsi le meilleur hommage que nous puissions lui rendre.
Pour poursuivre cet exposé, j’ai étudié ce qu’ont écrit l’abbé Pierre
Béraud et le docteur Jean Arnal. A partir de là, j’ai complété la recherche par
des lectures d’auteurs récents et par l’observation attentive des éléments de
fouille de la vitrine Jean-Baptiste Charavel qui se trouve actuellement au
Muséum d’histoire naturelle à Nîmes et des photographies Perret.
L’archéologie a connu en France un développement depuis 1820 pour
atteindre un prodigieux essor dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Avant de commencer, il m’a paru nécessaire de vous établir une esquisse rapide
de ces temps reculés que nous appelons la préhistoire. Je vous en donne l’essentiel
et il n’est pas nécessaire de tout retenir : chacun retiendra ce qui lui
convient. Si vous êtes sensibles à la naissance de l’humanité, telle que l’archéologie
nous l’enseigne, vous devriez être intéressés.
La préhistoire
La « préhistoire » est
ce temps qui a précédé l’écriture et la première métallurgie.
Suivant les centres culturels étudiés, la fin de la préhistoire varie car
l’écriture comme la métallurgie ne sont pas nées en même temps dans le monde
entier. Certains parlent encore de « protohistoire »
pour la période mégalithique, c’est le temps des dolmens ou menhirs.
La préhistoire se divise en deux grands moments : le paléolithique
qui signifie «pierre ancienne»,
pierre taillée, et le néolithique, «pierre
nouvelle», pierre polie. Essentiellement, l’homme du paléolithique récolte
sa nourriture et celui du néolithique produit sa nourriture. L’homme du
paléolithique est un semi-nomade alors que celui du néolithique serait plus
sédentaire : il est cependant possible que suivant les saisons et selon
les besoins agricoles, il ait effectué des courts déplacements. Le passage
entre ces deux stades s’est fait dans la longue durée, très progressivement et
non du jour au lendemain.
Les spécialistes ont décomposés ces deux espaces de temps en de
nombreuses subdivisions que je ne présenterai pas à l’exception de ce qui
concerne nos ossuaires. En général, la dénomination de ces périodes provient du
lieu de fouille qui a permis une avancée pour la datation de ces temps reculés.
La datation est liée à la technique adoptée pour la fabrication des outils et
la technique comme les formes des poteries.
Ces temps ont connu d’importantes variations climatiques. Des ères
glaciaires ont alterné avec des périodes de réchauffement climatique. Ceci
explique que l’ont peut trouver sous notre climat actuel des restes d’animaux
soit de pays de grands froids comme l’ours, soit de pays chauds comme le
rhinocéros.
Un lieu d’habitation de l’homme peut avoir été occupé en des périodes
différentes : l’archéologie met en évidence les différentes strates qui
caractérisent ces temps et c’est la raison pour laquelle il faut un spécialiste
pour diriger une fouille : une fouille doit permettre l’analyse de tous
les indices ! Certains ne sont pas évidents pour les non spécialistes. Je
rappelle qu’il est interdit de pratiquer des fouilles sans aviser le service
régional de l’Archéologie. D’une part, c’est illégal mais surtout ce serait,
sans le vouloir, détruire de précieux indices qu’une fouille faite dans les
règles de l’art mettrait en valeur.
La principale difficulté pour connaître ces temps reculés est la rareté
des objets non durs : cuirs, écorces, liens végétaux et objets en bois
tendre font défaut. Les pierres dures utilisées résistent mieux au temps :
silex, jaspe, obsidienne, quartz, grès lustré, roches éruptives, tufs
silicifiés, bois durs.
Depuis ses origines, l’homme est confronté à deux objectifs : subsister
et survivre.
Le paléolithique
Il commence : il y a deux millions d’années avant Jésus-Christ pour
se terminer entre 9 000 et 8 000 ans avant Jésus-Christ.
Le témoin le plus ancien de l’origine de l’homme dans le monde est
l’australopithèque qui est daté de 2.5 à 1.9 mio. d’années. Ensuite nous avons
l’Homo sapiens.
Dans le Sud de la France, l’homme de Tautavel, dans les
Pyrénées-orientales, date de 400 000 ans. Il dispose d’outils
perfectionnés sur os et sur pierre. Il chasse le cheval, le lion des cavernes,
le bouquetin. Il nous en reste peu de vestiges car cet homme vivait sur des
sites en plein air qui ont connu une forte érosion naturelle.
Plus proche de nous, à St. Hippolyte du Fort, en 65 000 ans av. J.-C.,
des grottes ont livré les premières sépultures avec des offrandes. Les
squelettes découverts démontrent que l’homme se tient debout et que sa boîte
crânienne se développe. Sa capacité à créer des outils et sa faculté à vivre en
communauté sont les éléments de progrès. On y a trouvé des restes de cerf, de
rhinocéros, de hyène. Nous sommes entre la période interglaciaire le Würm I et
le Würm II.
Au cours du paléolithique, la vie des hommes connaît plusieurs
mutations : psychologique, sociale, et technologique. De la chasse en
solitaire de petits animaux avec un caillou et un bâton, les hommes s’organisent
en groupe et développent des outils de chasse. Les abris naturels comme les
grottes ou des surplombs rocheux conditionnent leur vie en groupe aussi.
Cependant comme la chasse est aléatoire, la cueillette de fruits
comestibles complète sa nourriture. En ce temps, il y a aussi la naissance de
l’art. Les parois de grottes peintes nous ont livré un art où je distingue des
similitudes troublantes entre des statues d’un Giacometti et les personnages peints
de Lascaux !
Les armes et les outils sont perfectionnés.
Les premiers outils sont des galets et des rognons de silex. La pierre
est ensuite travaillée avec des percuteurs. Ce sont des galets ronds, du buis
ou de la corne animale. La percussion de la pierre consiste à frapper le rognon
de pierre dure appelé nucléus. La finesse de l’outil dépend de la qualité de la
percussion et de la finesse des éclats. La pierre taillée devient un biface, c’est-à-dire
comme son nom l’indique, un objet taillé sur les deux faces.
Sur les os humains ou d’animaux, il est possible de distinguer des
traces de dépeçage. Il ne faudrait pas conclure hâtivement que le cannibalisme
ait existé : il peut s’agir d’une pratique funéraire. Certains outils
avaient pour but de briser les os : l’objectif était d’en extraire la
moelle.
Il est intéressant de constater que les vestiges de l’homme du
paléolithique soient semblables sur tout le pourtour méditerranéen. Pour le
néolithique, il n’en ira pas de même.
Ils nous restent des pointes, des racloirs, des couteaux sommaires et
des raclettes. L’analyse des crânes permet de dire que les hommes de plus de 35
- 40 ans sont rares. La mortalité infantile est très forte. Les restes de
mandibules de rongeurs en grand nombre permettent de dire que ces rongeurs
étaient à la base de leur nourriture.
En France, on constate que le travail de l’os et de bois de cervidés servent
à la réalisation d’outils complexes : sagaies, aiguilles, harpons. Les
burins, grattoirs et perçoirs se multiplient. La pêche prend son essor.
La peinture rupestre, pensez aux grottes de Lascaux et Chauvet, témoigne
qu’il y a une mythologie à cette époque. Il y a une cosmologie et nous pouvons constater
que l’homme prend conscience de la nature qui est tantôt une alliée, tantôt une
ennemie. Le sacré se développe sur la reconnaissance de deux principes de vie :
la semence et la fécondité ; c’est pourquoi les principes mâle et femelle
sont honorés de différentes façons (sculptures, objets, dessins mais, ce qui
est trop souvent négligé dans les recherches, aussi des aspects du paysage – un
rocher, une falaise, un pic, un découpage rocheux particulier - pouvaient avoir
des lectures qui nous restent encore dans la toponymie !).
Entre 40 000 et 10 000 av. Jésus-Christ, le climat se
refroidit. Nous avons un climat glaciaire. Cette mutation climatique entraîne
la disparition de certains animaux. Les ensevelissements se font avec des
bijoux, des outils et de la nourriture. C’est la preuve qu’il existe une
croyance à la survie du mort dans un au-delà. Voilà qui est fascinant : la
spiritualité se développe.
Le néolithique
En 10 000 av. J.-C., nous sommes dans le mésolithique et
nous vivons ici un réchauffement climatique qui se produira jusqu’en 5 500
av. J.-C. Les animaux des pays froids migrent vers le Nord. Le renne, le cheval
et l’éléphant sont remplacés par le cerf, le sanglier et le lynx. D’un pays de
steppe, nous avons les paysages qui se modifient : les feuillus font leur
apparition avec les chênes pubescents.
Cette période a été étudiée surtout à partir de 1869 en France. Juste
avant le néolithique, les spécialistes parlent du mésolithique c’est une
période charnière entre le paléolithique et le néolithique : la pierre
polie n’existe pas encore et la poterie n’est pas encore présente.
Sur cet espace temps, il ne faut pas se formaliser avec les dates
pouvant varier de quelques centaines d’années car les groupes humains connaissent
des évolutions plus lentes ou plus rapides selon les lieux. Les stades
culturels ne sont plus uniformes sur le pourtour méditerranéen : il s’agit
de bien s’en souvenir. Il y a des zones d’influence. C’est ce que nous apprend
l’histoire comparative des pays méditerranéens.
Le néolithique commence pour certains uniquement vers 5 500 à 4 500
avant Jésus-Christ jusqu’à l’âge du bronze, c’est-à-dire vers 1 900 à
1 800 avant Jésus-Christ.
Et c’est au néolithique que commence l’histoire connue de Saint-Gervais.
30200 St. Gervais : Ossuaire néolithique (ill. A. Schülé)
Le néolithique est le temps où le nomadisme connaît un recul. La vie
sédentaire débute. Les populations se regroupent en communauté. Les raisons
principales de cette vie en communauté sont l’agriculture et l’élevage. Il se
crée une nouvelle forme de solidarité.
Le néolithique a commencé dans les terres du Proche-Orient. Et il a fallu
attendre près de deux mille ans pour qu’il s’étende à tout le pourtour méditerranéen.
Ce qui est propre à l’art de vie du néolithique a remonté les cours d’eau se
jetant dans la mer. Cette culture est méditerranéenne.
Les poteries imprimées nous donnent le tracé de la progression du
néolithique qui a eu lieu de 6000 à 5000 avant Jésus-Christ : du
Proche-Orient, nous arrivons à la Dalmatie, au Sud-est italien, Toscane,
Ligurie, Provence, Languedoc, Catalogne, Pays valencien, Sud-est ibérique,
Portugal, Oranais, Nord du Maroc. Le néolithique a remonté le Rhône pour aller
jusqu’au Rhin et ensuite au Danube. Du Danube, il y a tout un mouvement
migratoire vers l’Ouest et jusqu’au Sud dont nous retrouvons les traces à
Saint-Gervais.
Les hommes du Proche-Orient ont été des colons engageant ce que nous
pourrions appeler la « première
conquête de l’Ouest » ! C’est ainsi qu’ils ont diffusé leurs
techniques. Il y avait des populations autochtones avant leur venue mais elles
ont adopté les pratiques des émigrants. Il y a eu de la navigation sur la Méditerranée
8000 ans avant Jésus-Christ. Le peuplement d’îles comme Malte, la Sicile, la
Crète, la Sardaigne et la Corse (de l’obsidienne sarde était exportée en Corse)
en témoigne.
De nos jours, nous n’imaginons que difficilement la mobilité de ces
groupes humains : ce qui a faussé plus d’une analyse historique.
Les habitants quittent les grottes et les abris naturels pour constituer
des habitats nouveaux. Empierrements au sol et toits de branchages
forment la maison qui réunit 10 à 12 personnes au commencement. A
Coste-Rigaude, nous pouvons distinguer ces empierrements, de taille identique,
en plusieurs endroits. Il était possible jusque dans les années 1990 de
localiser assez précisément les huttes occupées par les néolithiques.
Le travail du bois nécessitent de nouveaux outils : ciseaux,
gouges et tranchets sont crées. Les haches polies laissent leurs marques non
seulement sur des pieux, des pirogues mais encore sur des crânes voire des
ossements. La hache polie est employée pour des œuvres pacifiques mais aussi
pour la guerre.
Les outils sont plus élaborés. Les archéologues ont trié tous les outils
produits en fonction de différents critères : la nature de la pierre, la
forme et la taille, la coupe, le degré de technicité atteint. De gros blocs de
grès sont des polissoirs et servent à achever le poli des haches ou d’autres
instruments comme les racloirs.
L’homme du néolithique élève des constructions où prédomine le
bois qui est utilisé pour établir des planchers, des murs, des poutres, des fermetures,
des bancs et des lits. Le bois sert aussi la fabrication d’objets
courants : cuillers, plats, battoirs, jougs et pièges. Le bois est
travaillé pour établir les premiers bateaux, les arcs et des emmanchures
diverses. Le silex est très utilisé car la qualité de son tranchant vaut les
meilleurs métaux qui seront produits bien après le néolithique.
Dans les zones lacustres, l’homme du paléolithique a laissé des vestiges
qui sont enserrés dans la glaise. Ainsi, l’archéologue constate que les sacs,
paniers corbeilles et sandales sont de cette époque. Les rameaux de saule,
d’osier, d’orme ou de coudrier sont travaillés. Les liens d’écorce sont
courants.
Le passage à l’âge du bronze en 1 900 av. J.-C. est avant tout une
évolution technologique mais il n’y a vraisemblablement pas eu une mutation des
mœurs aussi importante que celle qui a eu lieu entre le paléolithique et le
néolithique. Les pierres du néolithique ont été utilisées à l’âge du bronze en
même temps que de petites armes ou objets en cuivre et que la création de
bijoux d’or et d’argent comme de plomb.
Le néolithique est aussi le temps de la naissance de l’Europe et nous le devons au Proche–Orient :
c’est véritablement le Proche-Orient qui a permis d’être ce temps fort de la
révolution, la seule vraie révolution d’ailleurs, celle sociale de l’homme
européen. En effet, les secrets de l’agriculture proviennent du Proche-Orient. Ils
nous apportent des semences sélectionnées et il y a un décalage de deux mille
ans entre une technique connue à l’origine par exemple dans le Nord de l’Irak
pour être appliquée ici en Languedoc, en passant par la Grèce et les Balkans.
La production d’armes de chasse comme javelots, flèches et
poignards se développent. Pour amortir les chocs, certaines armes sont munies
de manche de bois. Des lanières d’écorce et de cuir permettent des attaches sur
un support en bois. La première évolution favorable à l’homme du néolithique
est la domestication des animaux. Ainsi, l’homme se libère des
incertitudes de la chasse pour se créer un réservoir alimentaire qu’est son
troupeau Les premiers animaux domestiqués sont le chien, la chèvre et le mouton.
La chèvre semble être la première domestiquée. Il y a différentes
espèces. Certaines sont d’origine locale et d’autres proviennent de pays plus
lointains. Il y a eu des transferts de sélection d’une région à l’autre.
En Europe, il n’a pas été trouvé un ancêtre sauvage au mouton
domestiqué. Il faut en conclure que le mouton est originaire d’un pays
extérieur à l’Europe. Une chose est sûre : en Méditerranée, le mouton est
présent 6 000 ans avant Jésus-Christ.
Plus tardivement, nous avons des bœufs et des porcs. Ils ne sont pas de
la taille de ceux de nos jours : certains musées d’histoire naturelle nous
en proposent des reconstituions, ils nous paraissent chétifs.
Il y a plusieurs espèces de bœufs qui sont les fruits de sélection
locale. Le bœuf est petit, trapu avec des cornes et des membres courts. Il
ressemble le plus à une race qui existe encore dans le Maghreb, la race brune
de l’Atlas. Le volume de viande d’un bœuf reste supérieur au mouton.
Au début, on ne parle pas de porcs mais de suidés. Il est difficile de
distinguer avec les restes osseux un sanglier d’un cochon ! Ils sont de
petite taille.
Après la domestication, l’homme effectuera la sélection pour favoriser
un troupeau répondant le mieux à ses besoins. Cette activité de sélection,
fruit de l’observation, s’effectue dans la longue durée. Le cheval n’arrivera
qu’en dernier dans la nouvelle chaîne alimentaire, en 3 000 avant Jésus-Christ.
Une dent d’équidé a été trouvée dans l’ossuaire. Pourquoi dit-on équidé
et non cheval ? Nous ne savons pas si le détenteur de la dent était plus
un cheval ou plus un âne. Au début, c’est sa viande qui intéresse l’homme. Il
faudra attendre l’âge du bronze (2 000 ans av. J.-C.) pour que le cheval ou du
moins ce qui le représente serve aux travaux agricoles. C’est à l’âge du fer (1 000
av. J.-C.) qu’il servira de monture.
Ces animaux constituent le deux tiers du régime carné de l’homme du
néolithique. Le tiers restant provient encore de la chasse au cerf, chevreuil, sanglier,
castor, lapin et lièvre. L’analyse des ossements abandonnés autour des feux
permet d’être aussi précis sur les menus de ce temps.
Leurs peaux sont utilisées. Nous le savons non par les rares
peaux qu’on trouve à proximité des zones lacustres mais par les outils comme
les racloirs ou grattoirs, en grand nombre, qui témoignent de cette activité.
La domestication permet un complément alimentaire important : le
lait. De nombreuses faisselles découvertes au début du néolithique attestent
qu’il y avait la maîtrise de la fabrication du fromage. Il était produit
à partir du lait de chèvre, de brebis et de vache. Lorsqu’on parle de
faisselles, il faut penser au développement de la céramique.
Les principales cueillettes de fruit proviennent de la nature qui
offre ces produits et ne sont pas encore les résultats d’une production
recherchée. Glands, noisettes, prunelles, châtaignes, noix, olives, mûres,
framboises et airelles sont les fruits saisonniers qui alimentent nos premiers
habitants saint-gervaisiens. Les fruits appréciés de nos communautés du
néolithique sont la pomme, la prune et la poire n’arriveront que beaucoup plus
tard. Comme légumes, la carotte, le chou et l’ansérine[1]
sont produits. De l’Orient ou de l’Afrique arriveront vers la fin du néolithique
les fèves, les pois et les lentilles. Une question préoccupe les spécialistes
est de savoir si les lentilles ont été mises en culture avec des plantes
provenant d’ailleurs ou avec des plantes sauvages d’un lieu et sélectionnées
pour leur production.
La culture des céréales est après la domestication des animaux
une nouvelle évolution considérable. L’épeautre est la première céréale connue.
Ensuite, nous avons l’orge et le blé sauvages. Le panic et le millet viennent encore
plus tard. La conservation des grains devient une pratique usuelle pour
survivre lors des temps de pénurie alimentaire. La culture des céréales
provient du Proche-Orient, une nouvelle fois, car c’est là-bas que les
archéologues ont pu mettre en évidence les traces d’un long apprentissage et
d’une sélection des plants donc des semences. Ces traces n’existent pas en
France. Ce constat est révélateur car cela signifie que les techniques de
culture des céréales ont été apportées par des immigrants déjà initiés. Il y a
un temps long entre la naissance de cette technique au Proche-orient et sa
longue propagation jusqu’à la France et l’Espagne.
Les travaux des champs créeront les besoins d’outils nouveaux
comme l’herminette, le pic, la scie, la faucille (la première faucille est
constituée d’un manche en bois,
légèrement arqué, dans lequel sont incisés de petits silex tranchants mis l’un
à la suite). La transformation des céréales en farine nécessitent aussi des
outils : des meules, des molettes en grès se perfectionnent. Le rouleau à
pâte fait son apparition.
De nombreux objets en os ou en bois sont produits pour répondre à de
nouveaux besoins.
Étoffes et cordes existent. Des écheveaux en bois ainsi que quenouilles
et fusaïoles existent dès cette période. Les tissages des premières étoffes
sont faits avec des fibres d’ortie et de chanvre. Le lin ne sera travaillé que
plus trad. Chacun pense à la laine mais il y a peu de trace qui permette d’en
être sûr pour nos néolithiques.
Les cornes animales sont transformées en manches d’outil.
La taille des outils peut atteindre une finesse qui surprend. Les os de
mouton chevreuil cerf deviennent ciseaux, poinçons et aiguilles. Les os
deviennent aussi spatules, lissoirs et n’oublions pas la beauté de ces dames
comme la marque de puissance des messieurs : peignes et perles.
Le travail du potier prend un essor considérable au néolithique. La
poterie débute mais il faut savoir que les premiers récipients ne supportaient
pas le feu d’une cuisson : les liquides qu’ils contenaient étaient
réchauffés par une pierre chaude qu’on plaçait à l’intérieur du récipient. La
technique de cuisson et la composition des pâtes s’affinent. La poterie devient
plus résistante et elle supporte le feu. Son emploi ne cesse pas d’augmenter. Le
potier produit des marmites, des bouteilles, des gobelets, des assiettes, des
cuillers, des biberons et des pipes comme des vases à grain. Pour les enfants,
des jouets en argile se créent. Des sceaux sont fabriqués en argile pour à
effectuer des tatouages corporels.
La poterie est spécialement étudiée par les archéologues car son intérêt
archéologique est certain comme marqueur chronologique et culturel.
Au début du néolithique, les sépultures sont rares. Il y a plutôt des
tombes isolées. Le corps est replié dans la fosse. Des galeries naturelles
servent de nécropole. Ensuite, il y aura de véritable nécropole avec des tombes
collectives.
Ainsi, après vous avoir présenté brièvement les grandes révolutions du
néolithique, il convient de s’intéresser plus particulièrement à Saint-Gervais
et de revenir à Coste-Rigaude.
Les ossuaires saint-gervaisiens
A vol d’oiseau du centre du village actuel, Coste Rigaude est à peu près
à 1 500 mètres du village. Les ossuaires[2]
se trouvent au-dessus d’une petite barre rocheuse.
Dans la zone des ossuaires, sur le sol nous distinguons de nos jours des
pierres plates disposées en rectangle : vous avez, là, les emplacements
des cabanes. Le premier village se trouvait donc là-haut. Par endroit, il y a des
amas de pierrailles : ce sont des surélévations de pierres qui indiquent
les vestiges d’une enceinte. Dans la zone peuvent se trouver encore des silex.
Pour bien faire, il s’agirait actuellement de relever toutes les traces des vestiges
encore visibles mais perdus dans ce bois pour effectuer le plan du village néolithique
de Saint-Gervais avec ses nécropoles.
Les villages se créaient à proximité des terrains à cultiver
généralement et près d’une source. Au début, il y a une vie communautaire sans
maison de chef et sans lieu de culte. Avec l’accroissement de la population, les
maisons s’agrandissent. Des huttes de branchages et de peaux protègent de la
pluie et du vent. En région méditerranéenne, il y a assez vite des constructions
en pierre. Attention, les murs sont de faible hauteur et le toit est fait de
végétaux. Leur abondance peut expliquer le choix de ce matériau au lieu du bois
qui est privilégié dans le Nord.
L’emplacement de ce village sur une hauteur, un éperon rocheux est caractéristique
du Chasséen. Le Chasséen est une période de temps qui doit son nom au camp de
Chassey, en Saône et Loire. Jean Arnal l’a particulièrement étudiée. Cette
culture s’étend de 4 500 à 3 500 ans av. J.-C. Nous pouvons dire
qu’il y a une culture commune qui se retrouve en Suisse, en Italie du Nord et
en France. Le chasséen est appelé aussi Cortaillod-Chassey-Lagozza.
Cet indice est important car cela signifie qu’il faut penser à la
sécurité. Nous sommes donc en temps de guerre. A la fin du néolithique, nous
assistons à la naissance de ce que nous nommerons plus tard fortins et des
forteresses.
Pourquoi je parle de nécropole ? La tombe découverte par Charavel
est la troisième dans le même secteur. Avant sa découverte, il y en avait
deux :
· une
petite, nous n’avons aucune autre indication que son emplacement et la forme de
l’excavation permet de conclure qu’il devait s’y trouver un, voire deux corps.
· une
aussi grande que la tombe de Charavel mais elle a été vidée il y a fort
longtemps et il ne reste qu’une tombe vide. Il est permis de supposer qu’elle a
été détruite et nous verrons pourquoi plus tard.
Le Dr Jean Arnal a effectué un article sur « Les dolmens de
Saint-Gervais-les-Bagnols (Gard) » dans le bulletin de la Société
préhistorique française[3].
Il a été informé par l’abbé Pierre Béraud qui lui-même parle de la découverte
Charavel dans son « Bagnols-sur-Cèze en Languedoc »[4].
Je reprends les données précises qu’ils nous fournissent et je développe leurs
propos par des éléments d’informations complémentaires.
Jean-Baptiste Charavel a remarqué son dolmen en raison de pierres saillantes
au-dessus du sol. Il faut penser que le tumulus d’un diamètre de 6 mètres était
très délabré.
La chambre funéraire que vous avez vue était recouverte non pas d’une
grande pierre comme on se l’imagine mais d’un amoncellement de pierres. Des
pierres plates aujourd’hui disparues devaient servir de plafonds. On distingue
en fait un petit couloir d’accès de deux à trois mètres, à l’ouest. Une pierre
pouvait osciller pour assurer l’ouverture comme la fermeture de la nécropole.
La chambre sépulcrale a été construite sur un rocher. Elle a trois
mètres de long, environ deux mètres de large et un mètre de profondeur. Les
côtés ont été bâtis de pierres sèches, le fond est fermé par une grande dalle de
2.20 m de large, de 1.50 de haut et de 25 centimètres d’épaisseur. Le fonds est
plus étroit que l’entrée et donne une forme de trapèze à l’ensemble de la
chambre.
La fouille a permis de distinguer trois couches superposées, séparées
par des planchers de pierres plates. C’est le lit inférieur qui est resté en
bon état et qui a livré le plus de mobilier, c’est-à-dire d’objets, en bon état.
Ossements
Des crânes étaient alignés vers le muret gauche. Les strates du milieu
et du dessus ont été bouleversées, il y a fort longtemps, avant la présence des
Celtes dans la région !
De nombreux ossements humains ont été mis en caisses, comme on le voit
sur la photographie agrandie et se trouvent actuellement dans la tombe de
Baptiste Charavel. A son époque, il y a eu près de 4 000 dents
découvertes. Et certaines personnes du village se souviennent d’avoir rechercher
encore des dents, de nombreuses années après.
Il est à signaler que certains tibias étaient alignés en avant des
crânes, plus particulièrement dans le fonds de la chambre sépulcrale. C’est une
disposition particulière qui révèle une pratique funéraire. Pour faire de la
place, les ossements ont été disposés pour inhumer d’autres corps. Cela traduit
un respect des corps des défunts.
Ce qui est surprenant : nous trouvons deux types de crânes ! Les
dolichocéphales (la boîte crânienne est allongée), ils sont en minorité
et les subbrachycéphales (le crâne est arrondi, presque aussi large que
long), la majorité de ce qui a pu être observé. Cette information nous apprend
que, suite à une émigration forte, certains parlaient d’invasion, des hommes à
têtes rondes se sont implantés ici à St. Gervais. Le fait qu’ils soient
enterrés ensemble dans cette même tombe prouverait qu’il y ait eu plutôt un
contact avec assimilation (les questions d’ »intégration » ne datent
pas d’aujourd’hui !). Les crânes brachycéphales sont originaires du
Danube. Les dolichocéphales sont d’origine méditerranéenne. Il y a eu un
mélange progressif avec prédominance des brachycéphales. Les spécialistes retiennent
surtout la différence des orbites.
Dans le Gard, plusieurs crânes ont été trouvés avec des trous
soigneusement taillés dans la boîte crânienne. Les spécialistes ont pu conclure
que l’os s’était reconstitué sur le pourtour de l’orifice après l’intervention.
Cela signifie que la personne a survécu à la trépanation. Nous avons les
preuves que les premières opérations chirurgicales avaient eu lieu déjà à
cette époque ! Nous avons vu un crâne qui avait subi avec succès deux
trépanations.
Pour les os de Saint-Gervais exposés dans la vitrine Charavel, il faut
signaler un tibia qui est marqué spécialement. Il semblerait que la personne ait
été décharnée. Il faut rester prudent et ne pas conclure hâtivement qu’il y ait
du cannibalisme. Cependant, le fait est étrange.
D’autre part, il y a des cassures très franches d’os et il est permis de
se demander si cela n’était pas dû à des objets contondants. Il faudrait pouvoir
analyser la majorité des os découverts pour se faire une idée plus précise.
Avec ces corps, nous trouvons des ossements d’animaux et ils ont pu être
identifiés comme étant de cheval, de bœuf, de chèvre et mouton. Lorsqu’on
trouve des squelettes humains ensevelis dans une tombe : c’est le signe
qu’il y a un culte rendu aux ancêtres, aux morts. Lorsqu’ils sont accompagnés
d’ossements d’animaux : cela signifie qu’il y avait une offrande qui
accompagnait le défunt dans la tombe commune.
Silex
Vous avez la panoplie complète sur une photographie. Flèche, beau silex
blanc. On remarque avant tout la finesse du travail. Il y a aussi de petits
grattoirs dont la finesse nous surprend. Oui, quel pouvait être leur
usage ? La fabrication est très élaborée. Elle est datée du chasséen.
Objets de parure
Des os d’oiseaux et de lapins ont été travaillés et polis. De nombreuse
perles de forme et de nature diverses (en os ou en stéatite, sorte de
craie qu’utilisent encore les tailleurs pour marquer les tissus) ont été
trouvées.
Ces objets ne formaient pas des colliers comme on l’a cru bien souvent.
Ils étaient probablement cousus sur des vêtements.
Pour nous, c’est un signe important qui indiquerait que certains corps
étaient ensevelis avec leurs parures.
14 nasses et 10 cardiums (coques, mollusques acéphales) percés d’un trou
de suspension ainsi que 10 pétoncles (coquillage comestible à coquille presque
circulaire et striée). On y a trouvé des fragments de coquillage découpés de
façon spéciale et certains ont été peints en rouge.
La présence de coquillages indique qu’il y avait des échanges avec des populations
du bord de mer. C’est la trace d’un premier commerce. Il faut savoir que le
commerce du sel est courant à cette époque. Il est certain qu’il y avait du
commerce de fourrures et de silex. Au début, le commerce consistait à effectuer
le troc de matières premières.
La métallurgie bouleverse ce principe commercial. Le cuivre et l’or
nécessitent des techniques particulières. Les forgerons utilisent des
techniques qui sont leurs secrets de fabrication. Les objets qu’ils produisent
sont commercialisés achevés.
Objets de métal
Ces objets sont les plus récents et marquent le début de la période du
bronze. Nous avons des alènes à tatouer, des aiguilles, aux têtes différentes
(tête olivaire, tête roulée) comme l’agrandissement de la photographie vous permettra
de le constater. M. Louis Gleize, ingénieur chimiste, à Vals-les-Bains, a
conclu que certains objets étaient en cuivre. Le Dr Arnal est surpris que cela
ne soit pas du bronze. Il y a encore quelque chose à éclaircir dans ce cas.
Poteries
L’abondance des poteries découvertes surprend. Les vases y ont été placés
entiers. Les fractures sont dues aux violations postérieures des tombes. Le
vase le plus important est une tasse hémisphérique qui ne figure pas dans la
vitrine Charavel du Musée d’histoire naturelle alors que nous en trouvons le
dessin dans l’article d’Arnal et sa photographie sur le cliché Perret. Il
s’agit d’une poterie noire, exceptionnelle.
On y trouve divers tessons ornés de colombins à impressions digitales et
disposés en résille, une petite tasse à anse.
Les restes de poterie sont caractéristiques du chasséen.
L’anse primitive est l’anse à mamelon et nous avons les vases plus
récents avec des anses recourbées.
Par ces poteries, nous pouvons affirmer qu l’homme du mésolithique
utilisait déjà cette tombe. Cela nous fait remonter au début du
néolithique !
Pierres polies
Elles figurent sur la photographie Perret mais elles ne sont pas
exposées dans la vitrine Charavel du Musée d’histoire naturelle. M. Perrier a
pu me transmettre la photographie de deux haches. Ce sont des galets polis
ayant servi. Ils ont été trouvés à la Moûte. Il faut savoir que les Romains,
arrivant bien plus tard, recherchaient les haches polies du néolithique et leur
prêtait un pouvoir spécial, prophylactique : ils les déposaient sous les
fondations de leur villae. La hache bipenne a toujours été dans de nombreuses
civilisations le symbole de la puissance et du courage.
Il y a eu des tentatives évidentes de destruction des mégalithes entre 1
900 et 1 800 av. J. C. Nous sommes dans la période du bronze ancien. Il y a eu
dans la région de nombreuses destructions partielles mais on poursuivait tout
de même des inhumations dans ces tombes ! Une nouvelle pratique funéraire
prend le dessus : il y a retour à l’ensevelissement isolé. Le corps est
déposé sur le côté, en position fléchie dans un petit coffre fait de dalles verticales,
dalles en pierre au début et en céramique plus tard. Mais nous sommes avec ce
type de tombe plus à Coste-Rigaude mais dans plaine saint-gervaisienne et cela
pourrait faire l’objet d’une autre étude. C’est en 1 200 à 800 av. J.-C.
que la crémation se généralise pour un certain temps alors que le retour à
l’ensevelissement des corps reprendra après.
Conclusion
Les ossuaires témoignent de la fin du mégalithisme dans cette région.
Nous pouvons affirmer que cette tombe a été utilisée pendant plusieurs
millénaires et jusqu’à la fin de l’âge de la pierre polie et au début de l’âge
du cuivre. Pour la dernière strate, on parle de la période de l’énéolithique
(de la chronologie Helena rectifiée). Cette période est encore caractérisée par
la construction de chambre en pierres sèches qui peuvent être avec ou sans
dalles de fond. Le cheval apparaît à St. Gervais en 3 000 av. J.-C.
Il y a une augmentation des brachycéphales ou subbrachycéphales :
les bracelets sont de leur production. Les anciens constructeurs de dolmen, les
dolichocéphales s’effacent progressivement. Il y a eu un mélange entre
eux : était-il pacifique ? Cela semble probable car ils sont ensevelis
ensemble sans distinction.
La destruction des dolmens qui est évidente et fort ancienne. Elle a été
faite de façon volontaire par les hallstattiens. Il s’agit de la civilisation
des champs d’urnes. Elle a favorisé la diffusion de la métallurgie. Elle
pratiquait la crémation à ses débuts et, ensuite, elle est retournée à
l’ensevelissement des corps.
La tasse à anse circulaire est une pièce essentielle une autre similaire
a été trouvé dans la grotte des frères à 35 Km d’ici et au Musée[5]
de la Société archéologique de Montpellier. Il se trouve des similitudes avec
des poteries que l’on retrouve en Suisse, à Fenil (Palafitte suisse) : la
poterie dite des « palafittes » ou « de Polada ». Et des
poteries semblables à celles de Saint-Gervais ont été trouvées au camp de
Chassey (spécialité du Dr Jean Arnal), en France, et en Ligurie, en Italie.
Cette similitude dans la fabrication comme dans les formes démontre qu’il y a
eu des échanges culturels déjà dans ces temps reculés. Et cela force
l’admiration.
Le plus important à retenir est que nous sommes face à une pratique
funéraire qui traduit une pratique religieuse. Certains morts sont habillés
avec des objets précieux, mais pas tous les morts. Les poteries et les haches
comme les offrandes animales qui accompagnent la dépouille nous disent tout
simplement que l’homme du néolithique croyait en une vie après la mort. Ce
n’est pas forcément la résurrection
telle que les Juifs ou les Chrétiens ou les Musulmans la conçoivent. Mais
n’oublions pas que la civilisation égyptienne bien avant le judaïsme croyait
déjà à des formes de résurrection.
Ignorer les informations qu’apporte cet ossuaire serait regrettable et
il y aurait encore beaucoup à écrire mais je ne veux pas allonger ce texte.
Rendons hommage à des Jean-Baptiste Charavel qui méritent autre chose que l’oubli
et c’est pourquoi, sans viser des ambitions électorales ou un besoin de se
faire valoir, je me passionne pour ce terroir pour ce qu’il est : aimer
son pays, c’est connaître son passé ; ignorer ses racines, c’est
construire du sable !
Conférence revue en mars 2017 mais donnée à Saint-Gervais, novembre 2004.
Contact possible : antoine.schule@free.fr
Résumé
Charavel, Jean-Baptiste :
* 27 décembre 1873 Cazernau (Moulin Privat), + 3 mai 1954, St. Gervais. Fils de Joseph (meunier) et de
Philomène Charavel. A fait ses Etudes primaires à l’école des Frères de La
Roque-sur-Cèze. Après un apprentissage de menuisier chez Me Bouzigues de la rue
d’Avignon à Bagnols, il s’installe à St. Gervais. Son travail est vite reconnu
pour sa qualité. Son temps libre est consacré à s’instruire et à se cultiver.
Il aime à rédiger des poésies.
En mai 1937, des pierres dépassant
du sol à Coste-Rigaude, barre rocheuse à 1.5 Km au nord du village, attirent
son attention. Une fouille est faite et il s’agit d’un ossuaire néolithique. Trois
strates correspondent à trois périodes d’occupation différentes. Cet habitat (qui
se retrouve dans le sud de la Suisse – Cortaillod, comme dans le nord de
l’Italie, - Ligurie) est à l’origine du Chasséen (- 4 500 à - 3 500 ans
av. J.-C.), ce nom est dû au camp de Chassey, en Saône et Loire. Des crânes
soigneusement rangés sont dolichocéphales (boîtes crâniennes allongées) et
subbrachycéphales (crânes arrondis presque aussi larges que longs, qui
finalement remplaceront les dolichocéphales) : deux races se sont
mélangées.
Les éléments principaux de cette
fouille sont déposés au « Musée
d’histoire naturelle » à Nîmes : des silex dont un grattoir et
des flèches ; de nombreuses poteries qui devaient contenir des offrandes
accompagnant les défunts (attestation de la croyance en une vie après la mort) ;
des parures en os d’oiseaux ou de lapins comme en stéatite (sorte de craie) ou
des coquillages ; des alènes à tatouer, des aiguilles (bronze et cuivre).
De nombreux ossements découverts
sont déposés dans la tombe de J.-B. Ch. en l’actuel cimetière de St. Gervais.
Antoine
Schülé
Illustrations :
Nombreuses mais mention
obligatoire : Musée d’histoire naturelle de Nîmes.
Bibliographie :
Pierre Béraud : Bagnols-sur-Cèze en
Languedoc, de la pierre polie à l’atome désintégré. Maison Aubanel Père.
1957, p. 17-19 ; Jean Arnal : Les
dolmens de Saint-Gervais-les-Bagnols, DPSF, fasc. 1, p. 93-96 ;
Antoine Schülé (inédit) : Jean-Baptiste
Charavel et sa découverte ; Louis Brun : Jean-Baptiste Charavel et l’ossuaire néolithique de St. Gervais.
Remerciements :
M. Gérard Gory du Musée d’histoire naturelle à Nîmes.
[1]
Nom vulgaire de la plante appelée chenopodium ou pied d’oie.
[2]
Coste-Rigaude - Les Perrières, section B du cadastre, parcelle no 599,
propriété de la commune.
[3]
BSPF, 1951, fasc. 1 p. 93 à 96.
[4]
Sous-titre : De la pierre polie à l’atome désintégré. Maison Aubanel Père.
1957. p.17 à 19.
[5]
Collections des frères des Ecoles chrétiennes.
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