vendredi 29 juillet 2016

Armée et pacification : des regards sur le 19 e s. pour ce 21 e siècle...

Armée et pacification au XIXe siècle :

 éléments pour une réflexion au XXIe siècle.


Antoine Schülé
Ecrit en juillet 2004

Introduction

Globalisation et fragmentation

Le XXIe siècle est face à une globalisation imaginée ou voulue ou perçue de façons très différentes, selon la perspective d’un Européen, d’un Américain des Etats-Unis, d’un Africain ou encore d’un Asiatique. Une caractéristique internationale était déjà remarquable dans la deuxième moitié du XXe siècle : les grandes explosions minoritaires se produisent partout sur la planète. Et l’entrée dans le XXIe siècle n’a pas pu les gommer d’un coup de baguette magique comme certains experts internationaux l’avaient parfois cru et imprudemment annoncé.

Pour comprendre ces puissances minoritaires[1], il faut remonter dans le temps. Cela peut rendre chagrin les spécialistes qui restent persuadés que nous vivons des temps tellement nouveaux que l’étude du passé ne sert à rien. Les histoires des hommes, de leurs lois, de leurs mœurs ont permis les constitutions d’Etats, de civilisations, de communautés. Les droits que nous connaissons actuellement est l’expression de rapports de force qui se sont succédés à divers moments donnés. Diverses légitimités politiques, et non pas une, ont consacré les droits. Nous vivons dans un monde divers et non pas unique : la globalisation ne doit nous le faire oublier.

Il nous faut vivre le pluralisme et cela va au-delà de la tolérance. En effet, le pluralisme permet d’accepter diverses conceptions du bien alors que la tolérance exprime une seule notion du bien par rapport à d’autres valeurs, tolérées parfois mais aussi rejetées au nom même de la tolérance (voilà tout le paradoxe qu’illustre un Voltaire, intolérant en traitant l’Eglise d’Infâme, des Juifs de bêtes puantes, etc. : propos d’un Humaniste que l’Histoire, du moins ceux qui La font, veut dépeindre comme un apôtre de la tolérance). Avec la tolérance, ces autres valeurs sont mesurées à une seule aune c’est-à-dire à une seule notion du bien mais qu’est-ce que le bien ? Comme la vérité d’ailleurs ? C’est ainsi que sans rougir, certains Etats sont parvenus à magnifier la « tolérance zéro » dans les relations internationales (ce qui demeure une utopie car ce qui est accepté dans un Etat est refusé dans un autre[2] !).

Ainsi, en introduisant ce sujet qui nous réunit aujourd’hui, il est nécessaire de garder à l’esprit qu’il y a et y aura toujours des minorités ethniques, linguistiques, religieuses et culturelles. Les ignorer, c’est aller au devant de conflits non seulement politiques mais encore, par escalades successives, c’est être confronté à des guerres civiles.

La troisième guerre mondiale, sur laquelle les spécialistes ont tellement disserté, sera probablement un embrasement planétaire de guerres civiles aux origines très diverses et parfois totalement différentes, ne connaissant plus de frontière, plus de loi. Le terrorisme international en est une forme d’expression mais cette dénomination doit être plurielle : les terrorismes internationaux. S’il y avait un seul terrorisme tout serait plus simple mais nous avons dans le monde une mosaïque de terrorismes, travaillant encore isolément mais un échange de techniques, de moyens, de formations se crée, des liens se nouent. Le stade ultime sera atteint lorsque les diverses expressions du terrorisme seront soit réunies temporairement, soit en confrontations entre elles.

Affirmation d’une puissance dans un pays tiers, vous pensez en raison de l’actualité aux Etats-Unis et à l’Irak, mais l’histoire offre d’autres exemples qui peuvent alimenter la réflexion. C’est le but de mon exposé. Pour ne pas tomber dans la polémique de l’actualité, je désire considérer plusieurs cas de figure du passé intéressant notre approche.

Les frontières : expression d’une incohérence

Les frontières sont des sources de guerre : Chine, Afrique, Europe centrale… Il importe de savoir comment et quand elles ont été constituées. Par qui ? Surtout ! En un temps où l’on parle de responsabilité en cas de guerre, ne faudrait-il pas tenir compte des créateurs de certaines frontières qui ont ignoré des minorités ? Il faudrait d’ailleurs s’entendre sur le mot minorité car il est des cas, en Afrique par exemple, où ces minorités étaient ou sont majoritaires chez eux !
L’école historique marxiste a réglé le cas en affirmant que les nécessités économiques ont conditionné les volontés des puissances. L’explication est un peu courte. En fait, les économistes n’ont pas décidé des frontières. Par contre, les politiques ont la responsabilité devant l’histoire des frontières tracées et imposées. L’Afrique est typique pour ces lignes de frontière ne respectant ni les peuples, ni les lignes de frontières dites naturelles (si souvent recherchées en Europe, de façon illusoire et parfois grotesque lorsque la simple curiosité vous pousse à les visiter dans le terrain) : nous sommes à la source de guerres civiles actuelles qui ne font que commencer si rien n’est fait pour éliminer ces zones de tension. La Chine mène une politique discrète et dont on ne parle quasiment pas pour établir des frontières sûres avec les pays à l’ouest de son territoire. Entre l’Inde et la Chine, des troupes s’observent.
L’Irak recherchait ses frontières : cela a pesé dans la première guerre du Golfe. Soumettre un Etat producteur de pétrole et ayant une position stratégique clef sur le plan planétaire a motivé la seconde.

Le XIXe siècle pèse sur le XXIe siècle

Pour comprendre ces situations belligènes de nos jours, il faut donc remonter au XIXe siècle. Notre actualité est une conséquence directe de la politique des Etats du XIXe siècle. Ignorer cette vérité, c’est refuser de comprendre le présent, c’est s’empêcher d’établir une prospective constructive pour l’avenir.

Eviter un faux débat

Il ne s’agit pas de faire l’apologie du colonialisme ou d’ouvrir le débat sur l’impérialisme et le colonialisme, en se gargarisant de principes humanistes qui ponctuent les discours politiques et sont complètement ignorés dans les faits. Non ! Nous voulons rester pratiques. Nous voulons percevoir les critères admis par les politiques et les conditions réunies par les militaires pour pacifier des territoires extérieurs à l’Europe, c’est-à-dire les colonies au XIXe siècle.

Précisons d’entrée qu’il y a eu autant de colonialismes que d’Etats colonisateurs ou puissances. La lutte anticolonialiste a caricaturé les politiques coloniales des Etats en un modèle unique qui prédomine encore dans les esprits, de gens reconnus pourtant comme cultivés, vous savez ces « Intellectuels », si bien accrédités par les media que leurs dogmes sont devenus le « Nouvel Evangile » des peuples occidentaux. Cela est une erreur grave d’un point de vue historique. La France et l’Allemagne ont adopté des politiques en la matière fort différentes de l’Angleterre ou que des Etats-Unis (Californie) ou encore que l’Espagne ou le Portugal. Pour analyser cela, il faut cesser d’adopter les seules considérations économiques comme étant le plus petit dénominateur commun entre eux mais n’étant pas le plus décisif. Les considérations géopolitiques ont plus pesé sur le choix de colonies mais ces considérations sont les plus ignorées du grand public.

Des mémoires différentes

Le colonialisme est un sujet délicat car il y a différentes mémoires suivant l’Etat qui a exercé la puissance et suivant l’Etat qui l’a subie. D’ailleurs la décolonisation ou l’acquisition de l’indépendance, vous entendez deux expressions qui traitent de la même chose mais qui vous donnent deux perspectives différentes, seraient aussi sources de réflexions. Les luttes pour l’indépendance n’ont en fait que changé les dépendances. L’indépendance est quelque chose de très abstrait quand on perçoit toute l’interdépendance des Etats qu’elle soit voulue ou non ! L’indépendance ne pourrait exister que dans une autarcie et cela est encore moins possible de nos jours qu’autrefois.

Depuis que les civilisations existent, il y a eu des immigrations et donc des émigrations. Les Celtes, c’est-à-dire les Gaulois, sont à l’origine des Galates qui ont vécu au Nord de la Turquie ! Nos peuples se sont constitués par assimilation, par insertion, par intégration ou par rejets, basés sur des refus de la différence religieuse ou ethnique et out simplement par la force (Pays-Bas, Belgique, Pologne, etc.). Le « droit à la différence » est une expression contemporaine mais en fait les Grecs par rapport aux Romains dans l’Antiquité, l’ont déjà revendiqué ! Au final, la culture grecque a prédominé la culture latine alors que les Romains ont eu la victoire militaire. Ainsi, l’histoire donne de multiples cas où l’immigration est perçue soit comme une invasion soit comme une intégration enrichissante mais entre les deux extrêmes, il y a toute une gradation qui s’est exprimée dans le temps et qui compose l’originalité de nos cultures.

Colonies[3]

L’occupation d’Alger est décidée par Charles X. La Monarchie de Juillet a achevé la conquête de l’Algérie.

Napoléon III a fait annexer : Mayotte, les Iles Marquises, Tahiti, la Nouvelle Calédonie, le Sénégal, la Cochinchine et le Cambodge.

La troisième République a poursuivi une politique de conquête et de colonisation. Des années 1880 à 1919, les territoires administrés en plus par la France sont : le Gabon, la Tunisie, le Sahara, le Tchad, la Mauritanie, le Soudan, la Haute-Volta, le Dahomey, le Niger, le Tonkin, l’Annam, la Somalie, Djibouti, Madagascar, les Comores, la Polynésie, les Nouvelles Hébrides, le Maroc, le Togo, le Cameroun, le Liban, la Syrie.

La population française est peu informée des colonies. L’école parle de la colonisation comme d’une mission civilisatrice. Il faut véritablement attendre la Première guerre mondiale pour que la population fasse connaissance avec des indigènes comme les spahis marocains et les tirailleurs sénégalais.

La colonie française est généralement une forme d’organisation qui correspond à la doctrine de l’assimilation. Cela nécessite de recruter des fonctionnaires, l’envoi massif d’instituteurs, de médecins, implanté toute une infrastructure économique de type occidental.

Le protectorat recherche une association. Les théoriciens britanniques parlent de l’Indirect Rule mais selon une application très spécifique à la Grande-Bretagne. Lyautey s’est inspiré aussi d’un associationniste De Lanessan, ancien gouverneur général en Indochine et républicain. Gouverner les colonies avec les élites indigènes est son principe majeur. L’avantage de ce système est son moindre coût.

Le gouvernement politique français n’a jamais choisi entre ces deux méthodes. Il est possible de dire que pour la France, il y avait un véritable « patchwork » législatif. Trois tendances pèsent sur les choix pour les colonies : le parti colonial, le monde des affaires, les grandes compagnies concessionnaires. Le souci de rentabilité a prédominé comme toute conquête de territoire l’exigeait et peu importe sous quel prétexte cette action était admise ou autorisée.

Relation du dominant au dominé

Peut-on établir une corrélation entre la métropole et les colonies d’une part et une grande puissance de la globalisation et un petit Etat ayant des richesses naturelles d’autre part.
Oui dans un certain sens et surtout au niveau de la relation mentale entre le dominant et le dominé.

D’un côté, vous avez celui qui estime être le gouvernement politique le meilleur et d’avant-garde (sa technologie - armement principalement - lui donne en fait cette certitude mais la technologie n’est pas le critère absolu d’une supériorité politique, morale, culturelle ou religieuse : comme si cela pouvait être le cas ?). D’un autre côté, vous avez «les Autres » : sous ce label généraliste, le dominant ne cherche pas à établir des détails, cela est pour lui inutile.
Le dominant détient le Pur, le Bien, le Savoir et même le Don d’Amour alors que les Autres sont l’Impur, le Mal, l’Ignorance et le Besoin d’Amour. Vous pouvez peut-être être choqué des mentions « Don d’Amour » ou « Besoin d’Amour » mais cela est important : le dominant veut établir une relation de type paternaliste particulier (dans son esprit du moins) entre lui et le dominé. Pour sa bonne conscience, il veut être celui qui punit et récompense, selon ses critères ou ses « valeurs » bien entendu.
L’Autre reste à ses yeux un être dans l’enfance de l’humanité, confiné aux ténèbres de l’ignorance et dans l’incapacité à contenir ses pulsions. Il faut tout lui apprendre : c’est lui refuser d’être ce qu’il est pour le transformer en ce qu’il ne peut pas être, du jour au lendemain. Il faut trois générations pour faire perdre à un individu ses vraies racines (aussi bien culturelles, religieuses ou politiques) : cela représente un espace temps de 60 à 100 ans, si tout se déroule sans heurt ! 

Le lobby colonial voit trois intérêts économiques dans la conquête des territoires : placement de capitaux à l’extérieur, écoulement de produits manufacturés de la métropole, approvisionnement de la métropole en denrées militaires et en matières premières.  

Une « philosophie »[4] de la colonisation

Cependant, il s’agit de ne pas oublier qu’il existait au XIXe siècle une « philosophie », aussi bien laïque que religieuse, de la colonisation.

Le français Jules Ferry, le républicain laïc et franc-maçon, disait, je cite : « les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. », un droit qui est d’ailleurs un devoir car « elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. ». Il reprochait à la monarchie de sacrifier les colonies alors que les colonies feraient, selon lui, la grandeur de la France. Jules Ferry a développé une puissance maritime : pas de marine efficace sans point d’appui : « nécessité d’avoir sur les mers des rades d’approvisionnement, des ports de défense et de ravitaillement ».

En Angleterre, cette conception était aussi dominante et antérieure : elle s’accompagnait d’un messianisme religieux anglican. Après la victoire de Pretoria, Lords Roberts ordonna de rendre grâce « au Dieu de la race impériale ». Cecil Rhodes a écrit dans son testament que, s’il y a un Dieu, « il travaille d’une manière visible à faire de la race anglo-saxonne l’instrument choisi à l’aide duquel il amènera un état social fondé sur la police, la liberté et la paix. ». Chamberlain n’hésitait pas à proclamer : « Nous sommes une race maîtresse prédestinée par nos qualités aussi bien par nos vertus à nous étendre dans le monde. »

Au XXIe siècle, le dirigeant de plus d’une grande puissance ne renierait pas ces propos ! Alors que les médias parlent d’un phénomène nouveau : certainement, leur culture historique ne doit pas être très développée et leur ignorance du XIXe siècle est certaine.

Armée et colonisation[5]

L’histoire enseignée donne des images fausses bien souvent du rôle de l’armée dans la colonisation. On peine à sortir des caricatures imposées par les anticolonialistes. De même que l’historien officiel Lavisse avait voulu donner une image idyllique de la colonisation. La vérité se trouve entre deux. Penchons-nous un peu plus sur le rôle de l’armée, en quelques mots.

L’Armée a bien été l’instrument de la conquête coloniale. Cette conquête a été voulue par les politiques aussi bien de la Monarchie, que de l’Empire et que de la République. C’est sous Gambetta et Ferry que le Soudan, la Tunisie, le Tonkin ont été occupés dans les années 1880.

En 1897, Jean-Louis de Lanessan ancien gouverneur de l’Indochine et future ministre de la Marine et des Colonies dans le ministère Waldeck-Rousseau, écrit que : «Il ne faut surtout jamais confier à l’autorité militaire la direction des affaires d’aucune colonie. Par son éducation, par ses intérêts personnels, par les excitations dont elle est entourée, l’Armée est irrémédiablement poussée vers l’emploi de la force. Elle tient moins à prévenir des désordres qu’à les réprimer, et les pertes qu’elle subit ne font que l’encourager dans la voie des expéditions sanglantes, car de la mort des uns résulte l’avancement des autres.»[6]

Cependant, Galliéni, Lyautey, Joffre, Mangin ont été des militaires colonisateurs de grandes envergures et qui ont su être fidèles au régime politique en place et subordonné à l’autorité civile, sans se départir d’un esprit critique à l’égard de celle-ci[7]. Etre subordonné, ce n’est pas se taire mais parler à bon escient et à qui de droit sans effusion médiatique ou goût de l’éclat.

Certains administrateurs civils de colonie ont été incompétents mais ayant des appuis politiques et cela doit être reconnu. Au Soudan, en 1894, un Grodet se comportait en tyranneau pour surveiller les militaires avec une susceptibilité maladive.

Lyautey[8] a eu pour règles :
·       éviter et limiter au maximum l’emploi de la force
·       présenter dès le début une image d’une France humaine et généreuse (actions médicales)
·       faire de l’armée coloniale une école d’éducation et de civilisation

Les officiers se sont mis dans les colonies à l’école de l’initiative, de l’endurance et de l’énergie.

Quatre des huit maréchaux de la Grande guerre se sont formés outre-mer : Galliéni, Franchet d’Esperey, Joffre, Lyautey.

Quatre cas d’école

Pour traiter ce sujet, quatre cas ont été retenus : Algérie, Madagascar, Mexique et Maroc. Le choix s’est porté sur eux en raison de la valeur « cas d’école » qu’ils représentent et en raison des succès ou des échecs qu’ils mettent en évidence. Il vous appartiendra au regard de ces faits historiques de vous forger une opinion et, pourquoi pas, de revisiter les pages d’histoire en considérant toute la richesse  en expériences variées encore mal exploitée qu’elle renferme et les conséquences que ces pages d’histoire ont sur notre actualité.

·                l’Algérie avec Thomas Bugeaud (1784-1849) : les leçons d’une guerre asymétrique espagnole.

Ce cas illustre l’armée et la conquête. Le grand public a tendance à croire que l’Armé par ses représentants les plus hauts placés désirait la conquête.

Le cas de l’Algérie mérite d’être conté. En fait, plusieurs hauts responsables de l’Armée ont étudié les demandes des politiques avec sagesse. Ils craignaient que les forces françaises soient engagées dans des opérations lointaines car elles pouvaient compromettre les nécessités immédiates de sécurité de la France.
Bugeaud, par exemple, a établi au départ un réquisitoire contre la conquête de l’Algérie. En 1838, il disait déjà et c’était véritablement prémonitoire, qu’il la considérait comme « le plus funeste présent que la Restauration ait fait à la Monarchie de Juillet »[9].
L’éloignement du champ de bataille européen toujours possible en était la raison principale.

Le propre d’une armée est de soumettre l’adversaire par l’usage ou le déploiement de la force armée. Cela ne peut pas faire de doute. Mais cet aspect ne doit pas occulter les missions politiques et administratives dont elle a assumé les charges. Ces derniers aspects ont sans doute fait la particularité des armées françaises dans les colonies.

Pour soumettre par la force, deux doctrines ont été mises en application : la méthode du maréchal Valée et celle de Bugeaud. Au début, dans les années 1830, les français occupent les ports pour protéger le commerce français, lutter aussi contre la piraterie en Méditerranée. Les projets de colonisation ou d’occupation totale connaissent des difficultés et des échecs avec Valée. L’engagement de l’artillerie est trop difficile, la politique des forts occupés et dispersés sur le territoire ne fonctionne pas. Abd El Kader obtient de nombreuses victoires en raison de sa mobilité et de sa capacité à conduire les tribus au combat.

Bugeaud établit quant à lui une sorte de doctrine de « pénétration pacifique ». L’objectif était simple : économiser des vies, économiser des ressources de la nation comme du pays colonisé, respecter ainsi certaines préoccupations humanitaires.

Bugeaud a établi cette doctrine suite à des expériences fâcheuses et mortifères où il s’était aperçu que des conquêtes avec un grand nombre de victimes ne créaient qu’une plus grande résistance. Des villages rasés, des récoltes détruites, des vergers arrachés n’étaient pas propices à se concilier les populations locales. La religion musulmane considère comme grand crime le fait de détruire des vergers alors qu’elle pouvait tolérer le principe des prises de guerre.

Il s’agit de ne pas oublier que Bugeaud avait en mémoire les guerres de Vendée et surtout la guerre d’Espagne où la France a accumulé des expériences totalement oubliées du grand public et des politiques de nos jours. Rappelez-vous que la résistance espagnole à Napoléon est un exemple caractéristique de guerre asymétrique ayant eu un plein succès malgré les forces imposantes déployées par la France. Vous pouvez constater le poids de l’histoire récente, d’une vie d’homme, dans l’appréciation des faits pour mener une mission nouvelle, une mission à accomplir.

Son expérience démontre que l’administration civile est plus lourde, plus coûteuse et moins efficace que l’administration militaire. L’armée peut effectuer des travaux importants de génie à moindre coût alors que les civils colons n’avaient ni les bras, ni les moyens financiers d’assurer des travaux d’importance comme routes, ponts, villages nouveaux, dispensaires, etc. Les routes favorisaient :
·       le commerce des habitants locaux,
·       l’écoulement des produits de la métropole,
·       le déplacement des armées,
·       un meilleur contrôle des territoires.

Le génie était après les forces combattantes (infanterie et cavalerie) la troupe la plus mise à contribution dans les activités de pacification.

Cet exemple devrait démontrer si besoin était de l’utilité de l’histoire pour accomplir des actions à réaliser dans le futur. 

·       Madagascar et Joseph Gallieni (1849 – 1916) : connaître le pays où l’on est envoyé en mission.

Il a conduit des opérations au Soudan, au Tonkin puis à Madagascar

Il a œuvré pour la rédaction d’études géographiques et ethnologiques sur les territoires administrés par la France et sur leurs habitants.

A Madagascar, il a fondé l’Académie Malgache. Il a perçu, lui aussi, toutes les limites de la politique de la canonnière, considérée comme normale par les gouvernants, des politiques donc. Il a réalisé toute l’utilité de connaître les particularités « ethniques » ou « raciales » (au sens où on l’entendait au XIXe siècle). Concrètement, cette connaissance des peuples a permis de déterminer la construction politique existante d’un pays pour mieux pouvoir travailler avec.

Pourquoi ce réalisme ? Il a le souvenir des expériences malheureuses liées à l’ignorance des conquérants quant au pays conquis[10]. Chacune de ses missions démontre que la conquête militaire est un moment assez facile pour celui qui dispose de la puissance technologique c’est-à-dire de l’armement. Par contre, les problèmes arrivent lors de la gestion de la conquête. Considérons le XXe siècle et l’ensemble de ces victoires militaires, au prix du sang versé, rendues inutiles par des politiques, esclaves de leurs idéologies et de leurs intérêts égoïstes : une Europe centrale devenue la proie de l’URSS dans la plus grande indifférence de l’Europe de l’Ouest, ayant pour seul souci sa sécurité et se gargarisant du slogan du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » : moyen de se donner une bonne conscience et de ne pas agir !

Cas de Menabe : un contre-exemple

A l’ouest de l’île de Madagascar, dans le Sakalava, le commandant Gérard est à la tête d’une colonne pour conquérir Menabe. Il se fie à quelques informations fausses ou lacunaires, tenues pour exactes provenant d’un commerçant. Alors que les indigènes sont prêts à déposer les armes et le font savoir, le commandant veut faire vite et massacre tous ceux qui ne sont pas parvenus à s’enfuir. Il tue le roi local, Toera.
Cette cruauté et ce manque de loyauté provoquent la résistance des indigènes et c’est pendant six longues années qu’une guerre de résistance est menée. L’excès de cruauté suscite une résistance farouche et acharnée. Cette vérité d’hier est une vérité pour aujourd’hui comme pour demain.

Or le projet de Gallieni est de créer plutôt un protectorat qui consiste à installer une administration française superposée aux structures politiques admises par les indigènes. Les chefs locaux gardent les postes honorifiques et sauvent la face devant leurs peuples.

La méthode de Galliéni est motivée par l’idée politique d’occuper et d’administrer Madagascar avec des moyens civils et militaires réduits. La pratique coloniale confiée à l’armée passe par la conquête et la gestion du territoire. La connaissance du pays permet aux militaires d’économiser les vies et d’en assurer une gestion cohérente. En des terres inconnues et là où il n’y a aucun savoir utilisable, les militaires deviennent demandeurs et producteurs, parfois, de savoir ethnologique.

Il emploie la méthode britannique qui consiste à « diviser pour mieux régner ». Les luttes entre tribus sont utilisées pour s’introduire dans le pays. C’est la première étape. Pour cela, il faut connaître le pays.
Il respecte la nature politique du pays pour vivre en meilleure harmonie possible avec les habitants. C’est la deuxième étape.

Galliéni et Lyautey ont très souvent écrit et proclamé leur volonté d’utiliser la connaissance historique ou anthropologique du terrain colonial à des fins politiques et dans un but d’efficacité. Actuellement, les responsables militaires des troupes envoyées en mission à l’étranger se doivent de disposer des connaissances anthropologiques des pays où ils sont envoyés en mission, sous peine de commettre des fautes impardonnables auprès des populations indigènes.

·       Le Mexique et Napoléon III : échecs politiques (1862-1867)[11].

Ce cas est présenté dans la littérature surtout comme une tentative de Napoléon III de constituer un allié catholique de la France sur le territoire des Amériques, alors que les USA se tiennent à la doctrine de Monroe.

Lorsqu'il devient le cinquième président des Etats-Unis (1817-1825), James Monroe, a derrière lui une carrière de diplomate. Nommé ambassadeur à Paris, il devient secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Ses positions en matière de conduite des affaires extérieures, connues sous le nom de doctrine de Monroe, même si John Quincy Adams en fut l'inspirateur, exprime les visées que les États-Unis entendent exercer sur leur continent. Sa doctrine peut se résumer en deux points : absence d'ingérence dans les luttes opposant métropoles européennes et colonies américaines, mais opposition déclarée à toute tentative de reconquête par ces métropoles des colonies dont les Etats-Unis ont reconnu la légitimité du gouvernement.
Au moment où Monroe fait cette déclaration, il n’a aucun moyen de l’appliquer. C’est une déclaration politique. L’intention première est tout simplement de ne pas s’attirer de querelles militaires avec l’Europe.
Cette doctrine évoluera, dans le temps et jusqu’à nos jours, pour satisfaire les Etats-Unis dans ses volontés d’extension aussi bien politiques que territoriales : cette déclaration est en quelque sorte la définition du pré carré des Etats-Unis qui entendent y exercer leur influence ou autrement dit leur puissance.

Mais à cette époque, les Etats-Unis sont en pleine guerre civile. Ainsi, l’idée d’étendre l’influence de puissances européennes séduit la France, la Grande-Bretagne ainsi que l’Autriche-Hongrie.

Au début, et jusqu’à ce que la France se retire, l’opération est un succès du point de vue militaire. En effet, malgré les lenteurs, les lourdes pertes et le fait que la France doit finalement assumer toute l’opération seule, le Mexique est conquis et son régime politique changé avec toutefois un reste de résistance dans les régions les plus inaccessibles et montagneuses. 

Pourtant, malgré ce premier succès, la pénétration et l’occupation tournent à l’échec pour plusieurs raisons. La première est surtout d’ordre diplomatique car la France finit par s’engager seule dans cette guerre qui depuis le début menace les intérêts américains. Le Nord, contre l’invasion du Mexique, gagne la guerre civile et les États comme la Grande-Bretagne et l’Autriche-Hongrie refusent dès lors l’affrontement direct avec les USA. En se mettant à dos les USA, la France s’isole donc dans un conflit qui n’est ni compris, ni accepté par la communauté internationale de l’époque.

Pour ce qui est de la situation intérieure mexicaine, la France se met également à dos une bonne partie des Mexicains et en particulier la gauche anti-libérale et anti-autoritaire qui ne comprend pas que la France renverse le Président dit libéral Juarez pour en remettre en place une dictature semblable à celle de Santa Ana en 1855. C’est donc ces opposants qui vont constituer la guérilla contre la France qui perturbe régulièrement l’avancée de l’Armée française.

En parlant d’ailleurs des aspects militaires, malgré les victoires françaises, une très grande partie des morts n’est pas due à la guérilla, mais surtout aux maladies comme la fièvre jaune et le paludisme. Cette guérilla est violente et au bénéfice d’une bonne connaissance du terrain, d’une facilité à se disperser comme à se concentrer, d’avoir le temps pour elle et ayant comme meilleures alliées, les maladies qui épuisent et tuent les troupes intervenantes.

Cette opération fut un échec cuisant pour la France. En dépit des ses victoires militaires intérieures, Napoléon III est confronté à l’hostilité de la population mexicaine, à la guérilla Juariste, et surtout à la crainte d’un conflit direct avec les USA. Il retire les troupes françaises et son soutien à l’Empereur Maximilien, ce qui provoque sa chute.

Lorsque l’armée française quitte le pays en 1867, l’Empereur Maximilien, le frère de l’empereur d’Autriche François-Joseph 1er, n’ayant plus de partisans, est renversé par les Juaristes qui reprennent le pouvoir. Les Juaristes établissent une cour martiale (un formalisme légal est toujours très prisé dans ces moments de crise[12]) et le condamneront à mort en juin 1867.

L’échec a été dû essentiellement à une superposition de volontés politiques pas toujours conciliables : Napoléon III, l’empereur Maximilien, son épouse (fille du roi de Belgique), les responsables militaires sur place et les Mexicains qui ne supportent pas la greffe politique qui est mal préparée.

L’administration importée par la France a commis aussi de nombreuses bévues et les militaires de l’administration ont été parfois récompensés avant les militaires qui étaient allés au combat ; les soldes ont  été diminuées, le ravitaillement a fait défaut : cela a créé un malaise au sein de l’armée, malaise dont il est peu souvent fait cas dans la littérature traitant ce sujet mais dont on trouve des échos très précis (je pense aux mémoires d’officiers engagés au Mexique et mémoires qui ne sont pas publiés !).

Ce cas est riche d’enseignements. L’essentiel à retenir est sans doute que la puissance militaire, aussi forte soit-elle, n’est rien s’il n’y  a pas une forme d’adhésion des populations indigènes à la politique menée par la puissance mise en place par la force. La force ne peut pas ignorer la politique locale.

·       le Maroc et Hubert Lyautey (1854 – 1934) : montrer sa force pour en éviter l’emploi.

L’armée française a tout fait pour créer une politique indigène dont elle assumait le contrôle. Le principe en était simple : il consistait à nommer des notables locaux pour assurer les directions locales.
L’objectif en était clair : que le pays ne se considère plus comme conquis mais protégé. De nombreux militaires ont réussi des exploits en la matière. Ceci a été rendu possible par leurs connaissances très précises du pays dans lequel ils intervenaient. Il n’y avait pas un mépris de l’indigène mais un intérêt réel à le comprendre, à le connaître. L’indigène pouvait être parfois un adversaire redoutable mais il méritait le respect. Certaines puissances actuelles qui utilisent la force armée oublient le respect que l’on doit aux habitants d’un pays : cela ne peut que créer un rejet, un rejet violent.

Lyautey est celui qui, sans aucun doute, a le mieux personnifié cette politique, à la suite de Bugeaud et de Galliéni. Il n’évitait pas la guerre lorsqu’il le fallait mais il savait acquérir les populations en :
·       traçant des routes (raison militaire peut-on dire mais utile aux populations)
·       bâtissant ou rebâtissant des villes et des villages (il ne faut pas oublier que dans les pays colonisés les constructions sont fragiles)
·       dressant des barrages pour créer des points d’eau (actuellement l’alimentation en eau est toujours une préoccupation majeure)
·       établissant des marchés (une infrastructure routière permet les échanges commerciaux vitaux pour faire vivre les populations)
·       encourageant l’agriculture et l’élevage (pour limiter la nomadisation et donc faciliter le contrôle des populations)
·       nourrissant les affamés (la faim est encore de nos jours un fléau à combattre)
·       soignant les malades (l’action la plus décisive : lutte contre de nombreuses maladies)
·       instruisant les enfants (on ironise facilement sur le noir apprenant que ses ancêtres étaient les Gaulois mais la caricature ayant un fond de vérité ne doit pas cacher les apports de l’apprentissage de l’écriture, du calcul, de l’hygiène)

Lyautey pouvait parler à juste titre de sa « guerre créatrice de vie ». Si l’emploi de la force armée de grandes puissances en pays tiers pouvait toujours s’en prévaloir autant de nos jours, ce serait heureux. Un cas ne doit pas cacher les autres : des militaires sont aujourd’hui engager dans des missions de pays qui donnent entière satisfaction. N’oublions pas qu’un cas provoquant le scandale peut discréditer les autres opérations

D’autres militaires ont travaillé dans cet esprit. Ils sont méconnus mais le général Margueritte disait : «… que ma véritable vocation n’est pas d’être soldat. Je n’aime pas la guerre. J’en ressens l’entraînement quand je suis soumis à son action, mais de sang-froid j’en ai horreur : bâtir, planter, cultiver la terre, faire des travaux d’utilité, voilà ce qui me convient, et c’est à cela que j’ai trouvé satisfaction dans ma carrière… »[13]

Le général Salan lui-même a dit aussi : « J’ai fait rayonner la France aux antipodes. J’ai commandé. J’ai secouru. J’ai distribué. J’ai servi, et, pardessus tout, j’ai aimé. »[14]

Ne croyez-vous pas que ces propos puissent être dans la bouche des commandants de forces armées pour le maintien de la paix ou pour apporter des secours humanitaires. Lorsque l’on parle des nouvelles missions des armées, n’a-t-on pas oublié ces missions qui ont occupé des armées au XIXe siècle. Certes le contexte a changé, l’intention politique aussi, quoique, parfois, on puisse s’interroger dans certains cas sur l’existence d’une véritable intention politique, mais nous avons, dans ce passé militaire, de nombreux principes vérifiés dans les faits qui permettent d’établir des lignes de conduite utiles pour demain.

L’armée française a su ainsi coloniser jusqu’en dans les années 1920.

*-*-*
Décolonisation et l’armée
Missions de coopération

Lors de la décolonisation, l’armée a accepté la décision politique. Trois cas ont mal fonctionné : l’Indochine mais avec le recul historique, il est possible de discerner clairement une faiblesse de la décision politique. Pour le Maroc et la Tunisie, les indécisions politiques, le fait de privilégier la non-décision à la décision a été lourde de conséquences : la responsabilité des autorités civiles ne fait, là, aussi aucun doute.

En général, l’armée a transformé sa présence en mission de coopération, principalement pour la formation de cadres des armées africaines et cela se poursuit encore de nos jours. Des accords de défense avec la France sont établis soit pour une présence ou une formation militaire, soit pour une intervention sur demande selon des accords bien souvent inconnus du grand public (lors que l’on parle si volontiers de la transparence en politique : que c’est beau dans le discours !).

L’Algérie constitue véritablement un cas particulier qui ne peut pas être généralisé. En Algérie, il se constate que les Algériens eux-mêmes et indépendants, suite au départ des Français, n’arrivent pas à régler les difficultés que les Français avaient rencontrées. Les désordres intérieurs avaient des causes imputées peut-être à tort à la colonisation mais ceci est un autre débat, trop délicat pour être traité dans le cadre de cet exposé.

Conclusion

N’oublions pas que les hommes ont agi en se référant aux grands principes de 1789 qui légitimaient à leurs yeux leurs conquêtes (une Révolution qui a produit un Empereur voulant libérer les peuples jusqu’à Moscou : çà c’est du messianisme !). La République a voulu imposer sa paix et ne se préoccupait pas d’étendre les libertés de la métropole aux colonies : mais ce choix a été adopté par des civils et des autorités politiques élues démocratiquement plus spécialement alors que les militaires, eux, étaient plus favorables à étendre ces droits aux colonies - ce qui ne doit pas être oublié - en vue d’une intégration de ces peuples.
L’engagement des troupes coloniales sur les champs de bataille européens et les importants sacrifices en vies humaines consentis par celles-ci ont démontré que leurs approches étaient justes. 

Ainsi, il faut rester dans le contexte d’une époque pour l’analyser objectivement et ne pas tomber dans des luttes idéologiques qui occulteraient les faits et les idées.

De nos jours, le contexte colonial est terminé mais l’envoi de troupes à l’étranger au XXIe peut retenir les leçons de troupes qui, au XIXe siècle, avaient aussi des missions de pacification de territoires. Il est d’ailleurs à souhaiter qu’une grande puissance n’envoie pas des troupes à l’extérieur de son territoire avec des intentions politiques qui seraient plus du XIXe que du XXIe  siècle, mais cela je le laisse à votre discernement.

Antoine Schülé.
Contact: antoine.schule@free.fr
Bibliographie


Ouvrages de base :

CORVISIER André (1994) : Histoire militaire de la France. t. 3 et 4.

DELMAS Jean, MASSON, Philippe, (1992) : Histoire militaire de France vol 2. De 1715 à 1871, Paris, pp. 509-523.
Bon ouvrage général sur le Mexique et l’Algérie.

SAVARESE Eric, (1998) : L’ordre colonial et sa légitimation en France métropolitaine. L’Harmattan.

LIAUZU Claude, (2004) : Colonisation : droit d’inventaire, Ed. Colin

Cas du Mexique :

HANNA, Alfred Jackson, (1971): Napoleon III and Mexico : American triumph over monarchy, Chapel Hill : University of North Carolina.  

LECAILLON, Jean-François (1994) préface de Frédéric Mauro : Napoléon III et le Mexique : les illusions d'un grand dessein Paris : Ed. L'Harmattan.

GUÉRIOT, Paul (1980) : Napoléon III Paris, Payot.

SCHEFER, Christian : La grande pensée de Napoléon III : les origines de l'expédition du Mexique, 1858-1862, Paris : M. Rivière, 1939

LECAILLON, Jean-François : Mythes et phantasmes au cœur de l’intervention française au Mexique (1862-1867).

AUBRY, Octave (1949) : Le Second Empire, Paris, A. Fayard.

 

Cas de l’Algérie :

BOIS, Jean-Pierre (1997) : Bugeaud Paris, Fayard. 

SULLIVAN, Antony Thrall (1983) : Thomas-Robert Bugeaud, France and Algeria, 1784-1849 : Politics, Power and the Good Society, Hamden Connecticut : Archon Books.

Auteur Bugeaud de la Piconnerie, Thomas Robert : Par l'épée et par la charrue : écrits et discours / de Bugeaud ; introd., choix de textes et notes par le général Paul Azan.  
Lieu / Dates Paris : Presses universitaires de France, 1948.

Cas du Madagascar :

GHEUSI, Pierre-Barthélemy : Gallieni et Madagascar / P.-B. Gheusi  Paris. Ed. du Petit Parisien, 1931.
GALLIENI, Joseph-Simon (1928) : Lettres de Madagascar : 1896-1905 Paris. Société d'Ed. géographiques maritimes et coloniales.

BLANCHON, Georges : Le général Gallieni. Paris, 1915.

BASSET, Charles : Madagascar et l'œuvre du Général Gallieni. Paris. A. Rousseau, 1903 Thèse Th. droit Paris, 1903.

Auteur X*** (Capitaine) : Voyage du Général Gallieni : cinq mois autour de Madagascar, progrès de l'agriculture, développement commercial, ressources industrielles, moyens de colonisation /
Paris : Hachette, 1901.

Gallieni, Joseph-Simon :  La pacification de Madagascar : opérations d'octobre 1896 à mars 1899 ouvrage rédigé par F. Hellot. Paris. R. Chapelot, 1900.

MICHEL, Marc: Gallieni, Paris, Fayard. 1989

Cas du Maroc :

DUROSOY, Maurice (1976) :  Avec Lyautey : homme de guerre, homme de paix.  Paris. Nouvelles éditions latines.

LE REVEREND, André : Un Lyautey inconnu : correspondance et journal inédits : 1874-1934 André Le Révérend Paris. Librairie académique Perrin, 1980.

André Le REVEREND, (1983) Lyautey, Paris : A. Fayard,

BENOITS-MECHIN, Jacques : Lyautey l'Africain, ou le rêve immolé; préf. de Charles-Henri Favrod ; avant-propos de Pierrette Cuendet Genève : Edito-Service, cop. 1984

DE CHARRETTE, Hervé : Lyautey Paris J.-C. Lattès. 1997

LYAUTEY, Louis Hubert : Du rôle social de l'officier; avec une préf. de Juin Paris, R. Julliard, 1946

HEIDSIECK, Patrick : Rayonnement de Lyautey, Paris, Gallimard. 1941

BOURGET, Pierre : La rivalité Pétain Lyautey de 1925 au Maroc, un nouvel éclairage, in Guerre et conflits en Afrique noire, Guerre mondiale et conflits contemporains, Revue d’histoire 46e année, n. 181, Printemps 1996, pp. 125-133.

SINGER, Barnett, Lyautey : An interpretation of the man and French Imperialism, in Journal of Contemporary History, vol. 26 nb. 1 January 1991 pp. 131-157.

 André LE REVEREND : Lyautey écrivain : 1854-1934; préf. de Jean Guitton Paris Ophrys, 1976

DUROSOY, Maurice : Lyautey maréchal de France 1854-1934, Paris, Charles- Lavauzelle, 1984.
Pas très intéressant, il n’y a que des photos.

DUROSOY, Maurice : Lyautey mon général, Paris, Julliard. 1956

D’ORMESSON, Wladimir :  Lyautey, Paris, Libraire ancienne, 1931.  
pp. 71-78. Il y a 50 ans, le maréchal Lyautey, Revue historique des Armées 1984, n. 3, Vincennes, auteur : section du service historique des armées de Terre. Liste bibliographique de ses ouvrages.  

GUILLAMO, Manuel : Lyautey un cultivateur face à l’islam ? in Revue historique des armées n. 3 1991. Pp. 16-23, Vincennes.



[1] Avec la guerre asymétrique, une minorité possède assez de puissance pour déstabiliser n’importe quelle grande puissance.
[2] Pakistan, Corée, Israël, etc. 
[3] Eric Savarese : L’ordre colonial et sa légitimation en France métropolitaine. Oublier l’Autre. L’Harmattan. Paris. 1998. 304 p.
[4] Insister sur les guillemets.
[5] Direction : Olivier Forcade, Eric Duhamel, Philippe Vial : Militaires en République 1870-1962. Les officiers, le pouvoir et la République en France. Publications de la Sorbonne. Paris. 1999. 734 p. Article de Jacques Frémeaux : L’armée coloniale et la République (1830-1962), p. 101-109.
[6] Jean-Louis de Lanessan : Principes de colonisation, Paris, Alcan, 1897, p.151.
[7] Henri Brunschwig : Mythes et réalités de l’impérialisme colonial français. Paris. A. Colin, 1960, p.128
[8] Le rôle colonial de l’Armée. 1900.
[9] Discours à la Chambre du 15janvier 1840, in P. Azan : Par l’épée et par la charrue. Paris, 1948, p. 66
[10] Les Etats-Unis en sont au même stade de nos jours et cela est, sera la source de calamités qui ne font que commencer !
[11] AUBRY, Octave (1949) Le Second Empire, Paris, A. Fayard, pp. 318-323.
[12] Toute association d’idée avec le temps présent serait fortuite !
[13] In Jacques Frémeaux : Les Bureaux arabes dans l’Algérie de la conquête. Paris. Denoël. 1993. p.157.
[14] Le Procès de Raoul Salan. Paris. Albin Michel. 1962, p.76

jeudi 28 juillet 2016

Engagement militaire et spiritualité

Conditionnement et déconditionnement du soldat.

Le rôle de la spiritualité.


Antoine Schülé
« Puisque l’esprit est un attribut divin,
une existence conforme à l’esprit
sera véritablement divine.»

Aristote : Ethique à Nicomaque.

Les termes de «conditionnement» et de «déconditionnement» me gênent quelque peu : un soldat n’est ni un produit technique, dont une parade serait l’emballage, ni une somme d’automatismes supplantant l’instinct, comme les expériences de Pavlov peuvent le démontrer sur des animaux.
Le combattant est le résultat d’un ensemble complexe de facteurs, variant d’un pays à l’autre. Ainsi pour étudier le thème de ce jour, il est nécessaire de recourir à la sociologie, la psychologie, l’histoire, la religion et la philosophie. Gardons à l’esprit que le chercheur lui-même analyse et conclut selon ses croyances laïques ou religieuses : tout homme a une croyance que ce soit en Dieu, au Progrès, en l’Homme, en la Raison, aux Sciences, en la Technique[1] ou en que sais-je encore ? Mon objectif est d’analyser de façon succincte, laïque et interreligieuse parfois, une des facettes de ce sujet, celle de la spiritualité.

I. « Conditionnement »

Un soldat est avant tout un être humain devant acquérir des efficacités aux combats (elles sont plurielles d’où nécessité d’une base commune à tout combattant et ensuite de spécialités correspondant aux prédispositions de chacun en vue des missions à remplir) : dans cet objectif, il lui faut une préparation physique et mentale.

Sur le plan physique, le corps a besoin de créer des automatismes, des réflexes comme de développer une endurance. Discipliner son corps exige de la volonté et cette volonté est un des fruits de l’esprit, appelé aussi force mentale. Sur le plan mental, au départ, il réclame une motivation suffisante pour qu’avec la force du caractère, le besoin de se surpasser s’exerce en une activité précise : tireur d’élite, corps à corps, observateur, nageur de combat, pilote - d’avion, de drone, de char ou de tout véhicule en vue du combat -, transmetteur, décodeur, décideur[2], etc...

Celles et ceux exerçant les arts martiaux[3] savent l’importance de condenser l’énergie physique et mentale sur leur centre de gravité corporel : dans tous les cas de figure, rechercher le bon équilibre de façon automatique. De même, par des exercices longuement répétés, ils acquièrent cette faculté d’anticiper l’attaque adverse, sans une longue réflexion, pour parer le ou les coup(s). Après des années de pratique, ils possèdent une puissante vitesse de réaction face à une situation inattendue ou originale. Les maîtres enseignent que l’invincibilité n’est jamais due à la technique seule mais à une maîtrise de soi que seul l’esprit peut donner. Il y a une domination[4] des réflexes animaux au profit d’une discipline qui exige un esprit froid et calme, au service d’une volonté implacable au cœur de l’action. Cela nécessite une énergie spirituelle à canaliser, un calme confiant face à l’attaque, une pensée libre de toute inhibition ou de toute idée préconçue. En ce sens-là, il est possible de parler d’arts martiaux, œuvres de l’esprit sur le corps.

Motivation

La spécificité du combattant est de disposer d’une motivation suffisante pour accepter d’engager tout son être dans une action armée au risque de perdre sa vie, d’être blessé plus ou moins gravement et d’ôter la vie à d’autres personnes, tout aussi convaincues, normalement, de devoir prendre les mêmes risques que lui.

Cette motivation est si importante que la propagande[5], à la fois collective et individuelle, a été nécessaire : l’ennemi est diabolisé ; tout est réduit à un manichéisme primaire[6]. Depuis le XVIIIe s., l’opinion publique est très malléable à toute forme de propagande qu’une minorité peut susciter de façon telle qu’au final, celle-ci paraît représenter l’opinion d’une majorité[7] ! Le XXe s. a démontré tous les degrés d’horreur pouvant être atteints par ce procédé : avec la technique, les guerres idéologiques ont bouleversé les valeurs, pourtant proclamées avec force[8], pour justifier des violences exercées : de nos jours, nous en subissons encore les conséquences[9]. A la fin de la Deuxième guerre mondiale, le Centre de l’Europe est sous le joug de l’URSS en même temps que les Etats-Unis ne cessaient pas de proclamer les droits des peuples à disposer d’eux-mêmes : sinistre farce qui a conduit, pendant des décennies, les défenseurs ou résistants de ces peuples en des goulags, dans une sereine indifférence européenne, jouissant de sa «paix nucléarisée». Le prix en a été de nombreux martyrs, non entièrement reconnus de nos jours[10].

Propagande : le rôle de quelques historiens.

Les fabricants de mythes ne manquent pas et mon but ici n’est pas d’en faire l’inventaire. Toutefois, observons la fonction de quelques historiens, plus disciples d’Alexandre Dumas que d’Hérodote[11]. Les media aiment à donner la parole à des historiens sachant faire vibrer la fibre émotionnel : ils ont ce talent de vous faire verser des larmes pour soutirer des impôts de guerre, pour vendre des idées au sujet d’un fait présent qu’ils occultent ou opacifient de leur mieux par un fait passé. Cet art de faire prendre au public des vessies pour des lanternes est très rentable de nos jours. Leur rôle est de suggérer, d’imposer des images mentales qui influence(ro)nt maintenant et demain les choix de l’individu.

L’Histoire de certains historiens n’a rien à voir avec l’histoire : quelques faits avérés sont habillés au gré des besoins du moment. Ils ont ainsi une capacité à construire une mémoire où des faits sont reconstruits, réimaginés à tel point qu’ils en deviennent méconnaissables : ainsi des faits bricolés deviennent des mythes, cultivés religieusement[12]. Les contester avec les simples outils de la raison devient crimes. Des Etats n’hésitent pas à légiférer pour dire l’Histoire. Je m’étonne qu’un juge, certes omniscient par nature comme chacun sait, puisse trancher des questions d’histoire qui ont occupé des historiens pendant des années, voire parfois plusieurs générations. 

Bien des Etats se sont inventé un passé : la Rome antique a revendiqué ses origines divines. Ne sourions pas ! L’historiographie nous révèle ces reformulations du passé selon les besoins d’un présent : il y a parfois des mythes (positifs ou négatifs) qui donnent lieu à des anniversaires et à des commémorations qui frôlent des reconstitutions imaginaires. Retenons que leur rôle psychologique et surtout politique, voire économique, n’échappe à personne : ne confondons ces pratiques avec la vérité historique[13], si difficile à faire sortir de son puits ! 

Sacralisation de la mission

Revenons au combattant et à sa motivation. Comment acquérir l’acceptation de sa conscience pour une mort à donner et à recevoir. En son «âme et conscience» il doit accepter une discipline particulière en vue d’une mission qu’il sacralise[14].

Sa liberté de conscience est déclarée mais que cela n’empêche pas de considérer plusieurs déterminismes : la naissance (le lieu, la famille), l’Etat, la religion ou son absence, l’idéologie ambiante, l’orgueil national (suscitant un sentiment de puissance que rien ne peut arrêter), la pauvreté, la condition sociale, la jalousie (le ressort le plus facile à manier), l’injustice réelle ou supposée ou exacerbée…Le combattant est une personne qui vit dans l’espace de liberté que la société dans laquelle il vit, lui donne : un soldat volontaire en France diffère du soldat enrôlé de force en Centre Afrique ; un soldat mercenaire anglais ou américain, du soldat terroriste d’Arabie saoudite ; un conscrit contraint et forcé par la loi, d’un patriote convaincu de la nécessité de défendre soit des valeurs, soit un territoire, soit encore des intérêts vitaux (eau, énergie, nourriture).
La conscience est ainsi un moyen de gérer les déterminismes et constitue sa seule part véritable de liberté.
Les martyrs de la «Légion Thébaine», aux ordres de Maurice[15] et de ses deux officiers, Exupère et Candide, illustrent ce discernement du militaire, déterminant  en certaines circonstances : faut-il obéir à l’autorité ou à sa conscience ? Malgré les menaces et les tortures[16], ils acceptèrent de mourir sans lutter[17]. Saint Maurice est le saint patron de l’infanterie.

Pour le convaincre, la force de la parole[18] est capitale. Dans le monde arabe, la parole a plus de poids que l’écrit : le rôle de la poésie, véhiculant des messages, est très important. Il n’y a rien de surprenant quand sont connus les succès de l’Iliade ou du Roman d’Alexandre ! La sécurité financière est un motif qui n’est pas généralement le plus dominant : le soldat n’y attache évidemment pas le même poids que le mercenaire. Plus marquants est (ou sont) la religion ou/et l’idéologie[19] car elles font appel à des besoins de transcendance de l’homme : à travers la collectivité ou Dieu ou l’Etat déifié ou encore la Cause exigeant tous les sacrifices…. La conviction d’être un justicier, selon une morale propre à l’individu pèse dans la motivation : un mafieux n’a pas la même notion de justice qu’un citoyen répondant à d’autres valeurs ou d’une morale adaptée aux besoins de l’Etat ou d’une religion ou d’une idéologie. Toutefois, il existe aussi le combattant «aveugle volontaire », mais c’est plus rare : pourvu qu’un chef pense pour lui, il ne restera qu’un exécutant plus proche du robot[20]

Homme : un corps, une âme, un esprit[21].

Toute personne possède une capacité de violence canalisée par la volonté, l’éducation, les lois, une forme de respect de l’autre… Pour libérer cette violence innée au service de la guerre, pour convaincre le combattant, trois composantes sont considérées :

                                               1 esprit                                                  *   homme spirituel
                                                                       intuition *
                                                                       volonté       *
                                                                       suggestion *
L’homme est  à la fois :         2  âme              intelligence[22]  *-
                                                                        instinct -*
                                                                        sensibilité       - *
                                               3 corps                                                  -   homme animal.

Pour la majorité des combattants, la seule satisfaction de son animalité, par le viol et le pillage, ne suffit pas pour le motiver. Par contre, les horreurs de la guerre peuvent réveiller le côté animal de l’homme afin de compenser sa tension intérieure, accumulée lors de l’engagement[23].

Depuis que l’homme quadrupède est devenu un bipède, son désir de regarder plus loin l’a poussé encore à regarder plus haut : c’était le commencement de la spiritualité[24]. Lorsqu’avec les étoiles, l’homme a pris conscience qu’il existe d’autres univers, que le besoin de survivre nécessitait une vie communautaire, que le partage de connaissances lui permettait de contrôler tant soit peu la nature, que sa vie avait un sens dans ce cadre-là, il est devenu un être spirituel. Pour sauver les siens, devoir sacrifier sa vie lui apparaît naturel. Son corps n’est pas que sensibilité, il le maîtrise par la volonté ; la sensibilité peut d’ailleurs éveiller sa spiritualité (la compassion[25] en est le fruit) ; la volonté ne peut s’exercer que par l’intelligence ; l’intelligence fait la part du conscient et de l’inconscient qui constituent l’âme ; l’esprit ne se manifeste qu’à l’intelligence, par intuition et/ou par méditation[26]. Des expériences médicales ont démontré le pouvoir de l’esprit dans des cas de guérison du corps : des chamans, des prêtres aussi bien que chrétiens ou bouddhistes, des magnétiseurs ou des orateurs enflammés[27] n’ignorent pas les forces spirituelles qu’ils peuvent impulser pour le bien et pour le mal. La croyance permet à la spiritualité de s’exercer sous une forme ou une autre[28].

Les forces spirituelles ne sont pas toujours de nature religieuse. La forme la plus basique est celle de l’homme qui donne un  sens à sa vie et donc à sa mort[29] déjà dans son quotidien : aider son prochain ou lui nuire, construire une maison ou détruire, écrire un poème, danser, cultiver un don, étudier l’homme, exercer une profession avec cœur… Parlons de forces spirituelles au pluriel car lorsqu’elles forment un faisceau, elles ont une puissance décuplée. Prenons quelques exemples, sans porter de jugements de valeurs :

·       Un Chrétien, un patriote, un défenseur de la famille, une cause défendant ses valeurs : engagement décuplé.
·       Un Républicain espagnol, anticléricalisme, lutte idéologique,  se considérant comme le bras de la justice sociale : énergie décuplée.
·       Un terroriste ou un résistant[30], besoin de justice, indépendance dans son  lieu de vie, des proches victimes d’une puissance occupante ou dominante, sans autre espoir que la lutte armée : force décuplée.
Cet inventaire pourrait s’allonger avec de multiples cas de figure. Chacun d’entre eux possède, en son for intérieur, une force combative plus ou moins développée par ses croyances. L’essentiel est bel et bien dans ces forces, à la fois mentale (faisant appel à l’intelligence) et spirituelle (faisant plus recours à la croyance) l’animant. 

L’histoire offre de multiples exemples de «conditionnement». Lors de la création et de l’extension des colonies de divers pays européens, les officiers et soldats se considéraient comme des porteurs de civilisation à d’autres peuples dont ils ignoraient la plupart du temps la civilisation, parfois plus ancienne et plus riche que la leur. Le soldat de Napoléon à Moscou était persuadé d’y apporter la liberté, de faire œuvre de libération des peuples. L’exploitation anglaise des divisions internes en Inde, non pour propager la civilisation mais, en fait, élargir l’Empire, a été efficace : il suffisait d’armer un clan contre les autres pour s’assurer moins de sa fidélité que de sa sujétion. De même, les Français ont pratiqué cela en Arabie. Les camps de concentration anglais en Afrique du Sud  où Français, Hollandais et Allemands ont trouvé la mort n’ont pas choqué les opinions publiques avant la Première guerre mondiale : l’esprit de domination les a rendues aveugles.

Premier objectif : vaincre la peur.

Le secret du soldat à l’engagement est de savoir fatiguer sa peur. Il ne s’agit pas d’annihiler toute peur car, sans elle, il y aurait témérité mortelle. Le but est que cette peur ne soit plus paralysante mais ouvre la personne à une dynamique prudente ou avisée en vue d’atteindre l’objectif donné. Les récits de guerre - qu’il faut analyser avec prudence - offrent de nombreux cas où des actes héroïques ne sont en fait que des actes suicidaires : si l’objectif n’était que de donner une belle couleur à sa mort, l’acte ne me paraît pas héroïque dans la mesure où il n’a pas été utile à l’action engagée.

L’esprit peut allier la sensibilité du corps et la promptitude de l’intelligence : par exemple, avec le tir instinctif, la peur n’a plus le temps d’agir. Un entraînement sérieux permet au cerveau d’identifier l’ami de l’ennemi et d’assurer le tir efficace dans toute sorte de cas de figure, avec une rapidité redoutable. Pour aiguiser les réflexes du corps, l’esprit prédomine. Cet art existait déjà chez les archers (Chine, Arabie, Indes) et les manieurs de sabre (Japon) comme les lanceurs de couteau en Mongolie ou en en Europe centrale. Constituer ou développer des réflexes innés est une base chez le combattant. Prendre un couvert sous le feu de l’ennemi, repérer la position avantageuse pour l’emploi de son arme, apprécier l’origine exacte du tir ennemi, apprécier les distances de feu, savoir se replier ou se déployer à temps, ouvrir le feu au moment opportun, se déplacer d’un couvert à un autre en moins de 5 secondes : cela nécessite un entraînement physique et une maîtrise mentale, propres au fantassin. D’autres exigences sont pour le pilote d’un avion, etc.

Un des rôles du mythe puis de la religion : vaincre la peur.

La fonction du mythe n’est pas de décrire le réel mais de développer des virtualités latentes. Les mythes expriment une spiritualité à travers des images : pour les Chinois, les Grecs, les Romains de l’Antiquité, les mythes ont favorisé une imagination prodigieuse. Le mythe devenait à la spiritualité ce que la mémoire est à la raison.  Le mythe est une mémoire, s’écrivant avec des symboles[31], à décrypter comme les rêves : il y a plusieurs lectures possibles et cela ne rend pas l’exercice d’interprétation plus facile. Le mythe est aussi à la société ce qu’est le rêve à l’individu. Le mythe révèle aussi l’importance de la parole : les vecteurs du mythe ont été, à l’origine, la poésie, le chant[32], le théâtre, la littérature, l’histoire et la philosophie. Il était un temps où l’on pouvait dire : « Dis-moi le mythe que tu cultives et je te dirai qui tu es. ».
Avec une présence d’esprit déconcertante, des chefs de guerre savaient instrumentaliser les signes des dieux ou jouer avec la superstition : Frontin[33] dans ses Stratagèmes donne de bons exemples. 1er exemple : L’Athénien « Chabrias vit, au moment de combattre sur mer, la foudre tomber devant  son navire, ce qui fut présage effrayant aux yeux de ses soldats : « Profitons de cet instant, leur dit-il pour commencer le combat : car Jupiter, le plus grand des dieux, nous montre que sa puissance vient au secours de notre flotte». 2eme exemple : « Scipion arrivant d’Italie en Afrique avec son armée, tomba au sortir de son vaisseau, et, voyant ses soldats effrayés de cet évènement, sut, par sa présence, d’esprit trouver dans cette circonstance un motif d’exhortation : « Soldats, s’écria-t-il, réjouissez-vous : je tiens sous moi l’Afrique. ».

Il y a eu d’abord des dieux anthropomorphes : cela traduisait une projection humaine sur des dieux qui, semblables aux hommes, vivaient nos propres incertitudes, désirs ou angoisses. Projeter ainsi dans l’imaginaire divinisé, pris cependant comme une réalité, a été une aide psychologique certaine pour une tentative d’explication de l’inexplicable par les seuls voix de la raison. Par la suite ou avant, je ne saurai le dire avec certitude, un monothéisme à voulu voir une Déesse-mère (il en est des traces actuelles en Afrique) ou un Dieu-père (vite devenu majoritaire dans la majorité des civilisations) : la fécondité et la semence expliquaient l’origine de la vie, tout était dit et cela suffisait à l’homme raisonnable, voulant comprendre ses origines. Des Romains n’ont pas hésité à proclamer dieux leurs empereurs qui conditionnaient leurs vies : n’était-ce pas la solution la plus facile ? Le XXe s. a bien eu recours à des dictateurs, au nom d’une forme de laïcité déformée et outrancière : est-ce mieux ?
D’autres croyances ont souligné les liens d’un Dieu avec l’homme. Au commencement, la préférence a été donnée à un dieu pharaonique (du type de celui de l’Ancien testament, très modélisé sur Akhenaton[34]).
Par contre, le christianisme a provoqué une révolution spirituelle : pour les Chrétiens, le Christ est le fils de Dieu qui prend la condition humaine[35] ; par le Christ, il est possible à l’homme d’être en Dieu ; prise de conscience que l’homme est à l’image de Dieu quand il effectue le bien et à l’image de Satan[36] quand il commet le mal, fruit du mauvais usage de sa liberté.

L’homme en s’ouvrant à la métaphysique (qui en fait un homme religieux) est à l’origine de l’humanité pensante[37] : l’homme répond ainsi à des questions existentielles et donne un sens à sa vie comme à sa mort. Le rejet du facteur religieux est remplacé chez certains par d’autres valeurs : cela peut être pour les uns, un culte de l’homme (sommet de perfection du règne animal[38]), un culte de la seule raison (le gnosticisme ou le rationalisme en sont deux facettes pourtant bien différentes) rejetant tout ce qu’elle n’explique pas, et, pour les autres, de différentes formes d’idolâtrie[39] (narcissisme[40], orgueil de race, pseudo détenteur de Vérités déclarées universelles, etc.) pouvant aller de nos jours jusqu’à la zoolâtrie[41]

Les mythes servent à donner des réponses à des questions qui ont préoccupé et préoccuperont toujours l’homme. Ils proposent des certitudes  qui, sans être absolues, lui permettent d’avancer ou de reculer : les mythes sont parfois des oreillers de paresse à la pensée ou à la responsabilité individuelle. Il en est des créateurs  et des destructeurs : parfois ils peuvent être les deux à la fois, selon la lecture qui en est faite. Aux noms de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, nous avons eu les massacres de la Révolution qui a produit deux Empires[42], des Restaurations et des Républiques[43]. Les mythes ont légitimé des sentiments de haine : que n’a-t-on pas légitimé aux noms de « la mission civilisatrice des Etats-Unis », de « la grande Nation française », du « Deutschland über alles », de la «Sainte Russie », de l’ « Union des républiques socialistes et soviétiques », de l’ « Empire britannique», de la «République populaire de Chine » ou de la « Race élue » comme du « Peuple élu » ? 

Avec les Lumières et la Révolution, la raison[44] elle-même a été élevée au niveau du mythe : sa lutte souhaitée contre l’ «obscurantisme » religieux, politique, moral et économique a donné naissance au nouveau mythe du XIXe s., le Progrès, grâce aux croyances scientistes. Ces dernières se fissurèrent sérieusement au cours du XXe s. avec ses résultats mortifères : les mythes de Prométhée[45] (le déchirement dû à la révolte de l’esprit) ou d’Icare (la chute due à l’orgueil de l’esprit) n’annonçaient-ils pas déjà tout cela ? A la suite, Marx, Engels, Lénine et Staline ont été mythologisés et « sanctifiés » laïquement : ils étaient enfin ces représentants de ce Progrès qui devait illuminer le monde… Au XXIe s., après un déclin, il est même possible de les voir renaître, réapparaître car la mémoire des peuples est courte et j’ai tendance à croire que l’histoire[46] n’apprend rien à ceux qui préfèrent les songes, sans vouloir en connaître les portées ou les effets déjà chèrement connus.
Le mythe de la Technologie[47] est actuellement à un sommet : les politiques eux-mêmes n’osent plus trancher des questions qui sont de leur ressort et préfèrent déléguer leurs responsabilités[48] aux « experts » qui, malheureusement, se trompent fréquemment et, surtout, se contredisent avec d’excellents arguments de part et d’autres généralement[49] ! Militairement, la technologie a fait croire à la Guerre zéro mort : il y a un semblant de vérité pour les militaires qui l’appliquent mais il n’y a aucune vérité pour les civils qui meurent en la subissant, dans la plus grande indifférence des «bonnes consciences» occidentales[50].

Mythes et croyances peuvent se juger à leurs résultats : il y en a eu et en a de créateurs, de civilisateurs réels dans la mesure où l’homme trouve un juste équilibre entre la croyance (utile dans les valeurs positives qu’elle partage) et la raison (son jugement individuel[51]). Le lourd matérialisme de notre temps tue les mythes mais d’autres s’en créent : l’Europe[52] a été, est et sera un mythe fondateur pour de nouveaux objectifs mais pouvant aussi mourir pour une Démocratie universelle, l’utopie du moment… Des mythes meurent, d’autres naissent : le retour à la nature a produit un Tarzan[53], le bon sauvage tardif de Rousseau, et l’écologie qui veut nous faire retrouver le paradis perdu… Lorsque les mythes en vogue ne suffisent plus, les stupéfiants sont utilisés pour fuir le réel. Avec Internet, il est même possible de se créer des paradis virtuels… Quel progrès ! Les grands mythes collectifs sont remplacés par des mythes individuels, du sur mesure en quelque sorte. Au moment de la grande désillusion, la tâche du thérapeute s’en trouve ainsi particulièrement alourdie car, ne disposant pas d’un remède universel, chaque patient est un « terrain » de nature différente, exigeant à chaque fois un  traitement spécifique.

La force morale du combattant s’effondre en même temps que s’effondre le mythe ou/et la croyance qui lui a/ont permis de donner toutes ses forces. Les visions du champ de bataille ont brisé plus d’un soldat qui ne pouvait dès lors plus croire en rien, ni en l’homme, ni en Dieu, ni à la Cause : une espèce de dernier sursaut d’humanité face à l’horreur conduisant certains au désespoir, voire au suicide. D’avoir été un instrument d’une barbarie, même une décoration ne peut l’effacer.

Les religions ou les philosophies, à la vue et l’écoute des souffrances humaines, ont trouvé divers moyens pour cautériser ces traumatismes et j’y reviendrai en traitant du «déconditionnement».

L’âme du combattant.

L’étude de l’âme dont s’occupe la psychanalyse, ne se limite pas à l’horizon de la morale, de la philosophie ou de la théologie. Etudier l’âme[54], c’est prospecter l’individualité, l’originalité de la personne : ce qui l’anime de façon consciente ou inconsciente, ce qu’il retient de la spiritualité où sa pensée trouve sa source, de la façon dont il veut se réaliser dans la vie, avec ses rêves, ses fantasmes.

Le combattant a besoin de héros qui personnifient ce qu’il perçoit au plus profond de lui-même. Le rôle de l’instructeur ou du chef est de lui proposer des modèles qui l’aideront dans l’action. Que ce modèle ait existé ou pas importe assez peu : sa force est dans les suggestions qu’il pourra procurer[55]. Ben Laden tenait des prêches glorifiant la mort du héros : son sacrifice le transformant en « chevalier » de de notre temps, partageant les félicités du Paradis. Par le verbe[56], son  intention est claire : purifier l’âme de tout doute quant à la lutte à mener. Si les scènes de décapitation, de lapidation, de projection dans le vide, d’exécution par des tirs collectifs sont une propagande pour effrayer leurs ennemis, les djihadistes cultivent leur mémoire par la poésie, non seulement d’un passé lointain et glorieux, mais encore une poésie contemporaine, alliant les nécessités d’Internet (tweets) et la beauté de la langue : chez eux, il y a des joutes oratoires[57] à la façon de nos troubadours d’autrefois utilisant le chant, la musique[58]. Actuellement, la poétesse de l’Islam militant est Ahlam al-Nasr[59] (dont le mari[60] est originaire de Vienne -Autriche- et occupe une fonction dirigeante dans ce qui est appelé de nos jours le Califat) : son recueil de poèmes le plus connu est  « La Lumière[61] de vérité. »[62]. Qu’est-ce qui la motive ? Et cela intéresse notre sujet : les répressions qu’elle a vues en Syrie ; la Vérité que seul le Coran détient selon elle; la volonté d’une «Internationale»[63] de l’Islam ; les injustices que connaît la Palestine[64] ; la gloire des Héros morts pour l’Islam ; les enfants dont les jeux miment la lutte contre les Infidèles. Des flots de sang en découlent et en découleront encore. La littérature au service de la paix ou de la guerre a toujours existé.  

Pour les soldats chrétiens du Moyen Age, les suggestions leur étaient offertes par les vies des saints. Jacques de Voragine[65] offre des modèles propres à toutes les situations que peut connaître un combattant. D’ailleurs, de nos jours au lieu de sourire face au merveilleux et à certaines naïvetés de La légende dorée, il serait bon de considérer la richesse des analyses psychologiques qui s’y trouvent[66]. En fait, vous y avez un véritable bréviaire de portraits psychiques et mentaux. Le mérite est d’offrir des cas concrets, sans ce vocabulaire spécialisé qui règne de nos jours et que seuls quelques initiés comprennent.

L’intuition

Du soldat du rang au commandant en chef, il importe que les automatismes, dans le terrain ou lors de réflexion d’état-major, n’étouffent pas les intuitions. Henri Bergson considère l’intuition comme une perception de l’absolu d’une réalité au-delà d’une connaissance conceptuelle. L’intuition s’exprime par des mythes et des symboles. Sa force est dans sa capacité à faire reculer les frontières de l’impossible pour donner naissance à de nouveaux possibles. Trop souvent l’intuition est opposée à la raison : or l’intuition, pour être utile, a besoin de la raison. Intuition et raison sont les deux jambes intellectuelles de l’esprit.
Kekulé a crié son « Eureka » à la suite d’un rêve : un serpent se mordant la queue lui a révélé le cycle du carbone ; un pas de géant se produisit en faveur de la chimie organique structurale. L’intuition surgit parfois dans le rêve, à travers une image mentale car l’esprit, parlant à l’inconscient, voyage sans être bloqué par le réel. Créer une activité instinctive chez le soldat est un conditionnement : l’instinct ne serait-il pas l’expression de l’intuition dans l’inconscience routinière ?
L’intuition frappe d’abord l’imagination qu’interprète l’intelligence[67] avec la mémoire et la réflexion : après ce métabolisme intellectuel, l’action peut prendre naissance.

La suggestion

Des chercheurs ont mis en évidence le rôle du mental sur la santé, sur sa façon d’être dans le monde et la nature. Ils évacuent, un peu vite à mon avis, les forces spirituelles pour ne retenir que les forces mentales[68]. L’avantage est qu’ils ont étudié, à fond et à l’aide de cas concrets, le travail à faire sur soi, aussi bien avant l’action, en cultivant les prédispositions à une initiative judicieuse, et, après l’action, en cas d’échec comme en cas de succès. Deux auteurs ont initié une littérature actuellement surabondante en la matière : l’Américain Maxwell Maltz, Psychocybernétique[69] et l’Allemand Karl O. Stöber, Le psychotraining autogène[70]. Dans un langage simple et avec des méthodes à la portée de tous, ils offrent, à qui le veut, la capacité d’effectuer un travail sur soi pour donner un meilleur sens à sa vie.
Le désavantage, à mes yeux, est qu’il y a une concentration excessive sur son ego. Le risque est de vivre un nombrilisme ravageur, ce qui est une des particularités de notre temps ! Autant un travail sur soi est bien entendu nécessaire, autant, avec les forces spirituelles, il importe aussi de s’ouvrir aux autres : pas seulement donner, afin de recevoir plus mais pour arriver à une forme d’oblation, partielle ou totale de soi, comme le pratiquent, depuis la nuit des temps, des mystiques et des saints (religieux comme toutes les religions en offrent ou laïques[71] cultivant un humanisme vrai, c’est-à-dire pas uniquement par le verbe mais par des actes).
Il se remarque d’ailleurs que les deux auteurs reprennent dans un langage laïque des principes qui se retrouvent dans les vieux manuscrits bouddhiques, chez les philosophes antiques et les Pères de l’Eglise : est-ce que d’ôter ou d’occulter le divin[72]  est un plus ? Oui, pour des esprits purement cartésiens et non, pour les autres.

Exercices spirituels : le discernement[73].

Refusant de subir l’existence soit avec résignation, soit avec colère, l’homme veut agir sur son existence. Dès cet instant, il devient un être spirituel s’exprimant par un acte. Son engagement dans une lutte armée peut lui paraître une des solutions. Considérer les évènements, leur portée et leurs effets nécessite à l’homme une prise de distance face aux évènements qu’il voit ou qu’il observe : c’est le discernement[74]. A la lecture d’écrits spirituels bouddhiques[75], juifs[76], chrétiens[77] et musulmans[78], dans le cadre de notre thématique, j’ai été surpris d’y trouver les mêmes exigences, certes exprimées en des termes différents. Fondamentalement, la démarche individuelle, et non collective, reste la même.

Dans l’Europe, encore chrétienne pour l’instant, qu’est-ce que le discernement spirituel ? Discerner l’Esprit de Dieu choisi pour guide et la façon dont Il se révèle à l’homme. Dans ce but, il s’agit de procéder à un régulier examen de conscience : s’interroger avant, pendant et après l’action sous le regard de Dieu et si possible avec l’aide d’un accompagnant[79]. Ignace de Loyola a précisé la méthode[80] que les Pères de l’Eglise conseillaient déjà aux premiers moines du désert. La maïeutique de Socrate préfigurait ce procédé : Socrate ne donnait pas les réponses à ses disciples mais il les questionnait afin que, par la raison, ils trouvent eux-mêmes les solutions. Loyola joint la raison à Dieu. Sans cette dernière, la Parole de Dieu ne peut pas être entendue. Cette Parole ne doit pas être transformée par l’imagination : pour certains, la confusion dans leur relation avec Dieu les empêche de différencier Dieu d’eux-mêmes ! Ainsi il est possible de demeurer en Dieu mais pas d’être Dieu[81]

Avec les Exercices spirituels[82], le premier effet bénéfique est de se poser les bonnes questions, celles qui nous préoccupent  ou qui nous font douter (le doute est parfois aussi paralysant que la peur) : qu’est-ce qui nous bloque en telle ou telle situation[83] ? et qu’est-ce qui nous libère[84] ? Les réponses sont à être recherchées non dans nos désirs ou nos peurs mais dans la Parole de Dieu : il convient donc de se mettre à son écoute, avec intelligence et mémoire.

L’examen de conscience (phase 1) est la clef du succès de la guérison spirituelle qui précède la guérison physique. Le christianisme ne cultive pas l’oubli : reléguer le passé dans l’oubli équivaut à laisser ressurgir plus tard des maux non traités. Reconnaître ses erreurs[85] est le seul moyen d’abord d’en prendre conscience et ensuite de pouvoir agir pour les corriger : là intervient le rôle de la confession (phase 2). Le fait d’avouer ce qui paralyse un individu à une personne tenue par le secret[86], possède une vertu thérapeutique : elle libère une partie de la conscience[87]. Le confesseur a pour mission d’orienter de quelle façon la réparation de l’erreur (phase 3) est envisageable.

L’examen de conscience ne nécessite pas toujours la confession : ce discernement analyse objectivement les mouvements intérieurs, les habitudes qui nous animent, les effets des paroles entendues et prononcées, les évènements, les signes perçus, notre façon d’être et de paraître[88]… Loyola appelle « motions intérieures » les divers sentiments intérieurs qui nous habitent : joie, tristesse, confiance, trouble, doute, inquiétude… Il nous invite à en découvrir les origines précises afin de pouvoir prendre du recul et, par exemple, ne pas s’enfermer dans son chagrin. Il ne s’agit même pas d’étouffer peur ou colère, car les maux se révèleraient tôt ou tard de ce fait, mais de les comprendre pour les surmonter et les transformer : d’une énergie négative, en faire une énergie positive. Pour façonner un autre comportement, il est nécessaire de prendre avant tout la mesure de ce que l’on est[89].

Le port de prières, de scapulaires ou d’objets bénits

Le guerrier amérindien portait une bourse[90] dans lequel il enfermait des objets qui symbolisaient soit les capacités qu’il voulait incarner, soit des étapes de son ouverture au Grand Esprit qui régit tout ce qui vit dans la nature, son œuvre. Au Tibet, les objets ayant appartenu à un Dalaï-lama servent à la reconnaissance de son successeur. Dans une église, une coupe devient calice et parfois, l’art en accentue la valeur sacrée.
De nombreux soldats ont porté des médailles, des rosaires spécialement bénits. D’autres, plaçaient sur leur cœur ou dans leur vêtement, des prières[91] : celle dite de la Sainte Croix[92] était la plus connue lors de la Première guerre mondiale. Les uns y trouvaient l’assurance d’une protection divine ; d’autres, une confiance en eux pour accomplir honnêtement leurs missions ; même lorsqu’ils ne représentaient pour le porteur que l’attachement d’une mère, d’une fiancée ou d’une épouse, il y avait un soutien moral aussi fort qu’une photographie dans leur portefeuille. Ces objets devenaient des liens si ce n’est avec Dieu, du moins avec leurs proches aimés ou aimants.

II « Déconditionnement »

Ce qui précède pour le « conditionnement » est aussi valable pour le « déconditionnement» mais il y a des aspects plus spécifiques quant à ce dernier et sur lesquels j’observe quelques pistes utiles à notre approche.

Guérison psychologique

Un engagement armé n’est jamais un acte anodin. Nous vivons de nos jours en Europe avec une société qui occulte la mort et ne sait plus tellement vivre avec, et cela à tel point que volontairement plus d’une personne tente de l’ignorer jusqu’au jour où, inévitablement elle y sera confrontée, soit elle-même, soit par ses proches. Dans les pays où la mortalité infantile ou des adultes est forte, le regard porté sur la mort diffère. La durée de vie de certains Africains est plus réduite que celle des Européens. L’Europe connaît moins de ces maladies endémiques qui déciment des populations entières en Asie, en Amérique du Sud ou encore en Afrique.

La religion affirmant que la mort est un passage à une autre vie ou qu’elle n’est pas une fin mais un commencement, prépare autrement un combattant, persuadé qu’il n’y a plus rien lorsque le denier souffle est rendu. Une croyance peut donner sens non seulement à la vie mais encore à la mort. Deux effets non comparables d’une force spirituelle : des combattants, croyant lutter pour l’Islam, homme ou femme, n’hésitent pas à se faire exploser avec leur propre bombe ; le Père Kolbe sacrifiant sa vie à la place d’un autre condamné à mort dans un camp de concentration. La poésie médiévale ne cesse de proclamer que le corps est le vêtement de l’âme dont l’Esprit est le souffle ; que la mort n’est que le dépôt d’un habit afin de pouvoir rejoindre l’Esprit du Dieu trinitaire. 

Les phases intensives de combat avec la mort donnée et les blessures subies, les traumatismes psychiques suite à la perte de camarades[93], la fatigue, l’épuisement et la maladie contractée au combat, les culpabilités injustifiées ou justifiées par rapport à une action manquée ou aux conséquences mal envisagées : il faut que le sens à la vie et le sens donné au combat soit fort pour supporter l’ensemble de ces chocs, à la fois physiques et mentaux.
Le retour à une vie de paix et de famille après les périodes de lutte n’est pas possible d’un jour à l’autre. Il est, à mon avis, des blessures psychiques et physiques irréparables : au mieux, elles se cicatrisent, sans guérir véritablement. Il faut du temps, une prise de recul, une acceptation des faits passés, une gestion de la culpabilité individuelle ou collective, une extériorisation des moments difficiles (l’effet libératoire de la parole apparaît clairement dans les chants, les mélopées ; de même, la « confession » pratiquée chez certains Chrétiens), une approbation de son entourage proche (le clan des guerriers en Afrique, l’amicale des anciens combattants en Europe ont ce rôle).
Lorsque l’intelligence ne suffit pas, il y a des rites : ceux avant (excitation à l’action), pendant (maintien de la tension guerrière) et après le combat (recherche d’apaisement dans l’expression soit de la joie, soit du chagrin, parfois en alternant les deux). Des danses (en Asie, en Afrique ou en en Amérique du Sud ou chez les Amérindiens) en gardent le souvenir alors que nous en avons parfois oublié les fonctions d’origine. Le rôle de la musique en thérapie relève aussi du spirituel : la musique parle au cœur de chacun alors qu’elle s’adresse à tous. Elle excite ou calme selon des rythmes qui diffèrent…

Force de l’écoute attentive et de la parole judicieuse

La tradition hindoue veut qu’un homme malade ou ayant des problèmes consulte un « sage » ou un gourou pour lui raconter sa maladie, ses rêves ou ses soucis. En réponse, le gourou lui narre une histoire, reflétant les propres problèmes de son consultant qui doit alors méditer sur ce que cette histoire lui suggère. Deux objectifs : donner au consultant le moyen de mieux se connaître ; trouver en lui, et non en une autre personne, la solution lui permettant de surmonter la difficulté ou de vaincre la maladie. L’idée dominante est bel et bien que le remède est en lui. Souvent, il est constaté que la maladie du corps est le reflet de la maladie de l’âme. La spiritualité devient un moyen de guérison, sans négliger la chirurgie ou les remèdes chimiques quand ils sont nécessaires. La spiritualité peut être chez certains la seule thérapie et, chez d’autres, un complément à la thérapie appliquée.

La psychoneuroimmunologie[94].

Le système immunitaire - qui défend notre corps - entretient avec le cerveau un dialogue permanent au niveau moléculaire. Ainsi de nos jours, il est acquis que le psychisme joue un rôle plus ou moins grand chez les individus pour déclencher la maladie ou accélérer la guérison[95] : avant le XIXe s., sans en comprendre le mécanisme biologique, médecins et prêtres n’ignoraient pas la force de guérison par la foi et les miracles en découlant parfois. Il y a là un réel progrès scientifique, reconnaissant que le cerveau agit sur le corps[96]

Le système immunitaire répond à de nombreux ordres du cerveau qui réagit aux signaux, fournis par le système immunitaire : il y a un échange bidirectionnel d’informations et d’ordres. La sécrétion des hormones du stress dépend directement de l’Interleukine 1 (IL-1)[97] qui joue aussi un rôle crucial dans la fièvre et le sommeil[98].
Pour notre sujet, si le principe de penser positif développe des capacités innées à guérir, cet aspect mérite notre attention. En plus de prescriptions chimiques, couramment adoptées de nos jours, il conviendrait d’y ajouter des prescriptions mentales. A la gymnastique corporelle, il faudrait y ajouter une gymnastique mentale[99] qui a été très souvent traitée autrefois avec l’expression « développement des forces morales »[100]. Pensées positives et espoir induiraient-ils des changements physiologiques ? Les experts émettent des avis partagés, bien entendu. Pour Jean-Pierre Changeux[101], l’homme est un être neuronal, et cela n’a rien à voir avec l’esprit. Or Platon affirmait déjà « L’erreur présente, répandue parmi les hommes est de vouloir entreprendre séparément la guérison du corps et celle de l’âme. ». Au XIIIe s., le médecin-chirurgien Henri de Mondeville[102] formulait la recommandation suivante : « Le malade doit se tenir continuellement en joie et satisfaction avec des amis, jouant amicalement avec eux aux dés et aux osselets, avec du vin et des aliments. Il ne doit pas s’irriter ni se laisser aller à l’ennui. ». Rabelais proclamait haut et fort : « Les joyeux guérissent toujours. », belle suggestion mentale  qui, même si elle ne réussit pas, rend la mort moins amère !
Sans être un spécialiste de cette question, je ne crois pas que la pensée soit un simple produit chimique du cerveau : il y a un plus, relevant de l’esprit qui commande cette «chimie ». Je conclurai en ma certitude que l’homme est corps, âme et esprit et que, pour guérir, il s’agit de prendre soin de ces trois composantes, en conciliant les effets de la médecine et de la méditation.

Bible et guérison

La Bible est un ouvrage qui traite non seulement du combat militaire dans l’Ancien Testament mais encore de la guérison des maladies[103] qui est le signe même de ce que les Chrétiens appellent la grâce de Dieu. De l’Ancien Testament au Nouveau, il y a une évolution mais nous y trouvons deux constantes : la force de la foi est essentielle, tout se construit sur elle ; Dieu purifiant l’âme de son péché, l’homme connaît ainsi une renaissance[104]. Cela de nombreuses conséquences en vue de la guérison. Nous retrouvons les Exercices spirituels de St. Ignace de Loyola.

Les principes de St. Ignace de Loyola.

Pour le Chrétien pratiquants, la lecture du Manrèse avec son complément naturel L’imitation de Jésus-Christ[105]est une base solide pour prier, méditer et obtenir un discernement en vue d’une guérison, mentale ou physique. Des auteurs à la fois théologiens et psychothérapeutes[106] se sont intéressés à cette pratique pour la diffuser. Les ouvrages abondent et il est difficile d’en retenir un plutôt qu’un autre. Pour un non-Chrétien ou un indifférent à la question religieuse, les auteurs Dennis Linn, Matthew Linn et Sheila Fabricant[107] offrent une lecture utile : cas pratiques, méthodes et références bibliques se lisent facilement. 

Les souvenirs peuvent être énergisants ou énergivores. Dans ce deuxième cas de figure, la guérison des souvenirs s’impose : cela est applicable tout particulièrement pour le combattant qui peut souffrir, après la lutte, non seulement de souvenirs blessant l’âme mais de blessures physiques ou de leurs conséquences. La méthode consiste à scruter le souvenir douloureux pour le transformer[108]. Il s’agit de le reconnaître dans un premier temps et trouver avec celui-ci une sorte de réconciliation afin qu’il ne soit plus paralysant mais puisse permettre une sorte de renaissance. Nous ne sommes pas ce que nous avons été mais nous pouvons être ce que nous serons demain par la volonté. 

Leur méthode est basée sur les constats établis par le Docteur Kübler-Ross lors de l’accompagnement des mourants. Il a identifié cinq étapes face à l’annonce ou la certitude d’une mort prochaine : le refus, le temps de la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation. Le processus de guérison se construit sur ce même schéma. Ces diverses étapes sont surmontées par la prière[109], la foi et l’espérance. Le socle repose sur la confiance en l’amour de Dieu et son infinie miséricorde. La reconnaissance d’une faute subie ou accomplie est primordiale : un examen de conscience ou une autocritique (individuelle et non publique comme au temps de Mao ou de Staline) est la base pour obtenir un pardon. Le rôle du prêtre ou de l’accompagnant est nécessaire pour éviter les mouvements de dépression, de relâchement ou tout simplement des blocages pouvant survenir lors de ces exercices spirituels. La guérison se déroule sur un temps relativement long : vingt-trois étapes hebdomadaires de deux heures environ. Des temps de prières individuelles et collectives sont prévus. La méthode est applicable individuellement. Toutefois, un travail de partage en groupe ou entre deux partenaires possède une dynamique collective bénéfique : chacun est invité à porter dans sa prière les souffrances de l’autre ; il se crée ainsi des liens indicibles qui aident chacun à considérer son « fardeau » plus léger. Chaque participant a la faculté de tenir un journal quotidien qui l’aide à formuler à l’aide de mots les sentiments, les idées que provoquent telle lecture biblique ou telle prière ou tel témoignage. Les temps de silence ont aussi leur importance. La confession et la participation à l’Eucharistie[110] constituent des moments forts de cette pratique. Nous avons là un guide psycho-spirituel très utile pour tous les croyants en Dieu et au Christ.

La guérison a besoin de mémoire[111] et d’oubli, conscients (à préférer) et inconscients (dangers de résurgence). La mémoire peut guérir d’un fait en le transformant : le fait vécu est revisité par l’imagination et permet ainsi une guérison. De même la mémoire d’un échec doit être supplantée ou au moins compensée par la mémoire d’un succès pour accélérer ou permettre une guérison. D’une chute, il est possible de se relever et de grandir.

Assistance spirituelle aux prisonniers[112]

Les conventions de Genève de 1929 prévoient le droit à la liberté religieuse et de culte. La spiritualité est une aide pour vivre la détention, subie généralement après de nombreuses souffrances physiques et morales. Pour un pratiquant, les rites funéraires rendus à leurs coreligionnaires ont une grande importance. Les pays européens ont quelque peine parfois avec des traditions religieuses lors d’enterrement non chrétien : pour la crémation traditionnelle d’un sikh, il faut 200 kg de bois et 12 à 20 kg de beurre (remplaçant l’huile qui faisait défaut) et les cendres doivent être versées dans le fleuve sacré !

Des emplois divers de la Bible comme moyen de guérison

Il n’est pas possible dans le cadre de cette synthèse de les mentionner tous. Il y a eu des excès lorsque des croyants voulaient ignorer les maux du corps et les bienfaits des découvertes de la médecine[113] pour soigner uniquement l’âme. La pratique d’un emploi superstitieux de la Bible ou du Coran est tentante : au lieu d’effectuer un discernement, des fidèles préfèrent ouvrir au hasard la Bible ou le Coran et considérer le message délivré comme la réponse à leur question ; de même, les Asiatiques tirent les tiges d’achillée pour consulter les oracles du Yi King[114]. Disciple notamment de Jean Hus, l’abbé Julio[115], se disant catholique mais hostile  au Pape romain, a publié de nombreux ouvrages tendant à rendre les prières comme des actions magiques. Il est intéressant de noter sur son insistance quant aux rites, aux formulations. Il offre une sorte de codification de la prière pour toutes les circonstances de la vie. Aux Etats-Unis, l’ouvrage de Mary Baker Eddy[116] avait fait fureur : il faut devenir un nouvel homme pour guérir.

Sectes et sociétés occultes.

Elles prolifèrent dans des sociétés vivant une pauvreté spirituelle : elles pallient aux négligences des églises officielles quant à la satisfaction d’une soif spirituelle, propre à l’homme. Le sentiment d’appartenir à une société secrète ou à un cercle fermé, après diverses initiations, donnent à certaines personnes cette confiance qui leur manquait. Encore une façon de vaincre la peur, le doute… Remarquons les liens de dépendance et d’enfermement au lieu de libération et d’ouverture que ces sectes ou ces sociétés occultes peuvent créer.

L’exorcisme

Clore ce thème sans en faire mention serait un manque. Le terme a suscité bien des fantasmes, en des films, des documentaires de journalistes en mal de sensation. L’étymologie du mot exorciser est déjà plus rassurante : du grec exorkizein signifiant prêter serment. Pour lutter contre les diverses formes de l’esprit du mal, prêter serment à Dieu, c’est-à-dire en sa confiance (pouvant aller jusqu’à un total abandon à Lui) et en sa miséricorde, est un moyen efficace de lutte. Tout croyant peut être exorciste (en fait, il s’agit d’une prière d’intercession) et il est possible d’exercer une pratique individuelle[117]. Le processus de libération se déroule en quatre phases : Identification des mauvais esprits[118] (discernement) ; abjuration ou renoncement (serment) ; expulsion et fermetures des portes du mal (empêcher les moyens qui ont permis l’action de présences maléfiques sur soi; recours à la confession et à l’Eucharistie)[119].

Les Amérindiens, lors de transes, enlèvent le mal avec de longs rituels où peuvent intervenir quelques personnes choisies (famille, autres guerriers) ou, parfois même, la tribu au complet. Toute forme de foi s’accompagne de gestes symboliques forts dans un but d’exorcisme.

Conclusion :
Les grandes civilisations ont proposé divers chemins spirituels afin que l’homme puisse s’accomplir dans sa plénitude. Les méthodes ont été parfois bien différentes et les résultats aussi. Donner un sens à sa vie et à sa mort est une quête personnelle répondant en des valeurs, choisies en son âme et conscience, en se libérant plus ou moins des déterminismes de la naissance et de la société dans laquelle on vit. Pour le combattant, la maîtrise de soi est essentielle : elle passe par la maîtrise de son corps, de son âme et de son esprit. La guérison des blessures physiques est aussi nécessaire que la guérison des blessures psychiques, la guérison des souvenirs. Cette brève analyse faite pour le combattant peut se reporter sur les sociétés, les Etats : ces corps vivants pouvant réunir les qualités comme les défauts des hommes. C’est l’humanité.
Gardons à l’esprit cette volonté de Paul Ricœur[120], ce spécialiste de l’humain et de l’humanité : « Je reste troublé par l’inquiétant spectacle que donnent le trop de mémoire ici, le trop d’oubli ailleurs, pour ne rien dire de l’influence des commémorations et des abus de mémoire et d’oubli. L’idée d’une politique de la juste mémoire est à cet égard un des mes thèmes civiques avoués. ».

Deux citations d’Angelus Silesius mettront un terme à cette réflexion sur une des complexités de la personnalité humaine :
« L’homme seul est le plus grand des prodiges :
Il est capable, selon son agir, d’être Dieu ou démon. »[121]
et
« Ami, si tu restes assis et médites, tu es un modèle de vertu.
Mais si tu la mets en œuvre, alors seulement éclate ta jeunesse. »[122].


Antoine Schülé

Contact : antoine.schule@free.fr

Annexe A
Invocation à la Sainte Croix[123]

Depuis le XVIe s., la prière suivante a souvent été portée par les soldats, spécialement du sud de l’Europe, pour les protéger de la mort subite, de la noyade, du feu, du poison et d’être fait prisonnier. Trois jours avant sa mort, le porteur en recevra l’annonce divine afin qu’il puisse s’y préparer convenablement. L’ayant trouvée à plusieurs reprises avec des fautes qui indiquent des traductions de l’espagnol, son origine est probablement hispanique.

« Dieu tout puissant qui avez souffert la mort sur l’arbre de la croix
pour tous mes péchés, soyez avec moi.

Sainte Croix de Jésus-Christ, ayez pitié de moi.
Sainte Croix de Jésus-Christ, soyez mon espoir.
Sainte Croix de Jésus-Christ, repoussez de moi toutes armes tranchantes.
Sainte Croix de Jésus-Christ, versez en moi tout bien.
Sainte Croix de Jésus-Christ, détournez-moi de tout mal.
Sainte Croix de Jésus-Christ, faites que je parvienne au chemin de salut.
Sainte Croix de Jésus-Christ, préservez-moi des accidents corporels et temporels.

J’adore la Sainte Croix de Jésus-Christ à jamais.

Jésus-Christ de Nazareth crucifié, ayez pitié de moi, faites que l’esprit malin invisible fuie de moi en tout temps, ainsi soit-il.

Dieu, faites-le au nom du précieux sang de Jésus-Christ, en raison de son oblation conduisant tout homme à la vie éternelle, aussi vrai que Jésus-Christ est né le jour de Noël, a été crucifié le vendredi saint.

Ainsi soit-il. »








Annexe B
Extrait de la prière pour l’obtention de la guérison intérieure[124].

Après avoir invoqué le Père, le Fils, le Saint Esprit et Marie, le cœur de la demande est ainsi :

… « Guérissez mon intelligence de tout ce qui peut l’obscurcir : des préjugés, de l’esprit critique, du doute et de confusion mentale.

Guérissez ma mémoire de tout souvenir douloureux, des traumatismes psychologiques qui pourraient remonter au sein de ma mère ou à chaque étape de ma vie : à ma petite enfance, à mon enfance, à mon adolescence ou même à l’âge adulte.

Guérissez mon imagination de tout idéalisme rêveur, de la fuite du réel, de toute fantaisie maladive, de l’illusion, de l’hallucination et de toute forme de délire.

Guérissez mon cœur de toutes ses blessures, de tout égocentrisme ou apitoiement sur soi-même, de toute fermeture ou dureté, du refus de pardonner, du ressentiment ou des soupçons malveillants.

Guérissez ma volonté de toute sujétion extérieure, de toute tentation, obsession, oppression, possession, envoûtement ou hypnose ; du volontarisme orgueilleux, de toute attitude intolérante ou sectaire, de toute faiblesse, indécision ou déviation.

Guérissez-moi de tout déséquilibre : dans ma sensibilité, mon affectivité, mon émotivité, ma sexualité ; de tout sentiment de rejet, de honte, de culpabilité persistante, du complexe d’infériorité ou de la timidité ; de toute anxiété, inquiétude ou peur ; de l’insomnie, de la tristesse, du dégoût de la vie, des idées suicidaires ; enfin des dépendances de tous genres : drogue, alcool, tabac et de toute attache matérielle.

Guérissez-moi de toute déviation, qu’elle vienne de l’hérésie, de mon éducation première ou encore de pressions exercées sur moi – dans mon milieu familial, scolaire, communautaire, social, ecclésial – et de tout évènement passé qui aurait brimé ma liberté intérieure.

Guérissez-moi de tout ce que mon être a subi de négatif, de pénible, et qui aurait été refoulé dans mon inconscient ou mon subconscient. »… 



[1] L’une n’excluant pas l’autre : des combinaisons sont possibles. L’Homme-Dieu ; les sciences pour nier Dieu ou reconnaître sa création et ses créatures ;  la Technique et le progrès pour refuser tout autre croyance.
[2] Le processus de prise de décision en situation de crise nécessite un entraînement : que d’improvisations dans cette phase initiale essentielle ont causé des pertes humaines scandaleuses (l’histoire militaire nous en révèle que trop…) !
[3] Robert Habersetzer : Le guide Marabout du ju-jitsu et du kiai. MS 308. Marabout. Verviers. 1978. 172 p. et Gérard Baron : L’art du té (ou le bujutsu : combat libre). Trédaniel. Paris. 1984. 356 p.
[4] Ou sublimation.
[5] A distinguer de l’information mais chacun sait que la frontière entre une information objective et un propos de propagande est difficile à déterminer.
[6] Une spécialité historique des Etats-Unis dont l’Occident s’est accommodé avec le cinéma comme vecteur essentiel de sa propagande : le bon blanc et le méchant indien ; le soldat américain, champion des forces du Bien, et son ennemi, suppôt de Satan et des forces du Mal ; le défenseur de la Liberté et de la Démocratie  contre les Tyrans. Le combattant musulman, en sens inverse, accomplit la même démarche et cela irrite au plus haut point les Occidentaux.
[7] Il y a là une « magie ».
[8] Autosuggestion.
[9] Les conflits actuels ont leurs vigoureuses racines aux cœurs des XIXe et XXe s.
[10] Vous n’avez pas en Europe occidentale une journée de commémoration des victimes du communisme mondial. 100 millions de morts et des camps de concentration ! Là, se constate la force de la propagande : les esprits sont conditionnés à un point tel que toute prise de position  à ce sujet est rejetée comme le fruit d’un « anticommunisme primaire » au mieux ou comme d’un « fascisme ou d’un nazisme nauséabond » au pire.
[11] Hérodote est-il selon Cicéron « le père de l’histoire » ou selon Plutarque « le père du mensonge » ? Il est curieux que dans le mot « mensonge », il y ait le mot « songe ».
[12] Certains thèmes de recherche deviennent des « territoires sacrés » et pénalité financière, mise au pilon d’ouvrages, emprisonnement récompensent les téméraires qui s’y risquent.
[13] Paul Ricœur : La mémoire, l’histoire, l’oubli. Essais Points n° 494. Seuil. 2000. 698 p.
[14] A un point tel que parfois, il devient aveugle quant à l’emploi ou l’inemploi (ce qui est pire) politique qui sera fait de son engagement.
[15] André Corvisier : Les Saints militaires. Champion. Paris. 2006. 348 p.
[16] Urs (Ours, Orsan), Victor auraient aussi été les noms de deux saints de la Légion thébaine.
[17] Le 22 septembre 2015, l’abbaye de Saint Maurice d’Agaune a fêté le 1500e anniversaire de sa fondation par Sigismond.
[18] « Au commencement était le Verbe », dans la Bible, c’est Dieu ; depuis le XVIIIe s., des dictateurs (p.e. Mao) ou des « cryptodictateurs » (Robespierre, Saint-Just), au nom du bonheur de tous... 
[19] L’idéologie a tendance à prédominer la religion de nos jours.
[20] Une tendance technique achemine certains à voir un militaire comme une machine de guerre et non comme un combattant : il est quasi télécommandé et sa part d’initiative personnelle est réduite à zéro. Pauvre soldat !
[21] La dualité de l’âme et du corps a suscité de longs débats chez les philosophes et les théologiens. Le Moyen Age a privilégié finalement l’âme au corps ; à la Renaissance, les artistes louaient le corps mais les penseurs méprisaient le corps. A la fin du XXe s., il y a une négation de l’âme avec la primauté du charnel., de la matière.
[22] C’est à ce niveau que l’homme se distingue de l’animal (généralement…).
[23] La France a eu les BMC et le Japon les « femmes de réconfort ».
[24] Stefano De Fiores et Tullo Goffi (sous la dir. de ;trad. François Vial) : Dictionnaire de la vie spirituelle. Cerf. Paris.2001. 1248 p. Ci-après désigné par DVS. Ouvrage de base ouvrant de nombreuses pistes de recherche.
[25] D’autres diront l’amour, la charité.
[26] La racine med du mot méditation est la même pour médecin, médical et signifie : prendre soin.
[27] La parole est ce qui caractérise le mieux l’homme de l’animal.
[28] Cela ne signifie pas que je place toutes les croyances sur le même pied : il en est de pernicieuses comme de bénéfiques. Il appartient à l’intelligence ou la pensée d’opérer le discernement.
[29] Chaque jour nous mourrons un peu pour donner vie à ce qui donne sens à notre vie.
[30] Le terme variera mais les actions sont les mêmes : ce propos choquera les « bonnes consciences » mais le réalisme oblige de le dire.
[31] Pour les enfants, entre 5 et 10 ans  (et les adultes aussi), les anciens contes (à conclusion positive) leur permettent de contrôler leurs peurs par l’imagination.  La démonstration en est donnée dans : Bruno Bettelheim (trad. de l’américain par Théo Carlier) : Psychanalyse des contes de fée. Robert Laffont. Coll. Poche 8342 F. Paris. 1976. 512 p.  Lire plus particulièrement : p.41, La vie devinée de l’intérieur ; p.59, Le conte de fée et le mythe ; p.99, L’importance de l’extériorisation ; p.193, Transcender l’enfance à l’aide de l’imagination ; p. 219, Imagination, guérison, délivrance et réconfort.
[32] A la Légion étrangère, le chant a un rôle essentiel pour forger un esprit de corps, pour répéter des messages qui s’inscrivent dans l’âme du soldat encore plus facilement avec une musique entraînante. Lors d’une marche harassante, le chant réveille les volontés les plus faibles. Lire : Chants de la Légion étrangère.BIH Légion étrangère. Puyloubier. 1998. 168 p.
[33] Frontin : Les stratagèmes. Livre I,  chap. 15 et 16 notamment.
[34] La monolâtrie égyptienne a précédé le monothéisme juif. Il y a des relations textuelles troublantes entre les Psaumes et le Livre des morts des anciens Egyptiens. Stock. 1978. Paris. 328 p.
[35] Une réhabilitation du corps par rapport à l’Ancien testament où le sang est impur.
[36] Celui qui se détourne de Dieu.
[37] Lire : Jean-Pierre Vernant : Mythe et pensée chez les Grecs. Etudes de psychologie historique. La Découverte/Fondations. Paris. 1988. 432 p. Son étude ouvre de nombreuses perspectives sur cette activité mentale organisée de l’homme qui précède  toutes ses œuvres religieuses, scientifiques, philosophiques, artistiques ou économiques.
[38] Avec des nuances différentes, allant de Luc Ferry (non croyant), en passant par André Comte-Sponville (athée) jusqu’à  Michel Onfray (Dieu est à l’origine de tout mal), il y a un renoncement à l’Humanisme des origines, pourtant un des fruits du christianisme, pour un homminisme où toute religion est bannie : l’Homme-Dieu au lieu de l’homme en Dieu. Angelus Silesius (Le pèlerin chérubinique, Livre 1, n°163) au XVIIe s. avait donné sa réponse : « Tu n’aimes pas les hommes, et à bon droit ! C’est l’humain qu’on doit aimer en homme. ».
[39] A prendre au sens étymologique et grecque du terme : eidôlon, image.
[40] Observez cet égocentrisme-roi de nos jours !
[41] Ce qui nous éloigne singulièrement de la spiritualité.
[42] Avec un Napoléon III initialement républicain.
[43] Dont certaines ne respiraient pas franchement la liberté, si ce n’est celle de se taire. La République actuelle connaît une « monarchie présidentielle » selon les politologues.
[44] A propos du duc de Chevreuse,  Sainte-Beuve décrit un des pièges subtils de la raison :  « …la plupart des erreurs des hommes viennent moins de ce qu’ils  raisonnent mal en partant de principes vrais, que de ce qu’ils raisonnent bien en partant de jugements inexacts ou de principes faux. », in : C.-A. Sainte-Beuve : Causeries du lundi. T. X, Garnier. Paris. s.d. 504 p. p. 36.
[45] Dont le nom signifie la pensée prévoyante.
[46] Albert Camus dit dans L’été : «  L’histoire est sans yeux et il faut rejeter sa justice pour lui substituer, autant qu’il  se peut, celle que l’esprit conçoit. ».
[47] Lire l’ouvrage décapant de : Pierre Feschotte : Les Illusionnistes. Essai sur le mensonge scientifique. L’Aire. Lausanne. 1985. 304 p.
[48] Avec cette formule si délicate et pratique du « responsable mais pas coupable. ».
[49] Raymond Boudon : L’art de se persuader des idées douteuses, fragiles ou fausses. Fayard.  1990. 464 p.  Une belle invitation à la prudence intellectuelle.
[50] Des bombardements américains sur des villages entiers avec femmes et enfants en Afghanistan ont été des Oradour-sur-Glane. Sir Artur Travers Harris a inauguré cette méthode lors d’opérations du « maintien de l’ordre » aux Indes en 1919 et en Irak, de 1920 à 1924 ; dès février 1942, l’Allemagne et la France ont connu sa pratique avec de nombreux civils tués ; les villes de Hambourg et de Dresde en ont gardé les plaies ; l’Allemagne a eu 23 villes détruites à 60%  et 46 à 50%. Les historiens C. Webster et N. Francklanden ont démontré l’inutilité de ces actions. En vérité, Truman a cautionné ce « travers », non léger, en autorisant  Little Boy à Hiroshima et Fat Man à Nagasaki et, plusieurs jours après, alors que c’était inutile, le bombardement de Tokyo.
[51] Sans se laisser paralyser par le conformisme ambiant de l’opinion publique.
[52] Quelle Europe ? Selon Charlemagne, Henri IV, Louis XIV, Charles Quint, Napoléon, Hitler, Staline ou  quelques oligarques contemporains  ?
[53] La version américanisée de Robin des Bois.
[54] Freud l’a démontré.
[55] Les Suisses ont eu Guillaume Tell : son image est revenue chaque fois que la Suisse a dû mobiliser et je ne doute pas, qu’en cas de conflit, cela se reproduise avec autant de force.
[56] Ne pouvant pas comprendre ses propos car j’ignore la langue arabe, sur Internet, j’ai été surpris par son ton et la chaleur de sa voix. Mais les marins connaissaient déjà les chants des sirènes…
[57] You tube en livre quelques-uns.
[58] Lors des deux guerres mondiales, chants et musiques ont été utilisés, au même titre que les caricatures ou les satires, dans tous les camps. La musique possède une force entraînante  connue déjà des plus anciennes civilisations, aujourd’hui disparues. Lire : Camille Bellaigue : Propos de musique et de guerre. Paris. NLN. 1918. 320 p.
[59] Pseudonyme signifiant : les rêves de victoire.
[60] Al-Gharib : propagandiste d’Al-Qaïda autrefois et de l’EI actuellement.
[61] The Blaze of the True : certains traducteurs préfèrent l’éclat, d’autres le feu ou encore l’incendie de la vérité. Le choix du traducteur est bien un choix de lecture.
[62] In The New Yorker  du 8 juin 2015, l’article de Robyn Creswell et Bernard Haykel  : http://www.newyorker.com/magazine/2015/06/08/battle-lines-jihad-creswell-and-haykel
[63] J’espère que celles et ceux qui ont cru ou croient encore à celle du XXe siècle me pardonnent !
[64] Elles sont incontestables : l’impuissance de l’ONU depuis des décennies, en ce cas, a des conséquences tragiques. Elle nourrit d’abord la rancœur, ensuite la haine, le désir de revanche et le besoin d’obtenir justice par les armes ce que le droit, même international,  est incapable de régler. 
[65] Trad. de J.-B. M. Roze : La légende dorée. GF Flammarion. 2 vol. Paris. 1967. 508 p. et 508 p.
[66] DVS, pp. 691-711, modèles spirituels.
[67] Hypertrophiée chez certains à  un point tel qu’ils ont la capacité de sodomiser les mouches, ce qui est encore plus difficile que de couper un cheveu en quatre !
[68] Emile Coué : Œuvres. Ed. Astra. Paris. 1976. 300 p. Dans un langage simple, il développe des idées fondamentales que d’autres reprendront de façon alambiquée. Certaines prières répétitives du Coran utilisent ce procédé de suggestion positive (Sourate XVII, 80-81, pendant la nuit) : « Seigneur, fais-moi entrer en homme juste dans la tombe ! Fais m’en sortir en homme juste et accorde-moi, de Ta part, un pouvoir bénéficiant de Ton secours ! » et « La Vérité est venue et l’erreur est dissipée. L’erreur doit se dissiper. » .
[69] Maxwell Maltz (trad. Vaugrance de Novince) : Psychocybernétique. Ed. Christian H. Godefroy. 1979. 216 p.
[70] Karl O. Stoeber : Le psychotraining autogène. Comment retrouver et garder la santé. Ed. Christian H. Godefroy. 1985. 192 p.
[71] Jeanne d’Arc est mentionnée sur une affiche au musée du Grand Orient de France (rue Cadet) comme une sainte laïque.
[72] Cette part d’inconnu et de mystère qui demeurent quand l’homme a exploré l’infiniment grand et l’infiniment petit, avec ses moyens techniques. 
[73] DVS, pp. 271-279, discernement..
[74] Angelus Silesius, pseudonyme de Johannes Scheffler (1624-1677), a été un Luthérien converti au catholicisme. Se retrouve chez ce contemplatif une mystique de tous les temps. En vue du discernement, son invitation est la suivante : « Homme tout ce que tu veux est  d’ores et déjà en toi. Mais tout tient au fait que tu l’empêches de sortir. »  (Le pèlerin chérubinique, Livre 4, 183).
[75] Chögyam Trungpa Rinpoché : Le mythe de la liberté et la voie de la méditation. Coll. Sagesses n° 18. 1979. 188 p.  Pour une pratique d’inspiration bouddhique, lire Matthieu Ricard : L’art de la méditation. NiL éd. Paris. 2008. 188 p.
[76] Moïse Maïmonide : Le guide des égarés. Verdie. Lagrasse. 2012. 1316 p. Avant de commencer, consultez les articles de l’excellent index : âme, ciel, esprit, Dieu, imagination, corps, etc.
[77] Jean-Yves Leloup : Manque et plénitude. Espaces Libres. Albin Michel. 2001. 268 p. Il réussit le tour de force de monter une filiation de pensée de Philon d’Alexandrie, à Dürckheim sans oublier Freud, Jung, Reich et Lacan.
[78] Coran, sourate XVII, 82 : « Nous faisons descendre, par la Prédication, ce qui est guérison et miséricorde pour les Croyants et qui ne fait qu’accroître la perte des Injustes. » Dans la mesure où le Coran apaise le cœur des hommes et des femmes, Il possède une valeur thérapeutique : le chemin spirituel à suivre pour la purification du cœur par le souvenir de Dieu.
[79] Celui-ci ne doit pas influencer ou être en fusion avec celui qu’il accompagne : être à l’écoute et aider à discerner sont ses deux fonctions. L’accompagné doit trouver sa voie par lui-même.
[80] Un bon éclairage psychologique d’une psychothérapeute arménienne : Noémie Meguerditchian : Entrer dans le discernement spirituel. Chemins ouverts. Desclée de Brouwer. Paris. 1996. 108 p.
[81] Ceci bien compris aurait évité bien de faux-prophètes.
[82] DVS, pp. 358-366, exercices spirituels.
[83] Peur, critique, amour propre, sensibilité excessive, rancune, haine, jalousie, mensonge volontaire ou involontaire…
[84] Amitié, reconnaissance, joie, sentiment de plénitude,  confiance en ses proches, en l’Etat, en une association ou en une institution…
[85] L’enfant apprend à marcher en tombant jusqu’au jour où il ne tombe plus.
[86] Prêtre, médecin, directeur spirituel.
[87] DVS, pp. 803-819, pathologie spirituelle.
[88] Les fautes ou les péchés en pensée, en parole, par action ou par omission sont analysés quotidiennement afin de n’en point devenir l’esclave.
[89] Toutefois sans se perdre dans la contemplation aveugle de son « moi » qui peut étouffer certains.
[90] Dont le contenu était son secret : l’humiliation de son adversaire consistait à la vider aux yeux de tous.
[91] Des guerriers musulmans portent des versets du Coran.
[92] Annexe A : invocation à la Sainte Croix.
[93] Celui qui survit à certains combats culpabilise du fait d’être vivant alors que d’autres sont morts ou gravement blessés.
[94] Etude des interactions complexes entre nos systèmes nerveux, endocriniens et immunitaires.
[95] Lire : Robert Dantzer : L’illusion psychosomatique. Odile Jacob ; Jean-Didier Vincent : La biologie des passions ; Edouard Zarifian : Les jardiniers de la folie. Odile Jacob.
[96] La suggestion traitée précédemment.
[97] Numérotée de 1 à 8 car 8 ont été identifiées sans que leurs fonctions exactes soient connues pour toutes.
[98] Travaux de Françoise Villemain, Institut neurologique de Montréal.
[99] Les exercices spirituels déjà mentionnés.
[100] Les catéchismes des Chrétiens ; les Manuels d’instruction civique ; les Chants de tradition ; les Psaumes ; les 10 commandements ; les Béatitudes …
[101] Neurobiologiste du Collège de France.
[102] 1260-1320. Etudes à Montpellier et Paris. Médecin des champs de bataille et de Philippe le Bel. Il se dit qu’il aurait embaumé les corps de deux rois de France : Philippe le Bel et Louis X le Hutin. Son  Chirurgia est un ouvrage inachevé, sans doute en raison d’une phtisie pulmonaire qui le fit souffrir pendant 4 ans. Version en français contemporain : La Chirurgie de Maître Henri de Mondeville. Ed. A. Bos. Paris. 1897-8. Société  des anciens textes français (SATF), 40.
[103] Paul Tournier : Bible et médecine. Delachaux et Niestlé. Neuchâtel-Paris. 4e éd. 1987. 240 p. Lire aussi : Les forts et les faibles. Delachaux et Niestlé. Neuchâtel- Paris. 1948. 220 p. Son livre Médecine de la personne traite de l’influence de l’âme et de l’esprit sur le corps.
[104] Le Nouveau Testament, s’adressant à toutes les nations, ne réduit pas l’homme à son pêché ainsi que le fait  l’Ancien Testament qui s’adresse au seul Peuple élu (le poids du passé exige des comptes où la lapidation est acceptée). Cela change du « Va et ne pèche plus !» du Christ, ouverture sur ce demain qui peut être un nouveau commencement, seulement après un sain discernement du passé et du présent, passant par une repentance et de nouveaux actes en accord avec la Parole : la renaissance en se dépouillant du vieil homme.
[105] Attribué à Thomas Kempis (trad. de Lamennais) : L’imitation de Jésus-Christ. Coll. Foi vivante. M239. Cerf. Paris. 1989. 288 p.  Il en existe une version versifiée par Pierre Corneille (traducteur) : L’imitation de Jésus-Christ. Spiritualités vivantes. N° 161. Albin Michel. Paris. 1998. 536 p.
[106] DVS, pp. 937-950, psychologie et spiritualité.
[107] Dennis Linn et Matthew Linn : La Guérison des souvenirs. Desclée de Brouwer. Paris. 1987. 264 p. Les deux auteurs sont des jésuites américains se consacrant au ministère pastoral de la guérison. Le premier volume est dans ce style américain mêlant l’essentiel et l’accessoire. Le deuxième volume est le plus utile pour une mise en pratique : Dennis Linn, Matthew Linn, Sheila Fabricant : Pratique de la guérison de souvenirs. Desclée de Brouwer. Paris. 1990. 332 p.
[108] Saint Augustin : « Dans sa sagesse, Dieu a mieux aimé tirer le bien du mal que de ne permettre aucun mal. ».
[109] Les Psaumes répondent à toutes les situations qu’une âme éprise de Dieu peut connaître.
[110] Commémoration rituelle du Jeudi Saint, la Cène avec la consécration et le partage du pain et du vin.
[111] Une mémoire intelligente est ni lobotomisée, ni formatée, ni passive, ni passoire.
[112] Delphine Debons : L’assistance spirituelle aux prisonniers de guerre. Un aspect de l’action humanitaire durant la seconde Guerre mondiale. Cerf. Paris. 2012. 452 p.
[113] Les Témoins de Jehova.
[114] Richard Wilhelm (trad. de l’allemand Etienne Perrot) : Yi King.  Le livre des transformations. Médicis. Paris. 1973. 804 p.
[115] Abbé Julio : Grands secrets merveilleux pour aider à la guérison de toutes les maladies physiques et morales. Bussière. Paris. 1987. Rééd. de l’éd 1907. 672 p.
[116] Mary Baker Eddy : Science et santé avec les clefs des Ecritures. Boston USA. 1945 (Ed revue de 1917 et 1936). 692 p.  Il s’agit d’une édition bilingue (anglais-français). Intéressant pour les exemples de fausses croyances (parfois vraies pour tout un chacun et parfois vraies au regard de sa seule croyance) qu’elle énumère.  Les titres qu’elle avance : présidente de la « Massachusetts Metaphysical College » et Pasteur Emérite de la Première Eglise du Christ, Scientiste, Boston. Les Scientistes étaient actifs en Europe jusque dans les années 1970, à ma connaissance. Actuellement, je ne le sais pas.
[117] Mgr Tournyol du Clos : Peut-on se libérer des esprits impurs ? Un guide pratique vers la délivrance. L’archistratège. Canohès. 2001. 120 p. La personne tourmentée est le premier acteur de sa délivrance : l’auteur lui offre les démarches spirituelles et les prières prévues par l’Eglise. Il a écrit dans l’esprit de l’œuvre de Don Pasqualino Fusco : Pour se défendre du Malin. L’archistratège. Canohès. 260 p.
[118] Ibidem  p. 52-53. Il en est reconnu près de 65 : superstition, angoisse, peur, doute, rébellion, etc.
[119] Annexe B : extrait de la prière de guérison intérieure.
[120] Op cit. p. 1.
[121] Op cit, Livre 4, 70.
[122] Op cit, Livre 6, 146.
[123] Conservé dans diverses familles du Sud de la France ainsi que j’ai pu en prendre connaissance.
[124] Op cit Tournyol, p. 75.