mardi 14 mars 2017

Saint-Gervais (30200) : Henri Lombard, un historien.


Henri Lombard (1925-1950) :
un historien à redécouvrir

Antoine Schülé de Villalba
conférence donnée en mai 2004,
texte revu en mars 2017.


Introduction

Un jeune historien local, que les circonstances de la vie ont fait qu’il a été et restera toujours un jeune historien, mériterait une reconnaissance dans son village d’adoption, Saint-Gervais. Aucune rue, aucune place, aucun espace ne porte son nom. Et pourtant, s’il y avait et il y a une personne à honorer, c’est bien Henri Lombard.

Il est vrai que dans une de ses notes intimes, il avait écrit : « L’homme n’est homme qu’autant qu’il est recherche et recherche de la vérité. ». J’admire sa réflexion critique en notre temps encore, où devant la vérité, une certaine lâcheté ambiante privilégie la politique de l’autruche, le refus de voir les faits pour ne pas devoir prendre le risque de prendre une opinion ou, pis encore, une décision.

La « recherche » en histoire est un mot exigeant car cela implique bien des contraintes intellectuelles et vous obligent à découvrir les vérités oubliées ou cachées et à reconsidérer les faits avec objectivité. Se lever le matin et accepter les faits de la vie passée comme présente avec un regard neuf : cela n’a rien à voir avec la routine, avec l’acquiescement niais des « On dit que …», politiquement correct ! Mais sans ce travail de « recherche » qui est le travail même de l’historien, il est impossible de construire l’avenir.

D’ailleurs, ce travail d’historien n’est pas réservé aux seuls spécialistes reconnus : chacun d’entre vous construit sa vie sur ses propres expériences, ce passé qui est particulier à chacun d’entre vous : c’est votre histoire que vous construisez au quotidien. Dans la vie publique, il faut aussi de la mémoire historique : un bon politique est celui qui sait tirer les leçons de son expérience, vécue à un poste où décider est un devoir, et du passé d’une communauté. Toutefois celui, qui veut l’ignorer et désire rester dans un aveuglement volontaire et béat, est certain de répéter, avec une nonchalance qu’il fera passer pour de la prudence, les erreurs quand il n’en créera pas tout simplement de nouvelles.
Le silence, qui entoure ces oubliés de l’histoire de Saint-Gervais, le sera moins car nous aurons et, lecteurs, vous aurez aussi à cœur de les faire connaître ou reconnaître : c’est cela défendre véritablement le patrimoine, non pour se servir mais pour servir.  

Biographie
Henri Lombard est né à Alès le 4 décembre 1925.
Son arrière-grand-père est un Soulèze. A son initiative, il a implanté un vignoble de type héraultais à Saint-Gervais, ce qui lui a valu d’abord de l’inimitié (proposer une nouveauté n’est pas toujours aimé,  de plus en n’étant même pas un natif du lieu, « C’est un comble ! », n’est-il pas vrai ?). Durant ces années 1880,  il est le représentant de cette révolution agronomique dans la vallée de la Cèze que plus d’un adoptera au vu des résultats obtenus.
Son père, Auguste Lombard, avait accompli un doctorat en droit. Il est décédé à Alès le 3 avril 1955, à l’âge de 69 ans. Madame Henry Cadilhac de Madières est née Marie Augustine Elisabeth Cécile Soulèze. Elle est retournée à Dieu, le 13 août 1952, dans sa 87e année. Inhumée le jour de l’Assomption à Puisserguier. Marie – Joseph – Paulin - Jean Cadilhac de Madières est retourné à Dieu le 30 mai 1907, à l’âge de 13 ans.



Notre jeune Lombard vivait à Alès et passait ses vacances à Bayne, domaine viticole, à l'ouest du village de Saint-Gervais. Très attaché à cette commune, il a aimé cette communauté jusqu’à vouloir étudier l’histoire rurale de la vallée de la Cèze, avec passion et pour l’obtention d’un doctorat en droit.

Il était membre du Spéléo-club de Montpellier et de la Société Spéléologique de France. Il est décédé aux Matelles dans l’Hérault le 8 octobre 1950. Il a reçu la médaille d’or de l’éducation physique et des sports, à titre posthume le 30 mai 1951, dans le cabinet du Préfet de l’Hérault.

Quelques mots sur le domaine de Bayne :
A l’origine ce domaine des Templiers est devenu, au Moyen Age, un mas appartenant à l’ordre de Saint Jean de Jérusalem. Suite à la condamnation des Templiers en 1314, plusieurs de leurs membres avaient repris de nombreux biens templiers. Les Templiers n’avaient pas mérité cette condamnation mais leur richesse avait suscité aussi bien l’inquiétude que la convoitise du Roi. Leur art de vivre, tout à la fois militaire et monastique, faisait peur : en fait, les Templiers ont préfiguré les engagements militaro-humanitaires que nous connaissons actuellement (avec des déviances parfois par rapport à l’intention initiale qui était la volonté de protéger les pèlerins a été forte) mais cela est un autre sujet. Revenons à Bayne.

En 1333, Béatrice de Bonnet, veuve de Bertrand de Guiraud, en avait l’usage exclusif sa vie durant : en contrepartie, elle devait remettre le 25 % de la production à l’ordre de Saint Jean de Jérusalem. Plus tard, cela resta un bien noble avec un de Bagnols qui en devint le possesseur[1]. Avec le temps,  cela fut la ferme du château de la famille de Guasc, constituée d’une grange et d’un local pour le fermier et les ouvriers. Cela le demeura pendant plusieurs siècles.
Ensuite, au XIXe siècle, Elsa Cotton en fut propriétaire et en a donné l’allure actuelle. Gustave Rouvière[2], lieutenant-colonel, officier de carrière en a fait l’acquisition. Lors de la conquête du Sahara, il a subi une maladie qui allait l’emporter. Il a fait don de ce domaine à son ami Auguste Soulèze et ses filles. C’est ainsi que le domaine de Bayne est parvenu à la famille Lombard.

Un parcours de vie

 La grotte du Lirou


Vue depuis la grotte du Lirou

Revenons à Henri Lombard qui ne pratiquait pas la spéléologie uniquement pour son seul plaisir. Dans une région qui manquait d’eau en raison de la pauvreté et de l’irrégularité des eaux de ruissellement, il était nécessaire de reconnaître les veines d’eau souterraines. Il a décidé de mettre sa passion de la spéléologie au service des autres. Il effectuait des reconnaissances dans ce but. Une exploration spéléologique dans la rivière souterraine du Lirou lui a été fatale.


Une stèle commémorative est élevée à son honneur à Matelles, près de la grotte du Lirou où il a trouvé la mort. Tout s’est passé dans le siphon terminal qu’il avait pourtant déjà franchi pour la première fois le 22 août 1950.

Portrait moral
Jaques de Cailar, le président du Spéléo-club Alpin languedocien a dit de lui : « Camarade joyeux, sympathique, dévoué, franc, avec de grandes capacités physiques, volontaire, faisant de grandes choses dans la simplicité ». Maurice Laurès a dit aussi de lui : « Son sourire cachait, sous une fausse apparence de fantaisie ou d’indifférence, une âme passionnée de Beau et de Bien. Le parfait sang-froid qu’il savait garder en toutes circonstances l’empêchait d’extérioriser son enthousiasme juvénile pour les grandes causes et les grands problèmes. ».  

Son travail d’historien
Son activité physique, à la recherche de l’eau, s’accompagnait d’une soif intellectuelle, à la recherche de la vérité. Il mérite d’être honoré pour la qualité de son écrit majeur qu’est sa thèse : Monoculture de la vigne et évolution rurale dans la vallée de la Cèze. Le sous-titre en est : Contribution à l’histoire agraire du Languedoc Rhodanien.
C’est véritablement un enfant de la Cèze et il a écrit modestement une œuvre d’historien mais la modestie ne paye pas plus en son temps qu’à la nôtre : que des autorités politiques locales choisissent de l’ignorer, parfois avec une superbe déconcertante, cela reste choquant.

Il a dédié sa thèse à Madame et à Monsieur Robert de Nesmes - Desmarets, un ancien professeur à la faculté de Droit de Montpellier qui l’avait encouragé dans sa recherche. C’était un ami de son père car ils avaient étudié ensemble le droit. Son directeur de thèse a été le professeur Comby. Son ouvrage a été composé pour obtenir le grade de docteur en droit devant la faculté de Montpellier (jury : Professeurs Comby, Milhaud, Tisset). Il obtiendra ce titre mais à titre posthume, le 30 novembre 1950.

Que cela soit une thèse de droit ne doit pas dissuader le lecteur à la lire ! Il s’agit plus d’une étude de sociologie juridique. Son travail embrasse l’économie rurale, la géographie humaine et la démographie qualitative. Pour son temps, il apporte une approche nouvelle de l’analyse historique ; il sort des sentiers battus. Il a fait véritablement œuvre d’originalité. Il s’intéresse à l’homme de la terre, confronté à cette nature qui peut se montrer tour à tour généreuse et ingrate.

Sa thèse de 125 pages a nécessité deux ans d’études et d’enquêtes. Il ne s’est pas contenté de piocher, dans des livres existants, ses connaissances. Non, il s’est confronté aux sources. Son oeuvre sent l’homme de terrain qui a parcouru les garrigues, les champs de la vallée de la Cèze comme les archives. On y perçoit ses discussions avec les gens de la terre qu’il honore par son écrit de qualité.

Nous avons d’ailleurs failli ne pas avoir un historien de la Cèze car pendant plus d’un an, il s’était préparé à une thèse sur les aspects financiers et fiscaux du football méridional. Et il a eu le courage de renoncer à cette étude car les documents qu’il désirait obtenir pour la rédaction de sa thèse ne lui ont pas été fournis par ceux qui les lui avaient pourtant promis ! Le sport et la finance, déjà en 1947, ont, par moments, eu des relations qui préféraient l’opacité : cela n’a pas changé quand on pense aux sommes qui se brassent pour voir évoluer un ballon rond ! 

Il n’est pas verbeux mais il est sincère. Il reconstitue document après document la réalité d’un terroir sur trois siècles. Son étude s’appuie sur une méthode scientifique, il offre des interprétations originales avec prudence. On y perçoit de l’humour, de la bonté sans mot inutile.

Les dernières pages du livre se portent sur la vie religieuse et politique mais ce sont des écrits qu’il n’a pas eu le temps de peaufiner car le destin en a voulu autrement.

Son regard se porte surtout sur les années 1850 à 1880. Il souligne l’établissement d’un nouveau vignoble et les étapes qui ont conduit le monde agricole saint-gervaisien vers la monoculture. Il analyse :
·      les causes du morcellement des terres,
·      le régime de l’exploitation,
·      les mouvements de la main d’oeuvre,
·      les phénomènes d’inadaptation.
Il insiste sur le fait que le travail du vigneron est une lutte incessante car, en 1950, le vignoble écrase ses possesseurs.

Parcourons rapidement les données historiques qu’il nous livre sur Saint-Gervais. Les vignerons et amis du vin y trouveront bien des informations mais les autres auront une occasion de découvrir une communauté rurale en vallée de Cèze.

Page de couverture

Extraits de sa thèse
Parfois, j’y ajoute des compléments ou remarques pour le lecteur de nos jours. J’en respecte l’approche chronologique avec mention des pages où vous pourrez compléter votre lecture.

Thèse Henri Lombard,
Dépouillement Antoine Schülé, mai 2004. Données saint-gervaisiennes uniquement retenues

1 avril 1693            Arrêt pour « faction d’un nouveau compois terrier
dudit St. Gervais »[3]
Travail confié à Jean Simon, arpenteur de Connaux,
suite à une adjudication faite par enchères.               p.14
                                                                              
28 août 1693 Me Chinier, notaire royal de Bagnols et greffier de St. Gervais signe le contrat de bail.

1694                       Compoix St. Gervais                                               p.13
                              Présage de Saint-Gervais
                                                                                                            p.25, 30
Saint-Gervais rural du XVIIe siècle

Cultures : blé, seigle, touselle, olive, fourrage, courge, olivier                   p.18
Elevage : chèvres, moutons, porcs, poules, lapins, miel
Bêtes de trait : chevaux, mulets, ânes, bœufs (plus rares)
Toutes les terres n’étaient pas cultivées.

Anciennes mesures                                                                               p.14

Utilisation des sols                                                                                 p.15

1725                       arrêt du conseil : interdiction de garder des chèvres
1ere fois, contrevenant subit amende de 100 livres,
jarrets des chèvres coupés ;
2e récidive, 200 livres d’amende, bête confisquée.

10 décembre 1728 ordonnance : se défaire des chèvres dans le mois
« Comme bien des circulaires administratives de nos jours, il semble bien qu’elle n’ai eu qu’une existence écrite. » Remarque fine et avec ironie de notre jeune Lombard.   p. 16

27 mars 1725         arrêt du Parlement de Toulouse
                             système de la compascuité (vaine pâture : autorisation de la                               dépaissance dans la proportion des biens que l’on possédait   dans toutes les terres des communautés, à l’exception des vignes, oliveraies et lieux clos.     P. 16

21 juin 1766           payement d’un droit par bête,nombre de bêtes est proportionné aux terres                                               possédées.

6 octobre 1752      gratification de 25 livres pour 100 mûriers plantés    p. 17

1754 – 1763 :          7 propriétaires plantent 3868 mûriers

1er Empire           1440 hl de pomme de terre
                              autonomie en grains
                              plus de seigle que de blé
                              terres pauvres pour les labours

1807                       fortes gelées des oliviers
                              peu de châtaigniers : sol trop calcaire

1814                       Chusclan fournit le meilleur vin dans la région ;
                              St. Gervais, vin moins estimé sur le marché mais considéré de                                                               même qualité que celui de Codolet

Cheptel saint-gervaisien en :
1809                      10   chevaux
                              28   ânes
                              42   mulets
                              514 moutons
                              697 brebis
                              447 agneaux                                                                      p. 19
         
1806                       toison des moutons : 2 kg de suint, à 2 francs le kg par mouton
                                                                                                                      p. 20
1827                       Cadastre, renseignements :
                              1206 ha de cultures
                               489 ha  de terres labourables
                                  5 ha   de prés
                               19 ha    de terres plantées
                               272 ha  de bois communaux
                               147 ha  de forêt royale    

cocons vers à soie  18 000 kg par an soit 72 000. - de revenus

Grange de Bayne, propriété du seigneur de Guasc de St. Gervais ;
Grange de l’Isle, propriété du seigneur de St. Auban.

Grands propriétaires en 1694 :
Cotton, de St. Auban, François Larnac, Jean Pradier, Antoine Rafin (le maire)
et le reste du foncier non communal se partage en 143 propriétaires ;
Oliviers et mûriers sont plantés en bordure des terres ou au milieu des vignes  p. 32

Population :

Sous la Révolution
                              Classe nombreuse est celle des petits propriétaires
                              Deux subdivisions :
                              1) paysans avec assez de biens pour vivre de leurs revenus
                              2) paysans obligés de travailler soit dans de grands domaines,                                                                 soit comme piocheurs pour la garance dans le Vaucluse

                              Peu de manouvriers agricoles

                              Rareté des artisans

                              Petits artisans sont en même temps agriculteurs
                              Revenus de l’artisanat pour agrandir les terres

Faits frappants :   importance des petits paysans exploitant eux-mêmes leurs                                                                terres ;
                              faible importance numérique tant des gros propriétaires que                                                             des manouvriers.              p. 36 

Propriétaires exploitants se faisaient rémunérer leur travail pour autrui.
Moyen privilégié : fermage à prix d’argent.

De Guasc louait une partie de ses terres : 4 à 5 terres, 1 moulin ; il gérait lui-même la plus grande part de ses biens avec des ouvriers agricoles et des petits propriétaires du village. La main d’œuvre était engagée selon les besoins. L’ouvrier permanent était rare.

Les baux sont de 6 à 9 ans. Paiement en argent à deux termes. Parfois quelques redevances minimes : fruits, œufs, volailles.

Le fermier du moulin qui appartenait à de Guasc devait moudre gratuitement le blé de de Guasc à sa demande.

Prix des locations :
Terre labourables, 120 à 150.- l’ha, parfois 200.- pour les terres de première qualité.
Terres de faible rendement : 60.- l’ha.

Principe général des grands propriétaires :
Ils afferment quelques terres à prix d’argent mais jamais tout le domaine.

Prix des terres dans 1ere moitié du XIXe siècle                                               p. 37

1850   Rendements :
                              froment, 8 à 16 hl/ha
                              seigle,    6 à 16 hl/ha
                              orge,      6 à 16 hl/ha
                              vigne,    20 (généralement) à 40 ha (rarement)/ha
                              fourrages, 30 à 40 quintaux/ha

* Les charrues sont rares
« Le travail se fait à la main : beaucoup de sueur, peu de résultats. »                   p. 37
* La vigne se travaille au huchet ; en 1850, le sécateur fait son apparition, remplace la serpe pour la taille !
Engrais chimiques n’existent pas ; Fumier de bergeries, seules fumures.
*Vigne fournit essentiellement un vin de bouche. Vin pour la vente : objet d’autres soins.

Céréales et moutons : modestes revenus.

* Exploitation du sous-sol : carrières, source d’un modeste revenu communal.

Salaires 1850 :
Domestique de ferme :     homme, 217.-/an
                                       femme, 95.-/an
                                       journalier agricole, 1.50/jour si pris à l’année
                                                                   , 2.-, si pas pris à l’année

Pays pauvre, isolé, mange peu de viande (à l’exception du porc, de la chasse),
Replié sur lui-même, communications difficiles.

Vers 1840              la « route » Avignon - Barjac était bonne jusqu’à Bagnols,
                              ensuite une fondrière ;
                              40 Km Bagnols - Barjac seront rendus carrossables.            p. 38

1800-1850    extensions maximales des cultures        p. 41

1836             pyramide des âges idéale : large à la base
                    45/711 habitants ont plus de 60 ans.
                    342 entre 20 et 60 ans et dont 211 entre 20 et 40.

Garçons cherchent femmes dans les communes voisines.

Mortalité infantile est très forte. 1 enfant sur 2 ou 3 meurt avant d’avoir atteint l’âge de 3 ans.

1830-1840    faible quantité de mariages, une émigration régulière se produit.

1806 à 1851  le nombre d’habitants passe de 564 à 753.

1856             vignes, perte totale de la récolte : oïdium
                    Vin : une consommation interne
                    Pas de vin produit : les paysans se passent de vin.

Oïdium : maladie causée à la vigne par un champignon microscopique parasite qui développe un mycélium externe sur les feuilles, les grappes, les rameaux, et contre lequel on lutte par pulvérisation de sulfate de cuivre.

1859             vers à soie : baisse, la pébrine fait des ravages.

1866- 1875 :  vigne : ravage du phylloxera, (Pujaut est le premier site atteint en Europe).

1874             120 ha de vignoble disparaissent en raison du phylloxera

Phylloxéra : puceron causant de gros dégâts dans les vignes. Les femelles aspirent la substance des racines, qui pourrissent ensuite. Le phylloxéra provoque également la galle du dessous des feuilles de la plante sur laquelle il se trouve.

1880   Vigne avait disparu quasiment des paysages de la vallée de la Cèze.  Traitement trop onéreux et succès incertain. D’où une augmentation des terres incultes                                      p. 52
La vigne devient une culture des coteaux.
Bonnes terres aptes à toutes les productions sont des terrasses, à l’abri du vent.

Cela se fait au détriment de la terre fertile. Terre arable peu profonde tend à disparaître lors de fortes précipitations, de désherbages : les éléments fertiles du sol disparaissent.

Terres plus caillouteuses sont exploitées : épierrage intense, création de murailles sèches (juste avant 1914).

Vigne résiste mieux chez les petits propriétaires qui désirent conserver leur production particulière, pour usage personnel.

Accroissement des terres incultes, paysage change.
Progression des pacages

Emigration plus fréquente ; existence d’un droit d’aînesse tacite ; parfois seul l’aîné se mariait, les autres vivaient au foyer et restaient célibataires.      

1890 à 1900 : vente de petites vignes alors qu’il y a reprise viticole.                   P.54

Perte de confiance dans l’agriculture
Attraction d’emplois dans les villes : Bagnols, Avignon, Bollène, Pont.

Désir de travailler sans souci comme ouvrier agricole

Agriculture après les crises

Début XIXe s., froment seigle sont cultivés à égalité ;
Mi XIXe s., le froment occupe une place plus importante que le seigle.

Vers 1900, le seigle disparaît comme depuis 1850, le sarrasin et le méteil.

blé noir n.m. (Fagopyrum esculentum) Egalement appelé "sarrasin", largement utilisée comme alimentation du bétail, cette graine triangulaire est également consommée en tant que gruau. Ce blé noir pousse sur les sols pauvres des landes et dans les vallées montagneuses, comme au Népal par exemple. Famille des polygonacées.

Méteil Bas latin : mistilium, mélange. Mélange de seigle et de froment (ou de blé) semé en même temps dans le même champ. Passe méteil : mélange de deux tiers de froment et d’un tiers de seigle ; petits méteils : sol pauvre, plus de blé que de seigle ; gros méteils : blé domine. Mariage d’espèces pour moissonner en même temps.

L’avoine occupe une place modeste mais se maintient. Faible rendement.

Vignes atteintes par le phylloxéra : certains propriétaires y plantent le millet à balai. 1900, 650.- / hectare, soit équivalent de 40 hl de vin /ha             P. 55

mil à balai épuise les terres ; nécessite un important apport d’engrais. Marché limité pour le grain et pour la paille. Ressource d’appoint mais pas revenu sûr.

Elevage

Dès la première moitié du XIX e siècle : nette décadence.

Mairie de St. Gervais (sources):
1863, taxe communale de 0.30 par bête admise dans les pâturages.
1863-1869 : 400 bêtes sur 800 bêtes dans la commune.
Taxes pour :
                    1872, 476
                    1874, 640
                    1875, 715

Nouvelle habitude alimentaire : production de brebis et d’agneaux, usage de consommer de la viande.

1875 : production maximale.
Depuis 1878, chute régulière et sûre.
Lien avec la reprise de la vigne.

Dès la guerre de 1914 : le déclin est sérieux, bêtes résiduelles de quelques particuliers.

Fin d’une forme de polyculture,
début du renouveau viticole 1880-1881,

M. Soulèze croit en la possibilité de produire du vin de qualité dans cette région. Il tente les premières replantations.

Le domaine de Bayne est un terrain d’expérimentation :
Plants greffés sur porte-greffes américains
Plans directs américains
Plans directs français
Résultat : abandon des plants américains directs, le jacquez qui était en faveur pourtant. Plants greffés sur américains (Riparia Gloire et Jacquez) l’emportèrent. p. 59

On greffe des        alicantes bouschets
                              petits bouschets
                              carignans
                              terrets bourrets                                              p. 60
Les cépages traditionnels comme cinsault et grenache sont délaissés.  
                                
Les prix élevés du vin, un exemple vu et le succès démontré, une nouveauté :
1885-1900 : une replantation de la vigne à St. Gervais et dans les communes environnantes.

Soulèze a révolutionné les manières de faire sur cette commune :
·       Plantation : avant, on plantait large avec arbres fruitiers et oliviers entre les rangées de vigne, conséquence : mûrissement insuffisant ; mélange de cépages ; alignements fantaisistes des ceps ;
·    Taille : il a fait venir des tailleurs de l’Hérault (taille en gobelet); les tailleurs d’ici chargeaient la vigne de trop de bois (taille Guyot)
·      Procédés de culture : équipes de laboureurs remplacent les piocheurs ; développement du travail (labours d’automne, d’hiver et de printemps). Piocheurs n’apparaissent plus qu’en été aux pieds des souches ; mildiou : nécessité de sulfatage
         
Mildiou : Nom de maladies cryptogamiques qui attaquent diverses plantes et qui se manifestent par des taches duveteuses à la face inférieure des feuilles. Ces maladies sont en fait dues au parasitisme des plantes par des champignons, tel le Plasmopara viticola pour la vigne.
·       Termes de travail
·       Coutumes de vente (il ne payait pas le courtier)

La vigne des coteaux descend vers la plaine : elle s’étale jusque vers la Cèze.
Grosse charrues défoncent le sol jusqu’à 40 ou 50 cm de profondeur.

Rangées s’alignent droites et parallèles
Vignes plantées en carré à 1m.50.

Sur 450 ha de terres cultivées, il y a 300 ha de vignes.

Les gros propriétaires sont les premiers à replanter ; Vigne est la culture principale : elle exige tous les soins.                                                                           p.61

Trois raisons :
Nature du sol et du climat
Extension du vignoble sur rive gauche de la Cèze ; abri du rideau de collines, gelées moins fréquentes, vignes en terrasses mûrissent mieux, les terres alluviale s’étendent plus sur la rive gauche (contrepartie des inondations)

Situation sociale
Grands domaines appartiennent à d’anciens notaires, négociants qui disposent de capitaux importants. Régies directes pour le gros du domaine, peu d’affermages à St. Gervais (petite part).
A Sabran : fortunes importantes mais terres affermées en totalité. Investissement pour la replantation par propriétaires, sans retirer le bénéfice !
La charge d’un grand domaine en vigne ne peut être assurée que par un propriétaire : toute l’année ouvrage lourd à poursuivre ; métayer n’est pas habitué à cette époque aux contraintes de ce genre.

Terres ne rapportent plus, nécessité de trouver un nouveau débouché ;
travail pour la population : trois grands propriétaires emploient 65 ouvriers, tous du village ;
revenu des plantations, salaires attractifs pour tous                                 p.63
fixation de la population sur village.

Situation économique
Peu de grands propriétaires, 25 à 50 ha.
Très nombreux petits propriétaires :
Frais de plantation mais espoir de bénéfices.

Domaines moyens : avantage, la replantation ne nécessite pas une grande mise de fonds.

Petits propriétaires imitent et peuvent se faire de l’argent en louant leur personne et leur cheval ou en effectuant les travaux des grands domaines. Pas des salariés mais compléments de revenu utiles.

Vente des vins
Le Rhône a été longtemps la seule voie fluviale commerciale active.
Le reste se faisait par muids tirés sur des charrois.

1881, gare Bagnols : Le train a joué un rôle essentiel pour distribuer les vins sur Lyon comme sur Béziers. Par contre, il y a un contrecoup sur les céréales : les blés à meilleurs prix arrivent par train, fin de la culture du blé dans la région.

Revenu
1880 : 20.- / hl et 60 hl/ ha : vigne rapporte 1200.- brut à l’hectare.

Au démarrage, il faut une grande mise de fonds.
Une vigne coûte à cultiver jusqu’à la troisième année environ 2’000.- ; la dépense annuelle se porte ensuite à 500.-. Le bénéfice net était de 700.- environ.

1880-85-90 : les cours du vin montent, 30.- à 34.- / hl.

La motivation pour planter était évidente.                                                       P. 64

La vigne emploie toutes les forces : une autre culture perturbe le suivi du travail de la vigne. Une culture intensive dès lors s’impose.

1914 : en dehors de la vigne, restent 150 ha de terres labourables dont 75 ha de terres de qualité inférieure : Domaine de L’Isle et le plateau des Célettes restent en labours.

Il y a 304 ha de vignes dont 209 ha sont des terres de premières catégories.
Rappel en 1825 : 117 ha dont 60 ha dans des catégories basses.

De 1912 à 1914, pour 300 ha de vignes, récolte oscillant entre 22’000 hl à 39’000 hl.
Rendement de 73 à 130 hl à l’ha.

Grande mutation par rapport au début du XIXe siècle :
Difficulté d’approvisionnement d’une population nombreuse et pauvre. Les communes n’arrivaient pas à assurer leur nourriture propre.
Importer du blé, charge lourde. L’argent était rare.

Avant 1914, l’argent abonde grâce à la vigne.                               P.69

Cependant, il y a des années de crise.

La culture uniquement à bras disparaît : Paysans doivent avoir : chevaux ou mulets, matériel pour travailler la vigne, vaisselle vinaire. Cela a un coût.
L’argent est investi : plantation, construction, aménagement de caves, réfection de chemins, … La vie reste rustique pour les habitants.

C’est à ce moment que de grands domaines se constituent par regroupement de terres.

Au début du XXe siècle, il y a eu une forte baisse du prix de vente du vin.

Emigration est stoppée cependant. Un exemple qui parle de lui-même : en 1876, le recensement répertorie 5 habitants pour Bayne et 7 pour Naste ; en 1906, ils ont respectivement 12 habitants et 31 !

En 1876, 156 habitants exercent une profession déterminée : 108 sont propriétaires cultivateurs. Il y a 4 bergers et 3 domestiques. L’essentiel est constitué de petits propriétaires qui ont pu exister grâce à l’exploitation de la vigne. En 1906, 316 habitants à profession répertoriée ; 220 œuvrent exclusivement à l’agriculture dont 123 petits propriétaires travaillant uniquement pour eux-mêmes.

En 1906, apparaissent les ouvriers agricoles : 75. 48 de St. Gervais, 18 des villages voisins, 9 gavots (Ardéchois) et 2 étrangers (plus rarement Espagne, surtout Italie, bûcherons). 3 gros propriétaires en dirigent 65, l’un d’eux (Naste) en a 35 à lui seul !

Le plus recherché est le conducteur d’attelage qui est capable de soigner les chevaux.

Population
De 1850 à 1870, baisse générale de la population. Pour les villages connaissant la replantation des vignobles, reprise d’une augmentation de population dès 1890. St. Gervais et St. Michel se maintiendront alors qu’il y aura ailleurs vite une stagnation, voire une nouvelle régression. Cependant de 1906 à 1911, 46 hommes quittent St. Gervais.
Exemple : Goudargues avait en 1850 : 1350 habitants, à la veille de 1914 : 800 habitants.

Un fait à signaler : le taux de mortalité infantile. Jusque vers 1900, près de la moitié des enfants nés mouraient avant d’avoir atteint l’âge de 4 ans.

Entre deux guerres : 14-18 et 39-45
Décadence des cultures autres que la vigne. La sériciculture disparaît. Les troupeaux fondent : manque de bergers, réduction des pâturages, paille trop rare (le blé ayant disparu), emploi d’engrais chimique en lieu et place de l’engrais animal ; les chèvres résistent mieux[4], il y a 1 chèvre pour 8 à 10 habitants. Les céréales s’effacent : spécialement dès 1937. Les plantes fourragères diminuent.

La vigne devient une monoculture avec encore cependant deux grandes exceptions : les arbres fruitiers (les oliviers résistent mais les mûriers sont arrachés ; les cerisiers viennent en force avec ensuite les pommiers et les poiriers) et les jardins.

La vigne
Extension du négoce des vins à Bagnols 2 mio d’hl : cela a des répercussions sur la vallée de la Cèze.
L’emploi de camions citerne est une nette avancée : pour Bagnols, 700 hl sont transportés par ce moyen.
La vigne est prospère : la superficie de vigne a doublé dans les dix communes viticoles de la vallée de la Cèze : 2080 h en 1913, 4245 ha en 1937.

La vigne occupe les terres basses, terres alluviales. Les rendements sont importants mais subissent de grandes variations selon les années. 50 à 100 hl par hectare ; l’Aramon est le cépage dominant ; suivent le Carignan et l’Alicante.

Sur les terrasses plus anciennes, on s’approche de la garrigue. Teneur alcoolique est élevée : en 1945, St. Gervais a un degré moyen de 11°8 et, en 1949, de 12° à 12°5.

Vin de bonne qualité ; les cépages nobles sont plantés ; les raisins sont récoltés seulement à maturité complète.

19 novembre 1937 : les communes de la rive gauche de la Cèze jusqu’à St. Michel se sont vu confirmer leur droit à l’appellation de « Côtes du Rhône ».                   p.91

1939-1945
Quelques céréales, comme maïs et orge, apparaissent timidement. La production se concentre surtout sur la pomme de terre et la betterave.
La betterave pousse mal en raison de la sécheresse (sa grosseur est de la taille d’une pomme de terre). Le tournesol a sans eau la taille d’un plant d’asperge. Les légumes en gros ne donnent guère : manque d’eau.

La graine de chènevis acquiert un bon succès. Graine de chanvre qu’on donne à manger aux petits oiseaux de nos jours. On en extrait aussi une huile de couleur verte, utilisée dans la fabrication de savons mous verts et appelée aussi huile de chanvre. Du fait de sa rareté, le prix offert était fort intéressant mais ceci n’était pas une nourriture pour les hommes.

Reprise du sorgho à balais aussi. Certaines années, cela rapporta plus que la vigne. La paille de mil était très demandée. Mais en 1947, il y en avait eu trop de planté et la chute de prix en a fait disparaître la production.

Les oliviers sont replantés car il y avait des primes à la replantation. Lombard discerne, non sans une douce et plaisante ironie, une différence notable entre les oliviers déclarés replantés et la réalité : Ainsi de vieilles souches, qui ne rapportaient plus d’olives depuis les grands-parents, sont redevenues officiellement des oliviers productifs !

Les arbres fruitiers jouissent d’un regain de soins attentifs : ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps. Les troupeaux ovins démarrent peu pendant la guerre par manque de berger qualifié. Par contre, un net succès : les cochons, un par famille, et les animaux de basse-cour : canards, poules. Une douzaine de chaque par famille. Les lapins ?

Influence de la guerre : diminution des chevaux, augmentation des mulets : frugal, résistant, d’entretien économique.

St. Gervais garde cependant sa vocation viticole.


Propriétés rurales des années 30

La surface moyenne des propriétés à St. Gervais : 7 ha 2 en 1820, 3 ha en 1937 !
1931 : St. Gervais, 203 propriétaires :

148 possèdent moins de 3 ha.
40 de 3 à 10 ha.
16 grands propriétaires possèdent 400 ha.

Petits propriétaires ; commerçants, retraités, petits artisans locaux, gens de l’extérieur qui font travailler leurs terres par un fermier ou un métayer.
Petits propriétaires vivant que de la terre : ils sont en plus fermiers ou ouvriers agricoles à côté de l’exploitation de leurs terres.
Pas de grandes exploitations viticoles : la plus grande est de 30 ha de vignes.

Les exploitations sont très morcelées.

Le fermage tend à diminuer. Progrès de la vigne incompatibles avec ce système. Fermage à prix fixe : peu de résultat. Système est maintenu pour les terres à céréales.

Le métayage est en grand progrès. Propriétaire investit : augmentation de la production, valorisation de son revenu. Le métayer est intéressé à la production. Principal obstacle : partage des produits.
Vin : quantité facile à mesurer ; déclarations de récolte faites ouvertement. Tickets des comptes d’arrivage à la Cave coopérative.

Mi fruit : la récolte est partagée par moitié entre le propriétaire et le métayer. Propriétaire à la charge de la moitié des frais d’exploitation : engrais, produits anticryptogamiques, nourriture du cheptel.
La main d’œuvre est au frais du métayer.
Système avantageux pour le métayer qui n’a pas de charges financières trop importantes à assurer.
Le propriétaire doit être attentif aux dépenses.

Tiers de fruit : le propriétaire dispose du tiers de la récolte mais aucun frais d’exploitation (sauf frais de plantations).
Cette solution convient aux propriétaires extérieurs de la commune et à ceux qui ne peuvent pas investir dans les terres.

Un grand nombre d’exploitations produisent entre 150 à 500 hl de vin.

Grand propriétaire, caractéristiques : 1000 hl de vin. Cave particulière, cheptel suffisant, matériel de qualité ; achat de tracteurs : économie de personnel. Fonds disponibles pour constituer un domaine avec des terres plus regroupées. Terres très bien entretenues. Connaissances techniques de pointe.

Gros producteur : production de plus de 1500 hl. Souvent biens issus de mariages, reçus par héritage mais souvent des terres dispersées. Difficultés : plusieurs métayers. Propriétaires non résidents. Incompétence de gestion des propriétaires qui n’ont plus aucun lien et aucune connaissance de la terre. Leur vie en ville nécessite plus d’argent : les terres sont facilement hypothéquées et finalement mises à la vente.

Main d’oeuvre qualifiée est plus difficile à trouver : les petits propriétaires ont réussi à se constituer une surface de vignes suffisante pour vivre et n’offrent plus leurs services.
Ouvriers étrangers (Espagne, Italie) sont attirés par les mines, les travaux du Rhône. Les ouvriers ardéchois mettent de l’argent de côté et cherchent à devenir petits propriétaires.

Les coopératives viticoles

Création des caves coopérative : vallée de la Cèze, démarrage 1924.

Premières : St. Gervais (12 000 hl) et Bagnols, plus grande surface et plus d’adhérents (9 225 hl).
1925, St. Gély, (9 791 hl) St. Laurent de Carnols (5 000 hl), St André de Roquepertuis (9 400 hl).
Pour St. Gervais, le succès est grand : il faut agrandir en 1928 déjà. (+ 8000 hl).

Sabran suit en 1929.

Certaines communes comme St. Michel, Cornillon, St. Nazaire ne suivent pas le mouvement alors qu’ils sont des villages riches, bien peuplés et avec un vignoble étendu comme en bon état de production.

St. Gervais

Cave achevée en 1924.
71 propriétaires adhérents de la cave
Cave prévue pour loger 12 000 hl.

Coût : 511 227, 35.
Aide de l’Etat, 1/12 maximum : 41 029.- sont versés.
Crédit Agricole a accordé un prêt, remboursable en 10 ans, de 350 000.-
Les fonds propres, avances des adhérents propriétaires a été de 117 894.-.
Une coopérative revenait à 45.- l’hl de cave.

Principes de fonctionnement
La direction est assurée par un gérant appointé et intéressé aux bénéfices.
Il a un ouvrier à disposition pour assurer la marche des travaux courants.
Aux vendanges, il engage le personnel : des journaliers payés au tarif syndical.

6 premières années démarrent ave force ; stabilisation après 39-45.

1950
147 adhérents, c’est l’énorme majorité des vignerons de St. Gervais.
En 1948, 166 déclarations de récolte ; 19 vinifient la totalité de leur récolte chez eux : deux catégories, des grands propriétaires qui ont le matériel vinaire pour vinifier eux-mêmes ; les petits qui ont des récoltes trop faibles pour adhérer ; 7 déclarants envoient une partie de leurs récoltes à la cave et vinifient le reste chez eux.

Elle produit du vin contrôlé et du vin ordinaire.

Les petits propriétaires ont subi la crise : manque de main d’œuvre pendant la guerre, manque de produits pour traiter la vigne : conséquences encore jusqu’en 1950.

Aspects du vignoble en 1950
Deux tendances :

1.     Planter des cépages américains hybrides, assurer dans les terres bases des récoltes régulières
2.     planter des cépages dits « nobles » à rendement faible mais à bonne teneur alcoolique.

Hybrides

1880 : clintons, jacquez.
1914 : courderc, seibel.
A titre expérimental essentiellement
Superficies très limitées

Depuis 1930, plantations systématiques dans les terres du bord de la Cèze ou des terres trop éloignées du centre d’exploitation ou d’un point d’eau.

Plan privilégié est le Couderc 7120 noir.
Entretien moins coûteux, production abondante

Période 1940-45 : attaques de mildiou et oïdium, grands dommages au vignoble.

2 mai 1945 : une gelée détruit la récolte et cela jusque dans les coteaux.

1948 : épidémie de mildiou sur la vallée du Rhône, moitié de la récolte est enlevée…

Hybrides ont remplacé le Viniféra et l'Aramon

Années 50 : période d’intense plantation, après arrachages de la guerre, vignes neuves apparaissent.

80 à 90 ha d’hybrides : moitié de Couderc 7120, 25 % en Seibel 7053, et, le reste, Seyve Villard.

Cependant, ces plantations se font en petites quantités. Prudence du vigneron qui généralement privilégie des cépages au rendement plus modeste mais dont il est sûr.

La cherté des produits anti-cryptogamiques explique ce phénomène.

Appellation Côtes du Rhône

Contexte historique et juridique

Avant 1914, la protection des appellations contrôlées était faite par l’administration.

6 mai 1919, les tribunaux possèdent le pouvoir réglementaire. Une grande demande pour cette appellation « Côtes du Rhône ».
Plusieurs critères consacrent des droits anciens considérés comme acquis : constance, loyauté et localité.

« On entendait
·       par droits constants, des droits répartis sur un nombre suffisant d’années, pour jouir d’une sorte de prescription acquisitive ;
·       par droits loyaux, des droits publics, admis ouvertement et devant tous ;
·       par droits locaux, des droits qui n’étaient pas réclamés par un individu seulement mais par de nombreux producteurs du lieu. »               p. 116

Le Syndicat des vins des Côtes du Rhône est très actif pour protéger l’appellation. Les tribunaux se révèlent vite incapables d’apprécier les demandes. Des experts sont désignés.
Les experts ont à déterminer dans quelle mesure l’appellation de « Côtes du Rhône » était une réalité. Les critères retenus sont :
·       Géographiques : une région de 300 Km aux vins renommés
·       Géologiques : terrais d’alluvions siliceux, formés par les quartzites roulés et, dans le Gard, les étages du crétacé supérieur qui produisent des vins de qualité.
·       Historiques : les Côtes du Rhône apparaissent au XIXe siècle ; par contre la Côte du Rhône, entre St Etienne et Roquemaure, existe depuis le Moyen Age.
·       Commerciaux : les négociants admettent l’appellation
·       Œnologiques : vins présentent un caractère identique et constant de finesse, bouquet, chaleur, corps et velouté.

Avec la loi du 30 juillet 1935, une réglementation plus stricte voit le jour :
·       cépages limités
·       degré minimum
·       rendement maximum
·       réglementation des cultures
·       procédés de vinification sont définis


11 novembre 1937
Les communes de Chusclan, Bagnols, St. Gervais, St. Nazaire et St. Michel d’Euzet ont droit à l’appellation pour la partie de leur territoire située au-dessus des terrasses de 10 mètres. Ce n’est donc pas la totalité du territoire !

De 1940 à 1945, la replantation de vignes donne droit à l’appellation.
De 1947 à 1948, des cépages nobles sont plantés.

Le cinsault vient en tête : degré élevé, chaleur de son vin. Le bourboulenc et la clairette suivent. Le carignan arrive en dernier. St. Gervais désire que l’aramon soit retenu comme cépage noble mais la commune ne sera pas entendue quoique l’aramon donne un vin excellent et d’un degré élevé, dépassant les 12°.

Travail sur la vendange pour les vins contrôlés :

Chaque cépage est récolté au temps voulu de maturité.
En général, tout à la fin des vendanges : on laissait mûrir à la limite du possible. Ceci explique des degrés alcooliques élevés.

Production limitée à 40 hl par hectare.
En 1948, environ 140 ha ont droit à l’appellation ;

Des impôts lourds[5] vont cependant limités la vente des vins contrôlés à l’approche des années 50.

St Gervais partage son vignoble en trois parts égales : une part en plants français courants, l’aramon, une deuxième en cépages nobles et un troisième en cépages hybrides. Une caractéristique se dessine : le recul de l’aramon.

Variations de la population à l’époque contemporaine

Période 1906-1920, la population diminue à un rythme accéléré, comme dans la période 1850-70.

Les communes à grandes étendues de garrigues connaissent une fort dépopulation : Goudargues, Sabran, La Roque se vident du quart au tiers !

St. Gervais : succès et ralentissements viticoles conditionnent les flux et reflux.
De 1921 à 1931, 34 immigrés ; 1931-1936, 27 habitants quittent le village.

Lieux d’origine des habitants nés hors St. Gervais : 239 en 1936. 78 des communes voisines ; 64 du Gard ; Lozerots et Ardéchois forment le reste. Parmi les étrangers, quelques Italiens et Espagnols.

Baisse de la natalité se prononce. Le taux de mortalité infantile baisse en même temps que diminuent les naissances. De plus en plus, un fils unique dans chaque famille.

Les personnes âgées vivent au sein de la descendance : elles participent activement à la vie de famille[6] et il n’y a pas cette ségrégation de l’âge que nous vivons trop facilement à notre époque.




Lombard achève sa recherche sur des observations de la vie religieuse et politique.

Il constate que le virus politique n’est pas intense dans la région jusqu’en 1950. « Les différences dans les opinions sont dues souvent à des questions de personnes. On était royaliste parce qu’on avait été au service ou qu’on était l’ami du seigneur du village. Les principes n’apparaissaient guère. » (p.131). Les désaccords internes au village étaient liés aux terres plus qu’à la politique : la lutte entre M. Cotton, légitimiste jusqu’en 1900, et M. de Saint-Auban, libéral, en est l’illustration.

Une anecdote illustre une facette que certain(e, surtout) voudrait occulter : « La République ne plaisait pas à tout le monde comme nous l’allons voir : le jour où pour la fête du village, on inaugure son buste, un saint-gervaisien croit avoir une idée géniale : il promet 20 fr. à un lutteur de la foire pour renverser le buste. Le lutteur, blessé dans ses sentiments républicains, fait un esclandre et manque de provoquer une mêlée générale. ». L’ironie pointe quand Henri Lombard parle des élections municipales : « La vie politique locale est émaillée de ces petites scènes. Les tripotages municipaux sont nombreux – on s’entend à cette époque pour faire des élections. ». De plus, il précise en note : « Nous ne croyons pas d’ailleurs que les petits-fils aient jamais démérités de leurs grands-parents. » (p. 132) et, en 2017, je confirme que le clientélisme s’est constaté fréquemment, à de rares exceptions près….  Mais, là, chut !, cela ne se dit pas : il faut bien penser selon les clans et tout ira bien…

Les grandes élections laissent cependant une légère avance aux candidats radicaux - socialistes.

Conclusion

Je la laisse au professeur Jean Morini - Comby qui nous parle de la thèse de Lombard dans la préface qu’il a rédigée :
« La vision du passé rural et des réalités champêtres, même sous le soleil méditerranéen et sous le mistral, n’a rien d’idyllique. La lutte contre la misère et les crises lui apparaissait comme le sort éternel du rural dont la victoire reste précaire et n’est bienfaisante que dans la mesure même où elle fait corps avec ses efforts et sa volonté.

Henri Lombard a été un vrai patriote parce qu’il a, conjuguant son métier d’étudiant et sa propre personnalité, donné à son pays de la Cèze ce qui pouvait être écrit de son passé. Et le tout avec la modestie dont on veut bien faire hommage aux savants… C’est la seule mais grande consolation qu’en gardent ceux qui l’ont assez connu pour pouvoir l’aimer. »

Le fait d’avoir un esprit critique et constructif et de dire quelques vérités avec le sourire, ne doit pas justifier le silence dans lequel Henri Lombard a trop longtemps été tenu. Il y a des silences mesquins ! Sa recherche historique mérite votre attention et, si cette présentation vous incite à lire sa thèse, cela suffira à me récompenser de ma démarche.


Antoine Schülé

Texte présenté en 2004 et revu en mars 2017.

Pour ne pas être accusé de plagiat, en histoire locale cela deviendrait ici presque une pratique courante (lire le site officiel de la Mairie, la rubrique "Histoire" où l'éditeur responsable couvre de son autorité le plagiat partiel de son adjointe... une mesquinerie de plus),  merci de signaler le nom de l’auteur de cet article et, en cas d’emploi, de l’en informer. 





[1] Lire la généalogie des de Guasc, les barons de Saint-Gervais.
[2] Rouvière et Domaine de Bayne  Lieutenant –colonel Gustave Rouvière a légué par testament, du 2 mai 1866, le domaine de Bayne à Auguste Soulèze, son ami, et ses filles.  Une fille a épousé un Cadilhac. Et la petite-fille a épousé un Auguste Lombard (Alès) qui est le père d’Henri Lombard, le frère de Marie-Cécile Descous. Commandant de la subdivision de Gabès (Tunisie). Il est mort d’une maladie contractée (se portant sur l’estomac et les reins) lors de la conquête du Sahara le 15 mai 1866. Il est enterré au cimetière familial de St. Quentin-la-Poterie (près d’Uzès).
M. Mignard (La Roque-sur-Cèze) s’intéresse au capitaine Albert Rouvière. Il s’agit du frère de celui qui précède. Il existe une plaque de marbre sur le mur de la façade sud du domaine de Bayne mentionnant : Capitaine Albert Rouvière / né au château de St. Gervais / le 27 février 1837 / mort à l’ennemi à la bataille de Forbach / le 6 août 1870. Il est probablement enterré dans le caveau de la famille Rouvière au cimetière de St. Quentin. Voilà tout ce que peut dire Mme Descous en 2004, ancienne propriétaire de ce domaine. Les deux frères étaient officiers de carrière. Ils avaient une sœur qui était religieuse de l’Assomption à Montpellier (Marie – Albertine - Chantal).


                                                          
[3] Etablissement d’un compoix, sorte de registre du cadastre.
[4] La dernière au village a été au Malins, années 70 et la toute dernière aux Célettes, années 80.
[5] La charge fiscale a été et reste le plus sûr moyen de tuer les meilleures entreprises !
[6] La solidarité familiale évitait ainsi de lourdes charges à l’Etat.