jeudi 28 mars 2019

Initiation à la lecture de saint Augustin


Augustin et Dieu intérieur

Histoire d’une âme à la recherche de Dieu

Antoine Schülé, La Tourette, le 8 janvier 2019

« Je Te chercherai pour que mon âme vive ;
car mon corps vit de mon âme,
mais mon âme vit de Toi... »
Augustin, Confessions X, 29

Introduction

Pour comprendre un auteur, il s’agit non seulement de le lire mais aussi de bien connaître le contexte d’écriture de l’écrivain. Oui, Augustin est un écrivain mais encore un théologien, un prédicateur, un philosophe, un polémiste, un anthropologue et un analyste de l’âme. Dans ce court exposé, il ne me sera pas possible de vous présenter toutes les facettes de sa personnalité.
En une heure de temps, deux aspects nous occuperont plus : le philosophe à la base d’une pensée chrétienne encore vivante de nos jours, même si trop souvent méconnue des Catholiques (ce que je regrette vivement), et sa découverte de la Présence de Dieu au cœur de chacun.

Lire Augustin, c’est suivre une intelligence en quête de spiritualité. Dans le contexte historique précis qu’est la chute de l’Empire romain, l’histoire de sa vie le conduit à se poser des questions existentielles que tout homme se pose une fois ou l’autre en certaines circonstances. De son vivant, ses propos ont éclairé ses contemporains et, hier comme de nos jours, ses écrits nous apportent encore des lumières qu’il ne faut pas occulter et surtout nous invitent à effectuer sa démarche qu’il a ouverte et à laquelle il n’a pas mis un point final : il ouvre un chemin et ne nous enferme pas dans une doctrine.
Bien entendu, sa pensée a contribué à l’établissement de doctrines 1 diverses qui marqueront la spiritualité chrétienne jusqu’au XVIIe siècle de façon évidente : spécialement le XIIIe siècle mais encore Érasme, la Renaissance et la Contre-Réforme en témoignent. De plus, en lisant Descartes, nous pouvons repérer de nombreuses analogies avec la pensée augustinienne. Au XXe siècle, Maurice Zundel, théologien, se réfère souvent à Augustin pour éclairer les âmes recherchant Dieu, en recourant à ses écrits comme, aussi, à ceux de Thomas d’Aquin (qu’il appréciait alors qu’il se méfiait des disciples de Thomas, les Thomistes, quant à leurs interprétations) .

Biographie de la pensée

Aurelius Augustinus est né en 354, en Algérie, à Thagaste (Souk-Ahras de nos jours) et il est né à Dieu le 28 août 430, à Hippone (à cette époque, c’était la seconde ville d’Afrique ; Bône sous mandat français et Annaba, actuellement). Fils d’un père incroyant et d’une mère croyante, Augustin cultive très tôt une logique qui lui est propre. Son intelligence se construit, au départ d’une façon autodidacte en partie, sur un socle de culture romaine, fortement implantée en Afrique du Nord (ce que nous n’imaginons guère de nos jours : l’Empire romain était grand ; le « Mare nostrum » pour désigner la Méditerranée avait du sens).

Dans son jeune âge, il aime la lecture de Cicéron 2. Ses études littéraires le conduisent, plus tardivement, à découvrir la philosophie avec Plotin tout d’abord et Platon ensuite.

Cicéron (romain, ~106-~43 av. J. C.) l’a marqué par son éloquence, son engagement dans la vie politique et son stoïcisme mais pas seulement. Il y a une philosophie humaniste chez Cicéron lorsque celui-ci s’interroge sur le bien, le mal, le souverain bien, les passions, le bonheur, l’âge, l’amitié et les devoirs. Je me risquerais à dire qu’Augustin est le Cicéron chrétien. Pour bien comprendre le style et la façon de penser d’Augustin, il est donc très utile d’avoir lu les œuvres de Cicéron.

Plotin (grec, 205-270, av. J.C.) lui fait découvrir une transcendance, l’existence d’un au-delà et de valeurs supérieures à nos seuls sens : ainsi la quête d’une âme commence chez Augustin.

Avec Platon (~428-~347, av J.C.), Augustin développe une façon de penser, une dialectologie. Selon Platon, une cité juste cultive la sagesse et l’amour. Pour atteindre cet objectif, il détermine les conditions d’existence d’un bon gouvernement (rappelons tout de même que : la philosophie joue son rôle dans la politique ; la religion de même et encore plus car toute religion donne naissance à des philosophies 3). Les interprétations des textes de Platon ont été et sont multiples, contradictoires, encore de nos jours, mais Augustin a réussi à poursuivre la réflexion philosophique en une réflexion théologique riche de sens 4.

Histoire d’une âme

Augustin nous permet de découvrir l’histoire de son âme dans son livre si connu ayant pour titre « Les Confessions ». Une âme se doit de discerner le péché, l’erreur et le mal comme le bien, la vérité et la beauté. Elle ne juge pas pour condamner mais elle discerne pour reconnaître Dieu : sous le prétexte de cette formule devenue malheureusement une ritournelle qui s’entend trop souvent : « Il ne faut pas juger. », trop de Chrétiens s’abstiennent, non seulement de reconnaître le bien et le mal dans leur quotidien mais encore de lutter contre la mal. Ils préfèrent rester dans une attitude lâche qui pourrit tout le message du Christ qu’ils prétendent défendre alors qu’ils le méprisent par leurs comportements ayant abdiqués un don de Dieu : l’intelligence (discerner la vérité est une lutte de l’esprit et faire connaître la vérité est un combat spirituel à ne jamais négliger).

Élévation mystique

La lecture des Confessions aide le lecteur à vivre une élévation mystique qui ne se vit pas dans une extase mais dans un enveloppement de lumière issue du cœur que seule l’intelligence peut distinguer : la lumière de la Vérité de Dieu dans nos vies, de Dieu qui se donne et qui s’offre à tous.

En tant que théologien, il nous éclaire sur le mystère de la Création, sur la Trinité et la Rédemption (contemplation). En tant que philosophe, il développe une démarche de réflexion capitale avec la « Cité de Dieu » (action).

L’homme extérieur (nous y reviendrons) pratique une autoanalyse : prise de distance avec ses déterminismes de naissance, de culture, d’ethnie ; rejet d’un masque sociétal (cette mauvaise habitude, assez ordinaire, qui consiste à se réfugier derrière le masque d’une fonction non pour l’accomplir mais pour paraître) ; écoute de la Parole se faisant entendre dans les Évangiles. Le premier résultat est la découverte de l’homme intérieur (cet homme nouveau qui doit naître).
L’homme intérieur utilise sa raison, son intelligence pour se forger une pensée à la lumière de la Parole. Son cœur s’illumine et commence ainsi sa naissance à Dieu.
Trouver le chemin de la vérité n’est pas facile et Augustin constate très vite deux fausses voies : le scepticisme des Académiciens et le manichéisme.

Une âme en recherche de quelque chose

Auteur prolifique, nous pouvons suivre son cheminement spirituel pendant ses cinquante ans d’écriture. Il a adopté, à ses débuts, le matérialisme compliqué des Manichéens (une gnose ayant une ressemblance avec ce qui sera plus tardivement ce catharisme, né en Allemagne et qui s’étendra jusque dans le Sud de la France) et le scepticisme intégral des Académiciens (de Pyrrhon – grec de la fin du IVe s. av. J. C.) que lui suggère sa lecture initiale de Cicéron qui conduit à douter de tout (ce doute qui sera associé au nom de Descartes).
Le doute est une expérience du désespoir pour quelques-uns 5 mais, chez Augustin, ce doute 6 devient un préalable à cette expérience qui conduit à découvrir Dieu, intérieur à soi. Ce doute n’est qu’un moment passager 7 avant de découvrir les certitudes de la foi : Perdre les illusions sensibles pour laisser la Vérité se révéler en son âme. Ce doute se retrouvera chez Montaigne, Pascal, Descartes, Hegel… avec des fruits fort différents !

A 20 ans, Augustin est professeur d’éloquence, un maître de la communication comme nous le dirions de nos jours, et il définit cette fonction en ces termes : un « marchand de mots » 8. Reconnaissons que, lui, il manie aussi bien la beauté de la langue que la logique que tous les communicants, de nos jours et qui envahissent nos media, ne possèdent pas.
Il enseigne la lecture, l’étude des auteurs et les exercices d’improvisation. Sans avoir découvert la foi, il cultive déjà des valeurs précieuses : la loyauté, l’honnêteté et la vertu. A 19 ans, une lecture de l’ « Hortensius » 9 de Cicéron lui ouvre tout un champ de réflexion qu’Augustin 10 prospectera à fond : pour lui, cette lecture est une invitation à découvrir la sagesse en soi. Comme première clef philosophique, c’est déjà bien. Lorsqu’il nous dispense une méthode pour y parvenir, c’est encore mieux.

Comment découvre-t-il la Bible ? Vous serez surpris mais sa première lecture de la Bible 11, dans sa jeunesse, le rebute : les traductions latines qu’il lit le choquent car c’est du mauvais latin ; les pages de l’Ancien testament le heurtent (crimes odieux, ruses lâches : en effet, de Caïn à Judas, nous découvrons toutes les perversités de l’homme). Il en donne à plusieurs reprises dans les Confessions les raisons : la principale est, par exemple (Confessions V, 10), ce qu’il dit en s’adressant à Dieu : « Il me semblait tout à fait honteux de croire que vous ayez revêtu une chair humaine et que vous vous soyez enfermé dans les contours d’un corps comme le nôtre. » 12. Cet aspect, à la suite d’une lecture de Platon, traduit un mépris du corps qu’Augustin ne conçoit pas encore comme pouvant être sanctifié. Nous y reviendrons.

Le contexte intellectuel dans lequel Augustin s’est formé étant tracé, approfondissons son chemin spirituel qui a commencé par des erreurs qui nous instruisent comme elles l’ont instruit : il ne suffit pas que l’intention initiale qu’est l’amour de la vérité pour atteindre une sagesse soit louable, encore faut-il adopter les bons moyens pour y parvenir.

Manichéisme et la nature du mal

Il arrive à chacun d’entre nous de s’interroger sur la nature du mal et du pourquoi de son existence. La question doit se poser, sans aucun doute et il était inévitable qu’à la suite de Platon et de Cicéron qu’Augustin s’interroge à ce sujet.

Son intellectualisme, non éclairé par la foi, le fait suivre d’abord les manichéens. Pour ces derniers, l’univers est le théâtre d’un éternel combat entre le Dieu du Bien et le dieu du Mal. Il se laisse prendre par le caractère ésotérique, les rites secrets magiques des disciples de Mani 13 (qui sont nés au IIIe s. de notre ère). Le manichéisme est un système totalitaire 14 offrant des réponses à tout avec les apparences de la rigueur et de l’universalité15. Augustin a le sentiment de disposer d’une doctrine englobant vérité scientifique et vérité morale. En fait, il s’aperçoit qu’il est la victime d’une sorte d’éblouissement intellectuel aussi passager qu’aveuglant. Approfondissant leur doctrine, il réalise qu’elle est en totale contradiction avec les faits. Par exemple, pour les manichéens, la génération charnelle est maléfique. Le manichéisme resurgit d’ailleurs de nos jours dans un matérialisme dialectique (ce système binaire très anglo-saxon se résumant ainsi : « Je suis le Bien, le Mal est tout ce qui est contre mes intérêts. » ; cet individualisme ravageur qui domine le monde), dépourvu évidemment de tout spiritualisme.

Nous n’allons pas traiter plus du manichéisme car notre attention se porte à Augustin qui rejette finalement cette doctrine. Pour l’instant, retenons principalement que sa recherche manichéenne a été motivée par son désir de comprendre la nature du mal. Augustin discerne l’erreur de ce dualisme manichéen en une réflexion qui mérite toute notre examen pour répondre à cette question basique : Qu’est-ce que le mal ? Son enseignement nous parle maintenant et reste à la portée de tous.

Le Mal

En effet, la foi lui ouvre les yeux et il découvre son message primordial car apparent dès la Genèse : le mal est la corruption du Bien. Expliquons ceci.

Tout est de Dieu. Toutefois, il existe diverses corruptions visibles et invisibles. Le mal à rejeter ne se considère que par rapport au bien qui est recherché. Le souverain mal est celui qui est recherché alors que le souverain bien est connu. La Sagesse souffle sur la terre dès les origines de l’homme pour distinguer ce qu’est le Bien et c’est pourquoi nous La trouvons chez d’autres civilisations que celle chrétienne :

Ainsi, la nature du péché se définit tout simplement chez Augustin :
« … [l]e péché n’est pas désir d’une nature mauvaise, mais renoncement à une nature meilleure. C’est donc l’acte même qui est mauvais, et non la nature dont use mal le pécheur. Car le mal, c’est d’user mal d’un bien».

Retenir ce seul enseignement de saint Augustin est déjà une richesse merveilleuse car source de compréhension de tant de faits humains. Au final, il y a même l’espoir que tout homme, même le plus mauvais qui soit, possède encore en lui ce germe de bien qui peut susciter, en lui, la nécessaire conversion, sa nouvelle naissance qui fera de lui un homme nouveau. N’est-ce pas déjà prodigieux de reconnaître cette force de Dieu, intérieure à chacun d’entre nous et qui ne demande qu’à agir c’est-à-dire à germer, si nous le voulons bien ?

Une conversion

Comment Augustin a-t-il connu sa conversion ? A Milan, il avait entendu l’évêque Ambroise sans ressentir immédiatement la conversion du cœur. Sa rencontre fut plus tardive avec Dieu et de façon subite. Écoutez cela.

Dans son jardin de Milan, il entend une voix intime qui prononce ces mots : « Tolle et lege »16, ce qui l’incite à lire les Épîtres de Paul 17 : cette lecture suscite sa demande du baptême et le conduit à mener, pendant trois ans, une vie contemplative, alimentée par la Bible, en compagnie de quelques proches 18.
Malgré les lourdes charges19 que lui impose ensuite sa vie d’évêque, il ne cesse pas de mener une vie monastique (dont est issue la règle de St. Augustin 20) tout le restant de sa vie.

Œuvres majeures.

Sur le chemin de la Foi Augustin est un guide sûr. Avant d’entreprendre la suite de cet exposé, il est utile d’insister sur quelques-uns de ses écrits.

L’œuvre la plus connue est sans aucun doute « Les Confessions » mais « La Cité de Dieu »21, les Sermons, les Lettres, et les Commentaires des Psaumes méritent une lecture attentive.

Pour les fidèles en charge de catéchèse, je recommande tout spécialement deux titres où ils trouveront les fondamentaux pour accomplir leur mission : Enseigner le christianisme et la Catéchèse des débutants. Lorsqu’il s’agit de parler de la Trinité, je suis toujours surpris des difficultés que certains prêtres et des croyants, dit « engagés », rencontrent pour en parler : Augustin traite ce sujet avec délicatesse et toutes les références nécessaires dans son livre merveilleux que tout Catholique 22 devrait prendre le temps de lire : La Trinité23.
Avec un style jamais pris à défaut, il propose une exégèse (une interprétation pour le dire en terme plus simple) à la fois mystique 24 ( c’est-à-dire ouverte à la signification profonde de la Parole de Dieu) et allégorique (ouvrir l’esprit aux symboles qui signifient des abstractions) : rien que pour ce livre, il a bien mérité le titre de docteur de l’Eglise.

Une intelligence pour découvrir Dieu

Sa devise est véritablement comme il le dit : « Intellige ut credas »25. La Foi est un don de Dieu que seule la raison peut nourrir. La foi débute dès que l’homme cherche, au moyen de son intelligence, les raisons de l’existence du Beau et du Bien, images de Dieu. Oui, c’est par l’intelligence que l’homme parvient à trouver Dieu. Et c’est dans le cœur de l’homme qu’il faut chercher le point de départ de la connaissance de Dieu. Pourquoi ? Augustin en donne une démonstration que je vous résume et qui ne doit vous être qu’une invitation à le lire.

Dans la Genèse, il est écrit que Dieu a fait l’homme à son image et à sa ressemblance. Ainsi dans tout homme, il y a la possibilité de trouver l’image de Dieu. Elle existe mais elle est parfois bien cachée, voire ignorée par l’homme : ceci n’est pas la faute de Dieu mais, bel et bien, la faute de l’homme volontairement aveugle. Car Dieu nous laisse libre 26 de Le reconnaître, de Le refuser ou même de L’ignorer en nos vies : Dieu s’offre à nous sans condition. Que d’exigences  révèle ce constat ! Toutefois reconnaître Dieu ne suffit pas encore faut-il Le vivre dan son quotidien. D’où des questions impératives :
  • Donnons-nous par nos vies l’image de la présence de Dieu ?
  • Par un égotisme outrancier, ne cultivons-nous pas une image narcissique, stérile, stupide et vaniteuse qui éloigne de Dieu nos proches ?
  • L’exercice d’une fonction n’aveugle-t-il pas son détenteur au point d’oublier Dieu en son for intérieur ?
Ainsi, à travers ces quelques questions, c’est toute une réflexion sur le péché d’orgueil, pouvant être aussi spirituel, qui s’ouvre 27.

La raison est nécessaire pour trouver Dieu dans sa vie : cette même raison doit cependant accepter le mystère de la Foi. Nos facultés humaines sont limitées par nos sens, notre condition de mortel en ce qui concerne le corps. Par contre l’âme, immortelle, avec le souffle de l’esprit, peut s’élever pour approcher l’Ineffable qu’est Dieu. N’oublions pas que Dieu, venant à nous pour nous signifier combien Il nous aime, a pris chair en Jésus et qu’Il n’a pas enseigné une doctrine mais un art de vivre, avec les Évangiles, que le christianisme a mis en doctrine : celle-ci a commencé avec les Actes des Apôtres et les Épîtres de saint Paul.

« De Trinitate » : La Trinité

L’ouvrage théologique et philosophique le plus accompli d’Augustin porte ce titre. En soi, il mériterait à lui seul un exposé. Il a marqué tout le Moyen Age mais a influencé encore plus tard : Pascal, Descartes, Malebranche et Leibnitz. Vous y trouvez toute la saisie intellectuelle du Dieu trinitaire qui reste cependant un mystère. Le dernier chapitre ou livre XV, véritable synthèse et servant de base à toute recherche personnelle, est probablement celui qu’il convient de lire en premier avant d’aborder une lecture systématique de cette fine analyse de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Dans les sept premiers livres, Augustin décrit la réflexion intellectuelle qui est issue de la révélation trinitaire dans la Bible pour en chercher l’intelligence, la compréhension. A partir du livre VIII, il suit un cheminement inverse : la réflexion part de l’intelligence pour rejoindre la révélation trinitaire. Nous disposons ainsi d’une véritable méthode de contemplation afin de s’élever vers Dieu. Je ne peux que dire à chacun : « Lis st Augustin et réjouis-toi de t’élever selon tes dons reçus : la joie de cette découverte te donnera la force de supporter tous les épiphénomènes de la vie. ».

L’âme révèle Dieu

L’originalité de cet ouvrage tient à sa valeur et sa vérité psychologiques. Augustin démontre que l’exploration de l’âme humaine nous rapproche de Dieu 28. Il apporte ainsi une nouvelle mise en œuvre de cette formule si connue de Socrate : « Connais-toi toi-même. » et c’est reconnaître qu’il n’est pas si évident de se connaître !
Pour apprendre quelque chose sur soi, il faut en avoir le désir. Tout d’abord, il y a la reconnaissance d’une ignorance réelle qui motive la recherche d’un savoir qui a une valeur, une « beauté » dit Augustin. La recherche de ce savoir naît d’un désir qui s’assouvit par la pensée.
Le péché originel est la coupure de la vision directe de Dieu : la chute de l’âme est la perte de ses yeux intérieurs. Les désirs du monde extérieur et les soucis du quotidien font oublier l’existence même de Dieu dans notre intériorité spirituelle qui s’amenuise petit à petit pour se réduire finalement à moins que rien 29. C’est l’âme attachée aux biens corporels, à son ego et à ses déterminismes : la mortelle maladie de l’âme.
Chacun se doit de retrouver son âme dans sa pureté originelle, dans sa simplicité en retranchant tout ce qui la coupe de la vision de Dieu. Elle doit se détourner du voile tentateur de l’extérieur et des fausses images enregistrées dans la mémoire.
La pensée est une mémoire, une intelligence et une volonté au service de l’âme. Chercher Dieu exige une volonté de la pensée mettant la mémoire au service de l’intelligence.

Rythme ternaire

Si Dieu s'est révélé comme Trinité à travers l'Ancien Testament et du Nouveau, Augustin conclut que des traces de cette nature divine subsistent dans l'âme humaine. Il analyse les analogies grâce auxquelles nous pourrons approcher de ce mystère de Dieu.

Ainsi, à travers toute la création, Augustin retrouve un rythme ternaire révélateur formant une sorte d’harmonie :
  • mesure, nombre, poids ;
  • unité, forme, ordre ;
  • être, forme, subsistance ;
  • physique, logique, éthique ;
  • naturel, rationnel, moral.
Ces images trinitaires émerveillent l’esprit de saint Augustin. Il est à souligner qu’il réfute une comparaison de la Trinité avec la famille constituée d’un père, d’une mère et d’un enfant : pour lui, c’est refuser cette parfaite égalité30 entre le Père, le Fils et le Saint Esprit et donc créer une confusion fâcheuse dans ce qu’est la Trinité31.

Il poursuit dans l'homme son observation des facultés psychologiques qui sont autant d'images trinitaires :
  • esprit, connaissance, amour ;
  • mémoire, intelligence, volonté ;
  • mémoire de Dieu, intelligence, amour.

Il en révèle leur valeur analogique qui donne ainsi tout un nouveau sens au « Connais-toi toi-même » de Socrate :
  • la mémoire peut se souvenir non seulement de l'homme, mais aussi et encore de Dieu ;
  • l'âme pense donc à Dieu et aime, non plus une créature dont elle se souvient, mais Dieu lui-même.

Le « Connais-toi toi-même. » d’Augustin se révèle dans les Confessions. Chacun d’entre nous est amené à pratiquer cet examen de conscience dans son quotidien pour discerner dans sa journée ce qui a été l’œuvre de Dieu dans nos bonnes actions et quand nous avons manqué le bien, en ne l’accomplissant pas ou en le diminuant. Examen de conscience entraîne prise de conscience et en se remettant à la confiance placée en Dieu comme à Sa miséricorde, nous pouvons mener une vie non culpabilisante32 mais qui glorifie la gloire de Dieu en luttant pour Lui et contre son Adversaire à deux faces que sont le Mal et le Mensonge, sous toutes leurs formes, et malheureusement parfois là où on s’y attend le moins. Dieu, pour s’accomplir en nos vies, exige notre acceptation par la pensée et par la volonté pour discerner et pour agir.

Accepter le mystère de Dieu

Toutefois, il conclut que toute cette perception humaine de Dieu, aussi sensible qu’elle peut l’être, n'est qu'image, approximation, manière de parler33. Tout ce que notre réflexion humaine peut concevoir de plus proche de Dieu se heurtera au mystère de Dieu car nos capacités sont limitées même si celles-ci font reculer toujours plus ces limites. La vie humaine enseigne plusieurs étapes de connaissance.
L’embryon perçoit son monde limité à la matrice maternelle; à la naissance, le bébé croit à sa seule existence, à ce qu’il touche ; l’enfant perçoit très vite sa dépendance aux autres et l’adulte en devenir perçoit, progressivement et dans des proportions variant d’une personne à l’autre, des vérités non perçues à l’enfance 34. Nous sommes nés au monde et c’est seulement à notre naissance à Dieu (qui commence déjà au baptême) que, dans la mesure où notre volonté ne nous laisse pas aveugles ou ne nous détourne pas de Lui, nous verrons Dieu tel qu’Il est.
Il y a donc aussi une progression dans la connaissance de Dieu qui nécessite une mémoire des émerveillements devant la Création 35, une intelligence face aux événements et une volonté de la pensée pour désirer le Beau et le Bien, ces deux signes de la Présence de Dieu. Ainsi débute la démarche mystique que tout homme peut accomplir à partir du moment où il écoute la Parole de Dieu résonner en son cœur, pour raisonner sur Ses œuvres et les chanter comme le Psalmiste.

L'esprit humain, vicié par le péché, est faible en succombant au monde extérieur ou à de multiples formes de narcissisme mais l'âme humaine «toujours raisonnable et intelligente... parce qu'elle a été faite à l'image de Dieu, peut, à l'aide de la raison et de l'intelligence, comprendre et voir Dieu.» (De Trinitate, XIV, 4). La qualité d’une âme est le propre de l’intériorité de l’homme qui est un être spirituel lorsqu’il n’abdique pas ce qui fait justement sa dignité d’homme. Or nous vivons de nos jours dans une Europe qui est en train de perdre tout sens spirituel 36. Il est grand temps qu’elle retrouve son âme par sa spiritualité qui a fait sa force pendant deux millénaires. Il convient de refuser la décadence de l’esprit. Que les Chrétiens encore attachés à la Foi restent cette minorité agissante (le levain) pour un monde nouveau, dans cette masse silencieuse, abrutie de tant de façons différentes.

L’homme extérieur et intérieur

Pour notre sujet, le livre XII de La Trinité est essentiel. Augustin établit la distinction entre science et sagesse : cette distinction qui nous conduit à discerner l’homme extérieur de l’homme intérieur.

« Tout ce que, dans notre âme, nous possédons en commun avec les bêtes est à juste titre considéré comme appartenant encore à l’homme extérieur. » (XII,1). Il faut y adjoindre le corps, la vie, les sens qui permettent de sentir les choses extérieures. Les images, provenant des sens et fixées par la mémoire 37 et revenues par le souvenir, sont aussi de l’homme extérieur. « Dans tout cela il n’y a aucune différence entre nous et les bêtes si ce n’est que notre posture n’est pas horizontale mais verticale. » (idem). Ce qui nous distingue de l’homme extérieur, c’est l’âme raisonnable, une grâce de Dieu à ne pas négliger.

Cette âme raisonnable se dévoie tragiquement quand elle se soumet au corps en niant ce qui a de plus haut en elle : sa substance spirituelle qui l’élève vers Dieu, non par cet orgueil, voulant placer l’homme comme un dieu, mais par esprit de justice, expression d’une véritable humilité, qui consiste à reconnaître l’œuvre du Créateur dans Sa Création. Là intervient la pensée qui donne cette volonté de chercher Dieu par la contemplation des choses éternelles. Cette pensée, animée par l’Esprit, permet l’action raisonnable sur les choses temporelles (nous y reviendrons brièvement avec « La Cité de Dieu »).

La pensée se distingue par deux aspects : la science et la sagesse. La sagesse, substance incorporelle et propre à l’intérieur de l’homme, est supérieure à la science, qui est le lien entre l’homme extérieur et l’homme intérieur car elle part des sens pour nous faire participer intérieurement à Dieu.
Oui répétons-le : la science nous conduit de l’extérieur de l’homme à son intérieur pour aboutir à une sagesse qui nous fait contempler les réalités éternelles. « La vie quelle qu’elle soit, est présente dans la bête en qui n’est pas présente la sagesse. » (XV, 8). Être heureux intérieurement, c’est être esprit, être juste et être bon : ainsi est la joie de l’homme sage selon la sagesse de Dieu qui est la force de Dieu dans nos vies.

L’homme est un corps mortel et une âme immortelle : il est utile de le souligner en ce temps où le culte du corps est sacralisé de façons diverses, au point de nier l’existence de l’âme. La pensée n’est pas l’âme mais le meilleur de l’âme quand elle nous permet d’approcher Dieu. La pensée désire la connaissance, la dilection (ou l’amour spirituel) de la connaissance. L’homme intérieur, par la pensée, fait appel à sa mémoire (constituant une science qui dicte aussi prudence), à son intelligence (discernement à la lumière de Dieu pour agir) et à sa volonté (besoin de vérité et de justice que nécessite l’action éclairée). Dieu nous a donné une âme raisonnable : il convient de l’utiliser car c’est le plus beau « talent 38 » qui soit donné à tous, en des proportions diverses, et qu’il faut faire fructifier.
Être un Chrétien n’est pas être un crétin 39 du genre « bénit oui-oui » à tout et à n’importe quoi mais c’est se mettre au service de la Parole 40 de Dieu dont la contemplation permet de faire percevoir la Présence de Dieu dans sa vie, dans son quotidien. Oui, cette perception étant faite, il convient de la faire transparaître dans sa vie : ceci exige du courage pour que le vrai se révèle à tous. Le Christ a offert sa vie corporelle sur une croix mais Son Esprit demeure depuis sa résurrection et la Pentecôte. Saint Paul nous dit bien qu’il faut être le soldat 41 du Christ : le soldat spirituel doit accepter la lutte et ne pas renoncer en abdiquant devant les forces du mal 42.

Maintenant que nous avons décrit l’homme intérieur selon Augustin, nous percevons déjà mieux ce Dieu intérieur qui se révèle en nos cœurs. Prenons le temps de considérer comment la pensée augustinienne nous élève vers cette perception.

Recherche du Dieu intérieur

La lecture de Platon, le disciple de Socrate, permet d’atteindre un sommet de la pensée humaine qu’a gravi Augustin. Mais celui-ci nous invite à nous élever plus haut encore par la pensée. Pourquoi ? Avec Platon, la pensée grecque distingue une âme à la fois spirituelle et immortelle et un corps matériel, voué à la maladie et à la mort. Le corps grec, malgré sa beauté chantée par les sculpteurs et les arts, est considéré par Platon comme une prison de l’âme.

Or à la lecture des Évangiles (de saint Jean plus particulièrement) et des épîtres de saint Paul, Augustin découvre une réhabilitation de l’homme tout entier qui est tout à la fois un corps et une âme.
D’ailleurs, l’art chrétien ne cesse de chanter la beauté des corps et des âmes : le corps nu ne choquait pas Moyen Age et un puritanisme outrancier 43 n’est qu’une déviance de l’esprit. Le corps permet à l’âme de s’accomplir dans l’action.
Mais avant le christianisme déjà, plus d’un philosophe 44 a déjà observé cet instinct d’immortalité qui pousse l’homme à risquer sa vie, son bien vital et donc le plus précieux, pour sauver les siens ou son semblable 45.
Le Christ, Dieu incarné, a sacrifié sa vie mortelle pour sauver tout l’humanité : comment rester indifférent à un tel message ? A lire saint Paul (p. e. : Cor 1,15), notre corps actuel n’est pas une prison mais mais un instrument précieux nous mettant en contact avec le monde extérieur. Le corps, qui n’est plus soumis à l’esprit, peut peser sur l’âme mais l’esprit donne cette volonté à l’âme immortelle à s’élever vers Dieu immortel et éternel, et ainsi à nous transcender, à nous transfigurer : ainsi commence la résurrection tout simplement.
De nombreux signes de résurrection ont été et sont donnés à l’homme : la vie du Christ qui peut que nous interroger au plus profond de notre cœur ; le Saint Suaire qui est ce cinquième évangile pour les scientifiques et tous les saint Thomas de la terre ; les vies de nombreux saints soit par leurs sacrifices, soit par leurs dons de voyance ou de guérison pouvant survenir après leurs morts.
Et il y a encore ces petites résurrections ordinaires, auxquelles nous ne prêtons parfois même plus attention qui sont des miracles extraordinaires et aussi tout simples, ceux de notre quotidien : une rencontre à un moment opportun, une parole juste, un geste, une écoute, une décision...soit qui peuvent redonner un sens à la vie, soit qui poussent à agir pour concrétiser le Beau et le Bien dans la vie, la sienne comme celle des autres.

Il a suffi à Augustin d’explorer son âme, sa vie pour arriver à cette conclusion qui se résume ainsi en s’adressant à Dieu, qu’il reconnaît être au cœur de toute création : « Je n’existerai donc point, mon Dieu, je n’existerais point du tout, si vous n’étiez en moi. Ou plutôt je n’existerais point si je n’étais en vous, « de qui, par qui et en qui toutes choses ont l’être. ». Oui, c’est ainsi Seigneur, Seigneur, oui c’est ainsi. » 46

La philosophie et la simple lecture de la Genèse ont conduit Augustin à une analyse intérieure qui lui permet d’accéder aux sources de la conscience et aux racines de l’être : là où Freud n’a trouvé que la prédominance du sexe 47, Augustin a, par contre, découvert Dieu en son âme. Son spiritualisme n’est pas un idéalisme car l’existence indéniable de l’âme 48 n’exclut pas la matière. La matière existe et elle est bonne en soi quand elle loue le Créateur. Nous retrouvons là un aspect que je vous ai déjà présenté avec Hildegarde de Bingen. Dieu a voulu enrichir le monde créé avec la beauté et la joie : la beauté se trouve dans un paysage, un ciel étoilé, le visage d’un enfant ou de la femme aimée, le visage d’une personne âgée et illuminée par la Présence de Dieu, par une musique harmonieuse, une poésie, un chant, une fleur, un insecte, un oiseau, un animal… Tout ceci ne peut être que des sources de joie. Oui, que de beautés à découvrir. Oui, des Psaumes peuvent chanter avec raison les merveilles de Dieu.

Unité des champs de connaissance

A la différence du thomisme outrancier, qui fera l’objet d’une prochaine présentation, selon saint Augustin, toutes les connaissances se complètent. Les disciples de Thomas d’Aquin ont trop segmenté 49 les champs de la connaissance en des disciplines variées (c’est une maladie intellectuelle de notre temps) : psychologie, métaphysique, esthétique, morale, etc. Je préfère la pensée augustinienne qui englobe tout, à celle développée par le thomisme qui tend à faire croire que la théologie soit un ordre absolument distinct des acquisitions de la seule raison.

La lecture de l’Evangile de Jean exalte Augustin par l’élan mystique qu’elle lui procure. Celle de saint Paul lui fournit les limites de l’homme ignorant Dieu et les moyens non seulement pour découvrir Dieu mais pour Le faire transparaître dans nos vies. Péché, discorde, règne de la mort sont les fruits de la dégradation humaine du Bien, de ce Bien voulu par Dieu. La véritable conversion c’est redécouvrir Dieu dans sa vie. C’est la grâce de Dieu révélée en son incarnation : Jésus Christ.

Cité de Dieu

Avant de conclure, en quelques mots car le sujet mériterait un autre exposé, il me faut parler de cette œuvre majeure souvent mentionnée et pas toujours lue.
La Cité de Dieu est une cité idéale, ayant inspiré de nombreuses utopies, je pense à Érasme ou Thomas More. Augustin invite l’homme intérieur à extérioriser son âme dans des actions au profit du bien commun : à porter des fruits. L’homme ne vit pas seul mais avec les autres à qui il doit laisser transparaître ce Dieu intérieur qui l’anime.
De ce livre de philosophie politique, le plus connu est le chapitre XIX où il démontre que les biens de la cité terrestre peuvent servir à la cité de Dieu : une exigence politique se dessine dans l’instabilité de l’histoire de l’homme sur la terre.

La quête de l’homme sur terre est une paix perpétuelle qu’il cherche même à obtenir par la guerre : les furies idéologiques et les désirs de puissance ont régulièrement fait, à cette paix pourtant désirée, des obstacles, causes de pertes humaines tragiques. Augustin propose une paix, qu’il appelle plutôt tranquillité, qui repose sur l’ordre : qui part de l’homme intérieur, c’est-à-dire que chacun d’ entre nous doit y travailler, pour « se diffuser » aux autres50. Son analyse est riche d’enseignements et il vaut la peine de le mentionner brièvement pour vous inciter à le lire.

Qu’est-ce que l’ordre de la cité selon Augustin. Cet extrait (XIX, 13) est suffisamment éloquent pour ne pas être plus développé et portez votre attention sur cette gradation progressive qui conduit à la cité de Dieu 51 :
  • « Ainsi la paix du corps, c’est le tempérament bien ordonné de ses parties ;
  • la paix de l’âme irraisonnable, le repos bien ordonné de ses appétits52 ;
  • la paix de l’âme raisonnable, l’accord bien ordonné de la connaissance et de l’action ;
  • la paix du corps et de l’âme, la vie et la santé bien ordonnée de l’être animé ;
  • la paix de l’homme mortel et de Dieu, l’obéissance dans la foi sous la loi éternelle.
  • La paix des hommes, c’est la concorde ordonnée 53 ;
  • la paix domestique, c’est entre les hôtes du même foyer, la concorde et l’ordre de l’autorité et de la soumission 54 ;
  • la paix de la cité céleste, c’est l’ordre et la concorde, une société dans la jouissance de Dieu, dans la jouissance mutuelle de tous en Dieu.
  • La paix de toutes choses, c’est la tranquillité de l’ordre. »

La paix est un fruit de la jouissance de Dieu : une joie intérieure, une paix intérieure au cœur du fidèle à Dieu. Pour la partager avec les autres, il faut la connaître en soi. Cette paix n’est pas passivité, abdication devant les forces du mal ou encore indifférence au sort d’autrui. Cette paix établit un lien autre avec la souffrance qui fait partie de le vie (les ombres de la paix). Cette paix n’exclut pas la lutte dans le monde terrestre car il faut se souvenir des paroles du Christ , dans Mathieu, 10, 32-34 : « Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, je me déclarerai moi aussi pour lui devant mon Père qui est aux cieux ; mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai moi aussi devant mon Père qui est aux cieux.
N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix mais bien le glaive. ».
Il s’agit du glaive de justice qui tranche entre les hommes de bien et les hommes serviteurs du mal : les Évangiles distinguent le « bon larron » du « mauvais larron» et il n’est pas dit que le mauvais ait été sauvé ! Satan lui-même est jugé par Dieu et il n’y a aucun doute sur son sort. Dieu est miséricordieux mais pas injuste… En effet, la paix du Christ n’est pas en ce monde qui Le refuse ou qui, pire, Le combat mais dans Son royaume, la Cité de Dieu où, tous, nous sommes appelés à y entrer pour autant que nous ne L’ayons pas renié dans nos vies !
Conclusion

Augustin cultive un art dialectique dans ses démonstrations : la thèse et l’antithèse, il ne les oppose pas mais il les accorde ou les concilie en ce qu’elles peuvent avoir de commun pour surmonter l’erreur de l’une afin de révéler le vrai de l’autre. Ainsi, il instaure un dialogue, un échange d’idées instructif pour celui qui veut réfléchir avant de formuler une opinion : chemin vers la sagesse.

Il distingue les erreurs, dues à l’ignorance du vrai et donc involontaires, des mensonges, qui sont volontaires et le fruits d’une connaissance du vrai pour dire le faux 55.

La lecture de st Augustin n’offre pas un système mais propose une démarche, sans cesse en mouvement, sans cesse perfectible, pour approcher Dieu qui se révèle à l’homme.

Il ne s’agit pas d’une théorie abstraite mais d’une quête humaine de l’existence de Dieu dans nos vies.

La mort prend dès lors un tout autre sens : ce n’est plus une fin mais la naissance à une autre dimension suprahumaine et éternelle, c’est-à-dire divine.

Notre sens et notre recherche du bonheur signalent ces traces, ces souvenirs du paradis perdu qu’il est possible de redécouvrir au moyen de notre âme.

Notre philosophe de l’âme nous ouvre à une véritable spiritualité qui respecte la personne : l’homme n’est pas un individu parmi d’autres, mais une création unique et originale, à la ressemblance de Dieu par Sa volonté et la multiplicité de Ses images, à travers la multitude des vrais croyants, signifie Sa grandeur.

Notre connaissance du vrai passe par la vue de l’âme, éclairée à la lumière de Dieu qu’est Sa Parole, exigeant donc préalablement une écoute56. L’âme est stérile si elle reste dans l’incapacité de discerner l’erreur, le mensonge et le faux du vrai car le Christ a dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. ».

Augustin préconise l’unité de toutes les connaissances car vie morale, vie intellectuelle et vie affective se tiennent ensemble et en harmonie. L’intellect se doit de ne pas ignorer le cœur.

L’esthétique est un des moyens de découvrir la beauté de Dieu dans Sa Création. La transcendance que découvre st Augustin est une invitation à chacun d’entre nous à nous dépasser pour découvrir Dieu dans notre quotidien.

Voulez-vous ne retenir qu’une phrase de cet exposé ? La voici qui résume ce qu’est la spiritualité chrétienne : L’âme de l’homme intérieur, grâce à l’intelligence du cœur et de la raison, conçoit sa pensée à la lumière de Dieu, devenu intérieur : Lumière de Vie.

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1 Lui-même n’en a pas : sa démarche invite à réfléchir, nous donne ses conclusions, parfois provisoires, mais il ne les impose pas. Lui-même les révise tout au long de sa vie. En homme de son temps, il nous livre son analyse, sa pensée : il y a beaucoup à retenir, à méditer et quelques éléments ont été revus (enfant mort sans baptême p. e.et leur sort tragique selon Augustin : ce que corrigera Benoît XVI d’ailleurs avec raison).
2 Son stoïcisme l’attire tout spécialement et le marque profondément.
3 Qui trahissent honteusement leur origine parfois : il en va de même dans une famille humaine...
4 Démonstration est faite avec Augustin que la philosophie peut conduire à la religion.
5 Surtout de nos jours !
6 Confessions : V, 10 : « J’en vins à estimer les philosophes qu’on appelle Académiciens plus sages que les autres pour avoir professé qu’il faut douter de tout et que l’homme ne peut étreindre aucune vérité. »
7 La nuit de Dieu d’un st Jean de la Croix.
8 Confessions : livre IV, chapitre 2 : « L’art de vaincre par des bavardages ».
9 Dont il ne nous reste que quelques extraits.
10 Confessions : III, 4. « « Cette lecture changea mes sentiments ; elle tourna vers vous, Seigneur, mes prières […] je désirais l’immortelle sagesse. »
11 Influence des manichéens sur la nature du mal: Confessions, V, 11.
12 La lecture de Platon lui fait conclure ce genre de raisonnement.
13 Né en le 14 avril 216, en Babylonie. Abstention de vin, de nourriture carnée et d’activité sexuelle. A mon avis, exemple d’un radicalisme typique de faux prophète très à la mode de nos jours, avec juste ce bémol : la sexualité est acceptée dans la mesure elle n’est pas un acte générateur.
14 Caractéristique propre à une secte.
15 C’est ainsi que la gnose plaît tant encore actuellement. La Franc-maçonnerie en est un exemple de nos jours : une adaptation souple aux besoins de cette quête humaine de la vérité mais la véritable question est de savoir si elle détient vraiment une vérité et laquelle ? La vérité est pour tous et non pour quelques initiés selon un message évolutif : la vérité est et ne peut pas être sujette à des gradations, pire à des variations. Elle se laisse approcher et plus le Chrétien s’approche d’elle, plus il découvre un mystère de l’infiniment grand comme de l’infiniment petit... C’est cela l’humilité chrétienne qui n’interdit pas la recherche mais reconnaît les limites humaines à la parfaite connaissance.
16 « Prends et lis ».
17 Première lecture qui s’impose aux esprits pragmatiques.
18 Notez bien que sa démarche n’est pas solitaire.
19 Présider quotidiennement la liturgie, prêches, catéchisme, défendre les pauvres devant le fisc impérial, tuteur d’orphelins, juge dans un tribunal civil, luttes contre les hérésies (donatistes, pélagiens, manichéens), abondante correspondance, rédaction d’ouvrages, nombreux voyages à dos de mulet, participation aux conciles ...
20 Je peux vous la présenter si vous le souhaitez.
21 Il lui a fallu 14 ans pour finaliser cet écrit.
22 J’ai entendu trop souvent des « cathos » de « bonne foi » (sic) nier la Trinité, voire même la résurrection  : c’est ignorer tout simplement la Foi ! Pourtant, certains d’entre eux sont chargés de transmettre la Foi… Il y a de quoi s’inquiéter quand il y a confusion entre Foi de l’Église (établie en deux millénaires) et foi personnelle (bricolage spirituel sur mesure : le « fidèle » prend ce qu’il veut, rejette ce qu’il veut et, au final, se prend pour Dieu ; une sorte de secte individuelle).
23 Augustin a écrit ce livre de 15 chapitres, en 20 ans.
24 Issue de l’Evangile de Jean principalement.
25 « Comprends pour croire ».
26 Il n’est pas ce Dieu dictateur de l’Ancien Testament et Maurice Zundel insiste sur cette particularité en parlant avec justesse de la liberté de la Foi, qui demande un consentement libre, comme de la joie de la Foi, ce don de Dieu qui réjouit l’âme.
27 Lorsque le Pape François s’insurge contre certaines formes de cléricalisme, à juste titre, il ne dit pas autre chose.
28 Hildegarde de Bingen, dont je vous ai déjà parlé, nous révèle aussi ce constat.
29 Avec le temps, il y a une accoutumance produisant cet oubli de Dieu qui produit ce que j’appelle des morts-vivants.
30 L’existence d’une famille suggère une antériorité du père et de la mère par rapport à l’enfant : or la Trinité existe depuis le commencement et il n’y a pas un de ses éléments constitutifs qui soit antérieur ou postérieur à l’autre.
31 Magnifiquement illustrée par l’icône de Roublev qu’il me faudrait vous présenter une fois .
32 Ce moyen très utile au Mal pour faire abandonner le chemin du Bien. D’où l’utilité de la prise de conscience de ses fautes et d’y remédier.
33 L’humilité intellectuelle de l’homme est là.
34 Ainsi de notre vivant, nous vivons de nombreuses « petites morts », le bébé, l’enfant, l’adolescent que nous avons été n’est plus et pourtant il né à chaque étape un être nouveau : de l’homme ancien, nous devenons l’homme nouveau.
35 C’est ceci la véritable humilité.
36 Les philosophes, même athées comme Michel Onfray, le reconnaissent. Ce qui est surprenant ! Je veux croire que derrière leur refus de Dieu, il y a une recherche qui, un jour, les conduira tout de même vers Dieu. Je regrette toutefois le mal qu’ils produisent dans les âmes faibles qui en viennent à nier l’existence de Dieu.
37 L’oubli est une forme de mort à ne pas oublier : l’oubli de Dieu est une des causes de décadence de l’Europe. Car l’homme se prend dès lors pour un dieu et croit qu’il peut faire n’importe quoi (ce qui est grave chez un chef d’État par exemple).
38 Référence à la parabole des talents, bien entendu.
39 Être réduits à des moutons de Panurge comme c’est affligeant ! Suivre le Bon Berger n’est pas courir après le premier bouc venu - qui sait revêtir les formes les plus imprévues qui soient - pour se noyer et non pour être sauvé !
40 Le Verbe, lire le prologue de l’Evangile de Jean.
41 Que les antimilitaristes m’excusent mais, pour défendre le droit et le juste, il faut exercer une force spirituelle et parfois physique. L’injustice adore les timorés et il n’en manque pas en notre temps de lâcheté.
42 Comportement vil revêtu de cette belle hypocrisie commune : « Il faut aimer ses ennemis. ». Lorsque ce précepte est faussé, c’est le moyen le plus sûr d’abdiquer devant les forces du mal en se donnant bonne conscience. Un oreiller de paresse qu’affectionnent les inactifs et qu’encouragent les manipulateurs.
43 Fruit de l’érotisation des corps au XVIIIe s. : le corps est vu comme un objet et non comme l’enveloppe d’une âme.
44 Pris au sens de Pythagore refusant le titre de « sage ». Un philosophe étymologiquement est un« ami ou désireux de la sagesse ».
45 Lire les gestes héroïques de tant de civilisations différentes.
46 Confessions, I, 2.
47 Peut-être le stade anal de sa conscience...dont on voit vite le bout car le champ est limité...
48 Aussi invisible que la pensée et pourtant la pensée existe aussi.
49 Je parlerais volontiers en terme plus prosaïque de « saucissonnage » dont je ne nie pas cependant l’utilité pour une première approche ; ensuite toutefois, il faut appréhender le vaste champ de la connaissance dans sa globalité, à la façon d’Augustin.
50 Changer soi-même au lieu de vouloir changer les autres : tout le contraire d’une dictature... la force de l’exemple.
51 Je scinde volontairement les différentes propositions pour vous faciliter la lecture.
52 L’âme irraisonnable car simple satisfaction des instincts même si modérés : boire, manger, dormir, s’abriter, se reproduire.
53 Je dirais que c’est l’harmonie.
54 A la loi éternelle de Dieu, ne pas confondre !
55 Notion à bien garder à l’esprit face à un interlocuteur dont il s’agit d’apprécier la sincérité.
56 Écouter pour voir, pour comprendre le Maître de toute sagesse. Je rappelle que la lecture se faisait à haute voix à cette époque : la lecture silencieuse est une pratique commune plus tardive.